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Publié le 13 Octobre 2020

Rudolf Noureev (extraits de ballets chorégraphiés entre 1979 et 1989)
Représentation du 12 octobre 2020
Palais Garnier

Tchaïkovski
Casse-noisette – Adages de l’acte I et de l’acte II
Dorothée Gilbert, Paul Marque

Prokofiev
Cendrillon Adage du tabouret
Alice Renavand, Florent Magnenet

Prokofiev
Roméo et Juliette – Pas de deux du balcon
Myriam Ould-Braham, Germain Louvet
(ci contre)

Minkus
Don Quichotte – Pas de deux de l’acte III
Valentine Colasante, Francesco Mura

Tchaïkovski
Le Lac des cygnes – Pas de deux de l’acte II
Amandine Albisson, Audric Bezard

Tchaïkovski / Noureev
Manfred – Variation du poète, extrait du 4e tableau
Mathias Heymann

Tchaïkovski
La belle au bois dormant – Pas de deux de l’acte III
Léonore Baulac, Germain Louvet

Musiques enregistrées

La montée en puissance des artistes de l’Opéra de Paris se confirme depuis la reprise des représentations, et la série de ballets classiques et contemporains programmés en octobre et novembre s’inscrit dans la même dynamique que celle suivie par les musiciens et choristes.

Le programme imaginé ce soir rend hommage au danseur et chorégraphe Tatare Rudolf Noureev, et évoque principalement sa période passée à la direction du ballet de septembre 1983 à juillet 1989.

Dorothée Gilbert et Paul Marque (Casse-Noisette)

Dorothée Gilbert et Paul Marque (Casse-Noisette)

Entré au Palais Garnier lors de la répétition générale de La belle au bois dormant le 15 mai 1961, la veille de sa demande d'asile politique à l'aéroport du Bourget, Rudolf Noureev reçoit en 1973 une proposition de l’Opéra pour diriger la troupe. Mais comme il exige de pouvoir danser partout dans le monde dans le même temps, le projet est une première fois abandonné.

Le 20 novembre 1979, il chorégraphie au Palais des Sports, et pour le ballet de l’Opéra de Paris, Manfred, une allusion à la vie de Byron chorégraphiée sur une musique de TchaïkovskiNoureev interprète le rôle du poète. Il remontera sa création au Palais Garnier en 1986.

Puis, le 06 mars 1981, il présente sa chorégraphie de Don Quichotte inspirée de Marius Petipa qu’il avait montée pour l’Opéra de Vienne en 1966, tout en reprenant le rôle de Basilio qu’il dansait depuis l’âge de 21 ans lorsqu’il faisait partie de la troupe du Kirov à Leningrad.

Alice Renavand et Florent Magnenet (Cendrillon)

Alice Renavand et Florent Magnenet (Cendrillon)

Lors de sa première saison en tant que directeur, inaugurée avec Raymonda – ballet non représenté ce soir -, l’impulsivité de Rudolf Noureev entre rapidement en conflit avec la maison et ses règles. Et l’on entend des échanges d’une virulence qui se révèle toujours d’actualité.

Il présente alors, en octobre 1984, la chorégraphie de Roméo et Juliette, sur la musique de Prokofiev, qu’il avait créée pour Londres en 1977 et présentée l’année suivante au Palais des Sports.

Le rôle de Juliette est celui d’une révoltée. Mais ce fantastique spectacle aux contours cinématographiques est mal accueilli ce qui incite le ballet à rappeler qu’il existe déjà la version soviétique de Bourmeister dans la maison.

Sous le coup des grèves, Noureev se concilie pourtant le corps de ballet et présente sa propre version du Lac des Cygnes en décembre 1984 (créée une première fois en 1964 à Vienne d’après Petipa) qui étoffe le personnage du Prince. Et la saison d’après, la reprise de l’ancienne version de Bourmeister rallie définitivement tous les danseurs à sa propre version.

Dorothée Gilbert et Paul Marque (Casse-Noisette)

Dorothée Gilbert et Paul Marque (Casse-Noisette)

La création de Casse-Noisette, le 19 décembre 1985, va ensuite déclencher la surprise du public de par l’originalité de sa conception – travaillée une première fois en 1967 pour Stockholm, puis en 1979 pour Berlin – axée sur l’imaginaire de Clara. La production est filmée en studio en 1988 et est toujours facilement accessible aujourd'hui.

Pour sa quatrième saison, il propose en création mondiale, le 25 octobre 1986, une chorégraphie de Cendrillon sur la musique de Prokofiev. Cette partition achevée en 1944 n’avait jamais été jouée à l’Opéra de Paris, et les références hollywoodiennes de Noureev initient une saison profondément américaine.

Valentine Colasante et Francesco Mura (Don Quichotte)

Valentine Colasante et Francesco Mura (Don Quichotte)

Après une cinquième saison marquée par beaucoup de reprises, Rudolf perd la danseuse dont il était si fier, Sylvie Guilhem, partie pour Londres, et s’apprête à présenter le jour de son anniversaire, le 17 mars 1989, sa version de La belle au bois dormant dont le dessin, resté proche de l’original de Petipa, valorise mieux les danses masculines. Mais c’est également jour de grève contre le projet de loi instaurant un diplôme d’État de professeur de danse.

Cependant, l’ouverture de l’Opéra Bastille se profile, et le Palais Garnier s’apprête à devenir le lieux principalement dédié aux ballets.

Amandine Albisson et Audric Bezard (Le lac des Cygnes)

Amandine Albisson et Audric Bezard (Le lac des Cygnes)

Pour faire revivre ces moments forts de la danse classique, la distribution réunie ce soir est une véritable occasion pour les spectateurs d’admirer les qualités artistiques et, surtout, les personnalités de quelques grands danseurs du corps de ballet, afin d’identifier de quels caractères ils se sentent chacun le plus proche.

Ainsi, dans les extraits de Casse-noisette, Dorothée Gilbert fait de Clara une adolescente mure, souriante mais à la main de fer, plus proche d’une femme très sûre de la destinée qu’elle dirige, alors que Paul Marque, au regard rusé, est la droiture même.

Puis, dans Cendrillon, Alice Renavand est une merveille de souplesse avec des cambrés d’une courbure incroyable, parcourue par une évanescence dans les mouvements de bras ondulants qui lui donne une légèreté à ravir Florent Magnenet, partenaire chaleureux d’une présence directe et sincère bienveillante.

Mathias Heymann (Manfred)

Mathias Heymann (Manfred)

Avec Myriam Ould-Braham, Juliette apparaît telle une adolescente éperdue au sourire frais, et mue par une grâce dynamique ravissante qui s’allie fort bien avec la nature féminine de Germain Louvet, une vision iconique du prince charmant qu’il aime animer comme si la vie était toujours belle, même pour Roméo.

Surviennent alors Valentine Colasante et Francesco Mura qui tous deux interprètent le duo entre Kitri et Basilio avec un panache et une assurance éclatante redoutablement efficace, à la manière d’un show festif, tout en créant un effet à la fois piqué et réjouissant à admirer.

Léonore Baulac et Germain Louvet (La belle au bois dormant)

Léonore Baulac et Germain Louvet (La belle au bois dormant)

A l’inverse, le pas de deux du Lac des Cygnes entre Amandine Albisson et Audric Bezard débute dans l’observation, la mélancolie diffuse. Une lente progressivité s’installe dans leur duo qui, sans qu’on ne le sente venir, attire de plus en plus le spectateur dans leur relation délicate et les moindres gestes subtils qui font de ce court tableau un portrait du sentiment indicible. Et c’est au moment où la musique s’arrête que l’on prend conscience du transport qui s’est opéré.

C’est ensuite un véritable souffle coupé qui accompagne l’arrivée de Mathias Heymann qui offre une description tourmentée et profondément expressive du poète de Manfred. Toute la musculature et les courbures de ce danseur absolument unique sont vouées à décrire les tensions intérieures et semblent comme modeler l’homme sous les yeux du public. Une beauté crépusculaire.

Les danseurs avec au premier plan Valentine Colasante et Francesco Mura

Les danseurs avec au premier plan Valentine Colasante et Francesco Mura

Et l’on retrouve dans un registre plus étincelant et léger Germain Louvet qui est associé cette fois à Léonore Baulac dont l’apparente fragilité se double d’une luminosité impressionnante, ce qui permet à tous deux d’achever avec La belle au bois dormant sur une touche resplendissante qui finit par englober l’ensemble des danseurs lors du salut final.

La salle est pleine ce soir, ce qui montre l’attachement du public habituel ou passager à une troupe dont le talent attend dorénavant de retrouver de plus grands espaces.

Mathias Heymann, Léonore Baulac et Germain Louvet

Mathias Heymann, Léonore Baulac et Germain Louvet

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Publié le 4 Juillet 2016

William Forsythe
Pré-Générale du 01 juillet 2016 et représentation du 05 juillet 2016
Palais Garnier

Of Any If And (1995 – Frankfurt)
Entrée au répertoire
Musique Thom Willems
Danseurs Léonore Baulac
                  Adrien Couvez

Approximate Sonata (1996 – Frankfurt)
Entrée au répertoire de l’Opéra de Paris en 2006
Nouvelle version
Musique Thom Willems
1er couple  Alice Renavand
            Adrien Couvez

2ème couple Hannah O'Neill
            Fabien Revillion

3ème couple Eleonora Abbagnato
            Alessio Carbone

4ème couple Marie-Agnès Gillot
            Audric Bezard

Blake Works I (2016 – Paris)
Création                                                                                Pablo Legasa
Musique James Blake
Danseurs Ludmila Pagliero, Léonore Baulac, Fanny Gorse, Sylvia-Cristelle Saint-Martin, Lydie Vareilhes, Laure-Adélaïde Boucaud, Roxane Stojanov, Camille Bon, Eugénie Drion, Marion Gautier de Charnacé, Clémence Gross, Amélie Joannidès, Caroline Osmont, François Alu, Hugo Marchand, Germain Louvet, Jérémy-Loup Quer, Simon Valastro, Grégory Gaillard, Pablo Legasa, Paul Marque, Maxime Thomas

Les danseurs et danseuses du Corps de Ballet et William Forsythe

Les danseurs et danseuses du Corps de Ballet et William Forsythe

Texte parlé, interprété d’une diction mécanique froide et stylisée par deux récitants assis dans l’ombre du fond de scène, l’ouverture de ‘Of Any If And’ évoque la musique répétitive d’’Einstein on the Beach’, l’œuvre culte de Philip Glass.

Plateau désert, avec un effet de vide créé par l’absence de lumière sur les pourtours du plateau plongés dans le noir, une immense plaque provenant du plafond resserre l’espace en réduisant l’impression de petitesse du couple par rapport à la scène.

Léonore Baulac - Of Any If And

Léonore Baulac - Of Any If And

Ce premier ballet est une démonstration technique où les corps se laissent glisser au sol, perdent et reprennent prise en dégageant tout ce que les muscles peuvent emprunter de souplesse à l’animal, comme si un profond mouvement intérieur prenait forme pour s’emparer d’eux.

Les deux jeunes solistes, Léonore Baulac et Adrien Couvez, sont pris dans un jeu fascinant de maîtrise, mais paraissent aussi quelque peu indifférents dans l’expression d’émotions profondes, comme si leurs mondes personnels ne se rejoignaient pas totalement.

Adrien Couvez - Of Any If And

Adrien Couvez - Of Any If And

Ce sont donc deux individualités autonomes, détachées de toute attraction fusionnelle, tableau qui peut être perçu comme une scène de séduction issue de  'West Side Story', mais couverte par un lancinant rapport de force.

Plus ludique et légère, mais tout aussi complexe et impliquant quatre couples de danseurs, ‘Approximata Sonata’ est un réarrangement de la chorégraphie que William Forsythe présenta à Garnier en 2006.

Fabien Revillion - Approximata Sonata

Fabien Revillion - Approximata Sonata

Costumes flashy évoquant une scène de répétition, ampleur majestueuse des gestes des bras aux réminiscences classiques, une sourde concurrence s’établit du point de vue du spectateur qui, intuitivement, est amené à accrocher son regard sur le couple dont émane l’harmonie qui le touchera le plus. Alice Renavand, furtive et magicienne des poses sophistiquées, Fabien Revillion, l'insouciance sérieuse et joyeuse, pour ne citer qu'eux.

Et la musique enregistrée de Thorn Willems, cinématographique dans le premier ballet, mystérieuse et intimiste dans le second, prend une part déterminante au climat de ces deux pièces.

Blake Works I

Blake Works I

La troisième partie de soirée permet alors à un ensemble de 22 danseurs d’interpréter la dernière création de William Forsythe pour l’Opéra de Paris, ‘Blake Works I’.

Sa chorégraphie est une euphorisante envolée où la vivacité et le piqué des pas laissent deviner, en filigrane, une influence des techniques classiques remodelées et affûtées pour servir une esthétique du mouvement d’un très grand impact visuel.

Pablo Legasa - Blake Works I

Pablo Legasa - Blake Works I

Et une fois passée l'introduction faussement classique par le groupe au complet, le jeune danseur Pablo Legasa, évoque par son charme juvénile et féminin une incarnation du ‘Tadzio’ idéalisé de Thomas Mann, et se livre de façon impressionnante à des jeux de poses et de déhanchés statiques d’une délicatesse inédite rien que pour le plaisir de l’étonnement.

Sur la musique de James Blake, habituellement jazz-soul mais ici plus entrainante, la scène du Palais Garnier prend des allures de dancefloor, les solistes se faufilent à l’indienne, et s’élancent dans une inertie de mouvement jubilatoire et merveilleuse de précision, des étoiles plein les yeux.

Pablo Legasa - Blake Works I

Pablo Legasa - Blake Works I

Tous magnifiques de cohésion et rayonnants d'une joie communiante, certains, tel Hugo Marchand, ont même leur propre passage en solo qui permette de laisser porter tout le plaisir du regard sur un danseur à l'énergie subtilement glamour.

Ainsi, en une soirée et trois pièces, nous sommes passés d’un univers glacé et post-moderne, à un renouveau jaillissant et plein de vie réjouissant qui aurait pu durer jusqu'à la nuit tombée sans que quiconque ait à en redire.

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Publié le 7 Mars 2015

Le Chant de la Terre – Das Lied von der Erde (Gustav Mahler)
Représentation du 06 mars 2015

Palais Garnier

PROLOGUE  Dorothée Gilbert, Sae Eun Park, Mathieu Ganio, Vincent Chaillet
2 Hommes 1er mouvement  Mathieu Ganio, Vincent Chaillet
3 Couples solistes  Sae Eun Park, Léonore Baulac, Juliette Hilaire, Fabien Revillion, Marc Moreau, Alexis Renaud
COUPLE 2è mouvement  Dorothée Gilbert, Mathieu Ganio
HOMME 3è mouvement  Mathieu Ganio
COUPLE 3è mouvement  Léonore Baulac, Fabien Revillion
TRIO 4è mouvement  Sae Eun Park, Juliette Hilaire, Vincent Chaillet
5è mouvement  Nolwenn Daniel, Marc Moreau, Karl Paquette
TRIO 6è mouvement  Dorothée Gilbert, Mathieu Ganio, Vincent Chaillet

Ténor Burkhard Fritz
Baryton Paul Armin Edelmann
                                                                                        
Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio
Chorégraphie John Neumeier              
Direction musicale Patrick Lange

Ballet de l'Opéra National de Paris

Das Lied von der Erde est une œuvre qui marque la renaissance créative de Gustav Mahler à quelques années de la fin de sa vie. La découverte de Die chinesische Flöte ("La Flûte chinoise"), le nouveau livre de Hans Bethge – un poète allemand fasciné par la culture orientale -, devient pour lui une source d’inspiration et de ressourcement.

Il en extrait six poèmes, tous réadaptés d’écrivains de la période Tang (VIIIème siècle Après J.C), et compose une musique qui puisse traduire son envie de retrouver un goût pour la vie alors que la mort approche.

Vincent Chaillet

Vincent Chaillet

La traduction scénique qu’en fait John Neumeier pour la grande salle du Palais Garnier est d’une symbolique très lisible. Un fantastique disque surplombe l’arrière scène, évoquant une Terre ombrée ceinte du fin liseré bleu de son atmosphère, et qui change de couleurs métalliques au fur et à mesure que la noirceur dépressive se transforme en états d’âme joyeux.

Un jeune homme, Mathieu Ganio, se remémore sa jeunesse, son ami d’enfance, incarné par Vincent Chaillet, leur tendresse, et leur distance lorsque le premier se laisse séduire par une femme pour plonger dans une vie normée à l’instar des autres couples qu’il côtoie.
Le second, lui, reste en retrait, fidèle à ses sentiments, mais réapparaît à plusieurs reprises comme les réminiscences de cette amitié passée.

Mathieu Ganio et Sae Eun Park

Mathieu Ganio et Sae Eun Park

Une cérémonie orientale se déroule en arrière-plan, sur les tons rouges et orangés d’un soleil couchant, et la simplicité de ce rituel se retrouve dans la chorégraphie de John Neumeier. Un certain formalisme dans les rapports entre les êtres, une fluidité qui bannit la moindre tension, une opposition nette avec la culture occidentale qui est cependant évoquée quand les jeunes danseurs apparaissent en costumes de cowboys.
Le groupe de danseurs masculins est beau à voir, bien que rien ne surprenne, et les pas dans les duos masculin-féminin et masculin-masculin créent des rapports effleurant plein de non-dits.

Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio

Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio

Et le final, magnifique sur la disparition progressive du soleil, se conclut par un long silence que le public respectera autant que ceux qui ponctuent les changements de scène au cours de la représentation.

Cependant, malgré l'orchestration enchanteresse de Gustav Mahler, ce spectacle manque de souffle par la trop grande précaution réservée à l’interprétation musicale et vocale.

Patrick Lange ne semble à aucun moment vouloir libérer l’énergie exaltée de l’orchestre, tout est mesuré, dépressif et intimiste jusqu’au-boutiste, purement poétique, et sans romantisme.

Mathieu Ganio et Vincent Chaillet

Mathieu Ganio et Vincent Chaillet

Burkhard Fritz, le Parsifal de Bayreuth 2012 dans la dernière reprise de la production de Stefan Hereim, est malheureusement sans séduction, bien que vaillant, et seul Paul Armin Edelmann apporte un peu de chaleur humaine et une dimension vocale à la hauteur du désespoir qui lutte en musique.

Les danseurs principaux sont irréprochables, excellent Vincent Chaillet dans son personnage noir et introspectif, Mathieu Ganio et son éternelle innocence, Dorothée Gilbert fine et joliment souriante, Sae Eun Park idéalement mystérieuse.
Se ressent cependant un petit manque de conviction parmi les ensembles de danseurs.

Le Chant de la Terre (Neumeier-Gilbert-Chaillet-Ganio-Park) Garnier

C’est donc un spectacle qu’il faudra revoir à sa reprise avec toute la flamme humaine que sa musique et son chant peuvent induire sur la danse.

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Publié le 21 Février 2014

Ballet de l’Opéra (Cullberg / de Mille)
Séance de travail du 18 février 2014 et représentation du 22 février 2014
Palais Garnier

Fall River Legend (Agnes de Mille)

L'Accusée Alice Renavand
Sa Belle-Mère Stéphanie Romberg
Le Pasteur Vincent Chaillet
La Mère Laurence Laffon
Le Père Christophe Duquenne
L'accusée enfant Léonore Baulac

Décors Olivier Smith
Costumes Miles White
Musique Morton Gould


Mademoiselle Julie (Birgit Cullberg)
Entrée au répertoire

Mademoiselle Julie Aurélie Dupont
Jean Nicolas Le Riche
Christine Amélie Lamoureux
Le fiancé de Julie Alessio Carbone
Le Père de Julie Michaël Denard
Clara Charlotte Ranson
Trois Vieilles femmes Andrey Klemm,

Richard Wilk, Jean-Christophe Guerri         Aurélie Dupont (Julie) et Nicolas Le Riche (Jean)
                                                                     
Décors et costumes Sven X:ET Erixson
Musique Ture Rangström (Musique orchestrée par Hans Grossmann)

Direction musicale Koen Kessels

Birgit Ragnhild Cullberg, épouse de l’un des comédiens d’Ingmar Bergman, Anders Ek, et mère du chorégraphe Mats Ek, était une figure majeure de la vie culturelle suédoise qui s’était engagée totalement dans la lutte contre le nazisme.

Alice Renavand (L'Accusée)

Alice Renavand (L'Accusée)

Le 1er mars 1950, elle créa Mademoiselle Julie au Riksteatern de Västerås, une des plus grandes villes de Suède. Le ballet est inspiré d’une nouvelle d’August Strindberg, Mademoiselle Julie (1888), dont l’expressionisme ne pouvait que retrouver les influences artistiques allemandes de la chorégraphe.

L’œuvre sera ensuite interprétée pour la première fois à New York par l’American Ballet Theater, en 1958.
 

Une autre chorégraphe, New Yorkaise cette fois, collaborait déjà avec cette compagnie depuis 1939 : Agnes George de Mille.

Elle aussi avait des liens forts avec le milieu du théâtre, et elle était la nièce du producteur et réalisateur Cecil B. DeMille, dont sa seconde version des ‘Dix Commandements’ (1956) est encore aujourd’hui un des films les plus populaires jamais réalisé.

En 1948, Agnes de Mille créa pour l’American Ballet Theater, sur la musique de Morton Gould, Fall River Legend, une chorégraphie qui s’inspirait de la vie de Lizzie Borden, une femme vivant à Fall River (Massachussetts), accusée du meurtre épouvantable de son père et de sa belle-mère, et qui fut acquittée, les preuves n’ayant pas été formellement établies.

                                                                                            Alice Renavand (L'Accusée)

Ce sont ces deux ouvrages représentatifs de deux ballets modernes d’après-guerre que l’Opéra National de Paris réunit pour la première fois sur les planches du Palais Garnier.

Toutefois, Fall River Legend fut monté à deux reprises dans les années 90.

Pour cette chorégraphie, le décor unique d’Olivier Smith – un peintre - représente la demeure des Borden sur fond de ciel tourmenté comme en état de guerre. Et cette violence visuelle se retrouve dans la musique de Morton Gould, tranchante comme dans les films d’Alfred Hitchcock, sauf quand il s’agit de décrire les souvenirs harmonieux de la vie de jeunesse de Lizzie.

Alice Renavand (L'Accusée)

Alice Renavand (L'Accusée)

Dans cette version qui s’éloigne des faits réels, Lizzie est amoureuse d’un pasteur. Seulement, sa belle-mère l’a calomniée auprès de cet homme, rendant cet amour impossible.

Elle est finalement condamnée pour le double-meurtre (la sanction finale est représentée d’une façon absolument saisissante).

Les sonorités cuivrées, teintées poétiquement de subtils motifs par les instruments à vents, créent une tension supplémentaire au moindre geste des danseurs, et la musique entière se fond à une chorégraphie qui dépeint à la fois la légèreté et la fragilité des êtres, la simplicité de chacune de leurs expressions, comme leurs tourments intérieurs les plus profonds.

Alice Renavand (L'Accusée)

Alice Renavand (L'Accusée)

Il y a à la fois un naturel et une évidente fluidité qui parlent directement à chacun de nous.

On pense beaucoup au Romeo et Juliette de Prokofiev chorégraphié par Rudolf Noureev, dont on ne peut que constater la similitude expressive influencée par l’âme de Broadway.

Alice Renavand, nouvelle Etoile, rend lisible toute la sobre tristesse de l’héroïne, tout en affichant un détachement séducteur.

Seul petit reproche, l’introduction récitée en français par un comédien s’écarte de la tonalité américaine du spectacle.

Ouverture de Mademoiselle Julie

Ouverture de Mademoiselle Julie

La seconde partie de soirée s’ouvre alors sur la découverte de Mademoiselle Julie, dans sa production d’origine à l’instar de Fall River Legend.

A nouveau, le créateur des décors est un peintre, Sven X:ET Erixson. On peut voir dans la grande salle principale un ensemble de portraits de famille colorés et drôlement caricaturés, et, au loin, à travers une porte ouverte, s’étend l’horizon qui mène à une mer surmontée d’un bateau au dessin amusamment naïf.

Aurélie Dupont (Julie)

Aurélie Dupont (Julie)

Aurélie Dupont survient alors, dans un de ses derniers rôles à l’Opéra de Paris. Elle est tout, la femme hautaine au regard un peu froid mais séducteur, en apparence sûre d’elle-même, et c’est son drame, extrêmement intériorisé qui, petit à petit, se lit dans la désespérance du geste, après une scène de charme qui apparaît comme un jeu extraordinairement sincère.

Nicolas Le Riche ne lui laisse en fait aucune chance. Il a un magnétisme masculin sauvage qui laisse ressortir une supériorité animale au-delà de son simple statut de serviteur, une superbe gracilité – voir son arrivée tournoyante dans la dernière scène – et tout le duo de séduction avec Julie est un immense moment de sensualité un peu pervers.
Il y a de l’élégance dans cette chorégraphie, mais aussi de magnifiques poses expressives et éphémères.

Nicolas Le Riche (Jean) et Amélie Lamoureux (Christine)

Nicolas Le Riche (Jean) et Amélie Lamoureux (Christine)

La musique de Ture Rangström n’a pas le caractère violent de Fall River Legend, mais elle a la même immédiateté, le même pouvoir de suggestion intime, et une force descriptive plus mystérieuse et lyrique.

On pense alors à la musique de Georges Bizet quand elle subjugue la passion amoureuse de Don José pour Carmen : mêmes emportements, même grâce, et mêmes illusions.

Mais Mademoiselle Julie est aussi un ballet qui rend une âme aux groupes de petites gens, qu'ils soient les villageois du hameau natal de Jean, pleins d’entrain et de joie spontanée, ou bien les revenants de la famille de Julie dansant sous des lumières qui enchantent leurs costumes.

Aurélie Dupont (Julie)

Aurélie Dupont (Julie)

Avec ces deux ballets où la danse, le théâtre, la musique, les décors et costumes s’allient pour faire vivre deux drames qui interrogent notre propre psyché, l’Opéra National de Paris signe un des grands moments de sa saison chorégraphique.

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