Publié le 25 Avril 2011

La Walkyrie (Richard Wagner)
Représentation du 22 avril 2011
New York Metropolitan Opera

Wotan Bryn Terfel
Fricka Stéphanie Blythe
Siegmund Jonas Kaufmann
Sieglinde Eva-Maria Westbroek
Brünnhilde Deborah Voigt
Hunding Hans-Peter König
Gerhilde Kelly Cae Hogan
Ortlinde Wendy Bryn Harmer
Waltraude Marjorie Elinor Dix
Schwertleite Mary Phillips
Helmwige Molly Fillmore
Siegrune Eve Gigliotti
Grimgerde Mary Ann Mc Cormick
Rossweisse Lindsay Ammann

Direction Musicale James Levine
Mise en scène Robert Lepage

                                                                                                                 Jonas Kaufmann (Siegmund)

A la vue de la nouvelle production de la Walkyrie, et avant d’en commenter l’interprétation musicale, on ne peut reprocher à Robert Lepage de n’avoir pas compris à quel public il s’adresse.
Tout son dispositif s’articule autour d’une armature hélicoïdale, dont les pales se déploient pour former l’élément de décor le plus pertinent pour la scène en cours.

Il s’agit d’une prouesse technique remarquable, on n’imagine pas tous les problèmes d’équilibres de masse, d’asservissements et de contrôles informatiques temps réel que cela représente, qui permet d’enchaîner dynamiquement les changements de lieu, d’abord la forêt, puis la maison de Hunding, puis le Walhalla.

Les Américains, habitués aux images de synthèses des derniers Star Wars, aux éclairages sous lesquels les structures deviennent vivantes, aux lents mouvements d’impressionnants vaisseaux, retrouvent à l’opéra des textures et des animations importées des effets spéciaux cinématographiques, ou bien des jeux vidéo.

Deborah Voigt (Brünnhilde) et Bryn Terfel (Wotan)

Deborah Voigt (Brünnhilde) et Bryn Terfel (Wotan)

Le troisième acte tourne même au rodéo lorsque les Walkyries chevauchent héroïquement les poutres en balancement, sous couvert de sifflets et d’encouragements de la salle exaltée. Un cirque inimaginable à l’Opéra de Paris.

L’arrivée de Brünnhilde sur les ailes de Grane nous amène dans l’univers du Choc des Titans, et son immolation, spectaculaire cristallisation dans un rocher, le corps renversé, rappelle la cryogénisation de Hans Solo. Mais après tout, Georges Lucas s’est lui même inspiré du Ring dans sa Saga de science fiction.

Néanmoins, si l’on regarde au-delà de tous ces costumes aux couleurs vives et scintillantes, et de cette architecture qui est, répétons le, extraordinaire, Robert Lepage ne fait qu’assurer le service minimum en  terme de profondeur de mise en scène.

La psychologie de chaque personnage reste terriblement simplifiée, il arrive que leurs gestes se figent, avec toutefois quelques images recherchées comme l’enlacement de Siegmund autour de Sieglinde, et la mort de celui-ci dans les bras de Wotan.

Mais même là, les poses se prennent de façon visiblement calculées.
Tous les symboles, corne, béliers de Fricka et autres casques ailés sont par ailleurs utilisés à titre décoratifs.

Stéphanie Blythe (Fricka)

Stéphanie Blythe (Fricka)

On peut ainsi se moquer de l’attirail artisanal, cordes, rideaux, projecteurs mal cachés, qu’utilise Günter Krämer à Paris, son Ring reste cependant d’une toute autre intelligence de vue, théâtral dans les moments clés - le récit de Wotan et l’avertissement de Brünnhilde à Siegmund à l’acte II de la  Walkyrie-, et surtout d’une indéniable humanité.

Mais bien sûr, la musique prime. Lors de son arrivée pour saluer le public, James Levine a reçu une ovation de la salle d’une force telle que peu de chefs peuvent s’en prévaloir.
Il est chez lui, et dès que l’ouverture démarre, il offre l’image attendrissante d’un chef qui virevolte au milieu de l’orchestre comme un enfant dans l’eau.

Sa direction est incisive, les traits violents et naturalistes, les gradations en intensité atteignent leur paroxysme plutôt dans la première partie, dans le duo de Siegmund et Sieglinde, profondément chaleureux - notamment le hautbois-, et l’apparition impérieuse de Fricka.

Dans ce rôle ci, Stéphanie Blythe laisse une impression féroce, très assurée, une voix riche et colorée sur laquelle elle assoit une autorité imparable. On croirait entendre Dolora Zajick, mais plus jeune, et sans le vibrato actuel.

Bryn Terfel (Wotan)

Bryn Terfel (Wotan)

Bryn Terfel, un large souffle noir et névrotique, donne l’image d’un Wotan qui se débat avec ses propres contradictions. Il semble brider ses sentiments profonds que ce soit pour Brünnhilde ou Siegmund, mais beaucoup trop d’allers et venues masquent le manque de sens donné au geste.
Ni lui, ni aucun autre chanteur, ne laissera une attitude théâtrale marquante.
Il n’en est pas moins percutant, surtout quand il clame sa rage.

D’emblée, Deborah Voigt se présente crânement, et lâche sans complexe sa voix tout au long de cette épopée sans le moindre signe de fatigue, et sans rupture brusque.
Il faut cependant accepter un timbre qui la vieillit considérablement, et une vision un peu trop survoltée de Brünnhilde.

Bien des Hunding ont des intonations rustres, suggérant une nature primitive, mais dans le cas de Hans-Peter König nous pouvons croire qu’il pourrait être un homme accueillant, sage, surtout dans son accoutrement de Père Noël, parce que ce chanteur partage des sonorités souples, amples et d‘une évidente maturité.

Eva-Maria Westbroek (Sieglinde) et Jonas Kaufmann (Siegmund)

Eva-Maria Westbroek (Sieglinde) et Jonas Kaufmann (Siegmund)

Couple très attendu, Jonas Kaufmann et Eva-Maria Westbroek réussissent un duo d’amour passionné à donner le frisson, lui si souple corporellement, si sensible et sombrement rayonnant - mais encore prudent quand il élargit sa voix-, et elle toujours aussi tragiquement humaine et subtilement méditative, dont la méforme passagère est à peine perceptible même dans ce passage là.

Margaret Jane Wray la remplace pourtant au troisième acte, avec vaillance, et même une certaine ressemblance de timbre, sans que cela n’ôte un sentiment de déception, car il s’agit d’une prise de rôle pour la soprano allemande.

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Publié le 25 Avril 2011

Le Comte Ory (Gioachino Rossini)
Représentation du 21 avril 2011
New York Metropolitan Opera

Le Comte Ory Juan Diego Florez
La Comtesse Adèle Diana Damrau
Isolier Joyce DiDonato
Raimbaud Stéphane Degout
Le Gouverneur Michele Pertusi
Dame Ragonde Susanne Resmark

Mise en scène Bartlett Sher
Direction musicale Maurizio Benini

 

 

Juan Diego Florez (le Comte Ory) et Stéphane Degout (Raimbaud)

Il paraît surprenant que l’avant dernier opéra de Rossini n’ait pas la notoriété du Barbier de Séville ou bien de l’Italienne à Alger. Il s’agit évidemment d’un divertissement bourgeois haut de gamme, qui comporte un second acte à l’action très serrée.

Bien que cette comédie se déroule vers 1200 - période identique à celle du livret d’ Aroldo, un des opéras les moins connus de Verdi -, Bartlett Sher la transpose au XIXème siècle, sans surcharge, et s’appuie habilement sur les ressorts du théâtre de Marivaux, une forme d’élégance sans trivialité, auxquels le public rit de bon cœur.

Il suffit de voir le chouchou de ces Dames, Juan Diego Florez, sautiller de ci de là dans son costume de religieuse, pour que la salle s’esclaffe sans se limiter à un sourire simplement amusé. Et visiblement, il aime cela.
Incarnation vocale du classicisme, le ténor péruvien manie la précision de la langue française avec une clarté particulièrement charmeuse.

Diana Damrau (La Comtesse Adèle) et Joyce DiDonato (Isolier)

Diana Damrau (La Comtesse Adèle) et Joyce DiDonato (Isolier)

En véritable princesse un peu capricieuse, Diana Damrau pousse les vocalises aux limites de l’hystérie avec, elle aussi, une excellente diction, et l’on retrouve à nouveau Joyce DiDonato dans un de ces rôles masculins et troublants où elle adore se travestir, et exprimer l’insolence de la fougue adolescente, avec la présence qu’on lui connaît.

La scène finale qui se déroule sur le lit dans une confusion des sentiments et des sexes, alors que le Comte, la Comtesse et Isolier alternent des effusions virtuoses et passionnées, est une petite réussite en soi.

Unique interprète français de la distribution, Stéphane Degout se prête de bon cœur à la farce sans verser dans les excès du cabotinage, mais le souffle et la chaleur de sa voix, qu'il libère généreusement lorsque l'occasion lui en est donnée, le mettent de toute façon mieux en valeur dans un répertoire plus sensible et poétique.

Dans la fosse, Maurizio Benini mène un rythme entraînant, ce qui est l’élément essentiel de la musique de Rossini.

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Publié le 20 Avril 2011

Pelléas et Mélisande (Claude Debussy)
Version concert du 17 avril 2011
Théâtre des Champs Elysées

Pelléas Simon Keenlyside
Mélisande Natalie Dessay
Golaud Laurent Naouri
Geneviève Marie-Nicole Lemieux
Arkel Alain Vernhes
Yniold Khatouna Gadelia
Le Médecin Nahuel di Pierro

Direction musicale Louis Langrée
Orchestre de Paris

 

                                                Laurent Naouri (Golaud)

Après  Parsifal et  Ariane et Barbe-Bleue, c’est avec une version concert de Pelléas et Mélisande que s’achèvent ces quelques jours consacrés, au hasard du calendrier, à Wagner et son influence dans la musique française.

Sous la direction de Louis Langrée, les musiciens de l’Orchestre de Paris livrent une lecture rigoureuse et compacte qui, au fil de soirée, gagne en limpidité.
Si dans les passages les plus vivants la poésie se défait sensiblement, la profondeur de la musique, lorsqu’elle travaille les mouvements les plus sombres, devient flot mystérieux et inquiétant, et cela particulièrement lorsque Golaud intervient.

Or, Laurent Naouri est a lui seul, immensément, naturellement, et en toute évidence, l’interprète choc de la représentation. Il chante magnifiquement, le verbe est précis, superbement lié et détaché à la fois, sur fond d’un timbre mûr et que l'on pourrait croire affectueux au premier abord.

Alors évidemment Simon Keenlyside joue sur deux registres, des étincelles d’innocentes clartés et une assurance virile, Natalie Dessay trouve une lumineuse présence dans "Mes long cheveux descendent jusqu’au seuil de la tour", mais nulle subtile mélancolie ou sentiment d'urgence ne traverse ce duo par ailleurs tenu à distance sur scène. Rien ne se passe en fait.
Même Alain Vernhes paraît trop attentif à soigner son chant.

Ceci est cependant un avant goût de la passionnante confrontation qui s’annonce la saison prochaine entre le Teatro Real de Madrid (L.Naouri-Y.Beuron-C.Tilling direction S.Cambreling) et l’Opéra de Paris (V.Le Texier-S.Degout-E.Tsallagova direction P.Jordan) , le chef d’œuvre de Debussy devant y être représenté dans la même mise en scène de Bob Wilson.

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Publié le 19 Avril 2011

Anne Schwanewilms
Récital du 16 avril 2011 à l' Opéra Comique

Piano Manuel Lange

Claude Debussy Proses Lyriques
« De rêves… »
« De grève… »
« De fleurs… »
« De soir… »

Hugo Wolf Mörike-Lieder
« Im Frühling »
« Gesang Weylas »
« Auf einer Wanderung »
« Verborgenheit »
« Das verlassene Mägdlein »
« Wo find’ich Trost »
« Der Genesene an die Hoffnung »

Arnold Schönberg Vier Lieder op.2
« Erwatung »
« Schenk mir deinen goldenen Kamm »
« Erhebung »
« Waldsonne »

Hugo Wolf Mörike-Lieder
« Elfenlied »
« Selbstgeständnis »
« Storchenbotschaft »

Bien que le petit fascicule remis aimablement à chacun suggère une écoute de ce récital sous l’angle de l’influence vocale wagnérienne, seule la rencontre avec Anne Schwanewilms a véritablement de l’importance.

Dans cet espace si intime où la proximité du public pourrait l'intimider et gêner son rayonnement naturel, la soprano allemande crée une atmosphère émouvante en mettant à nu ses fragilités.

L’expressivité de sa technique repose sur des lignes subtilement éthérées, de soudaines envolées lyriques et un médium tourmenté, parfois fâné. Il y a dans cette large palette de couleurs, mêlant pureté et inachevé, une évocation humaine empathique.

Les proses lyriques ne sont sans doute pas suffisamment intelligibles, seulement Anne Schwanewilms sait exactement pourquoi elle est là, et ce qu’elle interprète.
Ce qu’elle vie intérieurement est renvoyé avec un immuable naturel, des traits d'humour complices au cours des derniers lieder, si bien que l'on en reste très touché.

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Publié le 17 Avril 2011

Roméo et Juliette (Prokofiev)
Pré-générale du 08 avril 2011 et représentation du 16 avril 2011 à l’Opéra Bastille

Première historique le 2 juin 1977 au London Coliseum
Production remaniée pour le ballet de l’Opéra National de Paris le 19 octobre 1984

Juliette Agnès Letestu / Isabelle Ciaravola
Roméo Florian Magnenet / Karl Paquette
Tybalt Stéphane Bullion / Vincent Chaillet
Mercutio Emmanuel Thibault / Mallory Gaudion
Benvolio Yann Saïz / Fabien Révillion
Pâris Yannick Bittencourt / Florimont Lorieux
Rosaline Eve Grinsztajn / Laura Hecquet
Dame Capulet Delphine Moussin / Laurence Laffon
La Nourrice Danièle Doussard / Céline Palacio

Chorégraphie et mise en scène Rudolf Noureev

Décors Ezio Frigerio
Costumes Mauro Pagano
Lumières Vinicio Cheli

Direction musicale Vello Pähn                                            Stéphane Bullion (Tybalt)

Depuis son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris, Roméo Juliette est vraisemblablement le ballet le plus théâtral que nous ait légué Rudolf Noureev.

 

La musique de Prokofiev prodigue une variété de motifs colorés et évocateurs, depuis les états d’âme les plus noirs, les hésitations de Juliette entre la potion et le poignard, sur fond d‘accords mortels et sinueux, jusqu’à l’exaltation de la joie de vivre la plus euphorisante, l’audace entraînante, tambour battant, de Mercutio.

A l’instar des caractères shakespeariens, précis et complexes, la scénographie de Noureev s‘approche du réalisme de la vie, la lutte poing fermés et menaçants entre Capulets et Montaigus, les allusions sexuelles ludiques, les permanentes marques d’affection ou de tension entre partenaires, avec de multiples scènes de vie périphériques que l‘on ne peut toujours suivre dans le même temps.

 

Agnès Letestu (Juliette) et Florian Magnenet (Roméo)

Il en résulte une chorégraphie qui privilégie la rapidité et la multiplicité des pas.
 

Deux personnages sont significativement développés : Tybalt et Mercutio.

Tybalt, le cousin de Juliette, abîmé de pulsions destructrices, réapparaît même dans le songe de celle ci pour lui suggérer le suicide, et, comme si sa psychologie n‘était pas suffisamment sombre, Noureev lui attribue en plus une attirance pour Roméo.

Stéphane Bullion manifeste une dimension particulièrement féline.

Il y a chez ce danseur une capacité à suggérer des mouvements du corps qui accélèrent et ralentissent tout en souplesse, du dos jusqu’au phalanges des pieds, et génèrent des images dynamiques profondément marquantes.

 

 

Emmanuel Thibault (Mercutio)

Mercutio, l’ami proche de Romeo, est celui qui cherche à apporter de la détente à la confrontation entre les deux clans. Il entraîne, fait passer le rapport à la vie avant les barrières sociales, s’amuse aussi bien avec la nourrice qu’avec Tybalt, mais finit finalement par payer sa nature inclassable.

Dephine Moussin (Dame Capulet) et Stéphane Bullion (Tybalt)

Dephine Moussin (Dame Capulet) et Stéphane Bullion (Tybalt)

Emmanuel Thibault fait vivre un personnage virevoltant, d’une joie de vivre stupéfiante et provocante par son inconscience, alors que Mallory Gaudion lui accorde un caractère plus moelleux.

Dans la conception de Noureev, le duo formé par Roméo et Juliette est à l’avantage de cette dernière.
Doux rêveur, prenant des poses sourire béat, Roméo est soumis à la fille des Capulets.

Karl Paquette (Roméo)

Karl Paquette (Roméo)

Il la soutient, est en quelque sorte à son service, et c’est dans ses bras qu’elle trouve l’apaisement de son trop plein d’énergie, lorsqu’elle virevolte sur elle-même.

Agnès Letestu livre une Juliette encore plus dominatrice face au trop précieux Florian Magnenet, mais son charisme naturel et décidé est concurrencé par la légèreté entière d’Isabelle Ciaravola dans le même rôle.

Agnès Letestu (Juliette)

Agnès Letestu (Juliette)

Il faut voir les bras de cette dernière flottant avec la même harmonie que ses voiles charmants, ses impulsions douces où l’on ressent la fragilité et la sensibilité humaine, et un plaisir ravissant.

Malgré une mauvaise réception déstabilisante, la tendresse et l’ardeur de Karl Paquette, mélange bondissant et leste, sortent Romeo de sa fadeur, car rien de la noirceur romantique du personnage n‘est montrée ici.

Isabelle Ciaravola (Juliette)

Isabelle Ciaravola (Juliette)

Jouant d’un belle allure, droite et fière, fascinante par sa blondeur et la perfection d’une image d’ange au trait féminin, Fabien Révillion est comme le petit frère dévoué de Romeo, élancé et encore un peu lourd.

L’orchestre de l’Opéra National de Paris n’avait pas assuré les représentations du Lac des Cygnes en décembre dernier, ce qui avait été dommageable à la qualité musicale.

Ce n’est heureusement pas le cas pour Roméo et Juliette, et même si Vello Pähn n’atteint pas la flamboyance et la théâtralité d’un chef comme Kevin Rhodes, il réalise cependant une belle fusion entre cordes et cuivres, atténue les moments les plus pompeux sans sacrifier au relief, draine de subtils motifs, mais reste sur un tempo lent, qui, s’il peut être du à une nécessaire adaptation au rythme des danseurs, paraît pourtant exagéré dans les moments les plus vifs.

Ceci dit, le troisième acte, celui où se pose la question de la mort, et où Noureev utilise le plus des procédés faisant intervenir rêves ou prémonitions en même temps que le réel sur scène, avec la vrai Juliette et son double, puis les fantômes de Tybalt et Mercutio, trouve dans ces lenteurs une sensible exaltation romantique. Difficile de ne pas en être ému.

Fabien Révillion (Benvolio)

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Publié le 17 Avril 2011

Ariane et Barbe-Bleue (Paul Dukas)
Version concert du 15 avril 2011
Salle Pleyel

Ariane Katarina Karnéus
La Nourrice Delphine Haidan
Sélysette Andrea Hill
Mélisande Emmanuelle de Negri
Barbe-Bleue Nicolas Cavallier

Direction musicale Jean Deroyer
Orchestre Philharmonique de Radio France
Choeur de Radio France

 

Katarina Karnéus (Ariane)

Les hasards heureux de la programmation font qu’il est possible d’entendre  Parsifal, Pelléas et Mélisande et Ariane et Barbe-Bleue à quelques jours d’intervalle.
Car ces trois oeuvres forment un aboutissement de l’intégration de l’univers symphonique à l’art de l’opéra.

Mais si - dans la recherche d’une réponse à Wagner - Debussy a cherché à se démarquer, la fascination de Paul Dukas pour le maître de Bayreuth, et Parsifal en particulier, est restée intacte.

Sous la direction monumentale de Sylvain Cambreling, l’Opéra de Paris avait présenté l’ouvrage dans une production visuellement dommageable à l’imprégnation de la musique.
Ce soir, en version concert, l’immersion dans les vagues lumineuses est totale, et Jean Deroyer anime l’immensité orchestrale en incitant des impulsions parfois un peu trop fracassantes.

Même si les cordes s’éliment dans les filages les plus fins, le plus beau passage s’ouvre au troisième acte, lorsque les ondoyances évoquent l’arrivée des filles fleurs de Parsifal.

La poésie du texte de Maeterlinck trouve ainsi, avec Katarina Karnéus et Dephine Haidan, un art de la diction noble et maîtrisé.

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Publié le 15 Avril 2011

Parsifal (Richard Wagner)
Version concert du 14 avril 2011
Théâtre des Champs Elysées

Parsifal Nikolai Schukoff
Kundry Angela Denoke
Gurnemanz Kwangchul Youn
Klingsor John Wegner
Amfortas Michael Volle
Titurel Steven Humes

Direction Musicale Kent Nagano

Orchestre et Choeur de la Staatsoper de Munich
Tölzer Knabenchor (Choeur de garçons de Bad Tölz)

 

                                                                                                        Angela Denoke (Kundry)

Juste avant d'interpréter à Munich deux représentations de Parsifal, dans la mise en scène de Peter Konwitschny, l'intégralité de l'équipe artistique passe par le Théâtre des Champs Elysées, comme pour offrir à Paris une répétition générale spéciale.

On peut regretter qu'un minimum de mise en espace ne permette aux chanteurs de jouer leur rôle, et de créer de véritables moments de tension, il n'en est pas moins vrai que l'attente porte en grande partie sur Angela Denoke.

Toute l’intériorité torturée de Kundry s’exprime uniquement par les torsions du buste, les traits du visage d’une femme affligée et blessée, mais pas dangereuse.

Le pouvoir magnétique de la soprano allemande, sophistiquée et pourtant si humaine, se manifeste pendant tout le second acte, qu’elle chante ou pas d’ailleurs. Sa voix s’épanouit en s’accordant du temps, des clartés voilées, des angoisses graves et mystérieuses, et des lenteurs envoutantes.

 Angela Denoke (Kundry)

Angela Denoke (Kundry)

En l’apparence, l’attitude si simple de Nikolai Schukoff, Parsifal plein de bonne volonté, n’a pas la présence immédiate répondant au cliché de l’Heldentenor wagnérien, et pourtant, sa technique lui permet de soigner les lignes d’un chant mordant et sombre, dirigé frontalement, d’atteindre les aigus dans un élan soudain mais sans rupture et sans altération, tout cela avec une modestie sympathique.
Le timbre ne change pas, mélancolique, mais également un peu austère.

Kwangchul Youn, dont on attend le retour à l’Opéra de Paris dans la Forza del Destino, peut se prévaloir d’une sage autorité charismatique qui humanise fortement Gurnemanz. Il y a en lui un rayonnement et un style chaleureusement mozartiens qui évoquent la conscience éclairée de Sarastro.

L’âme d’Amfortas trouve, en Michael Volle, un gardien de son propre orgueil de roi et de sa dignité, John Wegner exalte sans ambages la brutalité névrosée de Klingsor, et le Titurel de Steven Humes, même disposé en arrière scène, percute très efficacement.

Angela Denoke (Kundry), Kent Nagano et Nikolai Schukoff (Parsifal)

Angela Denoke (Kundry), Kent Nagano et Nikolai Schukoff (Parsifal)

Il y a bien des façons d’interpréter Wagner, et Kent Nagano donne l’impression, dans le premier acte, de privilégier l’avancée du discours, le choix d’une douceur qui s’obtient en étouffant les cuivres sous les cordes, et en ne les laissant jaillir que dans les moments nécessairement spectaculaires. Les frémissements des violons sont encore trop mécaniques, mais l’ensemble reste prenant.

L’ orchestre de la Staatsoper de Munich gagne en intensité au second acte, mais c’est réellement dans la dernière partie, de retour au château du Graal, qu’une magnifique nappe sonore, traversée de fin contrastes, immerge la salle avec une grâce qui évoque la légèreté d’une renaissance.

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Publié le 10 Avril 2011

Le Freischütz (Carl Maria von Weber)
Représentation du 9 avril 2011
Opéra Comique

Agathe Sophie Karthäuser
Max Andrew Kennedy
Annette Virginie Pochon
Gaspard Gidon Saks
Kouno Matthew Brook
Kilian Samuel Evans
Ottokar Robert Davies
L’Ermite Luc Bertin-Hugault
Samiel Christian Pélissier

Mise en scène Dan Jemmett
Direction musicale John Eliot Gardiner
Chœur The Monteverdi Choir
Orchestre Révolutionnaire et Romantique

                                                                                        Sophie Karthäuser (Agathe)

Depuis l’émergence du ballad opera anglais, au milieu du XVIIIème siècle, les compositeurs allemands s’intéressaient à l’opéra comique allemand : le singspiel.

Mais alors qu’il était encore maître de chapelle national à Prague, Carl Maria von Weber fit entendre Fidelio, l’unique opéra de Beethoven.  Il y voyait un archétype de l’opéra romantique allemand.

La création berlinoise du Freischütz (1821), adaptation d’un conte populaire germanique, fut depuis considérée comme le premier grand opéra romantique allemand.

Vingt ans après, Hector Berlioz, qui avait assisté à la création parisienne de l’ouvrage au Théâtre de l’Odéon, en réalisa une traduction française, en passant par une conversion des dialogues parlés en récitatifs, plus adaptés à l‘efficacité théâtrale.
Il ajouta également un ballet orchestré à partir de L’invitation à la danse, rondo pour piano composé par Weber.

Bien que l’acoustique intime de la salle Favart ne favorise pas l’épanouissement des grands ensembles, John Eliot Gardiner et l’Orchestre Révolutionnaire et Romantique viennent pourtant d’en donner une interprétation alerte et élégante, traversée d’un souffle permanent et irrésistible.

Le réconfort des solos, impeccablement détachés, renoue avec la profondeur des sentiments.

Matthew Brook (Kouno), et les villageois (The Monteverdi Choir)

Matthew Brook (Kouno), et les villageois (The Monteverdi Choir)

Les interprètes d’Agathe, Annette et Max composent à eux trois un cœur vocal délicat, et soigneusement allié aux finesses orchestrales.
Sophie Karthäuser joue avec des couleurs mélancoliques et des fragilités expressives, Virginie Pochon révèle une aisance pimpante et une franchise de diction qui font chanter lumineusement les moindres notes, et Andrew Kennedy réussit une composition tendre avec même une appréciable musicalité du texte français.

Gidon Saks profite un peu trop de son sur-dimensionnement à la scène pour forcer inopportunément le trait, mais il se rattrape en assurant du lien aux graves introvertis.

Sans réserve, les seconds rôles s’intègrent agréablement à la vie du village.

Virginie Ponchon (Annette) et Sophie Karthäuser (Agathe)

Virginie Ponchon (Annette) et Sophie Karthäuser (Agathe)

Le travail de Dan Jemmett, sur un décor d’image d’Epinal, se sort le mieux de la mise en scène du chœur, parfait, même très bien synchronisé lors de sa dispersion dans les hauts couloirs du théâtre, quand s’ouvre la saisissante Gorge du Loup.

La meilleure réalisation musicale de l’Opéra Comique de la saison, pour l'instant.

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Publié le 1 Avril 2011

Dimanche 03 avril 2011 sur Arte à 19H15
Récital Anna Netrebko et Daniel Barenboïm (2010)
Œuvres de Nicolas Rimsky-Korsakow et Peter Ilitch Tchaïkovski

Lundi 04 avril 2011 sur Arte à 22H35
Les Järvi, Neeme, Paavo et Kristjan
Trois chefs d’orchestre, un nom

Mardi 05 avril 2011 sur France 2 à 00H15
Castor et Pollux (Rameau)
Direction Christophe Rousset. Avec Anna Maria Panzarella, Véronique Gens, Henk Neven, Finnur Bjarnason.
Mise en scène Pierre Audi. Enregistré à l’Opéra d’Amsterdam en 2008.

Mardi 05 avril 2011 sur Arte à 20H15
Anna Bolena. Avec Anna Netrebko et Elina Garanca.
Evelino Pido, direction. Eric Genovese, mise en scène
En direct de l'Opéra de Vienne

 

Samedi 09 avril 2011 sur France 3 à 00H15
Concert à Amsterdam
Orchestre royal du Concertgebouw. Dir. Bernard Haitink

 

Dimanche 10 avril 2011 sur Arte à 19H15
Bartók : Le Mandarin merveilleux / Kodály : Háry János – Suite.
Christian Arming, direction

 

Lundi 11 avril 2011 sur Arte à 22H35
Georges Prêtre, l’urgence de la musique

 

Mardi 12 avril 2011 sur France 2 à 00H30
Rinaldo (Haendel)
Direction Vaclav Luks. Mise en scène Louise Moaty. Avec Marina Rewerski, Katerina Knezikova, Stanislava Jirku, Adam Plachetka, Maria Fajtova.

 

Samedi 16 avril 2011 sur France 3 à 00H15
L'Orchestre de Paris (direction Paavo Järvi)

L'apprenti Sorcier (Dukas), Concerto pour violon n°1 (Chostakovitch), Symphonie n°2 (Rachmaninov).

 

Dimanche 17 avril 2011 sur Arte à 19H15
Les Larmes de Saint-Pierre (Roland de Lassus) (1ère partie)
Collegium Vocale Gent. Direction musicale : Philippe Herreweghe

Lundi 18 avril 2011 sur Arte à 22H35
André Modeste Grétry, un musicien dans la tourmente

 

Lundi 18 avril 2011 sur Arte à 23H20

Les Etoiles du Nord

Portraits de danseurs du Ballet de Hambourg, dirigé par John Neumeier 

 

Mardi 19 avril 2011 sur France 2 à 00H15

Hommage à Jérôme Robbins

 

Samedi 23 avril 2011 sur France 3 à 00H50

Concert Schumann. Invitée : Martha Argerich

 

Dimanche 24 avril 2011 sur Arte à 19H15
Berlioz à l’Opéra Royal
Direction musicale : Marc Minkowski. Orchestre des Musiciens du Louvre
Solistes : Antoine Tamestit (alto), Anne Sophie von Otter (mezzo-soprano)
Concert enregistré le 11 avril 2011 à l'Opéra Royal du Château de Versailles

Lundi 25 avril 2011 sur Arte à 22H30
Georg Friedrich Haendel, maître du baroque

 

Mardi 26 avril 2011 sur France 2 à 01H00

La Création (Joseph Haydn) 

 

Jeudi 28 avril 2011 sur France 3 à 02H05

L'Opérette en folie 

 

Samedi 30 avril 2011 sur France 3 à 00H10

L'Heure de Gabriel Bacquier

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Rédigé par David

Publié dans #TV Lyrique

Publié le 29 Mars 2011

Luisa Miller (Giuseppe Verdi)
Représentations du 26 et 29 mars 2011
Opéra Bastille

Il Conte di Walter Orlin Anastassov
Rodolfo Roberto de Biasio
Federica Maria José Montiel
Wurm Arutjun Kotchinian
Miller Frank Ferrari
Luisa Krassimira Stoyanova
Laura Elisa Cenni
Un Contadino Vincent Morell

Mise en scène Gilbert Deflo
Décors et costumes William Orlandi
Direction musicale Daniel Oren

                                                                                                      Krassimira Stoyanova (Luisa Miller)

Luisa Miller est l’unique opéra de Verdi qui contienne la même idéologie que le Tristan et Isolde de Wagner. L’amour ne peut s’accomplir que dans la mort, et ce passage vers l’éternité est provoqué par l’un des deux amants, avec la même symbolique de la coupe et du poison.

On peut même remarquer que Luisa y songe lorsqu'elle rédige la lettre sous la contrainte de Wurm.
 

Même si la force naturelle des rondeurs montagneuses, qui s’impose à l’arrière plan et profite le mieux aux auditeurs du parterre, n’apparaît pas comme une dimension évidente de l’œuvre, la forme du décor de William Orlandi, un grand arc tourné vers le ciel, répond à l’idéal d’infini qui unit Rodolfo et Luisa, une forme immense et inversée par rapport à celle de la banale coupe.

Pour parfaire la sensation d’unité et de relief scénique, tout en recherchant une impression de mélancolie, les éclairages diffusent une lumière de faible intensité qui oblige toutefois le spectateur à agir sur ses fonctions de maintien en éveil.

Il ne peut compter sur la mise en scène de Gilbert Deflo, puisqu’elle se limite à gérer des entrées et sorties et à préciser les confrontations face au public.

Maria José Montiel (Federica)

En revanche, la distribution artistique permet d’offrir à l’intimisme de cet ouvrage charnière de la vie de Verdi, une rupture définitive avec les opéras patriotiques de jeunesse, des lignes vocales et musicales absolument sublimes.

Sous la direction enthousiaste de Daniel Oren, mais en décalage avec le drame, l’orchestre de l’Opéra de Paris dédie ses plus fines textures, une fusion réussie entre enchainements dramatiques et délicatesse des évanescences. La voix spectaculaire de Krassimira Stoyanova, élancée, fière et surnaturelle, donne une dimension si aristocratique à Luisa que l’on en oublie sa condition villageoise. 

Franck Ferrari (Miller) et Krassimira Stoyanova (Luisa Miller)

Franck Ferrari (Miller) et Krassimira Stoyanova (Luisa Miller)

A côté d’elle, Maria José Montiel interprète une Comtesse superficielle, timbre de chair plus coloré que subtil, et généreuse en décibels.

Avec ses étranges sons baillés et une proximité vocale frappante, Arutjun Kotchinian fait de Wurm un être comique à la gestuelle exagérée, et l’on reconnait en Orlin Anastassov le portrait de l’autorité traditionnelle, monotone solidité, empreinte du temps sur la noirceur du timbre, une ressemblance avec Burt Lancaster, patriarche déchu d’Il Gattoparto, un des chefs-d'oeuvre de Visconti.
 

Moins puissant, mais d’une variété d’intonations presque chaotique, Franck Ferrari soigne particulièrement bien ses lignes de chant au troisième acte, en duo avec Krassimira Stoyanova, une caractérisation inégale mais sensible du père de Luisa. Il y a de la vérité dans ses expressions, et il vit ses sentiments.

Au cours de ces deux soirées pour lesquelles Roberto de Biasio se substitue à Marcello Alvarez, le ténor engage un personnage d‘une gravité toute romantique, un Werther à l‘italienne, une profondeur humaine et une économie de geste magnifiquement poétisées par un style qui s’inscrit dans la lignée de José Carreras, de la lumière et des ombres, de l’élégance et de l’habilité quand il s’agit de laisser s’atténuer de minces fils de voix.
C’est tellement beau que l’on craint que ce ne soit fragile.

Roberto de Biasio (Rodolfo

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