Publié le 24 Janvier 2010

Werther (Massenet)
Représentation du  23 janvier 2010
Opéra Bastille

Werther Jonas Kaufmann
Albert Ludovic Tézier
Charlotte Sophie Koch
Sophie Anne-Catherine Gillet
Le Bailli Alain Vernhes
Schmidt Andreas Jäggi

Direction musicale Michel Plasson
Décors et lumières Charles Edwards
Mise en scène Benoît Jacquot

 

Sophie Koch (Charlotte) et Anne-Catherine Gillet (Sophie)

La saison précédente, la mise en scène de Jürgen Rose faisait de l’univers mental de Werther, obsessionnel et torturé, le centre de l’ouvrage. Le poète était présent en permanence.

Ne pouvant reprendre ce spectacle reparti pour Munich, Nicolas Joël a choisi de monter la production de Benoît Jacquot, créée à Londres en 2004.

Werther ne nous apparaît plus vu de l’intérieur, mais tel que le perçoit Charlotte, une incarnation du poète sensible et intériorisé.

Jonas Kaufmann (Werther)

Jonas Kaufmann (Werther)

Les émois de la jeune fille, dont la force croissante ne lui permet pas de les maîtriser dans le temps, sont subtilement exprimés par des regards détournés, des gestes de repli trahissant la sensibilité au contact physique, et Benoît Jacquot semble très attentif à l’imaginaire féminin.

Cela est d’autant plus facile que Jonas Kaufmann projette une vision parfaite du sombre amoureux, triste mais sans violence apparente. A chacun de considérer à quel point cette image reflète sa propre perception du personnage…

On peut trouver les deux premiers actes ennuyeux, il y a une convergence de retenue entre le style de la direction d’orchestre et le poids des convenances sociales qui se ressent sur le jeu d’acteurs, mais les deux suivants, par leur nature plus dramatique, rappellent l’atmosphère tchékhovienne d’Eugène Onéguine dans la mise en scène de Dmitri Tcherniakov.

Jonas Kaufmann (Werther)

Jonas Kaufmann (Werther)

Théâtralement, le geste reste convenu, les poses sont prises avec un calcul trop apparent, cependant la profondeur humaine que fait vivre la voix de Sophie Koch suffit à nous laisser impressionné.

Anne-Catherine Gillet assume simplement la naïveté de Sophie, et Ludovic Tézier est ici glacial.

Avec un goût pour l'illustration contemplative, les décors en perspective de Charles Edwards couvrent les saisons du printemps à l’hiver.

Jonas Kaufmann (Werther) et Sophie Koch (Charlotte)

Jonas Kaufmann (Werther) et Sophie Koch (Charlotte)

Lente, claire, ne laissant aucun détail s‘échapper trop loin de la masse homogène, la direction de Michel Plasson vire à une noirceur plaintive et discrète à la fois.

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Publié le 17 Janvier 2010

Rosmersholm / Une maison de poupée (Henrik Ibsen)
Représentations du 16 janvier 2010 au Théâtre National de la Colline

Rosmersholm                                             Une maison de poupée

Rosmer Claude Duparfait                          Nora Chloé Réjon
Rebekka West Maud Le Grevellec           Helmer Eric Caruso
Kroll Christophe Brault                             Madame Linde Bénédicte Cerutti
Madame Helseth Annie Mercier                  Krogstad Thierry Paret
Brendel Jean-Marie Winling                     Docteur Rank Philippe Girard
Mortensgard Marc Susini                          Anne-Marie Annie Mercier

Mises en scène Stéphane Braunschweig

Pour son arrivée à la direction du Théâtre de la Colline début janvier 2010, Stéphane Braunschweig met en scène deux pièces d’Henrik Ibsen, jouées dans la même journée.

Rosmersholm (1886) est une véritable réflexion sur l’impossibilité, pour l’individu, d'échapper au poids de son histoire familiale, et aux valeurs transmises.
Pourtant, la manière dont Rosmer et Rebekka tentent de vivre librement, après le décès de la femme de l’ancien pasteur, rappelle ce que fût la vie de Verdi et de la Strepponi devant affronter les ragots, accusations, médisances et leçons de morales de leur entourage à Busseto. Au point qu’ils durent déménager à quelques kilomètres du village.
La comparaison s’arrête là, car l’intrigue révèle que la défunte s’est suicidée en connaissance des sentiments amoureux de Rebekka pour son mari.

Un univers de culpabilité s’ouvre devant nous, puisque l’on prend conscience que chaque protagoniste s’est retrouvé à devoir concilier ses valeurs propres avec la réalité de ses émotions. La vie peut entraîner inconsciemment la perte de l’autre, lorsque l’esprit de ce dernier n’est pas suffisamment fort.
Et c’est ce qu’a fait Rebekka avec sa rivale.

On peut ainsi faire le rapprochement avec le très beau film de Michael Haneke, le Ruban blanc, où un pasteur protestant, croyant à la justesse de ses valeurs, et les reportant sur ses enfants, va faire d'eux des monstres, de la même manière que le poids de la tradition a une responsabilité dans la déshumanisation progressive de Rebekka et Rosmer.

Ainsi, la culpabilité persiste et se renforce même. Le mécanisme de construction mentale poursuit ses ravages, et l’on voit comment Rebekka se persuade que la manière avec laquelle elle s'est débarrassée de ses désirs est une victoire de son idéal d’amour.
Cette paix, c’est en fait la mort. Elle n’a réussi qu’à éteindre toute vie en elle.
Point d’amour ici, et chez Rosmer également, qui ne lui propose pas moins de mettre fin à ses jours, pour qu'elle prouve son amour…

Ce dernier acte, qui ne mérite qu’un climat d’attention totale, est assez étrangement traité par Stéphane Braunschweig. Le ton solennel, employé tout au long de la pièce, est encore plus appuyé, et les exclamations pressantes de Claude Parfait (Rosmer) tournent en ridicule ce passage qui finit sur le suicide du couple. Pourquoi ne pas avoir plutôt figuré les deux amants comme fous, ou hallucinés, et tourné les déclamations de Rosmer vers le public, sans urgence, ce qui aurait rendu un effet d’extinction vitale plus adéquat avec la situation?

Au lieu de cela, le dernier acte devient risible (à moins que cela ne soit l'intention), mais l’utilisation des tableaux de famille montre comment suggérer avec beaucoup de clarté la chape qui écrase le deux personnages.

Cette simplicité efficace du dispositif scénique se retrouve dans la seconde pièce, La Maison de poupée (1879).
Stéphane Braunschweig n’est pas du genre à encombrer inutilement le plateau, et il peut passer du banal quotidien aux atmosphères surréalistes, lorsque l’âme des personnages sort du confort de ses illusions.

Si le sujet de cette œuvre, étonnamment féministe pour son époque, n’a pas la même profondeur humaine que Rosmersholm, il touche un public plus large, car il met en scène un univers petit-bourgeois, attaché à ses valeurs de promotion et d’apparence sociales.

C’est la prise de conscience d’une femme, Nora, de sa propre superficialité, de l’incompréhension et de l’hypocrisie mutuelle au sein de son couple, qui finit par plaquer mari et enfants pour s’éduquer, et devenir une femme qui pourra s’engager plus tard en toute lucidité.

Très spontanée, Chloé Réjon est parfaite en femme-enfant, et il est difficile de dire si le stratagème qui a poussé Nora à falsifier une lettre au nom de son père était motivé par l’amour sincère pour son mari, ou bien par la peur de perdre sa situation sociale, ce qui ne donne pas la même portée à son geste.

L’autre personnage très touchant est le docteur incarné par Philippe Girard, avec beaucoup de naturel et d’humanité. Il est proche de la vie, mais aussi de la mort, ce qui lui permet d’exprimer très simplement ses sentiments à Nora, sans aucune honte ou bien culpabilité parce que c’est ainsi.
Nous avons là un homme totalement présent dans le vrai et la clarté d’esprit.

Finalement plus aboutie que Rosmersholm, Une maison de poupée prend avec Stéphane Braunschweig un visage moderne, qui ne laisse nullement transparaître son âge.

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Publié le 12 Janvier 2010

Blanche Neige (Ballet Preljocaj)
Représentation du 05 janvier 2010
Théâtre National de Chaillot

Blanche Neige Nagisa Shirai
Le Prince Segio Diaz
La Reine Céline Galli
Le Roi Sébastien Durand
La Mère Gaëlle Chappaz
Les chats gargouilles Emilie Lalande, Yurie Tsugawa

Chorégraphie Angelin Preljocaj
Musique Gustav Mahler
Costumes Jean Paul Gaultier
Décors Thierry Leproust
Lumières Patrick Riou                                                 
Nagisa Shirai (Blanche Neige)

La très forte impression que la chorégraphie de Blanche-Neige par Angelin Preljocaj a laissé lors de sa création en 2008 se diffuse encore plus largement via les tournées en France, mais aussi par sa programmation bienvenue sur la chaîne de télévision ARTE.

Son succès repose un premier lieu sur une convergence d’éléments instaurant un climat tragique, mélancolique mais aussi enchanteur, les lumières trompe-l’œil de Patrick Riou créant une forêt imaginaire, plus loin un miroir sans glace, les costumes de Jean Paul Gaultier décuplant la supériorité sexuelle de la Reine, le décor de roches de Thierry Leproust prétexte aux voltiges des nains, et bien sûr les motifs autant spectaculaires que romantiques, ou bien mystérieux, de la musique de Gustav Mahler n’évitant pas un subtil sentiment de compromission.

Angelin Preljocaj se passionne pour le corps et ses possibilités expressives. Ce travail peut aussi bien aboutir sur une danse abstraite mais peu évocatrice comme dans la scène de bal, que sur des glissements de corps très sensuels, ce qui fait la force du moment crucial où le Prince ramène Blanche-Neige à la vie, en choisissant l‘adagio de la 5ième symphonie qu‘il est difficile de détacher du film Mort à Venise de Visconti.

Cet érotisme « sage » passe également par la taille des costumes, de façon à découvrir les hanches de la jeune princesse, ou la musculature et la robustesse du torse et des cuisses des courtisans de la cour du Roi.

Le Prince, le plus élancé pourtant, n’est pas particulièrement mis en valeur.

 

Céline Galli (la Reine vue de dos) face à son double.

En revanche, le traitement chorégraphique de la Reine est le cœur du ballet.

L’entrée en furie, telle Maléfique dans la Belle au Bois Dormant, a quelque chose de très hollywoodien dans la forme, et ce n’est pas le seul passage suggérant comment des compositeurs de musique de film ont du venir puiser dans les œuvres de Mahler.

Nagisa Shirai (Blanche Neige) et Segio Diaz (le Prince)

Nagisa Shirai (Blanche Neige) et Segio Diaz (le Prince)

La réussite de la scène très narcissique du miroir se mesure à la difficulté à discerner s’il s’agit d’un simple reflet, ou bien d’une autre femme qui imite la Reine.

Car les mouvements sont extrêmement fugaces, et pourtant les décalages sont à peine perceptibles.

Mais la violence avec laquelle la souveraine contraint Blanche Neige à croquer la pomme qu’elle lui tend, est d‘un réalisme poignant.
Cette volonté de briser le corps de l’autre, de le vider de toute sa force sous un regard exalté, de le voir ainsi manipulé par la plus jalouse des belles-mères, comme s’il n’avait plus de masse, témoigne du potentiel théâtral de la chorégraphie de Preljocaj, assez inhabituel dans un ballet.

Les qualités de Nagisa Shirai et Céline Galli offrent en plus deux visages de la féminité assez troubles, l'une queue de cheval au vent et à la musculature solide, l'autre fine, fulgurante et au regard diabolique.

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Publié le 8 Janvier 2010

Genèse de l’œuvre

Le 22 mai 1873, l’écrivain Alessandro Manzoni meurt. Il est un des symboles littéraires majeurs du Risorgimento et du romantisme italien. Verdi lui dédie la Messa da Requiem, et le conseil municipal de Milan accepte de décréter des cérémonies solennelles pour le premier anniversaire de sa mort.
Un des conseillers s’est particulièrement rangé à la requête de Verdi : Arrigo Boito.

A la fin d’octobre, Escudier et du Locle font savoir au compositeur que l’Opéra de Paris, rue Le  Peletier, vient d’être détruit par un incendie. Verdi s’en afflige.
L’année d’après, bon contribuable, Verdi entre au Sénat.

Débute une période de voyages artistiques en Europe, Requiem et Aïda à Paris (1875-1876), puis des visites en Allemagne, Hollande et Belgique.
En 1878, Victor-Emmanuel, Pie IX et Solera meurent, « Ils meurent tous, tous! » s’angoisse Verdi.

Au milieu de l’année 1879, Franco Faccio, directeur de la Scala, emmène Boito chez Verdi, et trois jours après, le compositeur a entre les mains une esquisse d’Othello.
Mais Verdi n’est pas encore prêt pour composer un nouvel opéra. Ricordi lui propose donc de retoucher Simon Boccanegra.
Tant d’endroits vont être modifiés, que l’opéra est entièrement remis à neuf. La déclamation est plus mélodique, et les morceaux ont plus d’unité.

Le 24 mars 1881, Simon Boccanegra est représenté à Milan avec succès.

Cette révision l’inspire alors pour reprendre Don Carlo, et en supprimer les pesanteurs. Mais contrairement à Simon Boccanegra, « nouveau » au vrai sens du terme, il s’agit d’une seconde édition écourtée.

Représenté le 10 janvier 1884 à la Scala, les critiques en racontent à peu prêt n’importe quoi.
« Pauvres artistes … esclaves d’un public la plupart du temps ignorant (et c’est un moindre mal), capricieux et injuste», voilà ce que pense le compositeur de sa condition.

Mais l’attente de ce que tout le monde nomme « Iago » dure depuis plus de cinq ans. Il faut à Verdi toute l’année 1885 pour achever la composition d’Otello, et toute l’année 1886 pour revoir la partition.

La date du 5 février 1887 est fixée pour la première. Critiques, éditeurs, compositeurs affluent du monde entier à Milan. L’émerveillement est total.
Verdi a réussi à faire du discours parlé et du discours chanté une même chose.

Otello

En 1489, 26 ans après le décès de son époux Jacques II Roi de Chypre, Catherine Cornaro (d’origine vénitienne) renonce à la couronne du Royaume, afin qu’il devienne une possession de la République de Venise.

Depuis la quatrième croisade (1202-1204), Venise bénéficie du partage de l’Empire Byzantin par la constitution d’un empire colonial regroupant des ports et des îles de la mer Égée, le long de la voie commerciale jusqu’à Constantinople.
A la fin du XVième siècle, cet empire est donc à son apogée, bien que la découverte du Cap de Bonne Espérance par Vasco de Gama en 1498 ne fait plus de Venise un intermédiaire incontournable pour échanger avec l’Orient.

Dans les années qui suivent, la République résiste habilement aux luttes hégémoniques de la France et de l’Espagne en Italie. En revanche sur mer, l’Empire turc devient une menace de plus en plus pressante.

En 1522, Soliman le Magnifique, « Le Grand Turc », prend Rhodes après un siège de cinq mois.
Les manœuvres se poursuivent en Hongrie jusqu’à ce que Vienne soit menacée en 1529 et 1532.

Au cours de l’année 1537, l’installation des Turcs sur la côte albanaise effraye l’Italie entière, ce qui déclenche la guerre avec Venise. La flotte ottomane est repoussée de Corfou, et en 1540 un traité de paix offre des conditions avantageuses aux marchands vénitiens.

Le déclin se précipite en 1570 lorsque les Ottomans débarquent à Chypre et pillent Nicosie.
Le 04 octobre 1571, la citadelle de Famagouste tombe, et la garnison vénitienne est massacrée.
Mais trois jours après, la Sainte Ligue, dirigée par les Vénitiens et les Espagnols, défait de manière effroyable la flotte turque à Lépante (Naupacte) en détruisant 260 navires sur 300 et en tuant 30000 hommes.
Le célèbre écrivain espagnol, Miguel de Cervantès, participe à la bataille.
Venise est cependant ruinée, et ne pouvant plus commercer avec l’Orient elle reconnaît aux Ottomans la possession de Chypre en 1573.

La trame du livret d’ « Otello » se déroule à Famagouste au début du XVIième siècle à l’apogée de son rayonnement.
Otello, gouverneur maure de Chypre, a succédé à Montano. En pleine tempête, il revient au port après avoir défait les Turcs. En nommant Capitaine Cassio, Otello s’attire le ressentiment de son enseigne Iago.

Afin de se venger, ce dernier initie méticuleusement une intrigue, qui va se développer au gré des improvisations et des circonstances.
Il part du sentiment amoureux du jeune Roderigo vis à vis de Desdemone, femme d’Otello, pour lui faire croire que Cassio est son rival. La bagarre provoquée entraîne la destitution de Cassio du grade de Capitaine.
Iago lui suggère alors de solliciter Desdemone afin d’apaiser Otello, tout en alertant par la suite celui ci que Desdemone le trompe avec Cassio. 
Il fait croire à Otello que sa femme a offert son mouchoir à Cassio (mouchoir récupéré à l’insu d’Emilia, la femme de Iago).

Alors que la jalousie s'insinue progressivement, Iago organise une entrevue avec Cassio, afin qu’il lui parle de sa nouvelle maîtresse. Iago s’arrange pour faire croire à Otello que Cassio parle de Desdemone. Le général Maure sombre dans une folie criminelle et assassine sa propre femme, quand en même temps Cassio tue Roderigo. La vérité est dévoilée, et alors que Iago s’enfuit, Otello se poignarde.

La suite Falstaff

L'ouvrage précédent Aïda

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Rédigé par David

Publié dans #Verdi

Publié le 1 Janvier 2010

De Byzance à Istanbul, un port pour deux continents
Exposition au Galeries Nationales du Grand Palais
Du 10 octobre 2009 au 25 janvier 2010

Au cœur de la saison turque en France, le Grand Palais trace une passionnante traversée du temps à travers une exposition dédiée à Istanbul.
Le sujet est brûlant d’actualité particulièrement en France, un des pays les plus sensibles à la question de l'intégration de la Turquie à l'Union Européenne.

Après une brève ouverture sur la préhistoire du détroit du Bosphore (-6000 av J.C), la première section est une mise en valeur de l’époque romaine, dès le rattachement de Byzance à la province de Bithynie (-146 av J.C).


Les objets présentés montrent de fascinantes formes arrondies, telle une bouteille à panse globulaire en verre nacré translucide, ou bien un bol à pied en terre cuite et au fond incurvé (Ier siècle).
Comme preuve de l’héritage artistique grec, un échantillon des statues de Silahtaraga en marbre et calcaire montre des personnages, des femmes drapées ou bien un corps d’homme idéalisé et en léger déhanché (200 ap J.C).

En 395, sur volonté de l’Empereur Constantin, le christianisme devient religion officielle de l’Empire et la capitale est transférée de Rome à Byzance, renommée Constantinople.
L’Empire est partagé en deux, l’Est pour Arcadius, l’Ouest pour Honorius.

Dès le Vième siècle, l’Empire de l’Ouest s’effondre, alors que l’Empire Byzantin va durer plus de 1000 ans.Les monnaies d’Or de Honorius, Theodose II Et Justinien constituent le point de départ d’un chemin parsemé au fil de l’exposition des monnaies d’Or de toutes les époques jusqu’à Abdülhamid II (1909).

Un magnifique plat en argent et or, le Missorium avec Héraclès combattant le lion de Némée, illustre la persistance de l’art classique grec au sixième siècle, mais les colonnes en marbre et pierres précieuses de l’Eglise Saint Polyeucte, fondée par la patricienne Anicia Juliana, annoncent l’influence d’un art décoratif  plus oriental.

Les forces extérieures vont cependant mettre en péril la survie de Constantinople. Il va lui falloir repousser les sièges avars et sassanides en 626, puis deux sièges arabes (674-678 puis 717-718), jusqu’au VIIIième siècle. A l’abris des remparts bien entretenus, la population chute à 40.000 habitants.

Il ne reste quasiment rien de la période iconoclaste qui suivit, mais l’influence extérieure supposée est improbable. Il s’agit plus d’un mouvement qui voyait dans les images humaines une forme empêchant l’âme de croire au Christ.

Une des plus belles illustrations de la renaissance artistique sous la dynastie macédonienne (857-1057) est donc le Triptyque Harbaville : Deesis et saints, tout en ivoire, qui mêle représentation du Christ et raffinement antique (dans le détail des drapés par exemple).

Prise lors de la quatrième croisade en 1204, Constantinople se libère de la domination latine 60 ans plus tard, mais les Turcs d’Asie et les Serbes des Balkans progressent.
La nouvelle monnaie d’Or d’Andronicus II et Andronicus III, l’hyperpère, devient plus fine et concave.

L’ère byzantine s’achève avec la magnifique cloche en bronze de la Tour de Galata « la Tour du Christ ».

Ainsi, la capitale tombe en décrépitude, énormément endettée vis à vis de Gênes et Venise.

La conquête ottomane est proche : un espion vénitien dessine, en 1453, une Vue Cavalière de la forteresse de Rumeli Hisar. Le Sultan Mehmed II a fait construire l’édifice pour empêcher tout renfort venant de la Mer Noire.
Au pied de l’escalier menant à la seconde partie de l’exposition, une copie d’un canon de la fin du XVième siècle pointe une représentation de la ville, de quoi faire revivre l’ouverture déchaînée de l’Otello de Verdi.
On apprend à cette occasion que l’artillerie lourde des Ottomans a été mise au point par l’ingénieur hongrois Urbain.

Dès la prise de la capitale, Mehmed II (qui est le sujet de l’opéra de Rossini Maometto II) convertit l’église Sainte Sophie en Mosquée.

En haut de l’escalier, le visiteur passe sous les Dômes de l’actuelle Istanbul, et peut découvrir une carte de la Méditerranée du XIVième siècle, reprise des travaux du géographe grec Claude Ptolémée (90-168) par les scientifiques ottomans, et enrichie des connaissances de l’époque (notamment des citadelles existantes).

Le peintre Jean-Baptiste van Mour (1671-1737), né à Valenciennes, s’attacha à dépeindre la vie de Constantinople, art de l’orientalisme aux teintes ocres qui va influencer de nombreux peintres.
On peut contempler le charme de ces coloris dans la scène du « Grand Vizir traversant l’hippodrome ».

Madame Verdurin sera alors ravie de découvrir un fabuleux bijou provenant du trésor du Palais de Topkapi, une émeraude rectangulaire d'un vert profond assortie à un rubis clair ornant une aigrette de perles, de plumes et de diamants.

Avec la religion musulmane, Constantinople devient totalement multiculturelle, et pour bien se représenter à quel point la foi du prophète Mahomet est une continuité de la foi chrétienne, le grand livre L’essence de l’Histoire (Zübdetü’ t- Tevârîh) est ouvert sur une page montrant l’ascension du Christ, élevé par des anges en présence des Apôtres (1583).

A partir du XVIIIième siècle, la création de jardins sur les bords du Bosphore marque le développement des loisirs.
La scène de Kagithane, que peint à la gouache Enderunlu Fazil dans son Livre des femmes, évoque les jardins de la princesse Eboli.

Tant d’opéras dans la tête rendent la moindre image susceptible de déclencher toutes sortes de réminiscences musicales.

L’Empire Ottoman trouve cependant dans l‘Europe une source d‘inspiration pour se moderniser.
En 1838, l’Edit des Tanzimats officialise cette politique.
Mais sous le règne du Sultan Abdülhamid II (1876-1908), les nationalismes s’exacerbent et la violence gagne tout l’Empire. L’état des finances ne permet pas de tenir les engagements libéraux. Le Sultan réplique par des massacres contre les Arméniens.

La révolution jeune-turque (1908), censée apporter une véritable libération politique, ne va pas permettre de sauver l’Empire des conflits dans les Balkans, en Tripolitaine, et pendant la Première Guerre Mondiale.

Lorsque la résistance nationaliste parvient à prendre le contrôle de l’Anatolie et d’Istanbul, Mustafa Kemal Pacha transfère la capitale à Ankara.

L’exposition s’achève sur la projection sur grand écran de photographies issues de la collection d’Omer Koç

Un siècle de la vie d’Istanbul jusqu’à aujourd’hui, les moments historiques, la belle époque avec ses cafés, la jeunesse, les moments de détentes et la religion, la modernité et la tradition s’y côtoient en illustrant l’impressionnante complexité de l’identité turque.

Les réactions des visiteurs à haute voix devant les objets d’arts valent le détour, car elles rendent compte également de la diversité des jugements. Les frémissements de peur devant le moindre voile fleuri se superposent à l’ironie la plus mordante vis à vis de l’actuel gouvernement français.

En préface du catalogue de l'exposition, on peut lire deux textes écrits par chaque président, Abdullah Gul et Nicolas Sarkozy.
Le président français écrit avec une passion visible : « Istanbul me fascine par cette diversité culturelle. Elle me fascine par son identité et son rayonnement. Elle me fascine par sa beauté, ses symboles, ses richesses artistiques mais aussi par ses contrastes ».

Une rétrospective savamment orchestrée qui brouille tous nos repères, mais vraiment tous...

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Rédigé par David

Publié dans #Art

Publié le 28 Décembre 2009

Vendredi 01 janvier 2010 sur France 2 à 11H15
Concert du Nouvel An à Vienne

Philharmonique de Vienne dirigé par Georges Prêtre

Vendredi 01 janvier 2010 sur France 3 à 13H50
Les Ballets Russes

Ballet de Noël à l’Opéra National de Paris (Weber, Debussy, De Falla…)

Vendredi 01 janvier 2010 sur Arte à 19H00
Concert du Nouvel An à Venise

Orchestre du Théâtre de la Fenice

Samedi 02 janvier 2010 sur France 3 à 03H25
Les Ballets Russes

Ballet de Noël à l’Opéra National de Paris (Weber, Debussy, De Falla…)

Samedi 02 janvier 2010 sur Arte à 19H00
Concert festif à Amsterdam

Royal Concertgebouw Orchestre dirigé par Bernard Haitink, avec Christiane Stotijn (mezzo-soprano)

Samedi 02 janvier 2010 sur France 3 à 20H35
Carmen (Bizet)

Enregistré à l’Opéra Comique en juin 2009 avec Anna Caterina Antonacci, Andrew Richards, Anne Catherine Gillet.
Mise en scène Adrian Noble, direction John Eliot Gardiner.

Dimanche 03 janvier 2010 sur Arte à 19H00
Anna Netrebko et Rolando Villazon

Enregistré au Théâtre des Champs Elysées en 2007.

Lundi 04 janvier 2010 sur Arte à 22H30
Berlin, la Fièvre de la danse.


Lundi 11 janvier 2010 sur Arte à 22H30
Edita Gruberova

L’Art du Bel Canto (Portrait)
 
Samedi 16 janvier 2010 sur France 3 à 00H10
Concert Ashkenazy

Rakastava de Jean Sibélius et Symphonie n°2 de Robert Schumann, direction V.Ashkenazy

 
Dimanche 17 janvier 2010 sur France 3 à 01H15
Le Gala des Etoiles

Avec Sergeï Tarasov (Piano), Misia (chanteuse de fado), l'ensemble Contraste.

 
Dimanche 17 janvier 2010 sur Arte à 19H15
Arcadi Volodos au Musikverein de Vienne

 
Samedi 23 janvier 2010 sur France 3 à 00H10
Concert Mozart

Concerto n°5 pour violon, Direction Karajan, et
Quatuor avec piano K 493 en mi bémol Majeur, Piano Alberto Miodini

Lundi 25 janvier 2010 sur Arte à 22H10
La 5e Symphonie de Mahler

D'un pas mesuré. Documentaire.


Mardi 26 janvier 2010 sur France 2 à 00H45
Symphonie n°3 Kaddish (Leonard Bernstein)

Concert enregistré à lUnesco en 2009. Orchestre symphonique de Paris.
Direction John Axelrod.

 
Mardi 26 janvier 2010 sur Arte à 20H30
Werther (Massenet)

En léger différé de l’Opéra National de Paris.
Avec Jonas Kaufmann, Sophie Koch, Ludovic Tézier, Alain Vernhes, Anne Catherine Gillet.
Mise en scène Benoît Jacquot, direction Michel Plasson.

Dimanche 31 janvier 2010 sur Arte à 19H00
La folle journée 2010 : Chopin à Nantes

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Rédigé par David

Publié dans #TV Lyrique

Publié le 24 Décembre 2009

L'article qui suit énumère les principaux évènements de notre système solaire visibles en 2010 depuis Paris. Les périodes de visibilités favorables des planètes sont calculées sur une variation du diamètre apparent de 5% et avec un soleil au moins à 5° en dessous de l'horizon.
Les horaires sont donnés en heure locale.

Diamètres et phases apparents des planètes en 2010, tels qu'ils peuvent être vus dans un télescope grossissant environ 225X.

Diamètres et phases apparents des planètes en 2010, tels qu'ils peuvent être vus dans un télescope grossissant environ 225X.

Saturne du 25 janvier au 20 mai avec diamètre jusqu’à 19,4 à 45° plein Sud vers 01h00

Mars du 10 janvier au 15 février avec diamètre jusqu’à 14
’ à 60° plein Sud vers 02h00

Mercure du 10 au 15 avril avec diamètre jusqu’à  9,3
’ à 11° plein Ouest vers 22H00 avec rapprochement lunaire le 15 (2°11‘)

Comète C/2009 R1 McNaught du 18 au 28 juin visible à l’œil nu (magnitude 5) mais à 11° au dessus de l’horizon Nord-Est vers 04h00.

Occultation de Delta Ophiuchus par l'astéröide 472 Roma le 9 juillet visible à l’œil nu en pleine ville (magnitude 2.7) à 31° au dessus de l’horizon Sud-Ouest vers 00h58 (sur une ligne Metz-Limoges-St Sébastian)

Rapprochement Mars/Saturne/Vénus le 08 août à 23h00

Jupiter du 15 août au 31 octobre avec diamètre jusqu’à 50
’ à 40° plein Sud vers 02h00

Uranus du 10 au 30 septembre avec rapprochement de Jupiter le 20 (0°48’)

Mercure du 20 au 25 septembre avec diamètre jusqu’à 8,2
’ à 10° plein Est vers 07H00

Rapprochement Lune/Vénus très difficile le 05 novembre à 08h15 (0°37’) car à 2° au dessus de l’horizon mais très intéressant (2 fins croissants à observer).

Vénus du 15 novembre au 31 décembre avec diamètre jusqu’à 54’
à 17° plein Sud-Est vers 07h30

Eclipse Totale de Lune le 21 décembre au coucher de Lune à 8h40. Il faudra être à la pointe de la Bretagne pour avoir de meilleures conditions (Lune à près de 4° au dessus de l’horizon au début de la totalité).

Rapprochement de Mars, Vénus et Saturne le 08 août 2010.

Rapprochement de Mars, Vénus et Saturne le 08 août 2010.

Détail des principaux évènements (Date - Heure - Hauteur et direction - Objet)

Janvier 2010
10/01    04H00     60° Sud                  Mars         13,4’
  
25/01    05h00    41° Sud                    Saturne    18,5
’   
30/01    02h00     63° Sud                   Mars        14,0’   

Février/Mars 2010
15/02    00h30     65° Sud                   Mars        13,4
’   
15/03    01h30    43° Sud                    Saturne    19,4’


Avril 2010
01/04    00h30    43° Sud                    Saturne    19,4

10/04    21h10    11° Ouest                Mercure   08,1
’        Phase (34%)
20/04    21h25    06° Ouest                Mercure   10,6’        Phase (7%)

Mai/Juin 2010
16/05    22h00     18° Nord-Ouest    Lune/Vénus         Rapprochement (4°22’)
20/05    22h00    44° Sud                   Saturne    18,4
’   
07/06    05h00     19° Sud-Est           Jupiter/Uranus         Rapprochement (0°27’)
18/06    04h00    16° Nord-Est          C/2009 R1 McNaught     Magnitude 5,7
23/06    04h00    11° Nord-Est          C/2009 R1 McNaught     Magnitude 5,2
28/06    04h00    05° Nord-Est          C/2009 R1 McNaught     Magnitude 4,7

Juillet/Août 2010

08/07    23h58    31° Sud-Ouest      Occultation de Delta Ophiucus par l'astéroïde 472 Roma

11/07                Soleil                        Eclipse Totale à l'Ile de Pâques (invisible à Paris)
01/08    22h05     11° Ouest             Mars/Saturne         Rapprochement (1°57’)
08/08    21h55     09° Ouest             Mars/Saturne/Vénus     Rapprochement (4°45 x 2°45’)
15/08    03h30     41° Sud                Jupiter      47,5
’   
23/08    21h25     06° Ouest            Mars/Vénus        Rapprochement (2°25‘)

Septembre 2010
15/09    07h00    09° Est                  Mercure    08,2
’   
20/09    02h00     39° Sud                Uranus      03,7

25/09    07h15    10° Est                  Mercure    06,1’        Phase (71%)
30/09    07h20    07° Est                  Mercure    05,5
’        Phase (86%)


Octobre/Novembre 2010
30/10    23h00     37° Sud               Jupiter    47,2

10/11    07h20    08° Sud-Est         Vénus    57,6’        Phase (5%)
20/11    07h35    18° Sud-Est         Vénus    50,4’        Phase (14%)
30/11    07h45    23° Sud-Est         Vénus    43,0
’        Phase (23%)

Décembre 2010
21/12    07h32    09° Nord-Ouest   Lune                      Début Eclipse Partielle
21/12    08h40    0°  Nord-Ouest    Lune                      Début Eclipse Totale

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Rédigé par David

Publié dans #Astres

Publié le 21 Décembre 2009

Les Nouvelles du Jour (Paul Hindemith)
Opéra amusant (lustige Oper) créé au Kroll Oper de Berlin en 1929
Version originale en langue allemande
Représentation du 20 décembre 2009 au Grand Théâtre de Dijon.

 

Laura Tatjana Gazlik
Eduard Josef Wagner
Der schöne Herr Hermann Mark Milhofer
Frau M. Theresa Kronthaler
Herr M. Matthias Aeberhard

Mise en scène Olivier Desbordes

Direction Thomas Rösner

Choeur de l'Opéra de Dijon
Orchestre Dijon Bourgogne

 

                                   Tatjana Gazlik (Laura)

 

Glaciaire et fraîchement enneigée, la ville natale de Jean-Philippe Rameau offre, pour ce premier week-end d'hiver, un opéra de Paul Hindemith jamais joué en France, Les Nouvelles du Jour.

Il y a quatre ans, Gerard Mortier avait créé Cardillac à Bastille dans la luxueuse mise en scène de André Engel, et Nicolas Joel devrait monter dans un an Mathis der Maler (Matthias Le Peintre) à l'Opéra de Paris.

Le compositeur allemand de l'entre deux guerres est donc à l'honneur dans l'hexagone, et c'est d'ailleurs à Dijon qu'il vint pour un court séjour, quelques mois avant sa mort.

Neues vom Tage est une satire sociale qui prend le prétexte d'un couple souhaitant divorcer, afin de railler les travers d'une société qui ne veut laisser chacun libre de sa vie, et qui reste attachée aux étiquettes qu'elle a besoin de fixer à l'autre.

Nous pouvons y voir une irrésistible parodie du duo amoureux entre Laura et son amant Hermann, allusion au duo de La Bohème par exemple, genre de comédie qui se joue tous les jours.

Olivier Desbordes choisit des coloris gris dans toute la première partie, ce qui fait briller d'éclat l'épisode du cabaret dans lequel le couple met en scène son propre divorce meurtrier, pour s'enrichir du voyeurisme des autres.

                                              La statue de Jean Philippe Rameau, place du Grand Théâtre.

Les lumières écarlates et les reflets du public dans les glaces, hypnotisants, se retirent à la toute fin sur le théâtre encombré d’ accessoires, ce qui rappellera pour certains le final de Capriccio à Garnier (dirigé par Robert Carsen).

Plus alerte que dans Cardillac, la musique de Neues vom Tage est un flux entraînant qui coule à la vitesse de l'intrigue. Flûtes et clarinettes se font courants d'air, et le banjo pure fantaisie. Elle porte quelque chose de vivifiant, et seuls quelques passages vocaux excessivement forte fatiguent inutilement.

Tatjana Gazlik (Laura) et Mark Milhofer (Der schöne Herr Hermann)

Tatjana Gazlik (Laura) et Mark Milhofer (Der schöne Herr Hermann)

Devant être de bons comédiens de boulevard, les chanteurs font briller l'ouvrage, Mark Milhofer en tête - ténor léger au timbre un peu durci - dans une interprétation débridée de l'amant Hermann. Tatjana Gazdik (Laura) et Josef Wagner (Eduard) sont des partenaires du même niveau, elle excellente actrice, lui vocalement très imposant à la façon d'un Ludovic Tézier.

Dans la fosse, la rigueur et l'enthousiasme règnent, difficile tâche qu'a Thomas Rösner pour maintenir le rythme entre l'orchestre et les chanteurs.

Malgré un livret un peu démodé, l'ouvrage se rapproche de l'esprit d' Yvonne Princesse de Bourgogne créée à Garnier en début d'année, où il s’agit également de se moquer d’un groupe social.

Il est donc un peu dommage que l'initiative d'Olivier Desbordes n'ait pas été plus soutenue, car le Théâtre Dijon n'était pas plein pour l'ultime représentation.
Le spectacle qui devait être repris à l’Opéra de Massy en avril 2010, en langue française cette fois, vient d'être malheureusement annulé.

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Publié le 5 Décembre 2009

Présentation du contexte de création d’Andrea Chénier par Nicolas Joel
Conférence du 01 décembre 2009.

L’article ci dessous reconstitue une partie de la conférence donnée par Nicolas Joel à l’amphithéâtre Bastille.

Nicolas Joel a par trois fois mis en scène Andrea Chénier, d'abord à l'Opéra National du Rhin, puis à Lyon aux arènes de Fourvière en 1989, et enfin au Metropolitan Opera de New York en 1996 pour les débuts de Luciano Pavarotti dans le rôle titre.

Il s'intéresse à Umberto Giordano, compositeur peu connu, pour le débat qu'il suscite : la vérité est-elle gênante à l'Opéra ?

Pour comprendre cette question, resituons Giordano dans son contexte historique.

L’Italie unifiée, devenu pays bourgeois et terre de finance et d’industrie oubliant les valeurs révolutionnaires de Garibaldi,  s’apprête à rentrer dans la modernité pour le meilleur et pour le pire.

Elle sera du côté des Alliés lors de la Première Guerre Mondiale, mais après un long débat.

Milan a ainsi atteint le statut de la capitale économique et culturelle de l’Italie, mais ce pays a surtout le projet de Cavour d’entrer dans l’Europe. Rome devient la capitale politique.

Le concept de "vérisme" naquit de la jeune école italienne qui cherchait à résoudre la question de la suite à donner à Verdi.
Il faut garder à l'esprit que le compositeur était encore vivant, puisqu'il disparut en 1901. Le poids était donc lourd.

Cette école réussit cependant à assurer la survie de l'opéra italien en Italie. Mais c'était un mouvement national qui intéressait peu l'étranger, et lorsque l‘on parlait d‘étranger, Paris en était le représentant.
Tous les compositeurs - Mascagni, Giordano, Cilea, Leoncavallo - étaient d'ailleurs d'origine méridionale et avaient fait leurs études au conservatoire de Naples San Pietro a Majella. Ils montèrent ensuite à Milan.

Leurs valeurs communes provenaient des dernières œuvres de Giuseppe Verdi, des traits de véhémences vocales d’Otello seront repris dans le vérisme, et d’un personnage clé qui va servir de trait d’union entre ce monde établi et celui de l’opéra.  Il s’agit d’Arrigo Boito, librettiste d’Otello et de Falstaff mais aussi de La Gioconda (sous un pseudonyme).
Il sera le professeur de Puccini et Mascagni.

Tous, Boito y compris,  fréquentent la Scapigliatura, mouvement littéraire et artistique anticonformiste nouveau né à Milan dans la seconde moitié du XIXième siècle, à l’image des surréalistes en France.

Ces artistes ne se coiffent pas, et vivent une sorte de bohème très allègre.
Ils sont en réaction contre l’establishment qui se crée, et vont irriguer le terreau culturel du Nord de l’Italie.
Les éditeurs, Ricordi et Sonzogno, jouent leur rôle en étant leurs promoteurs.
Avec Cavalleria Rusticana, Mascagni remporte d’ailleurs brillamment le premier concours de composition d’opéras en un acte.

De surcroit, deux librettistes viennent constituer le pilier littéraire de ces compositeurs : Illica et Giacosa. Illica dispose d' une culture historique considérable, alors que Giacosa est bien plus poète.

Présentation du contexte de création d'Andrea Chénier par Nicolas Joel

C’est pour Umberto Giordano, protégé par Sonzogno, que Illica va écrire le livret d’Andrea Chénier en 1896.

Alors comment décrire en quelques mots ce qui fait la forme du vérisme?
Il y a tout d’abord l’idée que des sentiments d’opéras existent même dans le milieu terrien. Cavalleria Rusticana, c’est à dire littéralement « Chevalerie Rustique » le signifie très symboliquement.

Ensuite, la véhémence en est un trait fondamental. Elle est une force qui pousse de l’intérieur et se rapproche du cri, ce qui va à l’encontre de la recherche d’académisme.

Enfin, il faut mesurer clairement l’importance de l’influence wagnérienne sur les compositeurs italiens. Avant Otello, l’orchestre sert d’accompagnement chez Verdi.
Avec les véristes, il parle et ne laisse plus toute la place au chant.

D’autres précisions sur cette période peuvent être obtenues dans L’Opéra en Italie de 1770 à 1990. 

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Publié le 3 Décembre 2009

Andrea Chénier (Umberto Giordano)
Répétition générale du  30 novembre 2009
Opéra Bastille

Andrea Chénier Marcelo Alvarez
Maddalena di Coigny Micaela Carosi
Carlo Gérard Sergei Murzaev
La Mulatta Bersi Varduhi Abrahamyan
La Contessa di Coigny Stefania Toczyska
Madelon Maria José Montiel
Roucher André Heyboer
Incredibile Carlo Bosi

Direction musicale Daniel Oren
Mise en scène Giancarlo Del Monaco

"André Chénier" est l'une des rares œuvres de l'art lyrique qui soit consacrée aux évènements de la révolution française, et à la période de la terreur en particulier.

La littérature offre plus précisément matière à réflexion avec "La Mort de Danton" de Georg Büchner (l'auteur de Woyzeck) et "La persécution et l'assassinat de Jean Paul Marat" de Peter Weiss.

Acte I : Château de la Comtesse de Coigny

Acte I : Château de la Comtesse de Coigny

L'idéal révolutionnaire cède le pas à la réalité d'une population affamée, se libérant dans une sorte d'orgie vitale et criminelle où l'âme humaine s'exalte hors de toute moralité.
La vie s'y montre dans son essence même, sans la couverture des oripeaux bourgeois.

Récemment, le théâtre de la Colline mettait en scène "Notre Terreur", création de Sylvain Creuzevault qui s'interrogeait sur Robespierre et la République des Décemvirs.
Qui étaient ces hommes qui choisirent la Terreur comme arme garante de la Vertu, afin de promouvoir un homme nouveau débarrassé de toute médiocrité? Que valaient-ils finalement ?

Marcelo Alvarez (Andrea Chénier)

Marcelo Alvarez (Andrea Chénier)

Une fois cette situation bien imaginée, l’approche de l’opéra de Giordano devient passionnante car Luigi Illica, le librettiste, utilise ses connaissances historiques pour reconstituer un climat révolutionnaire crédible, pas du tout avantageux pour la population française de l’époque. Le peuple se réjouit des décapitations, fornique, répand un désordre inouï parmi lequel les personnages principaux semblent surnager du mieux qu’ils peuvent.

Pour mettre en scène « André Chénier », Nicolas Joel a fait appel à Giancarlo Del Monaco, le fils d‘un des plus grands interprètes du rôle : Mario Del Monaco.

Le spectacle n’est pas une nouveauté, puisqu’il s’agit de la reprise d’un travail qui a parcouru l’Europe de Bologne jusqu’à Helsinki.

Micaela Carosi (Maddalena) et Sergei Murzaev (Gérard). 4 ans plus tard, en 1900, Puccini créera Tosca.

Micaela Carosi (Maddalena) et Sergei Murzaev (Gérard). 4 ans plus tard, en 1900, Puccini créera Tosca.

Les moyens dispendieux de l’Opéra Bastille sont utilisés pour reprendre et enrichir les décors, comme au premier tableau où l’aristocratie de Province est grimée en un monde de morts vivants, sorte de bal des vampires aux costumes outrés. Visuellement, cela sonne plus étrange qu’intéressant.

Changement d’atmosphère par la suite, quatre ans et des poussières plus tard, après l’assassinat de Marat. Les drapeaux français sont encore à bandes horizontales, avant qu’elles ne deviennent verticales selon le dessin de Jacques-Louis David depuis le 15 février 1794.
Chénier est un lecteur assidu de « L’Ami du peuple », journal créé par Jean-Lambert Tallien, défenseur de Marat puis opposant à Robespierre.

Tout le drame se déroule dans la pénombre, sans doute l’élément le plus saisissant que la musique souligne dans cet engrenage de complots.

Cependant, cette richesse de détails qui stimule notre intérêt pour une période clé de l’Histoire de France (un modèle romantique pour l’Italie de Giordano en recherche d’unité) ne masque pas le rendu théâtral peu travaillé par le metteur en scène.

Le malheureux Sergei Murzaev ne peut aucunement réussir son entrée menaçante, coincé dans un costume saugrenu, et cela malgré une présence vocale qui va se déployer avec force au fur et à mesure du déroulé du drame.

Micaela Carosi (Maddalena di Coigny)

Micaela Carosi (Maddalena di Coigny)

Mais quelque part, on sent immédiatement que son personnage va se situer dans un registre plutôt sensible et intériorisé, ce que « Nemico della patria » à l’acte III confirme, tant nous sommes loin de la caricature d’un Scarpia. C’est toujours le passage le plus fort du baryton.

C’est donc une première à l’Opéra de Paris pour Micaela Carosi, et l’interprétation qu’elle fait de Maddalena di Coigny devrait logiquement créer le désir de la réentendre à nouveau.

Voix large et dramatique, riche en couleurs sombres et en aigus amples, la soprano dépasse les instabilités initiales pour brosser un portrait sans doute très conventionnel de la jeune aristocrate, mais qu’elle a le bon goût de tirer de la légèreté vers la tragédie, et non pas vers le mélo larmoyant.
« La mamma morta » est ainsi une pure leçon de dignité finement assurée.

Surtout qu’elle est à la hauteur d’un Marcelo Alvarez vaillant et lumineux, extrêmement nerveux, et auquel ne manqueraient que quelques nuances noires, caractéristiques des personnages romantiques.

Maria José Montiel (Madelon)

Maria José Montiel (Madelon)

Sans trop de surprise, le chanteur est là avant tout pour se mettre en valeur, ses gestes - main sur le cœur, point menaçant, regard questionnant - restent très stéréotypés et ne le rendent pas attachant, ce qui donne une faible impression d' interaction avec les partenaires.

Parmi eux, André Heyboer et Carlo Bosi n’imposent pas véritablement une forte personnalité à Roucher et Incredibile, mais Maria José Montiel s’empare sans complexe de l’air de Madelon fait pour pleurer.

C’est un peu le problème avec l’œuvre de Giordano, l’auditeur est amené d’airs en duo magnifiques du début à la fin, en passant par des phases transitoires où l’action confuse le perd un peu.

 Acte III, tableau 3 : le tribunal révolutionnaire.

Acte III, tableau 3 : le tribunal révolutionnaire.

Ces artistes sont ainsi soutenus par un Daniel Oren très attentif à la finesse du tissu musical qu’il leur offre, quitte à retenir un peu trop prudemment les tensions dans l’acte I.
Soi-disant opéra vériste, « André Chénier » montre ici des facettes teintées de préciosité.

Aujourd'hui, en France, dans le climat douteux « d’identité nationale », la débauche de drapeaux français et de Marseillaise stylisée peut agacer, mais le portrait tyrannique de la Révolution qui sacrifie un poète vient en contrepoint noircir cet héritage.

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