Publié le 22 Septembre 2008
Die Frau ohne Schatten (Richard Strauss)
Représentation du 20 septembre 2008 à l’Opéra d’Amsterdam
Der Kaiser Klaus Florian Vogt
Die Kaiserin Gabriele Fontana
Die Amme Doris Soffel
Barak der Fäber Terje Stensvold
Sein Weib Evelyn Herlitzius
Mise en scène Andreas Homoki
Direction musicale Marc Albrecht
Nederlands Philharmonic Orchestra
De Nederlandse Opera
16 ans après sa création à Genève et un passage au Théâtre du Châtelet, la production d’Andréas Homoki poursuit son parcours international.
Le monde des esprits y est figuré par une agrégation de symboles noirs sur fond blanc se concentrant en fond de scène à la manière d’un amas globulaire abritant un trou noir (on pourrait y voir une référence à l’ « Origine du Monde » de Gustave Courbet).
Les cubes jaunes du monde terrestre contrastent quand à eux avec l’idéal de la sphère des esprits.
Et enfin selon le proverbe kurde « ne lance pas la flèche qui se retournera contre toi », l’Empereur devient la cible de la malédiction. Cette malédiction est particulièrement soulignée lorsque des flèches rouges géantes acculent le Prince jusqu’à l’immobilisation totale (faut-il y voir un lien avec le Martyr de Saint Sébastien ou avec une certaine ambiguïté sexuelle ?).
Les yeux bandés, sans pouvoir, il erre à la recherche du faucon et de sa conscience.
Cette lecture qui accentue la dimension culpabilisatrice de l'oeuvre ne peut en aucun cas faire oublier le remarquable travail symbolique de Bob Wilson à Bastille beaucoup plus empreint de féminité et d’humanité, ni les astucieux changements de décors au Capitole.
C’est donc sur le plan musical que nous sommes à la fête.
Marc Albrecht et le Nederlands Philharmonic Orchestra se déchaînent en suivant une lecture dynamique, foisonnante de détails, subtile et pleine de fraîcheur quand la tension éclate.
La direction est de plus menée avec entrain et une déconcertante facilité à soulever la masse orchestrale.
En Impératrice, Gabriele Fontana révèle richesse d’intonations et d’accents et se permet même des effets coloratures au premier acte. De l’aigu facile, franc et large, au médium plus clivé, son engagement est total mais le jeu théâtral type « drame petit bourgeois » vire à l’hystérie ce qui peut fatiguer l’auditeur à la longue.
Surtout qu’ Evelyn Herlitzius en rajoute encore, Teinturière dont l’agitation permanente ne permet pas toujours d’apprécier un timbre plutôt clair, à l’impact et à l’assurance impressionnants.
Fricka de fer à Venise, mais Clairon décevante à Garnier, Doris Soffel retrouve le rôle de la Nourrice interprété un cran au dessus de l’incarnation très vivante qu’elle rendit à l’ouverture de saison du Capitole il y a tout juste deux ans.
Elle ne sur joue pas, ajuste gestes et émotions pour étrangement inspirer de très forts sentiments maternels envers l’Impératrice tout en ne lâchant rien de son autorité.
La voix est en plus d’une très grande stabilité.
Beaucoup plus terne malheureusement, Terje Stensvold ne réussit pas à rendre poignant Barak alors qu’il en a pourtant le matériau vocal.
Et comme il est une des motivations du déplacement, Klaus Florian Vogt est sans surprise impérial dans son rôle. Charme d’un timbre juvénile, luminosité d’un regard dont nous prive très vite d’un simple bandeau le metteur en scène, ce chanteur incarne idéalement la « fausse innocence ».
Cette douceur pacifiante est une des plus belles valeurs de l’opéra de notre époque.