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Publié le 29 Mars 2019

Totenfeier (Gustav Mahler) - Babi Yar (Dmitri Chostakovitch) 
Concert du 23 mars 2019
Théâtre des Champs-Elysées

Gustav Mahler Totenfeier, poème symphonique
Dmitri Chostakovitch Symphonie n°13 « Babi Yar »

Basse Mikhail Petrenko
Direction musicale Yannick Nézet-Séguin
Rotterdams Philharmonisch Orkest

Chœur du Bayerischer Rundfunk

                                               Yannick Nézet-Séguin 

Depuis l’ouverture de La Philharmonie en janvier 2015, le Théâtre des Champs-Elysées a vu progressivement plusieurs orchestres habitués de sa grande salle à l’italienne réserver dorénavant leurs concerts au nouvel auditorium parisien de l’extrême est de la capitale.

Le Rotterdams Philharmonisch Orkest fait néanmoins partie des ensembles qui restent partenaires privilégiés de ce théâtre plus que centenaire, que ce soit pour interpréter des concerts symphoniques, ou bien pour y jouer des œuvres lyriques. Et Die Frau ohne Schatten de Richard Strauss sera l’un des grands moments attendus de la saison prochaine sur l’avenue Montaigne.

Yannick Nézet-Séguin

Yannick Nézet-Séguin

Et bien que Yannick Nézet-Séguin soit depuis 2018 le nouveau directeur musical du New-York Metropolitan Opera, en charge de redonner une nouvelle aura à cette institution de référence, il est également devenu le chef honoraire de l’orchestre qu’il dirigea pendant 10 ans, ce qui permet ainsi au public parisien de continuer à profiter de la force d’âme qui émane de ce jeune chef, vif et talentueux, lorsque son itinérance le mène en France.

D’énergie sombre il est pourtant question, ce soir, à travers la Marche funèbre de Gustav Mahler, qui devint par la suite le premier mouvement de sa seconde symphonie, et à travers la treizième symphonie de Chostakovitch dont le premier mouvement, Babi Yar, évoque avec une force implacable l’un des plus grands massacres de masse antisémite de la Seconde guerre mondiale. 

Le chœur du Bayerischer Rundfunk

Le chœur du Bayerischer Rundfunk

Ainsi, dès le trémolo des cordes qui ouvre le Totenfeier, évocation immédiate de la tempête de la Walkyrie de Richard Wagner, le ton se fait d’abord brutal et écorché avant que l’ensemble du Philharmonique de Rotterdam ne se cristallise en une structure d’une belle élasticité, tonique, qui entretient très clairement plusieurs strates musicales aux timbres entrelacés, avec un relief nettement dessiné. Le volontarisme de Yannick Nézet-Séguin, fascinant d’inspiration, est le garant de la vivacité du tissu orchestral et du délié des ornements de chaque instrument à vent.

Yannick Nézet-Séguin et Mikhail Petrenko

Yannick Nézet-Séguin et Mikhail Petrenko

En seconde partie, la symphonie Babi Yar prend d’emblée l’allure d’une marche inéluctable dirigée frontalement à la salle. Immense et dressé avec défiance face aux spectateurs, le crâne chauve et le regard pénétrant, Mikhail Petrenko donne aux poèmes d’Evgueni Evtouchenko, écrits à l’âge de 30 ans, un mordant hypnotique tant la détermination du chant semble infaible. Il exprime ici la mémoire des atrocités passées, et rappelle que ce ne sont pas seulement des russes mais bien des juifs qui furent exterminés pendant la guerre; l’antisémitisme est un mal obscur qui s’immisce dans l’âme de nombre de peuples européens depuis bien des siècles. 

Le Rotterdams Philharmonisch Orkest

Le Rotterdams Philharmonisch Orkest

Le texte prend également une tournure plus légère lorsqu’il évoque des scènes de la vie quotidienne, mais la puissance de la musique, soutenue par un chœur monochrome et verveux, ne faiblit pas d’intensité. Le Philharmonique de Rotterdam se montre épique et percutant sans jamais perdre de sa souplesse et de son impulsivité, et Yannick Nézet-Séguin s’impose comme un chef d’orchestre que la monumentalité historique et humaine d’une telle œuvre n’impressionne pas, une oeuvre avec laquelle il bataille pour susciter un élan revitalisant et immuablement saisissant.

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