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Publié le 16 Janvier 2018

L'Enlèvement au Sérail (Wolfgang Amadé Mozart)
Représentation du 12 janvier 2018
Bayerische Staatsoper – Munich

Konstanze Lisette Oropesa
Blonde Kathleen Kim
Belmonte Benjamin Bruns
Pedrillo Matthew Grills
Osmin Hans-Peter König
Bassa Selim Bernd Schmidt
Erzählerin Charlotte Schwab

Direction musicale Ivor Bolton
Mise en scène Martin Duncan (2003)

                                                                                               Charlotte Schwab (Erzählerin )

Assister à une représentation de l'Enlèvement au Sérail à Munich, c'est vivre à l'unisson d'un public à l'attention duquel cet opéra a été composé.

Car bien avant la trilogie da Ponte, Mozart créa à Vienne, en 1782, l'archétype de l'opéra populaire allemand dans une veine musicale étourdissante, et sur fond d’une irréversible décadence de l'Empire Ottoman.

Matthew Grills (Pedrillo) et Benjamin Bruns (Belmonte)

Matthew Grills (Pedrillo) et Benjamin Bruns (Belmonte)

La production montée par Martin Duncan au Bayerische Staatsoper n'est certes pas sophistiquée, elle repose principalement sur un défilement de canapés multicolores, suspendus par quelques câbles, et sur un jeu simple et humoristique, mais elle se joue d'une réalité contemporaine en évoquant sur un ton léger et dédramatisant l'assimilation de la religion musulmane par un pays, l'Allemagne, qui a gardé des liens forts avec la Turquie.

L'histoire de l'entreprise de libération de Konstanze et Blonde par Belmonte est donc racontée, à la place des récitatifs, par l’actrice Charlotte Schwab, revêtue d'un Hijab, comme si nous assistions au tournage d’un jeu télévisé sur une chaîne du Moyen-Orient.

Les plans intérieurs du Palais de Topkapi, et une ancienne carte de la cité maritime, sont projetés en arrière-scène et commentés avec un esprit d'analyse faussement sérieux et irrésistible.

Lisette Oropesa (Konstanze)

Lisette Oropesa (Konstanze)

Et la mise en scène des duos et des ensembles est, elle, clairement plus convenue, tout en dégageant un naturel sensible et émouvant. L'arrivée par la mer de Belmonte et Pedrillo accompagnés d'un souffleur de bulles, et la pantomime acrobatique des jeunes filles fuyant par deux cordes menant au pied des murailles de la forteresse, forment le tableau le plus décalé de cette histoire.

Face à cette façon de s’amuser avec des symboles qui peuvent encore déranger aujourd’hui, l’esprit de la musique de Mozart est magnifiquement revitalisé par la direction fuselée d’Ivor Bolton qui en révèle sa richesse imaginative. Et l’acoustique magique du Bayerische Staatsoper fait aussi bien scintiller les moindres sonorités orchestrales qu’ouvrir un espace intime en lien avec chaque chanteur, même quand on est situé dans les toutes dernières galeries du théâtre.

Hans-Peter König (Osmin)

Hans-Peter König (Osmin)

On se rend compte à quel point tout dans la musique de l’Enlèvement au Sérail annonce les grands ouvrages de la maturité de Mozart quand elle est aussi bien chantée. Lisette Oropesa dessine naturellement des lignes fluides et aériennes si fines et si précises que le personnage de Konstanze s’en trouve porté sur un piédestal orné de fragilité, alors que Benjamin Bruns engage une vaillance poignante qui préserve les qualités candides de l’écriture mozartienne.

Belmonte prend ainsi un caractère sérieux, bien ancré dans la réalité, mais toujours teinté de mélancolie poétique.

Le Pedrillo de Matthew Grills, plus léger, n’en est pas moins vif et bien campé avec une franchise d’émission qui le fait ressembler à un Papageno version ténor, et Kathleen Kim se faufile dans la personnalité malicieuse de Blonde avec un même sens du souffle soigné et raffiné.

Le Bayerische Staatsoper

Le Bayerische Staatsoper

Hans-Peter König est alors celui qui envahit le plus l’espace sonore de ses graves bien timbrés, avec un esprit bonhomme qui ridiculise bien plus qu’il ne noircit le portrait du gardien Osmin.

Une telle virtuosité d’ensemble, liée à une conception scénique qui n’alourdit rien inutilement, éveille spontanément une joie partagée sans réserve avec le public le plus généreux des scènes lyriques internationales.

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