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Publié le 17 Septembre 2020

Der Messias (Georg Friedrich Haendel - Wolfgang Amadeus Mozart – 1788)

Représentation du 16 septembre 2020
Théâtre des Champs-Élysées

Soprano Elena Tsallagova
Contralto Helena Rasker
Ténor Stanislas de Barbeyrac
Basse José Coca Loza
Danseur Alexis Fousekis
Comédien Max Harris
Figurante Léopoldine Richards

Direction Marc Minkowski
Mise en scène Robert Wilson (2020)

Les Musiciens du Louvre & La Philharmonia Chor Wien
Coproduction Fondation Mozarteum de Salzbourg, Festival de Salzbourg, Grand Théâtre de Genève            
                                                                                                     Stanislas de Barbeyrac

L’idée d’écrire un arrangement du Messie de Haendel (1741) fut initiée par le Baron Gottfried van Swieten, grand amateur de musique et conseiller d’État sous le règne de Joseph II, qui avait fondé la Gesellschaft der Associierten, une association de Vienne qui organisait des concerts privés d’oratorios, à une époque où les réformes religieuses voulues par l’Empereur tendaient à limiter l’empreinte de la religion catholique afin que les autres cultes, juifs et protestants notamment, puissent exister plus librement.

Elena Tsallagova

Elena Tsallagova

En 1788, Mozart prit lui-même la direction de ces concerts privés, et ayant découvert le travail de Bach et Haendel grâce à Van Swieten, il accepta de reprendre l’écriture et l’orchestration du Messie, dont il offrit une première représentation au Palais du Comte Johann Esterhazy le 06 mars 1789.

Et c’est cette version que Robert Wilson et Marc Minkowski ont choisi de mettre en scène pour le Festival Mozart de Salzbourg (Mozartwoche) dirigé par Rolando Villazon, qui est reprise au Théâtre des Champs-Élysées en ouverture de saison.

Helena Rasker

Helena Rasker

Robert Wilson a soigneusement conçu un cadre de scène unique, tout de bleu luminescent, serti par la pureté éclatante de néons blancs phosphorescents. En arrière-plan, la houle d’un fond marin est magnifiquement animée d’ondoyances qui évoquent le grand large, et les scènes illustrent avec abstraction, fantaisie et humour, les principaux tableaux de la vie du Christ, la naissance, la passion et la rédemption/résurrection.

José Coca Loza

José Coca Loza

Un danseur, Alexis Fousekis, intervient pour faire vivre l’âme libre du Messie qui inspire la joie des hommes avec faux sérieux. Mais les quatre principaux solistes incarnent des personnalités bien différentes. José Coca Loza représente une voix sévère et austère, pas très large pour une basse, mais bien conduite, qui est celle des prophéties auxquelles il correspond naturellement et visuellement par sa tenue inspirée des humbles traditions asiatiques.

Elena Tsallagova et Alexis Fousekis

Elena Tsallagova et Alexis Fousekis

Stanislas de Barbeyrac, lui, est impressionnant par son assise, la texture claire et ferme de son timbre rayonnant qui lui donne de la prestance sans qu’il ne cherche pour autant à jouer sur des semblants d’affectation. Son personnage est amusant, fortement dandy dans l’âme et joyeusement efféminé, et invite à embrasser avec allégresse la vie.

Les deux personnages féminins nous immergent en revanche dans un monde plus mystérieux : la contralto Helena Rasker chante en laissant à chaque expression le temps de résonner dans une atmosphère méditative captivante, et Elena Tsallagova, elle qui fut une sublime Mélisande dans la production de Robert Wilson toujours actuelle à l’opéra Bastille, non seulement charme par la chair lunaire sans pathos de son chant, mais aussi par un sens du drame et un talent expressif qui rendent les émotions lisibles sur son visage.

Elena Tsallagova

Elena Tsallagova

Plusieurs scènes, aux variations lumineuses soudaines, sont de véritables défis pour l’imagination de l’auditeur puisqu’elles s’inspirent de signes annonçant l’arrivée du Messie, retravaillés à des fins esthétiques énigmatiques.

Par exemple, il y a cette vision épurée d’Elena Tsallagova versant et reversant de l’eau cristalline sur le sol et sur elle-même devant la présence inerte d’un être habillé sans corps réel, sous un croissant de lune de sang stylisé en forme de météoroïde de cuivre, ou, plus loin, ce grand arc en relief qui semble aussi bien signifier la présence d’un géant que d’une voie de passage vers le surnaturel, ou bien encore ce geyser jaillissant et flottant vers le ciel, et surtout cette grande scène représentant des Icebergs qui finissent par fondre sous la chaleur engendrée par les déchaînements de la nature mais aussi les nuages atomiques.

Elena Tsallagova

Elena Tsallagova

Le danseur réapparaît humoristiquement en astronaute, comme si la quête de l’Espace céleste était portée par un élan de rédemption après que l’homme ait bêtement détruit l’équilibre de la vie sur Terre.

 

Un spectateur interrogatif pourrait voir dans cette succession d'images magnifiques et en apparence anodines une critique de la société contemporaine qui détruit son bien le plus précieux, sa planète, sans en mesurer sa beauté.

Helena Rasker

Helena Rasker

Visuellement, la scénographie devient de plus en plus belle, de plus en plus signifiante et ré interprétable, alors que dans la fosse d’orchestre Marc Minkowski et les Musiciens du Louvre quittent petit à petit la sécheresse initiale pour déployer un son de plus en plus ample et généreux, faisant ressortir tous ces petits détails de mélodies de flûtes ou de hautbois qui ajoutent une grâce innocente à la musique de Haendel. Le rythme, lui, reste toujours enlevé et le flux orchestral est contenu pour laisser la place première aux chanteurs.

Il y a même un moment où le chœur, fort de ses recherches en impact et franchise, semble reprendre le chœur annonçant le dernier tableau de La Clémence de Titus de Mozart.

Robert Wilson et Helena Rasker

Robert Wilson et Helena Rasker

Un spectacle réussi dans toutes ses composantes, qui se régénère en permanence pour offrir au spectateur un début de saison 2020/2021 qui l’enthousiasme, il ne restait donc plus à chacun qu'à recueillir l'une des roses rouges gracieusement remises à la sortie du théâtre, pour retrouver le rythme et la foi sur le chemin des scènes théâtrales et lyriques si essentielles à la nourriture spirituelle de tous!

José Coca Loza, Marc Minkowski, Elena Tsallagova, Stanislas de Barbeyrac, Helena Rasker

José Coca Loza, Marc Minkowski, Elena Tsallagova, Stanislas de Barbeyrac, Helena Rasker

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