Dialogues des Carmélites (Petibon-Koch-Gens-Devieilhe-de Barbeyrac-von Otter-Py-Rhorer) Champs-Elysées

Publié le 12 Février 2018

Dialogues des Carmélites (Francis Poulenc)
Représentation du 07 février 2018
Théâtre des Champs-Élysées

Blanche de la Force Patricia Petibon 
Mère Marie de l’Incarnation Sophie Koch 
Madame Lidoine Véronique Gens

Sœur Constance Sabine Devieilhe 
Madame de Croissy Anne Sofie von Otter 
Le Chevalier de la Force Stanislas de Barbeyrac 
Le Marquis de la Force Nicolas Cavallier 
Mère Jeanne de l’Enfant Jésus Sarah Jouffroy 
Sœur Mathilde Lucie Roche 
Le Père confesseur du couvent François Piolino 
Le premier commissaire Enguerrand de Hys 
Le second commissaire Arnaud Richard
Le médecin, le geôlier Matthieu Lécroart 

Direction musicale Jérémie Rhorer                               Véronique Gens (Madame Lidoine)
Mise en scène Olivier Py
Orchestre National de France
Chœur du Théâtre des Champs-Elysées
Ensemble Aedes

Michel Franck, le directeur du Théâtre des Champs-Élysées, confiait l'année dernière à ces abonnés qu'il avait hésité à rejouer Dialogues des Carmélites dans la production d'Olivier Py, tant son interprétation en décembre 2013 avait marqué les esprits.

Sabine Devieilhe (Sœur Constance) et Patricia Petibon (Blanche de la Force)

Sabine Devieilhe (Sœur Constance) et Patricia Petibon (Blanche de la Force)

En effet, la volonté du metteur en scène d'unir deux de ses univers personnels, la foi et le théâtre, aurait pu aboutir à une surcharge baroque, mais en ce théâtre de l'avenue Montaigne, c'est un spectacle d'une fluidité cinématographique lisible, souvent noir-de-gris mais riche en contrastes d'ombres et de lumières, qui se déroule en passant d'un monde à un autre à travers des scènes visuellement très fortes : la chambre mortuaire de la prieure, terrifiante dans sa solitude, les évocations de tableaux religieux à partir de symboles simples et naïfs découpés dans un bois pâle, la forêt et ses mystères, ou bien l'envol final des âmes vers l'infini de l'univers.

Anne Sofie von Otter (Madame de Croissy)

Anne Sofie von Otter (Madame de Croissy)

Et la distribution réunie pour cette reprise, un mois après les représentations bruxelloises, offre à nouveau un ensemble de portraits vocaux qui particularise clairement chaque personnalité.

Sophie Koch, en mère Marie, représente la fermeté, un timbre mat et une projection homogène d'un affront autoritaire un peu dur mais naturellement noble, Véronique Gens, en Madame Lidoine, laisse transparaître plus de sensibilité et de doute, mais rejoint également la sévérité de Marie, et Anne Sofie von Otter, surprenante madame de Croissy à l'aigu clair et chantant, retrouve dans les graves ce grain vibrant qui la rapproche si intimement de notre cœur.

Ce balancement vocal entre lumière d'espoir et sursauts de peur a alors pour effet d'adoucir l'effroi radical qui émane habituellement de la première prieure.

Sophie Koch (Mère Marie de l’Incarnation) et Patricia Petibon (Blanche de la Force)

Sophie Koch (Mère Marie de l’Incarnation) et Patricia Petibon (Blanche de la Force)

Les deux plus jeunes femmes, sœur Constance et Blanche-de-la-Force, rappellent naturellement d'autres portraits de sœurs ou cousines fort liées mais aux tempéraments opposés. Sabine Devieilhe joue ainsi une personnalité pleine d'élan piquant et exalté avec l'entière fraicheur pure d'une voix venue d'un ciel sans nuage.

Et Patricia Petibon, lunaire et hors du temps, incarne de façon plus complexe une innocente et enfantine Blanche, comme si sa force intérieure s'imposait avec une sincérité totalement désarmante. Très grande impression de conscience humaine par ailleurs dans son dialogue avec Constance.

Nicolas Cavallier (Le Marquis de la Force)

Nicolas Cavallier (Le Marquis de la Force)

Quant aux rôles masculins, entièrement renouvelés, ils bénéficient de deux grands représentants du chant français racé, Stanislas de Barbeyrac, mature et d'une stature sérieuse qui inspire un sens du devoir fortement affirmé, et Nicolas Cavallier, dans une veine semblable mais d'une tessiture plus sombre.

Pour réussir à ce point à immerger l'auditeur dans un univers sonore stimulant, recouvrir de couleurs superbement chatoyantes le tissu orchestral, tout en atteignant une fluidité saisissante qui rejoint l'inspiration musicale mystique d'un Modest Moussorgsky, l'Orchestre National de France et Jérémie Rhorer semblent comme emportés par un geste réflexif voué à une beauté élancée et des effets d'envoutement inoubliables.

Stanislas de Barbeyrac (Le Chevalier de la Force)

Stanislas de Barbeyrac (Le Chevalier de la Force)

Et le chœur du théâtre associé à l'ensemble Aedes, ne fait qu'ajouter élégie et sérénité à cette composition impossible à abandonner un seul instant.

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C
Je retrouve dans votre article, les impressions inoubliables d'un spectacle si abouti qu'on en sort ému, sonné et en même temps heureux de l'expérience vécue. Du grand Art !
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