Articles avec #bohinec tag

Publié le 15 Juin 2025

Die Walküre (Richard Wagner – Munich, 26 juin 1870)
Représentation du 02 juin 2025
Wiener Staatsoper

Siegmund Andreas Schager
Hunding Kwangchul Youn
Wotan Iain Paterson
Sieglinde Simone Schneider
Brünnhilde Anja Kampe
Fricka Monika Bohinec
Helmwige Regine Hangler
Gerhilde Jenni Hietala
Ortlinde Anna Bondarenko
Waltraute Szilvia Vörös
Siegrune Isabel Signoret
Grimgerde Stephanie Maitland
Schwertleite Freya Apffelstaedt
Roßweiße Daria Sushkova

Direction musicale Philippe Jordan
Mise en scène Sven-Eric Bechtolf (2007)

                                                         Philippe Jordan

Afin d’achever en beauté son mandat de directeur musical de l’Opéra de Vienne, Philippe Jordan se voue entièrement en cette fin de saison à la nouvelle production de ‘Tannhäuser’ et à la reprise de deux cycles complets du ‘Ring’ mis en scène par Sven-Eric Bechtolf il y a déjà 18 ans

Andreas Schager (Siegmund) et Simone Schneider (Sieglinde) - Photo Michael Poehn

Andreas Schager (Siegmund) et Simone Schneider (Sieglinde) - Photo Michael Poehn

La première journée de ce cycle, ‘Die Walküre’ – il s’agit de la 34e représentation depuis le 02 décembre 2007 -, révèle une scénographie fixe pour chacun des trois actes, un salon centré sur le tronc d’un chêne épuré dans lequel est plantée l’épée Notung au premier acte, avec le passage d’un loup blanc en hologramme pour signifier la présence de Wotan, la clairière d’une forêt illustre le second, jonchée de quelques rochers blancs brisés prémonitoires de la fin du monde des Dieux, et neuf statues de chevaux figées dans la cour du Walhalla figent le dernier, statues sur lesquelles les lumières engendrent de saisissants jeux d’ombres, un procédé qui fait la force de cette production au cours des trois grands tableaux.

Et pour nous immerger dans l’ambiance du drame wagnérien, un amoncellement de nuages orageux se forme au dessus de Vienne en début du spectacle, une atmosphère qui se produit régulièrement à Bayreuth en plein festival.

Philippe Jordan et Monika Bohinec (Fricka)

Philippe Jordan et Monika Bohinec (Fricka)

Mais c’est bien entendu l’interprétation musicale qui focalise l’attention, et Philippe Jordan règne en maître absolu d’une puissance chargée par l’Orchestre du Wiener Staatsoper qui lui offre ses sons les plus pleins et les plus tonitruants avec un alliage des timbres rutilants, notamment les cuivres toujours très enveloppants dans cette maison. Très attentionné à l’équilibre avec les chanteurs, il cherche aussi à ne pas affaiblir le drame, si bien que Iain Paterson, chanteur dont la force est de connaître le tréfonds de l’âme de Wotan et de savoir les traduire sur scène de façon crédible, n'arrive qu'à faire passer ses aigus dans les passages les plus mouvementés, le langage précis dans le médium du baryton-basse britannique n’arrivant à exister que lorsque l’orchestre reste tapis dans les graves.

Anja Kampe (Brünnhilde)

Anja Kampe (Brünnhilde)

Cette soirée n’en est pas moins de très haut niveau, Anja Kampe se révélant une Brünnhilde magnifique avec beaucoup de couleurs expressives, une assurance à tenir ce langage exalté haut en couleur avec des fulgurances implacables, mais aussi avec une sensibilité et une profondeur humaine qui redéfinissent le visage de la Walkyrie préférée de Wotan. Ce n’est pas la fille du Dieu des Dieux qui s’exprime, mais une femme gardienne de la vie, véritablement un portrait d’une très grande justesse qu’elle défend depuis sa prise de rôle en octobre 2022 à Berlin.

Autre artiste tout aussi poignante, Simone Schneider défend Sieglinde avec une très belle ligne de chant, ambrée et lumineuse à la fois, qui draine un sentiment d’urgence pathétique très touchant, sans la moindre faiblesse, alors que Monika Bohinec fait vivre les noirceurs de Fricka d’abord sur la réserve, pour ensuite gagner en intensité et présence.

Le Wiener Staatsoper au moment de la remise du titre de 'Österreichischer Kammersänger' à Andreas Schager

Le Wiener Staatsoper au moment de la remise du titre de 'Österreichischer Kammersänger' à Andreas Schager

Il y a bien sûr le Hunding particulièrement noir de Kwangchul Youn, de très haute tenue et joué avec acuité, mais cette soirée est aussi celle d’Andreas Schager, fabuleux Siegmund semblant vouloir entraîner toute la salle dans son délire, vantant ses plus beaux 'Wälse!' comme sur un marché, mais aussi avec des nuances, ce qui laissera le public ahuri à la fin du premier acte.

Cette aisance spectaculaire, difficilement surpassable aujourd’hui, sera récompensée en fin de soirée par Bogdan Roščić, pas uniquement pour le héros phénoménal qu'Andreas Schager vient d’incarner avec une générosité sans limites, mais pour son parcours à l’Opéra d’État de Vienne où il est apparu plus d’une cinquantaine de fois depuis ‘Daphné’ où il incarnait Apollon en 2017, puis Max dans ‘Der Freischütz’ et le rôle titre de ‘Lohengrin’ en 2018, Tamino dans ‘Die Zauberflöte’ en 2019, Tristan dans ‘Tristan und Isolde’ en 2022, ou bien Der Kaiser dans ‘Die Frau ohne Schatten’ en 2023.

Bogdan Roščić nommant Andreas Schager 'Österreichischer Kammersänger'

Bogdan Roščić nommant Andreas Schager 'Österreichischer Kammersänger'

Andreas Schager est ainsi nommé 'Österreichischer Kammersänger' en ce lundi 02 juin 2025 soir exceptionnel, titre national décerné aux grands chanteurs en Autriche, la joie irrésistiblement communicative de cet artiste attachant étant aussi la récompense pour le public viennois survolté.

Andreas Schager nommé 'Österreichischer Kammersänger'

Andreas Schager nommé 'Österreichischer Kammersänger'

Voir les commentaires