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Publié le 7 Mars 2015

Le Chant de la Terre – Das Lied von der Erde (Gustav Mahler)
Représentation du 06 mars 2015

Palais Garnier

PROLOGUE  Dorothée Gilbert, Sae Eun Park, Mathieu Ganio, Vincent Chaillet
2 Hommes 1er mouvement  Mathieu Ganio, Vincent Chaillet
3 Couples solistes  Sae Eun Park, Léonore Baulac, Juliette Hilaire, Fabien Revillion, Marc Moreau, Alexis Renaud
COUPLE 2è mouvement  Dorothée Gilbert, Mathieu Ganio
HOMME 3è mouvement  Mathieu Ganio
COUPLE 3è mouvement  Léonore Baulac, Fabien Revillion
TRIO 4è mouvement  Sae Eun Park, Juliette Hilaire, Vincent Chaillet
5è mouvement  Nolwenn Daniel, Marc Moreau, Karl Paquette
TRIO 6è mouvement  Dorothée Gilbert, Mathieu Ganio, Vincent Chaillet

Ténor Burkhard Fritz
Baryton Paul Armin Edelmann
                                                                                        
Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio
Chorégraphie John Neumeier              
Direction musicale Patrick Lange

Ballet de l'Opéra National de Paris

Das Lied von der Erde est une œuvre qui marque la renaissance créative de Gustav Mahler à quelques années de la fin de sa vie. La découverte de Die chinesische Flöte ("La Flûte chinoise"), le nouveau livre de Hans Bethge – un poète allemand fasciné par la culture orientale -, devient pour lui une source d’inspiration et de ressourcement.

Il en extrait six poèmes, tous réadaptés d’écrivains de la période Tang (VIIIème siècle Après J.C), et compose une musique qui puisse traduire son envie de retrouver un goût pour la vie alors que la mort approche.

Vincent Chaillet

Vincent Chaillet

La traduction scénique qu’en fait John Neumeier pour la grande salle du Palais Garnier est d’une symbolique très lisible. Un fantastique disque surplombe l’arrière scène, évoquant une Terre ombrée ceinte du fin liseré bleu de son atmosphère, et qui change de couleurs métalliques au fur et à mesure que la noirceur dépressive se transforme en états d’âme joyeux.

Un jeune homme, Mathieu Ganio, se remémore sa jeunesse, son ami d’enfance, incarné par Vincent Chaillet, leur tendresse, et leur distance lorsque le premier se laisse séduire par une femme pour plonger dans une vie normée à l’instar des autres couples qu’il côtoie.
Le second, lui, reste en retrait, fidèle à ses sentiments, mais réapparaît à plusieurs reprises comme les réminiscences de cette amitié passée.

Mathieu Ganio et Sae Eun Park

Mathieu Ganio et Sae Eun Park

Une cérémonie orientale se déroule en arrière-plan, sur les tons rouges et orangés d’un soleil couchant, et la simplicité de ce rituel se retrouve dans la chorégraphie de John Neumeier. Un certain formalisme dans les rapports entre les êtres, une fluidité qui bannit la moindre tension, une opposition nette avec la culture occidentale qui est cependant évoquée quand les jeunes danseurs apparaissent en costumes de cowboys.
Le groupe de danseurs masculins est beau à voir, bien que rien ne surprenne, et les pas dans les duos masculin-féminin et masculin-masculin créent des rapports effleurant plein de non-dits.

Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio

Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio

Et le final, magnifique sur la disparition progressive du soleil, se conclut par un long silence que le public respectera autant que ceux qui ponctuent les changements de scène au cours de la représentation.

Cependant, malgré l'orchestration enchanteresse de Gustav Mahler, ce spectacle manque de souffle par la trop grande précaution réservée à l’interprétation musicale et vocale.

Patrick Lange ne semble à aucun moment vouloir libérer l’énergie exaltée de l’orchestre, tout est mesuré, dépressif et intimiste jusqu’au-boutiste, purement poétique, et sans romantisme.

Mathieu Ganio et Vincent Chaillet

Mathieu Ganio et Vincent Chaillet

Burkhard Fritz, le Parsifal de Bayreuth 2012 dans la dernière reprise de la production de Stefan Hereim, est malheureusement sans séduction, bien que vaillant, et seul Paul Armin Edelmann apporte un peu de chaleur humaine et une dimension vocale à la hauteur du désespoir qui lutte en musique.

Les danseurs principaux sont irréprochables, excellent Vincent Chaillet dans son personnage noir et introspectif, Mathieu Ganio et son éternelle innocence, Dorothée Gilbert fine et joliment souriante, Sae Eun Park idéalement mystérieuse.
Se ressent cependant un petit manque de conviction parmi les ensembles de danseurs.

Le Chant de la Terre (Neumeier-Gilbert-Chaillet-Ganio-Park) Garnier

C’est donc un spectacle qu’il faudra revoir à sa reprise avec toute la flamme humaine que sa musique et son chant peuvent induire sur la danse.

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Publié le 21 Février 2014

Ballet de l’Opéra (Cullberg / de Mille)
Séance de travail du 18 février 2014 et représentation du 22 février 2014
Palais Garnier

Fall River Legend (Agnes de Mille)

L'Accusée Alice Renavand
Sa Belle-Mère Stéphanie Romberg
Le Pasteur Vincent Chaillet
La Mère Laurence Laffon
Le Père Christophe Duquenne
L'accusée enfant Léonore Baulac

Décors Olivier Smith
Costumes Miles White
Musique Morton Gould


Mademoiselle Julie (Birgit Cullberg)
Entrée au répertoire

Mademoiselle Julie Aurélie Dupont
Jean Nicolas Le Riche
Christine Amélie Lamoureux
Le fiancé de Julie Alessio Carbone
Le Père de Julie Michaël Denard
Clara Charlotte Ranson
Trois Vieilles femmes Andrey Klemm,

Richard Wilk, Jean-Christophe Guerri         Aurélie Dupont (Julie) et Nicolas Le Riche (Jean)
                                                                     
Décors et costumes Sven X:ET Erixson
Musique Ture Rangström (Musique orchestrée par Hans Grossmann)

Direction musicale Koen Kessels

Birgit Ragnhild Cullberg, épouse de l’un des comédiens d’Ingmar Bergman, Anders Ek, et mère du chorégraphe Mats Ek, était une figure majeure de la vie culturelle suédoise qui s’était engagée totalement dans la lutte contre le nazisme.

Alice Renavand (L'Accusée)

Alice Renavand (L'Accusée)

Le 1er mars 1950, elle créa Mademoiselle Julie au Riksteatern de Västerås, une des plus grandes villes de Suède. Le ballet est inspiré d’une nouvelle d’August Strindberg, Mademoiselle Julie (1888), dont l’expressionisme ne pouvait que retrouver les influences artistiques allemandes de la chorégraphe.

L’œuvre sera ensuite interprétée pour la première fois à New York par l’American Ballet Theater, en 1958.
 

Une autre chorégraphe, New Yorkaise cette fois, collaborait déjà avec cette compagnie depuis 1939 : Agnes George de Mille.

Elle aussi avait des liens forts avec le milieu du théâtre, et elle était la nièce du producteur et réalisateur Cecil B. DeMille, dont sa seconde version des ‘Dix Commandements’ (1956) est encore aujourd’hui un des films les plus populaires jamais réalisé.

En 1948, Agnes de Mille créa pour l’American Ballet Theater, sur la musique de Morton Gould, Fall River Legend, une chorégraphie qui s’inspirait de la vie de Lizzie Borden, une femme vivant à Fall River (Massachussetts), accusée du meurtre épouvantable de son père et de sa belle-mère, et qui fut acquittée, les preuves n’ayant pas été formellement établies.

                                                                                            Alice Renavand (L'Accusée)

Ce sont ces deux ouvrages représentatifs de deux ballets modernes d’après-guerre que l’Opéra National de Paris réunit pour la première fois sur les planches du Palais Garnier.

Toutefois, Fall River Legend fut monté à deux reprises dans les années 90.

Pour cette chorégraphie, le décor unique d’Olivier Smith – un peintre - représente la demeure des Borden sur fond de ciel tourmenté comme en état de guerre. Et cette violence visuelle se retrouve dans la musique de Morton Gould, tranchante comme dans les films d’Alfred Hitchcock, sauf quand il s’agit de décrire les souvenirs harmonieux de la vie de jeunesse de Lizzie.

Alice Renavand (L'Accusée)

Alice Renavand (L'Accusée)

Dans cette version qui s’éloigne des faits réels, Lizzie est amoureuse d’un pasteur. Seulement, sa belle-mère l’a calomniée auprès de cet homme, rendant cet amour impossible.

Elle est finalement condamnée pour le double-meurtre (la sanction finale est représentée d’une façon absolument saisissante).

Les sonorités cuivrées, teintées poétiquement de subtils motifs par les instruments à vents, créent une tension supplémentaire au moindre geste des danseurs, et la musique entière se fond à une chorégraphie qui dépeint à la fois la légèreté et la fragilité des êtres, la simplicité de chacune de leurs expressions, comme leurs tourments intérieurs les plus profonds.

Alice Renavand (L'Accusée)

Alice Renavand (L'Accusée)

Il y a à la fois un naturel et une évidente fluidité qui parlent directement à chacun de nous.

On pense beaucoup au Romeo et Juliette de Prokofiev chorégraphié par Rudolf Noureev, dont on ne peut que constater la similitude expressive influencée par l’âme de Broadway.

Alice Renavand, nouvelle Etoile, rend lisible toute la sobre tristesse de l’héroïne, tout en affichant un détachement séducteur.

Seul petit reproche, l’introduction récitée en français par un comédien s’écarte de la tonalité américaine du spectacle.

Ouverture de Mademoiselle Julie

Ouverture de Mademoiselle Julie

La seconde partie de soirée s’ouvre alors sur la découverte de Mademoiselle Julie, dans sa production d’origine à l’instar de Fall River Legend.

A nouveau, le créateur des décors est un peintre, Sven X:ET Erixson. On peut voir dans la grande salle principale un ensemble de portraits de famille colorés et drôlement caricaturés, et, au loin, à travers une porte ouverte, s’étend l’horizon qui mène à une mer surmontée d’un bateau au dessin amusamment naïf.

Aurélie Dupont (Julie)

Aurélie Dupont (Julie)

Aurélie Dupont survient alors, dans un de ses derniers rôles à l’Opéra de Paris. Elle est tout, la femme hautaine au regard un peu froid mais séducteur, en apparence sûre d’elle-même, et c’est son drame, extrêmement intériorisé qui, petit à petit, se lit dans la désespérance du geste, après une scène de charme qui apparaît comme un jeu extraordinairement sincère.

Nicolas Le Riche ne lui laisse en fait aucune chance. Il a un magnétisme masculin sauvage qui laisse ressortir une supériorité animale au-delà de son simple statut de serviteur, une superbe gracilité – voir son arrivée tournoyante dans la dernière scène – et tout le duo de séduction avec Julie est un immense moment de sensualité un peu pervers.
Il y a de l’élégance dans cette chorégraphie, mais aussi de magnifiques poses expressives et éphémères.

Nicolas Le Riche (Jean) et Amélie Lamoureux (Christine)

Nicolas Le Riche (Jean) et Amélie Lamoureux (Christine)

La musique de Ture Rangström n’a pas le caractère violent de Fall River Legend, mais elle a la même immédiateté, le même pouvoir de suggestion intime, et une force descriptive plus mystérieuse et lyrique.

On pense alors à la musique de Georges Bizet quand elle subjugue la passion amoureuse de Don José pour Carmen : mêmes emportements, même grâce, et mêmes illusions.

Mais Mademoiselle Julie est aussi un ballet qui rend une âme aux groupes de petites gens, qu'ils soient les villageois du hameau natal de Jean, pleins d’entrain et de joie spontanée, ou bien les revenants de la famille de Julie dansant sous des lumières qui enchantent leurs costumes.

Aurélie Dupont (Julie)

Aurélie Dupont (Julie)

Avec ces deux ballets où la danse, le théâtre, la musique, les décors et costumes s’allient pour faire vivre deux drames qui interrogent notre propre psyché, l’Opéra National de Paris signe un des grands moments de sa saison chorégraphique.

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