Parsifal (Vogt-Herlitzius-Mattei-dm Nézet-Séguin-ms Girard) MET New-York

Publié le 3 Mars 2018

Parsifal (Richard Wagner)
Représentation du 27 février 2018
The Metropolitan Opera, New-York

Kundry Evelyn Herlitzius
Parsifal Klaus Florian Vogt
Amfortas Peter Mattei
Klingsor Evgeny Nikitin
Gurnemanz René Pape
Titurel Alfred Walker

Direction musicale Yannick Nézet-Séguin
Mise en scène François Girard (2012)

Coproduction Opéra National de Lyon et Canadian Opera Company

                                               Klaus Florian Vogt (Parsifal)

Créée à l'Opéra de Lyon puis au Metropolitan Opera en 2013, la mise en scène de François Girard repose sur une scénographie qui fait la part belle au pouvoir suggestif d'une imagerie vidéographique qui associe phénomènes atmosphériques et paysages planétaires aux réactions brûlantes des désirs sexuels humains.

Klaus Florian Vogt (Parsifal)

Klaus Florian Vogt (Parsifal)

Le premier acte se déroule sur une terre désolée où le monde contemporain des hommes est nettement séparé du groupe des femmes, sombre et sauvage, par une faille parcourue d'un courant d'eau, l'origine de la vie.

Ce sont de jeunes hommes qui supportent péniblement le poids d'Amfortas, et Parsifal se présente comme un individu neutre intrigué par cette communauté souffrante et sans joie.

Et pendant tout le récit de son histoire, des images planétaires en clair-obscur décrivent de splendides espaces désertiques cosmiques aux lignes arrondies comme des dunes, avant que notre imaginaire ne vienne y reconnaître les formes et les aspérités de la peau du corps d'une femme, cambrure des reins et rondeurs de la poitrine défilant lentement sous les lueurs rasantes d'un Soleil couchant.

Evelyn Herlitzius (Kundry) et Klaus Florian Vogt (Parsifal)

Evelyn Herlitzius (Kundry) et Klaus Florian Vogt (Parsifal)

Quand, à l'ultime scène, Parsifal se baisse pour toucher du doigt la faille qui serpente le long du sol, celle-ci s'éclaire d'un rouge sang magmatique et s'élargit afin de préparer l'entrée dans l'univers du second acte.

Cet acte, vivement coloré de rouge, un étang empli de sang noir cerise reflète une gigantesque faille d'où s'élèvent des vapeurs fulminantes orange carmin, représente avec évidence la puissance et la violence de la vie aussi bien du corps féminin de Kundry que des veines d'Amfortas.

Les filles-fleurs tiennent des lances à l'image de tout ce que la négativité des passions humaines peut contenir d'agressif pour l'autre, et il suffit à Parsifal, cible désignée par ces lances pointées en une seule flèche, de s'emparer de l'une d'entre elles pour détruire d'un geste, toutefois trop serein pour être crédible, ces êtres inquiétants qui sont pourtant une essence même de la vie.

Peter Mattei (Amfortas)

Peter Mattei (Amfortas)

Visuellement, la simple évocation d'une plaie béante qui couve des forces maléfiques dangereuses suffit à donner un sens fort à ce grand tableau qui ne laisse place à aucune légèreté y compris à l'arrivée des filles-fleurs.

Le dernier acte rejoint ensuite les tonalités visuelles grisâtres et crépusculaires du premier, le second acte étant, quelle que soit la mise en scène, toujours le plus coloré en réponse aux mouvements chromatiques de la musique, et à nouveau ciel orageux, phénomènes atmosphériques et scènes de survol planétaire - on pense beaucoup à Melancholia de Lars von Triers -  esthétisent le dénouement du retour à la communauté.

Parsifal revient épuisé de son errance, mais la lance, elle, est flambant neuve, et le trio resserré avec Gurnemanz et Kundry aboutit à une scène christique et un rituel oriental qui engendrent la mort douce de celle-ci et l'apparition d'une autre femme, probablement plus apaisée dans sa spiritualité, qui représente un nouvel espoir.

Evelyn Herlitzius (Kundry)

Evelyn Herlitzius (Kundry)

François Girard refuse donc un avenir sans femme, mais ne rend pas plus lisible une œuvre complexe sinon qu'il place Amfortas et sa blessure au cœur des problèmes du monde. Parsifal apparaît donc surtout comme un révélateur et non comme une conscience qui se construit.

Il en découle que Peter Mattei bénéficie en premier lieu de cette mise en avant qui démontre qu'il est encore et toujours un des interprètes masculins les plus attachants de l'univers lyrique d'aujourd'hui. Sensualité alanguie d'un timbre de voix au charme amoureux, justesse des expressions de souffrance sans le moindre effet d'affection superflu, tout en lui magnétise l'audience sans que pour autant il ne cherche à exprimer une profondeur dans la douleur qui ne fasse ressortir l'insupportable.

Klaus Florian Vogt (Parsifal)

Klaus Florian Vogt (Parsifal)

Klaus Florian Vogt, peu avantagé par la direction d'acteurs qui l'isole du monde, joue à la fois sur l'angélisme lumineux de sa voix unique que sur des couleurs plus sombres qu'il développe comme s'il cherchait à rapprocher son humanité des autres personnages.

Et Evelyn Herlitzius, pour ses débuts au MET, privilégie une intensité agressive proche de l'hystérie afin de décrire une Kundry vénéneuse, joue avec une simplicité totalement opposée à l'approche de la rédemption du dernier acte, mais réussit moins à développer l'autre face maternelle et sensuelle de cet être multiple. Ce point est cependant peu gênant car François Girard ne s'intéresse pas à ce versant du visage pourtant fondamental de cet être multiforme.

René Pape (Gurnemanz) et Klaus Florian Vogt (Parsifal)

René Pape (Gurnemanz) et Klaus Florian Vogt (Parsifal)

Quant à René Pape, bien qu'il ait perdu sensiblement en impact sonore, il veille à doter Gurnemanz d'une ligne sobre et bienveillante, et Evgeny Nikitin s'emploie à rendre le plus efficacement possible la noirceur fière et unilatérale de Klingsor.

Enfin, du Titurel d'Alfred Walker on n'entend qu'une belle voix homogène provenant des hauts de la salle.

Peter Mattei (Amfortas)

Peter Mattei (Amfortas)

Pour sa première apparition de la saison, Yannick Nézet-Séguin montre avant tout un sens de l'ornement orchestral fin et original qui souligne le souffle introspectif des vents et les tonalités sombres et ambrées des cordes.

Les élancements de cuivres et l'évanescence des cordes les plus aiguës sont en revanche perceptiblement atténués au profit d'une lenteur qui gagne en densité au second et surtout dernier acte.

Evelyn Herlitzius, Yannick Nézet-Séguin et Klaus Florian Vogt

Evelyn Herlitzius, Yannick Nézet-Séguin et Klaus Florian Vogt

Sans aucune lourdeur, mais également sans flamboyance exaltée, il crée ainsi un espace serein pour chaque chanteur comme si la musique devait être une symphonie de l'intime de bout en bout.

Chœur à l'unisson de cet univers spirituel et désenchanté, musicalement soigné.

Commenter cet article