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Publié le 16 Février 2011

La Fin. au Théâtre National de l’Odéon
Représentations du 05 et 11 février 2011

D’après Nickel Stuff. Scénario pour le cinéma de Bernard-Marie Koltès,
Le procès et le Chasseur Gracchus de Franz Kafka,
Elisabeth Costello de John Maxwell Coetzee

Mise en scène Krzysztof Warlikowski

Dramaturgie Piotr Gruszczynski
Décor et costumes Malgorzata Szczesniak
Production Nowy Teatr - Varsovie

Avec Magdalena Cielecka
Stanislawa Celinska
Maja Ostaszewska
Ewa Dalkowska
Wojciech Kalarus
Mateusz Kosciukiewic
Zygmunt Malanowicz
Magdalena Poplawska
Jacek Poniedzialek
Anna Radwan
Maciej Stuhr   

                                                                                                            Magdalena Cielecka

Krzysztof Warlikowski est un metteur en scène contemporain qui illustre le mieux ce que faire de sa vie une œuvre d’art veut dire..

Il s’agit d’un questionnement sur la manière de parler de soi à partir d’un ou plusieurs textes imbriqués les uns avec les autres, avec un style qui tire sa force envoutante de l’ambiance musicale, des effets d’espace visuels modifiés par quelques plans, de la vidéo projection et des angles d’éclairages, des torsions des corps, des silences, des douleurs et des violences, et de la séduction charnelle de la langue polonaise.

Maja Ostaszewska

Maja Ostaszewska

Après Apollonia, poignante mise en perspective du mythe du sacrifice, Krzysztof Warlikowski pose le problème de la certitude de la Fin, de la rencontre inévitable avec la mort, et donc du sens que chacun donne à sa vie pendant l’attente.

Cette vie peut être une lutte à subir la culpabilité vécue intérieurement, à travers le personnage attachant joué par Maciej Stuhr, à la fois inspiré de Joseph.K et du chasseur Gracchus - la femme à la tête de chamois en est un indice-, que l'on voit régresser et entouré d'êtres qui l'observent étrangement.

A vrai dire, ce qu'il vit est d'une opacité difficile à élucider, comme la relation avec la femme sirène (Maja Ostaszewska), et seul s’extériorise un mal être, une mise à nue qui aboutit sur un cri de rage et une volonté de paix inatteignable.

N’y a-t-il pas plus angoissant que l’idée d’une âme qui ne trouve pas sa réalisation?

Maciej Stuhr

Maciej Stuhr

Cette désorientation n’est pas nouvelle, parmi les thématiques chères au metteur en scène, Le Roi Roger avait été une autre occasion de donner forme à un questionnement spectaculairement inquiétant.

Mais dans le propos, c’est le texte de Nickel Stuff qui nous touche plus directement.
Après une ouverture sur la fascinante danse de Babylone - la souplesse corporelle de Magdalena Poplawska est l'une des plus précieuses merveilles de Krzyzstof Warlikowski -, nous sommes à genou lorsque la jeune femme pleure l'enclenchement fatal qu'a engendré l'attaque verbale de Tony à propos de ses jambes.
Car ces deux êtres seront obligés de se battre jusqu'au bout, malgré le fait qu'ils n'étaient pas faits pour se rencontrer.

On ne peut rattraper une balle, une fois qu'elle a été tirée.

La pièce de Koltès est jalonnée de frappes verbales sur la tendance de l'homme à trouver sens dans un médiocre conformisme, dans la victoire aux concours, dans l'acceptation des hiérarchies sociales, mais aussi dans un idéalisme universel tel que le rêve le jeune homme incarné par Mateusz Kosciukiewicz.

Magdalena Cielecka et Krzysztof Warlikowski

Magdalena Cielecka et Krzysztof Warlikowski

Et ici encore, les femmes deviennent d’étranges créatures sophistiquées, presque supérieures, alors que les hommes n’ont que des rôles peu rutilants, comme dans le cinéma de Pedro Almodovar.
L’obsession de la relation à la mère revient également sous une forme très intimiste.

Et après la violence de la vie que décrit Koltès, la seconde partie s’axe sur La porte, la huitième leçon d’Elisabeth Costello - J.M Coetzee est un autre auteur fétiche de Warlikowski déjà utilisé dans Apollonia-, lorsque Ewa Dalkowska bute sur le juge au moment de passer le seuil du paradis. Les justifications n’ont aucun sens face au mystère de la vie totalement assumée, jusqu’au constat qu’il arrive à chacun de nous, comme au juge, d’être totalement déboussolé.

Pourquoi tout ce théâtre? Peut être pour accroitre notre lucidité et ne pas perdre prise avec la vie dans ce qu‘elle a de plus essentiel.

Ewa Dalkowska et Krzysztof Warlikowski

Ewa Dalkowska et Krzysztof Warlikowski

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