Publié le 3 Mars 2012

Pelléas et Mélisande (Claude Debussy)
Représentation du 02 mars 2012
Opéra Bastille
 

Pelléas Stéphane Degout
Golaud Vincent Le Texier
Arkel Franz Josef Selig
Le Petit Yniold Julie Mathevet
Un Médecin, Le Berger Jérôme Varnier
Mélisande Elena Tsallagova
Geneviève Anne Sofie Von Otter

 

Direction musicale Philippe Jordan
Mise en scène Robert Wilson (1997)

 

 

                                                                                                                      Elena Tsallagova (Mélisande)

Le passage de l'Opéra Garnier à l'Opéra Bastille de la mise en scène de Pelléas et Mélisande par Robert Wilson - une initiative de Gerard Mortier à l'ouverture de sa première saison en 2004 pour déployer ainsi, dans toute leur majesté, les ondes ombreuses de la musique de Debussy – donne une importance plus grande à l'évocation orchestrale comme pour rapprocher la destinée de ce couple voué à un amour impossible de celle de Tristan et Isolde.

Et il est vrai que les réminiscences wagnériennes ne manquent pas, rien que l‘interlude qui mène de la scène de la fontaine à celle du château d’Allemonde nous rapproche du prélude du dernier acte de Parsifal.

Seulement, les amoureux de textes déclamés avec délicatesse, au creux de l’oreille, y perdent un peu, car il est difficile de recréer dans l'ample ouverture de Bastille un climat aussi intime que celui de l'Opéra Comique. Et la version  Gardiner/Braunschweig, que l'on entendit il y a deux ans dans ce théâtre ci, permit de retrouver la proximité qui rend lisibles plus sensiblement les sentiments humains.

Elena Tsallagova (Mélisande) et Stéphane Degout (Pelléas)

Elena Tsallagova (Mélisande) et Stéphane Degout (Pelléas)

Très différente, la vision de Robert Wilson se fonde sur de magnifiques impressions luminescentes - les reflets moirés bleu-vert soufflés sur un large tissu soyeux et transparent forment une image marine de toute beauté - qui esthétisent à l’extrême les noirceurs langoureuses du drame.
Ainsi, le ciel bleu profond au zénith et bleu clair à l’horizon, comme dans les toiles de Chirico, a la même tonalité irréelle que celle admirée lors d’une éclipse du soleil. 
L’analogie avec ce phénomène s‘en trouve - volontairement ou non - renforcée par le motif de l’anneau brillant qui réapparait sur le fond céleste, et qui peut être ressenti comme une allégorie de la mélancolie, cette forme sombre et mystérieuse qui masque le rayonnement vital.

Dans le même esprit, le personnage de Pelléas est présenté dans sa plus blanche pureté. Cependant, sous les traits et avec le regard de Stéphane Degout, il devient une émanation vivante, mais en moins sinistre, du Pierrot triste peint par Edward Hopper dans "Soir bleu".
Le chanteur est ainsi l'interprète d'un homme fantomatique, et l'on retrouve cette impression à l'écoute de son beau timbre homogène et dilué qui floute le contour des mots avec un charme à la fois viril et feutré.

Stéphane Degout (Pelléas)

Stéphane Degout (Pelléas)

A l‘automne 2008, Bystrouska,  la petite renarde rusée, permit à Elena Tsallagova de prendre son envol sur la scène de l’Opéra Bastille à travers un rôle vif et attachant d’une très belle finesse, et il en résulta une diffusion en direct à la télévision et sur internet.

Mélisande, rôle extrêmement sensible qui repose sur un phrasé de la langue française très poétique, ne paraissait pas du tout évident pour la jeune soprano russe.
Elle incarne pourtant une Mélisande lumineuse avec une souplesse vocale très agréable, des sonorités brillantes, tout en affichant une certaine fierté, un aplomb qui se démarque de l’image de la femme perdue et emplie de frayeurs telle qu‘on l‘imagine
Sa diction est bien compréhensible, hors petits passages accélérés, et n’a rien à envier aux interprètes françaises.

Elena Tsallagova (Mélisande)

Elena Tsallagova (Mélisande)

Mais elle est aussi absolument fascinante par son adaptation à la gestuelle contraignante de Robert Wilson. Elle arrive à se rendre très fluide et à incarner la gracieuse féminité qui contraste avec les attitudes rigides des hommes, leurs carrures étant exagérément figées par des costumes anguleux.

Lors de la scène du balcon, son chant stellaire et la limpidité de son être, en parfaite osmose avec les ondes sensuelles de l’orchestre, forment un des plus beaux moments d’émotion avec toutes ces impressions sonores et visuelles qui se rejoignent en une caresse enveloppante à donner le frisson.

 Doué de sa large voix de trépassé, Vincent Le Texier fait de Golaud un homme d’une très grande stature, comme un roi vieillissant, et il accorde du soin à la netteté du texte dans la limite que lui autorise l’épaisseur de son timbre.
Homme de théâtre, il impose aussi une présence forte et profonde à son personnage, présence qui accentue l’effet de son arrivée silencieuse, dans l’ombre totale, quand Pelléas et Mélisande se déclarent leur amour.

Elena Tsallagova (Mélisande)

Elena Tsallagova (Mélisande)

Et, comme à Madrid lors de la reprise de cette production à l’automne dernier, Franz Josef Selig incarne un Arkel d’une paisible humanité, réconfortante et pathétique qui, à la rigueur, fait passer au second plan les imperfections de diction.
La richesse émotionnelle de sa voix, quand il ne force pas dans les aigus, justifie qu’on lui confie ces rôles de grands hommes façonnés par le temps et les histoire humaines, Gurnemanz, Sarastro ou bien le Roi Marke.

Et il y a aussi un plaisir nostalgique à réentendre Anne Sofie Von Otter, elle que l’on ne voit plus souvent à l’Opéra de Paris, d’autant plus que sa Geneviève aristocrate, très claire, détaille le texte et les sonorités de chaque mot avec un art de la précision délicat.

Enfin, le médecin et le berger trouvent en Jérôme Varnier un interprète de luxe, tandis que les fragilités du Petit Yniold, joliement incarné par Julie Mathevet, se perdent sensiblement dans l’immensité de Bastille.

Vincent Le Texier (Golaud) et Stéphane Degout (Pelléas)

Vincent Le Texier (Golaud) et Stéphane Degout (Pelléas)

Tous ces artistes sont portés par la splendeur sonore de l’orchestre, la finesse merveilleuse des nervures du tissu musical, leur fusion harmonieuse avec les ambiances lumineuses, et les déliements sensuels des soli instrumentaux.
Philippe Jordan réalise, comme à son habitude lorsqu’il s’agit de musique symphonique, une magnifique recherche sur les couleurs et la lenteur, la fluidité des mouvements de respirations, et on ne peut s’empêcher de penser que ce Pelléas et Mélisande prépare le futur Parsifal qu’il dirigera cet été à Bayreuth.
Son goût du raffinement et du geste ne laisse cependant aucune place à l’urgence ou aux coups d’éclats, comme si seule comptait l’exaltation de la grâce du temps. 

Stéphane Degout (Pelléas) et Anne Sofie Von Otter (Geneviève)

Stéphane Degout (Pelléas) et Anne Sofie Von Otter (Geneviève)

Diffusion en streaming de la dernière représentation du 16 mars en direct sur medici.tv et le site de l'Opéra National de Paris, librement visualisable jusqu'au 16 juin 2012.

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Publié le 1 Mars 2012

Le diable dans le Beffroi / La chute de la maison Usher (Claude Debussy)

D'après deux nouvelles d'Edgar Poe
Représentation du 29 février 2012
Amphithéâtre Bastille (durée 1h30)

Roderick Usher Phillip Adis
Madeline Usher Valérie Condoluci
Le Médecin Alexandre Duhamel
L'Ami Damien Pass
L'Ami Alexandre Pavloff

Direction musicale et piano Jeff Cohen
Mise en scène Jean-Philippe Clarac
                       Olivier Deloeuil

 

 

                                                                                                     Valérie Condoluci (Madeline Usher)

L'hommage aux 150 ans de la naissance de Claude Debussy se déroule à l'Opéra de Paris, et plus largement dans la capitale, avec une finesse et un esprit qui compensent l'affront fait à Massenet après la redoutable  Manon vue et entendue au début de l'hiver.

En 2006, l'éditeur français Durand publia un volume comprenant notamment toutes les esquisses recueillies des deux œuvres inachevées de Debussy Le diable dans le Beffroi et La chute de la maison Usher.
Le spectacle présenté ce soir est construit sur ces fragments de partition.

La première partie est une mise en espace de la pièce de théâtre d'Edgar Poe, Le Diable dans le Beffroi, racontée et jouée par Alexandre Pavloff qui, après un début de lecture faussement monotone, nous entraîne dans une histoire délirante, délire auquel il se livre lui même, parmi les spectateurs, en jouant sur des changements de rythmes et d'intonations irrésistibles sans trop sacrifier à la clarté de la diction, et auxquels on se laisse pleurer de rire.

Les fragments musicaux de l'opéra de Debussy ne viennent se superposer à la pièce que de manière éparse, comme de petites touches vivantes et poétiques.

Phillip Addis (Roderick Usher)

Phillip Addis (Roderick Usher)

La seconde partie, la plus longue et véritablement lyrique, est une mise en scène de La Chute de la Maison Usher enrichie de quatre mélodies de Debussy, Beau soir, Le son du cor s’afflige, La chevelure, Colloque sentimental.
Un fond lumineux en arrière plan éclaire les multiples volumes d’une bibliothèque, image de l’enfermement mental de cet univers.
Phillip Adis, le Pelléas de l’Opéra Comique en 2010, joue un Roderick Usher très torturé, ce qui met volontairement mal à l’aise après la comédie précédente. Sa voix aussi se durcit lorsqu’il chante à terre.
D’ailleurs, chacun des quatre chanteurs possède son propre caractère vocal distinct, aérien et coloré pour Valérie Condoluci, franc et sonore pour Alexandre Duhamel, et d’une belle douceur charmeuse pour Damien Pass, baryton clair qui offre un très touchant moment de grâce.

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Publié le 1 Mars 2012

Dimanche 04 mars 2012 sur France 3 à 01H00
Raymonda (Glazounov).
Avec Gillot, Martinez.Dir K.Rhodes.
Ballet de l'Opéra National de Paris.
Chorégraphie Rudolf Noureev.

Dimanche 04 mars 2012 sur Arte à 19H00
Rolando Villazón présente les stars de demain

Lundi 05 mars 2012 sur Arte à 01H15
Karlheinz Stockhausen
Karlheinz Stockhausen est intimement lié à l'avant-garde musicale du XXe siècle. Portrait de l'artiste en visionnaire... et en père de la techno.

Dimanche 04 mars 2012 sur France 3 à 00H30
David Oïstrakh, un artiste du peuple.

Dimanche 11 mars 2012 sur France 3 à 00H30
Une journée avec Nemania Radulovic (Documentaire)
Symphonie n°9 de Beethoven
Orchestre National de France, direction K.Masur

Dimanche 11 mars 2012 sur Arte à 16H05
Beethoven au Japon
Le choeur des dix mille

Dimanche 11 mars 2012 sur Arte à 19H00
Renaud Capuçon et Frank Braley jouent Beethoven
Au programme de ce récital : les sonates pour violon et piano de Beethoven.

Mardi 13 mars 2012 sur France 2 à 00H30
Symphonie n°9 de Mahler
Orchestre de Paris, direction C.Eschenbach

Dimanche 18 mars 2012 sur France 3 à 00H25
Symphonie n°9 de Beethoven
Orchestre National de France, direction K.Masur

 

Dimanche 18 mars 2012 sur France 2 à 03H00
Thé ou café : invitée Marie Agnès Gillot

 

Dimanche 18 mars 2012 sur Arte à 23H55
Gustavo Dudamel au Festival de Salzbourg
 

Mardi 20 mars 2012 sur France 2 à 00H30
Nabucco (Verdi)
Avec Nucci, Matos, Kutlu, Beloselski, Poli.
Choeur et Orchestre de l'Opéra de Rome.
Direction Muti. Msc Scarpitta.

Dimanche 25 mars 2012 sur France 3 à 00H30
Brahms, Wagner, Elgar. Weilerstein (violoncelle)
Philharmonique de Berlin, direction Barenboim.

Dimanche 25 mars 2012 sur Arte à 19H00
Tomas Luis de Victoria, la musique sacrée de la Renaissance.

Mardi 27 mars 2012 sur France 2 à 00H30
Saint-Saëns, Moussorgski.
Orchestre des Jeunes Simon Bolivar, dir.Dudamel.

 

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Rédigé par David

Publié dans #TV Lyrique