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Publié le 22 Février 2023

Concerto pour clavecin*, flûte, hautbois, clarinette, violon, et violoncelle (Manuel de Falla - Barcelone, 1926)
Pulcinella (Igor Stravinsky - Opéra de Paris, 1920 – réarrangement en suite, 1922)
El Retablo de Maese Pedro (Manuel de Falla - Version de concert à Sevilla, 23 mars 1923, et Version scénique à Paris - Hôtel de Polignac, le 25 juin 1923)

Représentation de concert du 18 février 2023
Teatro Real de Madrid

Maese Pedro Airam Hernández
Don Quijote José Antonio López
Trujamán Héctor López de Ayala Uribe

Direction musicale Pablo Heras-Casado
Mahler Chamber Orchestra
Claveciniste Benjamin Alard 

* Clave donado generosamente por Rafael Puyana al Archivo Manuel de Falla

 

Pour le centenaire de la création d’El Retablo de Maese Pedro’ (Les Tréteaux de Maître Pierre), le Teatro Real de Madrid présente, pour une seule soirée, un programme qui rend hommage à l’admiration du compositeur espagnol envers Igor Stravinsky, qu’il rencontra pour la première fois en France en 1916. 

Pablo Heras-Casado et le Mahler Chamber Orchestra

Pablo Heras-Casado et le Mahler Chamber Orchestra

En effet, après la Première Guerre mondiale, et dans un mouvement de prise de distance avec les influences nationalistes, Stravinsky développa une écriture néoclassique. Manuel de Falla fut lui aussi inspiré par ce style moins débordant et d’apparence plus rationnel auquel il se consacra dès qu’il s’installa à Grenade en 1920. 

Le programme de ce soir qui rapproche le ‘Concerto pour clavecin’, la suite ‘Pulcinella’ d’Igor Stranvinsky et ‘El Retablo de Maese Pedro’, tous trois composés après 1920, amène l’auditeur à se laisser imprégner par cette sensibilité musicale née dans l’entre Deux-Guerres.

Héctor López de Ayala Uribe (Trujamán) et Airam Hernández (Maese Pedro)

Héctor López de Ayala Uribe (Trujamán) et Airam Hernández (Maese Pedro)

Pour le 'Concerto pour clavecin, flûte, hautbois, clarinette, violon, et violoncelle', Pablo Heras-Casado a disposé les musiciens de façon à ce que le claveciniste soit placé à l’avant, auprès de lui, les 5 autres solistes étant disposés en cercle tout autour d’eux.

L’atmosphère est intime et détendue, et les sonorités pleines et chaleureuses font sentir la matière même des bois dans un esprit un peu ancien. Le très agréable délié du clavecin – instrument légué par Rafael Puyana (1931-2013), le dernier élève de Wanda Landowska, célèbre claveciniste que connut Manuel de Falla -, ne prend pas l’avantage et s’insère dans l’exécution d’ensemble dont la rythmique, d’apparence un peu mécanique et bien réglée, respire la joie de vivre, au lieu d’accentuer la sévérité des tempi.

Le hautboïste moscovite Andrey Godik se distingue aussi par la noblesse et la fluidité de son souffle.

Chiara Tonelli (Flûte), Andrey Godik (Hautbois) et Vicente Alberola Ferrando (Clarinette)

Chiara Tonelli (Flûte), Andrey Godik (Hautbois) et Vicente Alberola Ferrando (Clarinette)

On retrouve cette approche humble qui cultive le goût pour l'authenticité dans l’interprétation de la suite de ‘Pulcinella’, suite symphonique qu’arrangea Igo Stravinsky à partir de sa propre musique de ballet ‘Pulcinella’, elle même dérivée de la transposition de partitions de Pergolese (‘Il Flaminio’, ‘Lo frate ‘nnammorato’, ‘Luce degli occhi miei’, ‘Sinfonia for cello and basso’), de sonates de Domenico Gallo, du ‘concerto armonico n°2’ de Unico Wilhelm van Wassenaer, de suites pour clavecin de Carlo Monza, et même d’un air italien d’Alessandro Parisotti.

Pablo Heras-Casado fait corps avec les musiciens du Mahler Chamber Orchestra afin de dépeindre des lignes légères et heureuses, où la poésie rêveuse des bois – un second hautbois s’est substitué à la clarinette du concerto pour clavecin – et la clarté solaire des cuivres offrent les baumes les plus empreints de douceur.

José Antonio López (Don Quijote)

José Antonio López (Don Quijote)

Et en seconde partie, le clavecin de Benjamin Alard, délicat interprète de Bach, retrouve sa place au sein de l’orchestre pour jouer ‘El Retablo de Maese Pedro’, donné en version de concert comme lors de sa création à Séville le 23 mars 1923.

Le livret, offert gratuitement par le Teatro Real, reproduit en couleurs le programme de la création scénique parisienne qui eut lieu le 25 juin 1923 dans le salon musical de l’Hôtel de la Princesse Edmund de Polignac, situé aujourd’hui avenue Georges Mandel face à l’ancien appartement de Maria Callas.

A Paris, Henri Casadesus était le joueur de Harpe et de Luth, et Wanda Landowska, la claveciniste. Cette dernière écrivit d’ailleurs un très beau texte sur les éclairs rythmiques et le ruissellement flamboyant du ‘Roi des instruments’.

Pablo Heras-Casado

Pablo Heras-Casado

Ce petit opéra s’inspire des XXVe et XXVIe chapitres de la seconde partie du ‘Don Quichotte’ de Miguel Cervantes, et raconte l’histoire, à travers un théâtre de marionnettes, de la délivrance de Mélisandre détenue par les Maures d’Espagne à Sansueña (ancien nom de Saragosse).

En spectateur captivé, Don Quichotte, confondant théâtre et réalité, finit par détruire les marionnettes pour sauver sa dulcinée.

Le rôle du narrateur, Trujamán, est incarné par l’un des petits chanteurs de la JORCAM, Héctor López de Ayala Uribe, à la voix haute et agile très piquée, qui instille candeur et pureté, celui de Maese Pedro est chanté par Airam Hernández, ténor au timbre franc et clair, et celui de Don Quichotte est confié à José Antonio López, doté de colorations sombres et ambrées homogènes tout en restituant une caractérisation relativement sage.

José Antonio López, Héctor López de Ayala Uribe, Airam Hernández, et en arrière plan, Pablo Heras-Casado et Benjamin Alard

José Antonio López, Héctor López de Ayala Uribe, Airam Hernández, et en arrière plan, Pablo Heras-Casado et Benjamin Alard

Les tissures orchestrales sont un fin alliage de cordes et de patine cuivrée au raffinement enjôleur, des cadences palpitantes soutiennent l’articulation du chant, et, à défaut de représentation scénique, la vitalité expressive des musiciens participe à l’effervescence grisante insufflée par cette pièce qui ne dure qu'une demi-heure.

On ressort ainsi de ce concert avec un sentiment de plénitude souriante, et une compréhension plus approfondie des influences musicales qui traversent ces trois ouvrages. Par sa précision, son sens de l’équilibre serein et son élégance de geste, Pablo Heras-Casado démontre à nouveau la valeur qu’il représente pour le Teatro Real de Madrid.

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Publié le 8 Novembre 2009

Tristan et Isolde (Wagner)
Prélude Acte I et intégralité de l’Acte II
Représentation du 07 novembre 2009
Théâtre des Champs Elysées

Direction musicale Daniel Harding
Mahler Chamber Orchestra

Isolde Waltraud Meier
Tristan John Mac Master
Brangäne Michelle Breedt
Marke Franz-Josef Selig
Melot / Kurwenal Michael Vier

D’emblée, et en écartant la possibilité d’une humeur tragique, l’ouverture nous emmène vers les songes d’une jeunesse ivre, et cet élan si déterminé, le Mahler Chamber Orchestra et Daniel Harding vont en faire la trame tendue d’une rencontre d’une force humaine fabuleuse.

                                      Waltraud Meier (Isolde)

L’intensité des émotions d’Isolde à l’arrivée de Tristan, la justesse avec laquelle elle s’adresse au cœur à la limite de l‘urgence, l’orchestre en est l’expression subjugante.

Pour arriver à une telle réussite, John Mac Master a accepté de remplacer au dernier moment Lance Ryan, et malgré l’enjeu, l’équilibre en reste préservé.

Waltraud Meier (Isolde). Fin acte II.

Waltraud Meier (Isolde). Fin acte II.

Discours clair et incisif de Michelle Breedt, pathétiques changements d’expressions vocales et physiques de Franz-Josef Selig, ne reste plus qu’un être vivant dressé là, un corps et une âme sensible à chaque mot, une voix indéfectible, Waltraud Meier.

Parfois les images de Bill Viola ressurgissent de notre imagination quand elle évoque, bras levés au ciel, l’embrassement de son cœur, seulement lorsque Tristan s’effondre, ce n’est plus une douleur torturante insoutenable, mais un saisissement glacé qui s’empare d’elle.

Waltraud Meier (Isolde). Fin acte II.

Waltraud Meier (Isolde). Fin acte II.

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