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Publié le 25 Mai 2013

Alors que la saison 2013/2014 s’annonce plus intéressante à l’Opéra de Paris que la saison en cours, les maisons lyriques européennes ont à peu près toutes fait connaître leur programmation.
Munich, Madrid, Berlin et Londres seront les grandes villes phares de l’art lyrique, Bruxelles, Zürich et Milan vont aussi proposer quelques ouvrages mis en scène par des directeurs novateurs, et Vienne poursuit sa programmation routinière en laissant de côté toute la dimension théâtrale de son répertoire.

Sans prétendre énumérer toutes les productions pour lesquelles il faudra se déplacer, la liste ci-dessous est une sélection tout à fait subjective d’œuvres à voir et entendre en Europe, pour elles mêmes, très souvent mis en scène par les meilleurs directeurs de théâtre, avec de bonnes distributions artistiques.


La Monnaie de Bruxelles
La Clémence de Titus (Mozart) du 10 au 26 octobre 2013
Msc van Hove, Dm Morlot, Streit/C.Workman, Gens/Penda, Losier/Grevelius
Hamlet (Thomas) du 03 au 22 décembre 2013
Msc Py, Dm Minkowski, Degout/Pomponi, Le Tezier, Larmore/Brunet-Grupposo, Yoncheva/Gimore
Orphée et Eurydice (Gluck/Berlioz) du 17 juin 2014 au 02 juillet 2014
Msc Castellucci, Dm Niquet, d’Oustrac, Devieilhe, Treble

Stéphane Degout (Hamlet msc Olivier Py au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles)

Stéphane Degout (Hamlet msc Olivier Py au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles)

Vlaamse Opera Anvers /  Gand
Tristan et Isolde (Wagner) du 21 septembre au 05 octobre 2013 / du 17 au 20 octobre 2013
Msc Lernous, Dm Jurowski, Farina/Schager, Braun/Amman, Jerkunica, Dike

Vlaamse Opera Anvers
Lady Macbeth de Mzensk (Shostakovich) du 21 mars au 06 avril 2014
Msc Bieito, Dm Jurowski, Tomlinson, Stundyte, Elgr, Ludha

Royal Opera House Covent Garden
Les Vêpres Siciliennes (Verdi) du 11 octobre 2013 au 11 novembre 2014
Msc Herheim, Dm Pappano, Poplavskaya, Hymel, Schrott, Volle
Die Frau ohne Schatten (Strauss) du 14 mars au 02 avril 2014
Msc Guth, Dm Bychkov, Botha, magee, Schuster, Reuter, Pankratova
Manon Lescaut (Puccini) du 17 juin au 07 juillet 2014
Msc Kent, Dm Pappano, Opolais, Maltaman, Kaufmann, Muraro

English National Opera
Satyagraha (Glass) du 20 novembre au 08 décembre 2013
Msc McDermott, Dm Stratford, Oke, Kelly
Benvenuto Cellini (Berlioz) juin 2014
Msc Gilliam, Dm Gardner, Spyres, Winters, Hunka, Spence, Mirriny

DeNederlandse Opera
Armida (Gluck) du 06 au 27 octobre 2013
Msc Kosky, Dm Bolton, Gauvin, Foster-Williams, Antoun, Droy
Faust (Gounod) du 10 au 27 mai 2014
Msc La Fura dels Baus, Dm Minkowski, Fabiano, Petrenko, Sempey, Helmer, Yoncheva, Crebassa

Oper Frankfurt
Ezio (Gluck) du 14 novembre au 07 décembre 2013
Msc Boussard, Dm Curnyn, Cencic, Murrihy, Prina, Fomina
Die Gespenstersonate (Reimann) du 29 janvier au 08  février 2014
Msc Sutcliffe, Dm Januschke, Volle, Mayr, Galliford, Silja
Daphne (Strauss) du 06 au 22 mars 2014
Msc Guth, Dm Blunier, Baldvinsson, Baumgartner, Bengtsson, Behle, Marsh

Hamburgishe Staatsoper
La Battaglia di Legnano (Verdi) du 20 octobre au 20 novembre 2013
Msc Alden, Dm Young, Martirossian, Almaguer, Voulgaridou, Jo Loeb, Lee, Rud
I Due Foscari (Verdi) du 27 octobre au 21 novembre 2013
Msc Alden, Dm Young, Dobber, Filianoti, Nizza, Atfeh
I Lombardi alla prima crociata (Verdi) du 13 au 28 novembre 2013
Msc Alden, Dm Young, Pisapia, Relyea, Damian, van den Heever

Staatsoper im Shiller Theater (Berlin)
La Fiancée du Tsar (Rimski-Korsakov) du 03 octobre au 01 novembre 2013
Msc Tcherniakov, Dm Barenboim, Kotcherga, Peretyatko, Kränzle, Schabel, Cernoch, Rachvelishvili
Tannhäuser (Wagner) du 12 au 27 avril 2014
Msc Waltz, Dm Barenboim, Pape, Seiffert, Mattei, Sonn, Hoffmann, Prudenskaja, Poplavskaya
Simon Boccanegra (Verdi) du 13 au 17 avril 2014
Msc Tiezzi, Dm Barenboim, Domingo, Hartejos, Belosselskiy, Sartori, Odena
Dido & Aeneas (Purcell) du 06 au 17 mai 2014
Msc Waltz, Dm Moulds, Ugolin, Willcox, York
 

Sasha Waltz (mises en scène de Tannhäuser et Dido & Aeneas au Staatsoper Berlin)

Sasha Waltz (mises en scène de Tannhäuser et Dido & Aeneas au Staatsoper Berlin)

Deutsche Oper Berlin
La Damnation de Faust (Berlioz) du 23 février au 08 mars / & 23 mai au 01 juin 2014
Msc Spuck, Dm Runnicles, Margaine / Garanca, Vogt / Polenzani, Youn / d’Arcangelo
Tristan und Isolde (Wagner) du 14 au 25 mai 2014
Msc Vick, Dm Runnicles, Stemme, Youn, Gould, Liang Li, Baumgartner
Billy Budd (Britten) du 22 mai au 06 juin 2014
Msc Alden, Dm Runnicles, Ulrich, Chest, Saks, Brück, Pesendorfer

Komische Oper Berlin
Die Soldaten (Zimmermann) du 15 juin au 09 juillet 2014
Msc Bieito, Dm Feltz, Larsen, Elmark, Gumos, Vyaznikova, Lie

Semperoper Dresde
Elektra (Strauss) du 19 au 31 janvier 2014
Msc Frey, Dm Thielemann, Meier, Herlitzius, Schwanewilms, van Aken, Pape

Bayerische Staastoper Munchen
Die Frau ohne Schatten (Strauss) du 21 novembre au 07 décembre 2013
Msc Warlikowski, Dm Petrenko, Botha, Pieczonka, Polaski, Holecek, Koch, Pankratova
La Force du destin (Verdi) du 22 décembre 2013 au 11 janvier 2014
Msc Kusej, Dm Fisch, Kowaljow, Hartejos, Tézier, Kaufmann, Krasteva
La Clémence de Titus (Mozart) du 10 au 26 février 2014
Msc Bosse, Dm Petrenko, Spence, Opolais, Müller, Erraught, Brower

Theater an der Wien
I due Foscari (Verdi) du 15 au 27 janvier 2014
Msc Strassberger, Dm Conlon, Domingo, Chacon-Cruz, Agresta, Tagliavini, Owens

Theater Basel
Blanche Neige (Holliger)
Msc Freyer, Dm Holliger, Wesseling, Prégardien, Bolduc, Kudinov

Operhaus Zurich
Jenufa (Janacek) du 22 novembre au 07 décembre 2013
Msc Tcherniakov, Dm Lange, Opolais, Martens, Schwarz, Cernoch, Ventris
La Dame de Pique (Tchaïkovski) du 06 avril au 18 mai 2014
Msc Carsen, Dm Belohlavek, Didyk, Markov, Monogarova, Soffel, Mulligan, Zysset
Peter Grimes (Britten) du 24 au 31 mai 2014
Msc Pountney, Dm Heras-Casado, Ventris, Magee, Rootering, Friedli

Scala de Milan
La Traviata (Verdi) du 7 décembre 2013 au 03 janvier 2014
Msc Tcherniakov, Dm Gatti, Damrau, Piunti, Zampieri, Beczala, Lucic
La Fiancée du Tsar (Rimski-Korsakov) du 02 au 14 mars 2014
Msc Tcherniakov, Dm Barenboim, Kotcherga, Peretyatko, Kränzle, Schabel, Cernoch, Prudenskaya
Elektra (Strauss) du 18 mai au 10 juin 2014
Msc Chereau, Dm Salonen, Meier, Herlitzius, Pieczonka, Randle, Pape

Teatro La Fenice (Venezia)
L’Africaine (Meyerbeer) du 23 novembre au 01 décembre 2013
Msc Muscato, Dm Villaume, Pratt, Kunde, Simeoni

Parme / Busseto
Simon Boccanegra (Verdi) du 01 au 11 octobre 2013
Msc De Ana, Dm Bignamini, Frontali, Prestia, Caria, Choi, Remigio, Torre
Falstaff (Verdi) du 12 au 26 octobre 2013
Msc Bruson & Bianchi, Dm Rolli, Bruson (12, 17)
I Masnadieri (Verdi) du 18 au 27 octobre 2013
Msc Muscato, Dm Ciampa, Rares , Aronica, Rucinski, Florian, Coriano
 

La Légende de la Ville invisible de Kitège (Teatre del Liceu)

La Légende de la Ville invisible de Kitège (Teatre del Liceu)

 Grand Teatre del Liceu (Barcelona)
La Légende de la ville invisible de Kitege (Rimski-Korsakov) du 13 au 30 avril 2014
Msc Tcherniakov, Dm Pons, Ignatovitx, Aksenov, Halfvarson, Tiliakos, Ognovenko

Teatro Real de Madrid
The Indian Queen (Purcell) du 05 au 19 novembre 2013
Msc Sellars, Dm Currentzis, Bullock, Koutcher, Dumaux, Yi, Brutscher, Stewart, Qave,
Brokeback Mountain (Wuorinen) du 28 janvier au 11 février 2014
Msc van Hove, Dm Engel, Randle, Okulitch, Buck, Minutillo, Heschenfeld, Summers, Henschel
Alceste (Gluck) du 27 février au 15 mars 2014
Msc Warlikowski, Dm Bolton, Groves/Randle, Caterina Antonacci/Soloviy, White
Lohengrin (Wagner) du 03 au 27 avril 2014
Msc Hemleb, Dm Haenchen, Hawlata/Juric, Ventris/Konig, Naglestad /Schwanewilms, Mayer/Tomasson, Polaski / Zajick

Opera National de Paris
Alceste (Gluck) du 12 septembre au 07 octobre 2013
Msc Py, Dm Minkowski, Alagna/Beuron, Koch, Lapointe, Sempey, Ferrari, Henry
Aïda (Verdi) du 10 octobre au 16 novembre 2013
Msc Py, Dm Jordan, Cigni, D’Intino, Bocharova, Dyka/Garcia, Alvarez/Dean Smith
Elektra (Strauss) du 31 octobre au 01 décembre 2013
Msc Carsen, Dm Jordan, Meier, Theorin, Merbeth, Begley, Nikitin

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Publié le 16 Février 2013

Présentation de la saison Lyrique 2013 / 2014 du Teatro Real de Madrid

Le vendredi 08 février 2013, le Teatro Real de Madrid a révélé le détail de la saison 2013/2014, sur son site www.teatro-real.com/es/avance-temporada.
Elle comporte un nombre conséquent de nouvelles productions, dont une création mondiale, réalisées pour certaines en coopération avec d‘autres théâtres, ce qui est une surprise lorsque l’on connaît la sévère coupe budgétaire que le gouvernement a opéré sur la subvention publique de cette maison lyrique cette année.

Façade Ouest du Teatro Real

Façade Ouest du Teatro Real

Création Mondiale

Brokeback Mountain (Charles Wuorinen)

du 28 janvier au 11 février (8 représentations)
Tom Randle, Daniel Okulitch, Heather Buck, Hannak Esther Minutillo, Ethan Heschenfeld, Hilary Summers, Jane Henschel
Mise en scène Ivo van Hove / Direction Titus Engel

Création mondiale

Adaptation d’une nouvelle de Annie Proulx (également auteur du livret) sur une composition de Charles Wuorinen, musicien que Gerard Mortier situe dans la lignée d’Alban Berg ou Elliott Carter.
L’ouvrage se départit d’un certain romantisme présent dans le film d’Ang Lee.


L’Amérique et le nouveau monde

Die Eroberung von Mexico (Wolfgang Rihm)  

du 09 au 19 octobre (8 représentations)
Nadja Michael/Ausrine Stundyte, Georg Nigl/Holger Falk, Carole Stein, Katarina Bradic
Mise en scène Pierre Audi / Direction Alejo Pérez
Nouvelle production


Prévue, un moment, pour être confiée à la direction de la Fura Dels Baus, c’est finalement Pierre Audi et le scénographe Alexander Polzin qui se chargeront de donner forme à une œuvre qui, allégée de la vision de destruction inhérente au stéréotype de la conquête, termine sur un duo entre Montezuma (interprété par Nadja Michael) et Hernan Cortés (Georg Nigl).

The Indian Queen (Henry Purcell)

du 05 au 19 novembre (8 représentations)
Julia Bullock, Nadine Koutcher, Christophe Dumaux, Vince Yi, Markus Brutscher, Noah Stewart, Luthando Qave, Mattia Olivieri
Mise en scène Peter Sellars / Direction Teodor Currentzis (Chœurs et orchestre de l’Opéra de Perm)
Coproduction Opera de Perm
 

Une version inédite de la pièce inachevée d’Henry Purcell en 1695, en coproduction avec l’Opéra de Perm, dirigée dans la fosse par Teodor Currentzis, et sur scène par Peter Sellars.


Autres nouvelles productions

L’Elixir d’amour (Gaetano Donizetti)

du 02 au 20 décembre (14 représentations)
Nino Machaidze/Camila Tilling/Eleonora Buratto, Celso Albelo/Ismael Jordi/Antonio Poli, Fabio Capitanucci/Gabriele Viviani, Erwin Schrott/Paolo Bordogna
Mise en scène Damiano Michieletto / Direction Marc Piollet
Nouvelle production, en coproduction avec le Palau de les Arts de Valencia

Alceste (Christoph Willibald Gluck)

du 27 février au 15 mars (11 représentations)
Paul Groves/Tom Randle, Anna Caterina Antonacci/Sofia Soloviy, Willard White
Mise en scène Krzysztof Warlikowski / Direction Ivor Bolton

Nouvelle Production


La scénographie est dirigée par un des metteurs en scène préférés de Gerard Mortier, le sulfureux Krzysztof Warlikowski. Alceste est une œuvre qui rappelle que personne ne peut mourir pour quelqu‘un d‘autre, thème que le metteur en scène polonais avait abordé dans (A)pollonia.


 Anna Caterina Antonacci


Lohengrin (Richard Wagner)

du 03 au 27 avril (13 représentations)
Franz Hawlata/Goran Juric, Christopher Ventris/Michael Konig, Catherine Naglestad / Anne Schwanewilms, Thomas Johannes Mayer / Tomas Tomasson, Deborah Polaski / Dolora Zajick
Mise en scène Lukas Hemleb / Direction Harmut Haenchen/Walter Althammer
Nouvelle Production

Les Contes d’Hoffmann (Jacques Offenbach)

du 11 mai au 21 juin (12 représentations)
Eric Cutler/Jean-Noël Briend, Anne Sofie von Otter/Hannah Esther Minutillo, Vito Priante, Christoph Homberger, Ana Durlovski, Measha Brueggergosman, Ainhoa Arteta
Mise en scène Christoph Marthaler / Direction Sylvain Cambreling
Nouvelle Production



Nouvelles productions provenant de l’Opéra National de Paris

Tristan und Isolde (Richard Wagner)

du 12 janvier au 08 février (8 représentations)
Robert Dean Smith, Franz-Josef Selig, Violeta Urmana, Jukka Rasilainen, Nabil Sulinan, Ekaterina Gubanova
Mise en scène Peter Sellars, Video Bill Viola / Direction Teodor Currentzis
Nouvelle production provenant de l’Opéra National de Paris

Tristan und Isolde (images Bill Viola fin Acte I)

Tristan und Isolde (images Bill Viola fin Acte I)

Orphée et Eurydice (Christoph Willibald Gluck)

du 12 au 14 juillet (03 représentations)
Maria Riccarda Wesseling / Yun Jung Choi / Zoe Nicolaidou
Direction de scène Pina Bausch / Direction Thomas Hengelbrock
Ballet de l’Opéra National de Paris


Reprise du Teatro Real de Madrid

Il Barbiere di Siviglia (Gioachino Rossini)

du 14 au 26 septembre (10 représentations)
Dmitry Korchak/Edgardo Rocha, Bruno De Simone/José Fardilha, Serena Malfi/Ana Durlovski, Mario Casi/Franco Vassalo, Dmitry Ulyanov/Carlo Lepore
Mise en scène Emilio Sagi / Direction Tomas Hanus
Reprise 2005 en coproduction avec le Teatro Sao Carlos de Lisbonne


Versions de concert

Dido and Aeneas (Henry Purcell)

le 18 novembre (1 représentation)
Simone Kermes, Nuria Rial, Dimitri Tiliakos
Direction musicale Teodor Currentzis, Music Aeterna (Chœur et orchestre de l’Opéra de Perm)

I vespri siciliani (Giuseppe Verdi)

du 11 au 14 juin (3 représentations)
Francisco Tojar, Yonghoon Lee, Ferruccio Furlanetto, Julianna Di Giacomo, Antonio Lozano, Fernando Rado
Direction musicale James Conlon


 
Première impression sur cette saison 2013/2014

Avec 10 productions lyriques, dont une seule est une reprise du Teatro Real, et malgré une baisse de 30% de sa subvention publique, Gerard Mortier défie les petits discours de certains directeurs de grandes maisons d’opéra qui prennent excuse de contraintes financières, bien réelles pourtant, pour justifier une programmation peu audacieuse, alors qu‘elle est due, principalement, à leur manque d‘intuition et d’ambition artistiques, ainsi qu’à leur recherche exclusive du profit. Il y aura ainsi 100 représentations d'opéras la saison prochaine, soit 20 de plus que la saison en cours.

 

Krzysztof Warlikowski

Une de ses grandes lignes de force est le thème de l’amour et de la mort, sous sa forme la plus profonde, à travers la reprise de deux magnifiques spectacles parisiens, Orphée et Eurydice et Tristan et Isolde, sur deux musiques d‘époques bien différentes, l’une classique, l’autre romantique.
Didon et Enée, en version de concert, prolongera cette vision sur un style de composition encore plus ancien, anglais et baroque.

La création mondiale de Brokeback Mountain sera la grande nouveauté lyrique déclinant autrement la force inexplicable d’un amour homosexuel sur une musique cette fois contemporaine.

Pour le divertissement, une nouvelle production de l’Elixir d’Amour, œuvre que Mortier a monté trois fois en cinq ans à Paris, maintiendra sous une forme très légère ce lien avec l’amour noir de Tristan et Isolde.

Deux ouvrages, Die Eroberung von Mexico et the Indian Queens seront, même pour les plus fervents amateurs lyriques, deux découvertes majeures, et la nouvelle production de Lohengrin enrichira une saison où Wagner sera bien représenté.
 

Il est rare de voir une saison accorder autant de place à la période baroque et classique, avec deux œuvres de Purcell, et deux œuvres de Gluck, mais aucune de Mozart, en ne laissant seulement qu’un quart des œuvres chantées en langue italienne, et, même si l’on ne pourra entendre la langue slave, si ardemment défendue à Paris par le directeur flamand, le lien avec la Russie sera maintenu par trois invitations du chef d’orchestre Teodor Currentzis, nouvellement directeur de la création de l’Opéra ballet de Perm. Par deux fois, il dirigera son ensemble MusicAeterna, orchestre de chambre évoluant vers le répertoire symphonique.

Teodor Currentzis

 

Cette saison brille également par la confiance renouvelée à des metteurs en scène connus pour leur subtilité (Sellars, Hemleb) et leur approche théâtrale (Marthaler, van Ove) parfois radicale (Warlikowski).
Si, bien évidemment, les chefs fidèles, Haenchen, Cambreling, Hengelbrock sont présents, toutes les distributions intègrent les grands chanteurs également fidèles, Ventris, Michael, Urmana, Cutler, Selig, White.

Les Madrilènes, du moins les plus curieux d’esprit, auront une chance extraordinaire de vivre l’art lyrique dans toute sa richesse culturelle, car le Teatro Real promet une diversité d’approches musicales et théâtrales, et un choix d’œuvres fortement humaines, qui sont le fondement de ce qui peut nous renforcer face à un environnement culturel et intellectuel en pleine débâcle.

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Publié le 28 Décembre 2012

Conférence Trilogie Médée : Krzysztof Warlikowski. Théâtre des Champs Elysées
Le 11 décembre 2012 Atrium du Théâtre des Champs Elysées

Le lendemain de la première de Médée de Cherubini mise en scène par Krzysztof Warlikowski au Théâtre des Champs Elysées, Michel Franck, le directeur du Théâtre, a eu l’idée de consacrer toute une journée au thème de Médée.

C’est une façon, pour lui, de conclure ce cycle automnal sur Médée par un grand échange entre le public et les artistes, ce qui aura permis de voir et entendre trois versions différentes musicalement (Dusapin, Charpentier, Cherubini), scéniquement (Sasha Waltz, Pierre Audi, Krzysztof Warlikowski), et orchestralement (Akademie für Alte Musik Berlin/Marcus Creed, Le Concert d’Astrée/Emmanuelle Haïm, Les Talens Lyriques/Christophe Rousset).

Après une brève introduction par le directeur, cette conférence comprenait, le matin, des études littéraires et musicales menées par des étudiants et, l’après-midi, Emmanuelle Haïm et Krzysztof Warlikowski sont venus parler respectivement de leur version de Médée.

L’article qui suit restitue les réflexions du metteur en scène polonais suscitées par les questions des interviewers et du public.

Film d'avant ouverture de Médée : la Monnaie de Bruxelles, septembre 2011

Film d'avant ouverture de Médée : la Monnaie de Bruxelles, septembre 2011

Il existe de nombreuses versions de Médée depuis l’antiquité, Euripide, Sénèque, Corneille, Anouilh etc., mais aviez-vous une vision personnelle de cette femme mythique avant de l’aborder à travers l’opéra de Cherubini,  et comment avez-vous actualisé la figure de ce personnage présente dans l’œuvre?

Toute cette aventure a débuté à Bruxelles, lieu où la production a été créée il y a quatre ans, au moment où je finissais Parsifal à l’Opéra National de Paris. Je suis arrivé dans la capitale belge sous l’influence d’un film des frères Dardenne, « L’enfant ».

J’arrivais donc avec un héritage très lourd en pensant à ces adolescents qui, dans le désespoir, étaient allés jusqu’à vendre leur enfant pour l’argent et la drogue.

Bruxelles a fait une impression forte sur moi car le Théâtre Royal de La Monnaie se trouve dans une zone très différente de l’avenue Montaigne à Paris.
De cette zone, les Bruxellois sont partis mais, en revanche, de nombreux émigrés se sont installés.
Ainsi, je n’ai pu m’empêcher de penser à la place de l’étranger dans la Belgique d’aujourd’hui, et à Liège, en particulier, que je connaissais pour y avoir présenté mes pièces de théâtre. Il y a, notamment, un quartier qui s’appelle « Le Carré », un endroit où j’ai eu l’impression de retrouver un lieu qui fût une sorte d’enfer pour moi.

Je n’imaginais rien, je voulais simplement comprendre le contexte d’ici.
L’idée était d’aborder cette histoire en s’éloignant de ce côté sorcière, magicienne.

Les enfants de Médée devant le fond de scène : Théâtre des Champs Elysées, décembre 2012.

Les enfants de Médée devant le fond de scène : Théâtre des Champs Elysées, décembre 2012.

L’un de mes films préférés de Pasolini, « Médée », est en partie tourné sur la place des Miracles à Pise, où il y a des monuments datant du Moyen âge d’art, mais avec un style annonciateur de la Renaissance faisant penser à la civilisation grecque. Et, dans ce film, on voit toute la contradiction entre l’univers tiré de l’Occident auquel appartiennent Créon et Jason, et celui de l’étrangère, la barbare, et ses dieux de la Colchide.

Que faire à partir d’un tel sujet? Dans la première version à Bruxelles de Médée, on pouvait entendre certains gémissements de Médée en arabe. J’essayais ainsi d’approcher la vie de ce personnage, et d’accrocher ce personnage à la vie d’aujourd’hui, alors que ce grand mythe s’est reproduit si souvent au XXème siècle, dans des contextes bien différents.
C’est l’histoire d’une femme étrangère, abandonnée avec ses deux enfants par un homme, dans une société qui ne reconnait pas un ancien mariage issu d’un rite barbare. On retrouve alors Jason se mariant à nouveau selon une tradition qui appartient, cette fois, à la culture de l’Occident.


Cette figure de Médée a donné son nom à un syndrome complexe étudié par les psychanalystes. Son influence se retrouve t’elle dans votre travail?

Avec Nadja Michael, qui était présente dans les trois reprises de ce spectacle, nous avons vite compris qu’il nous fallait réaliser un voyage intérieur, faire tomber Médée dans une histoire qui ne pouvait se dérouler autrement. On ne peut imaginer une mère qui tue ses propres enfants.


En revenant à la source créatrice grecque qui montre toujours les tabous des débuts de la civilisation, les peurs de cette jeune civilisation passent sur nous sans que l’on puisse dire qu’elles ne sont plus les nôtres.
Il s’agit ainsi, malgré le côté conventionnel XVIIIème siècle de l’opéra de Cherubini, d’aller vers une œuvre non pas esthétique mais dérangeante, puisque, le soir où l’on va au théâtre voir Médée, quelque chose d’horrible va se dérouler sous nos yeux.

Nadja Michael (Médée) : la Monnaie de Bruxelles, septembre 2011.

Je me rappelle d’un voyage à Stuttgart, alors que j’allais voir l’opéra, et j’ai aperçu dans le centre de cette ville un immense immeuble couvert de noir. C’était le théâtre qui jouait Œdipe et imposait le deuil sur la malédiction de cette famille à toute la ville.

Quelque part, on en revient toujours aux questions que nous ont laissé les Grecs, c’est pourquoi il faut les aider aujourd’hui, car toute notre culture provient de leur histoire.


Vous parlez de vivre dans le présent. Vous avez radicalement adapté les récitatifs, pouvez-vous évoquer les enjeux de cette adaptation?

A l’origine, les récitatifs sont en alexandrins. Si l’on pense à ce qu’il s’est passé hier soir, j’en venais d’abord à me dire que le langage quotidien n’est pas acceptable sur le plateau, ce qui m’a fait ressentir un stress incroyable.

Jusqu’à ce que nous vîmes l’indécence de gens et leur désertion sur la manière d’aborder le théâtre. Il y avait bien le refus par une minorité, je crois, du théâtre qui est pourtant inclus dans cet opéra.

Nous avons donc d’un côté ces alexandrins qui sont difficiles, très bavards, et la musique d’un autre côté.
Mais nous avons cependant besoin de suivre l’histoire, dans une mise en scène qui est une proposition parmi des centaines d’autres propositions, et j’imagine bien qu’il doit y avoir des metteurs en scène qui apprécient ces vers comme signes inscrivant cette œuvre dans le XVIIIème siècle.


Il semble que l’on retrouve des éléments d’autres versions, des fragments d’Euripide ou plus contemporains. Dans quelle mesure y a t-il une continuité avec le travail de « portage » que vous avez pratiqué depuis (A)pollonia?

Il n’y a pas de rajouts, mais un texte préparé à partir du texte ancien, raccourci et rendu plus sévère.
Le langage est plutôt quotidien, je cherche ainsi à retrouver l’esprit des dialogues de Sarah Kane, influencé par le théâtre de Shakespeare et le théâtre grec, qui se base sur des dialogues très courts et très concentrés, afin de les renforcer.

Christophe Rousset, Krzysztof Warlikowski, Nadja Michael lors des saluts de Médée : Théâtre des Champs Elysées décembre 2012.

Christophe Rousset, Krzysztof Warlikowski, Nadja Michael lors des saluts de Médée : Théâtre des Champs Elysées décembre 2012.

Du fait de la présence du texte parlé, vous êtes vous senti plus proche du théâtre dans cet opéra là, et pourquoi avez-vous amplifié les dialogues?

Nous sommes au théâtre lyrique, et non pas dramatique. J’ai vécu un cauchemar, hier, car il y avait deux personnes qui n’ont pas jeté un œil au plateau. Ils étaient tournés un peu de côté, les yeux fermés, et jouaient des mains comme pour diriger la musique, de temps en temps, quand ils retrouvaient les passages qu’ils adorent.

Je ne sais pas si c’est un parti pris ou autre chose, mais cela me fait du mal de penser que l’on puisse aller au théâtre, surtout dans le cadre de quelque chose qui appartient à la ville, et de réduire cette soirée, ce compositeur, cette histoire de Médée, à juste quelques barres de musique que l’on puisse diriger pour soi-même. Je ne sais pas comment qualifier cela.

Mon univers, que je dirais esthétique au théâtre, est encore plus fort à l’opéra. Je ne suis pas dans une analyse objective, extérieure, réaliste ou quelconque, car ce que je montre est de l’ordre du mental. Je suis là pour suivre la folie qui commence dans la tête de Médée, et la musique m’aide à la saisir.

Lorsque vous vous arrêtez à des opéras du XVIIIème siècle ou baroques, vous vous apercevez que les compositeurs ne sont pas encore dans cet univers du XIXème siècle où l’on oublie les paroles et les scènes parlées. Il y a une contradiction très forte, des moments chantés, des moments parlés, des instants de silence qui créent un choc avec la musique.

Pour que les moments intimes ne soient pas couverts par la musique, alors que les artistes restent nus avec leurs émotions, il faut un support pour leur permettre de se faire comprendre. Le but est de ne pas interrompre ce voyage émotionnel que la musique crée, et que la parole reprend, pour nous pousser plus loin dans les émotions que l’on vit, et pour atterrir sur un nouveau morceau musical, avec un nouvel air.


Pour en venir à l’interprétation, le choix de Jason n’est pas une quête de pouvoir mais une quête de normalité, le confort d’une vie peut être bourgeoise. Mais la catastrophe a pourtant lieu. Est-elle causée par Médée, qui veut se venger, ou bien est-elle inévitable car l’on ne peut changer sa condition humaine?
 

Médée n’est rien d’autre qu’une femme et, pour la plupart d’entre nous, nous avons connu des moments passionnés où nous sommes tombés dans des états de folie, prêts à commettre quelque chose d’horrible. C’est la condition humaine.
J’ai toujours ressenti cette contradiction qui réside dans l’impossibilité de relation entre homme et femme comme dans (A)pollonia.

Au théâtre on parle de « Magicienne » parce que cela nous éloigne, cela nous divertit, alors je ne suis pas personnellement enchanté par cette perspective de me confronter à ce personnage par un divertissement qui tourne autour de quelque chose d’exotique.

Même si j’ai cherché à conserver l’étrangeté de Médée, je ne sais pas si elle est réellement une étrangère, cette Amy Whinehouse, je lui ai donné un look auquel on puisse identifier la femme en quête de liberté, identifier la couleur du deuil, reconnaître le « fatum ».
Nadja Michael (Médée) : Théâtre des Champs Elysées décembre 2012.

 
Les images que l’on voit montrent un carcan, celui d’une société - on croit voir une croix sur scène, les enfants sortir d’une école religieuse.  Quelque part, cette Médée - peut-être vous - cherche à s’extraire de ce carcan. Est-ce que ces images vous échappent, ou bien en avez-vous conscience?

Le début du film de Pasolini se passe dans la réalité contemporaine, puis se poursuit dans l’antiquité, jusqu’aux images, assez fortes, du baptême dans un décor très beau.

Les vidéos de mariages et de processions qui sont projetées au début de l’opéra font écho à celles que l’on a pu voir en Belgique ou en Espagne. Elles me permettent de montrer cet univers occidental et cette religion qui nous pèse, même si c’est la nôtre, et d’arriver à ce troisième acte qui me touche particulièrement. Médée est cette femme qui se comporte comme une étrangère qui voudrait que ses enfants soient élevés dans la religion chrétienne pour les protéger, même si ce n‘est pas la sienne.  Vous pouvez y voir un propos politique bien sûr.


Il y a un érotisme et une énergie incroyable à travers les corps, encore plus qu’à travers les images. Pouvez-vous nous expliquer votre vision particulière du couple entre ces deux êtres singuliers?

Cette question ouvre tellement de possibilités … Est-ce que Médée ne plait plus à Jason? Souhaite-t-il finalement la normalité, faire partie de cette société sans problème, sans avoir une femme qui est trop forte et qui le dérange dans sa carrière car il en a assez d’être vu comme un étranger?

Peut-être ne veut-il plus de ce monument, de quelqu’un qui le secoue toutes les cinq minutes pour lui dire combien il est nul, et combien il n‘est plus celui qu‘elle a connu à l‘époque de leur voyage à travers la Mer Noire?

Il y a aussi le souvenir du passé mystérieux de ces deux aventuriers, avec les meurtres que l’on connait du mythe.

Les enfants de Médée : Théâtre des Champs Elysées décembre 2012.

Les enfants de Médée : Théâtre des Champs Elysées décembre 2012.

Que voulez-vous faire passer avec ce dérangement, alors que beaucoup de choses nous dérangent dans la vie, et que proposez-vous d’autre que de rappeler la souffrance de l’étrangère?

Je crois que l’on est dans le même lieu, dans la même salle pendant trois heures, parce que l’on fait partie de la « Polis », avec nos repères culturels, religieux, esthétiques, et cette communauté doit vivre en pensant à nos ancêtres qui nous ont donné cet héritage théâtral que l’on trouve tout autour de nous.
Il faut bien nous déranger pour sortir de ce quotidien où l’on retombe pour être calme, pour ne pas devenir malade.

Et pour arriver à ce dérangement, il y a ce terme magnifique de « catharsis », une représentation qui nous purifie. Dans le théâtre on se rencontre, on commence à s’influencer, quelqu’un crie «  faites du théâtre ailleurs mais pas ici! », un autre réplique « ferme là! ».
On est là pour recevoir, vivre quelque chose, sinon pourquoi aurait-on défini ces endroits?

Ce théâtre est finalement là pour nous dire que nous ne sommes pas normaux, et non pas pour y venir applaudir à des conventions.

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Publié le 10 Mars 2011

Présentation de la saison lyrique 2011 / 2012
Mardi 08 mars 2011 au salon Berlioz du Grand Hotel InterContinental

La présentation est assurée par Christophe Ghristi, dramaturge de l’Opéra National de Paris et bras droit de Nicolas Joel.
Cette saison est marquée par le retour de la musique française de Jean-Philippe Rameau à Philippe Fenelon, mais aussi des metteurs en scène français.

Saison Lyrique 2011 / 2012 de l’Opéra National de Paris

Les nouvelles productions

Faust (Gounod)

Du 22 septembre au 25 octobre 2011 (10 représentations à Bastille)
Roberto Alagna, Paul Gay, Tassis Christoyannis, Alexandre Duhamel, Inva Mula, Angélique Noldus, Marie-Ange Todorovitch
Mise en scène Jean-Louis Martinoty / Direction Alain Lombard

La Force du Destin (Verdi)

Du 14 novembre au 17 décembre 2011 (12 représentations à Bastille)
Mario Luperi, Violeta Urmana; Vladimir Stoyanov, Marcelo Alvarez, Zoran Todorovitch, Nadia Krasteva, Kwangchul Youn, Nicola Alaimo, Nona Jvakhidze, Rodolphe Brinad
Mise en scène Jean-Claude Auvray / Direction Philippe Jordan

La Cenerentola (Rossini)

Du 26 novembre au 17 décembre 2011 (9 représentations à Garnier)
Javier Camarena, Riccardo Novaro, Carlos Chausson, Jeannette Fischer, Anna Wall, Karine Deshayes; Ales Esposito
Mise en scène Jean-Pierre Ponnelle (1971) / Direction Bruno Campanella
Production du Bayerische Staatsoper

Manon (Massenet)

Du 10 janvier au 13 février 2012 (10 représentations à Bastille)
Natalie Dessay, Marianne Fiset, Giuseppe Filianoti, Jean-François Borras, Frank Ferrari, Paul Gay, Luca Lombardo, André Heyboer, Olivia Doray, Carol Garcia
Mise en scène Coline Serreau / Direction Evelino Pido

La Cerisaie (Fénélon)

Du 27 janvier au 13 février 2012 (7 représentations à Garnier)
Elena Kelessidi, Marat Gali, Alexandra Kadurina, Ulyana Aleksyuk, Anna Krainikova, Igor Golovatenko, Mischa Schelomianski, Svetlana Lifar, Alexei Tatarintsev, Ksenia Vyaznikova
Mise en scène Georges Lavaudant / Direction Tito Ceccherini
Création scénique mondiale.

Cavalleria Rusticana / Pagliacci (Mascagni/Leoncavallo)

Du 13 avril au 11 mai 2012 (9 représentations à Bastille)
Violeta Urmana, Marcello Giordani, Stefania Toczyska, Franck Ferrari, Nicole Piccolomini, Inva Mula, Vladimir Galouzine, Sergey Murzaev, Florian Laconi, Tassis Christoyannis
Mise en scène Giancarlo del Monaco (2007) / Direction Daniel Oren
Production du Teatro Real de Madrid

Hippolyte et Aricie (Rameau)

Du 9 juin au 9 juillet 2012 (12 représentations à Garnier)
Sarah Connoly, Anne-Catherine Gillet, Andrea Hill, Jaël Azzaretti, Salomé Haller, Marc Mauillon, Aurélia Legay, Topi Lehtipuu, Stéphane Degout, François Lis, Aimery Lefèvre, Manuel Nunez Camelino, Jérôme Varnier
Mise en scène Ivan Alexandre (2009) / Direction Emmanuelle Haïm
Production créée au Théâtre du Capitole de Toulouse

Arabella (Strauss)

Du 14 juin au 10 juillet 2012 (9 représentations à Bastille)
Kurt Rydl, Doris Soffel, René Fleming, Julia Kleiter, Genia Kühmeier, Michael Volle, Joseph Kaiser, Eric Huchet, Iride Martinez
Mise en scène Marco Arturo Marelli (2008) / Direction Philippe Jordan
Production de l’Opéra de Graz

 

Les reprises

Salomé (Strauss)

Du 08 au 30 septembre 2011 (8 représentations à Bastille)
Angela Denoke, Stig Andersen, Doris Soffel, Juha Uusitalo, Stanislas de Barbeyrac, Isabelle Druet, Alexander Kravets, Eric Huchet, François Piolino, Andreas Jäggi, Antoine Garcin
Mise en scène André Engel (1994) / Direction Pinchas Steinberg

La Clémence de Titus (Mozart)

Du 10 septembre au 08 octobre 2011 (9 représentations à Garnier)
Klaus Florian Vogt, Hibla Germava, Amel Brahim-Djelloul, Stéphanie d’Oustrac, Allyson McHardy, Balint Szabo
Mise en scène Willy Decker (1997) / Direction Adam Fischer

Tannhäuser (Wagner)

Du 06 au 29 octobre 2011 (8 représentations à Bastille)
Christopher Ventris, Christof Fischesser, Stéphane Degout, Nina Stemme, Sophie Koch, Tomasz Konieczny, Eric Huchet, Wojtek Smilek
Mise en scène Robert Carsen (2007) / Direction Sir Mark Elder

Lulu (Berg)

Du 18 octobre au 05 novembre 2011 (6 représentations à Bastille)
Laura Aikin, Jennifer Larmore, Andrea Hill, Martin Miller, Vincent Le Texier, Kurt Streit, Dirk Aleschus, Franz Grundheber, Robert Wörle; Victor von Halem, Marianne Crebassa, Marie Thérèse Keller
Mise en scène Willy Decker (1998) / Direction Michael Shonwandt

La Dame de Pique (Tchaïkovski)

Du 19 janvier au 06 février 2012 (7 représentations à Bastille)
Vladimir Galouzine, Olga Guyakova, Ludovic Tézier, Evgeny Nikitin, Dan Karlström, Balint Szabo, Larissa Diadkova, Varduhi Abrahamyan, Nona Javakhidze
Mise en scène Lev Dodin (1999) / Direction Dmitri Jurowski

Rigoletto (Verdi)

Du 27 janvier au 23 février 2012 (10 représentations à Bastille)
Piotr Beczala, Zeljko Lucic, Nino machaidze, Dimitry Ivashchenko, Sylvie Brunet, Cornelia Oncioiu, Simone Del Savio, Florian Sempey, Vincent Delhoume, Alexandre Duhamel, Marianne Crebassa
Mise en scène Jerôme Savary (1996) / Direction Daniele Callegari

Pelléas et Mélisande (Debussy)

Du 28 février au 16 mars 2012 (7 représentations à Bastille)
Stéphane Degout, Vincent Le Texier, Franz Josef Selig, Elena Tsallagova, Jérôme Varnier, Anne Sofie Von Otter
Mise en scène Bob Wilson (1997) / Direction Philippe Jordan

La Veuve Joyeuse (Lehar)

Du 29 février au 02 avril 2012 (12 représentations à Garnier)
Harald Serafin, Ana Maria Labin, Susan Graham, Daniel Behle, Edwin Crossley-Mercer, François Piolino, Francis Bouyer, Claudia Galli, Francis Duziak, Andrea Hill, Fabrice Dalis, Michèle Lagrange, Franz Mazura
Mise en scène Jorge Lavelli (1997) / Direction Asher Fisch

Don Giovanni (Mozart)

Du 15 mars au 21 avril 2012 (12 représentations à Bastille)
Peter Mattei, Paata Burchuladze, Patricia Petibon, Bernard Richter, Saimir Pirgu, Véronique Gens, David Bizic, Nahuel di Pierro, Gaëlle Arquez
Mise en scène Michael Haneke (2006) / Direction Philippe Jordan

Le Barbier de Séville (Rossini)

Du 24 mai au 2 juillet 2012 (14 représentations à Bastille)
Antonino Siragusa, Maurizio Muraro, Karine Deshayes, Tassis Christoyannis, Carlo Cigni, Vladimir Kapshuk, Jeannette Fischer
Mise en scène Coline Serreau (2002) / Direction Marco Armiliato

L’Amour des trois oranges (Prokofiev)

Du 23 juin au 13 juillet 2012 (8 représentations à Bastille)
Alain Vernhes, Charles Workman, Patricia Fernandez, Nicolas Cavallier, Andreas Conrad, Igor Gnidii, Vincent Le Texier, Marie-Ange Todorovitch, Carol Garcia, Alisa Kolosova, Amel Brahim-Djelloul, Victor von Halem
Mise en scène Gilbert Deflo (2005) / Direction Alain Altinoglu

Saison Lyrique 2011 / 2012 de l’Opéra National de Paris

Première impression sur cette saison :

La programmation de la saison 2011/2012 est centrée sur le répertoire allemand, français et italien. Aucune œuvre anglo-saxonne n’est montée, et La Dame de Pique défendra la langue slave avec La Cerisaie.

Les œuvres sont faciles d’accès si l’on exclut la reprise de Lulu, un des évènements très attendus à la rentrée, mais programmée sur un très court créneau de 19 jours.

Si huit nouvelles productions sont à l’affiche, uniquement quatre sont une création de l’Opéra National de Paris - par des metteurs en scène français -, car les quatre autres (La Cenerentola, Arabella, Cav&Pav, Hippolyte et Aricie) sont des adaptations de spectacles créés ailleurs.  Là aussi, la prudence est de mise, car seuls deux de ces ouvrages concernent le XXème (Arabella) et le XXIème siècle (La Cerisaie).

N’être à l’origine de seulement quatre productions avec un budget artistique de plus de 35 Millions d’euros, que l’on pourrait comparer aux trois nouvelles productions du Teatro Real de Madrid avec seulement 14 Millions d’euros, pose la question de l’ambition artistique de la direction.
Surtout que huit mises en scène présentées cette saison dateront de plus de dix ans.

On ne peut nier que l’ambition est vocale, car s’il n’y a pas plus de grands chanteurs que les saisons passées, ils sont cependant distribués dans tous les spectacles, et sont presque toujours associés à des chanteurs français ou bien des anciens élèves du studio de l'Opéra exposés dans des rôles qui constituent un palier important à Bastille (Elena Tsallagova en Mélisande, David Bizic en Leporello …).

Philippe Jordan dirige quatre opéras. Ses talents symphonistes augurent d'un Pelléas et Mélisande envoûtant, et il reste à découvrir la rencontre d'un style élégant avec les élans passionnels de la Forza del destino.

Ceux qui ont suivi de près la carrière de Nicolas Joel reconnaitront également une empreinte forte de son passage à l’Opéra de Strasbourg, quarante ans plus tôt.

En hommage à Jean-Pierre Ponnelle, dont il fut collaborateur avec Jean-Louis Martinoty, sa production de la Cenerentola est montée pour la première fois à Paris.
La nouvelle production de Faust est donc confiée à Martinoty, et sera dirigée par Alain Lombard, le directeur général de l’Opéra National du Rhin du temps où Rolf Liebermann dirigeait l’Opéra de Paris.

Elle remplace ainsi celle de Jorge Lavelli, créée d'ailleurs par Liebermann, et en compensation, le metteur en scène argentin revient à l'Opéra de Paris à l'occasion de la reprise de La Veuve Joyeuse.

Jean-Claude Auvray se charge également de monter La Forza del Destino, en souvenir de son engagement par Liebermann lors du renouveau de la maison.
Les Rolling Stone de l’Opéra sont bel et bien de retour…

Enfin, si l’on s’intéresse à la gestion de la billetterie de Bastille et Garnier, les modifications de tarification apportées sont particulièrement défavorables à un public connaisseur mais peu fortuné.

Afin d’augmenter les recettes sans donner l’apparence d’une augmentation des tarifs, la direction de l’Opéra de Paris a choisi de ne pas modifier la grille des prix par catégories.
En revanche, elle a notamment surclassé à Bastille 150 places parmi les 340 de catégories 9 à 7 (moins de 25 euros) en les faisant passer à des catégories 6 à 4 (35 à 105 euros), moyennant des surtitres plus accessibles.
Ainsi, cette multiplication de 300% à 500% sur ces petites places permet d’augmenter les recettes de 3% sur une saison, sans que rien n’y paraisse.
Une approche incompréhensible et dure qui évacue une part du public la plus attachée à l’art lyrique.

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Publié le 21 Juillet 2010

Conférence du 29 juin 2010 au Salon Florence Gould du Palais Garnier

A l’occasion de l’Exposition Hommage à Régine Crespin, que l’on peut admirer au Palais Garnier jusqu’au 15 août 2010, André Tubeuf a eu le courage de traverser Paris en pleine chaleur, pour venir présenter un portrait intime de Régine Crespin aux membres de l’Association pour le Rayonnement de l’Opéra de Paris (AROP).

Il est l’auteur, avec Christophe Ghristi, actuel directeur de la dramaturgie à l’Opéra de Paris, d’un livre Hommage à Régine Crespin.

Le propos de la conférence, quasi intégral, est retranscrit à la première personne.

Conférence Hommage à Régine Crespin par André Tubeuf

Nous sommes là pour dire quelque chose qui est de la tendresse, de l'admiration de la fidélité mais aussi de la gratitude à l'endroit de Régine Crespin.

Régine a été une amie très rapidement, nous nous sommes rencontrés à Bayreuth, puis lorsqu'elle est venue chanter à Strasbourg. Elle ne détestait pas l'hospitalité des amis et y répondait avec de la jubilation.

Cette amitié a eu la chance de durer longtemps, car, comme nous ne nous voyons que de loin en loin, les occasions de frictions qui peuvent résulter d'une discussion même amicale, s'agissant d'un tempérament de femme absolument léonin, et d'un tempérament d'artiste encore plus lionne que lion étaient limitées.

Vous pensez bien qu'avec Régine il y avait des éclats qui étaient toujours prévisibles, et d'une certaine manière on peut dire qu'il n'y a qu'avec les tièdes qu'elle n'a jamais eu de piques.
Reste à savoir si avec les tièdes elle n'a jamais eu de véritable amitié ou de véritable rapport...

Mais cela, c'est simplement pour ouvrir cette page première, et un peu intime, d'une amitié et d'une relation qui a duré jusqu'à sa mort.

Pour sa mort, un bel hommage lui a été rendu à Saint Roch. Il y eut beaucoup de monde, il y eut beaucoup de fleurs, il y eut beaucoup de chants qu'elle-même avait choisi, et il y eut très peu de paroles.

Et c'est à moi qu'est revenu, et je maintiens le mot, le bonheur de le faire, parce que dans la tristesse de perdre Régine, et de la perdre dans la maladie cruelle qu'était la sienne, et dans la solitude plus cruelle encore qu'était la sienne, il y avait cette occasion de se rassembler autour d'elle, et de pouvoir lui dire la chose que personne n'avait pu réellement lui dire en face, et qu'elle aurait pu accepter avec simplicité, de lui dire simplement la tendresse et l'affection.

Elles sont la chose qui lui a manqué le plus, comme cela est probablement naturel dans une vie d'artiste, d'artiste performante, d'artiste qui se met toute entière, son âme, son art et sa passion bien entendu, mais sa chair et son sang également, et qui dans son cas n'était pas simplement de l'art, mais à très proprement parler «une incarnation».

Et l’incarnation est une chose plus douloureuse parce que c’est la chair elle-même qui prend les coups, c’est la chair elle-même qui reçoit les flèches, et il n’y a jamais eu de récompense donnée à cette chair là qui soit à la mesure de l’effort qui est produit, de l’engagement total qui a été fourni.

C’est quelque chose de mettre son âme entière dans son corps, c’est une chose à quoi nous autres qui ne sommes pas artistes ne parvenons pas si aisément, même dans l’amour, encore que nous le croyons.

 

Et les incarnations de Régine étaient totales, elles étaient brulantes, et dans la mesure où elles nous brûlaient, vous pouvez imaginer à quel degré elle se brûlait elle-même pour produire cette chaleur qui était bien entendu, pour tout artiste, comme une compensation pour l’énergie qu’elle ne recevait pas par ailleurs.

Et bien, Régine était fière, Régine était orgueilleuse, elle était ombrageuse, elle était susceptible, elle avait toujours peur que l’on ne prenne pas au sérieux le bien que l’on disait d’elle, elle avait peur qu’on ne le lui dise juste pour lui faire plaisir dans l’instant, elle avait peur de n’être pas prise au sérieux jusqu’au plus profond de son âme.

Et c’est pourquoi, moi qui la connaissais depuis un grand demi-siècle, et qui avait tâché de lui dire de quelle manière et avec quelle profondeur non seulement moi je l’aimais, mais également tout le monde autour d’elle l’aimait, et bien du fait qu’elle avait du fermer ses yeux à jamais, ses défenses étaient enfin retombées, d’une certaine manière elle n’avait plus rien à craindre, elle n’était plus sous les armes, et on a pu lui dire que nous tous qui étions là avions simplement à lui dire qu’on l’aimait,  ce qu’elle n’avait pas voulu s’entendre dire en toute simplicité.

Mais ce que je voudrais tâcher de mettre un peu en perspective est la place unique, qu'en dépit de tous les malentendus, Régine Crespin a occupé dans cet Opéra, la façon dont, à sa manière, elle a porté l'honneur, la fierté d'exister et l'identité de cet Opéra, au moment où il n'était pas au plus haut de sa crête et au plus haut de sa réputation.

Comment ensuite, dans des circonstances qui sont celles de la carrière, qui sont celles de l'existence, elle est revenue à la fois glorieuse mais blessée et fatiguée des blessures qu'elle était allée recueillir sur des fronts mondiaux au nom de l'Art français, du chant français, au moment où elle était la seule à pouvoir le défendre. Et Paris accueillit cela par un petit ricanement 'Ah! on verra bien!’.

Les fois où elle n'a pas été accueillie par des sifflets, elle a été accueillie par de la tiédeur, du scepticisme, je ne parle pas d'une poignée de gens qui vont à l'Opéra pour y réagir selon la simplicité de leur cœur, sans préjugés et idées préconçues, et qui en aucun cas pratiqueraient cette espèce de mise à mort d'une artiste, qui frappent d'autant plus fort, de manière d'autant plus venimeuse et blessante.

Il y avait aussi ce cœur trop gros, et ce juste au-boutisme du don, auquel, même lorsqu'il se casse la figure, il faut simplement savoir dire merci.

Il y eut entre Paris et Régine, l'Opéra et Régine, un contentieux qui n'est pas entièrement terminé.

Elle est morte avec cette blessure au cœur indéniablement, elle l'a pardonné car on ne peut pas continuer si l'on ne couvre pas cela par quelque chose de plus chaleureux, d'autres témoignages de fidélité et de ferveur, qui sont plus sympathiquement produits.

Conférence Hommage à Régine Crespin par André Tubeuf

Au début des années 50, Régine Crespin était blonde. La voix était d'une qualité extraordinairement loyale, vibrante et belle.

Ne vous laissez pas tromper à cet égard par les disques, il est de la nature de l'enregistrement au disque de crisper les voix généreuses, car elles tâchent de ne pas déborder d'elles mêmes.

Quelque chose de fondamental dans leur générosité est empêché de s'exprimer, et contre cela il y a comme un durcissement qui se fait sentir, et qui bien entendu n'était pas la voix de Régine.

Mais ce flot coloré de sons, on peut le repérer sur peut être un seul de ses disques : le tout premier 45 tours qu'avait enregistré Régine alors qu'elle était étudiante.

Au moment où il a s'agi de préparer les célébrations à l'occasion de ses 80 ans, je n'ai pas eu de mal à persuader Anna Catarina Antonacci, qui était en train de préparer La Juive à l'Opéra Bastille, de convaincre Régine de faire entendre au public ce premier enregistrement de l’air d’Alceste « Divinités du Styx ».

Elle m'avait demandé, quelques mois auparavant, de faire la connaissance de Régine, qu' elle admirait tant, elle qui avait été Cassandre.

Quoiqu’elle était à la veille de la première de La Juive, et en plein de mois de février, elle eut ce geste d’amitié et de générosité de venir convaincre Régine à s’écouter.
Et bien elle s’est entendue, et elle s’est aimée, telle qu’elle était à 21 ou 22 ans. Elle permit ainsi que l’on commente et que l’on fasse entendre cet air au public. Cet air a du être sauvé dans les archives de Radio France.

C’est là que l’on voit la liberté de la phrase de quelqu’un qui ne se dit pas « Ah! que va dire l’ingénieur du son? que va dire le directeur artistique? », et qui y va  absolument franc jeu avec sa propre spontanéité, avec son sens intuitif de la noblesse de la ligne, avec cette délicatesse du français qu’elle n’a pas eu à étudier, pas plus qu’elle n’a eu à étudier la délicatesse et l’intelligibilité de l’allemand, pas plus qu‘elle n‘a eu à étudier la couleur sublime, comme un vin, de ces voyelles italiennes.

Donc ne croyez pas que les disques nous donnent une idée de la réalité de la voix de Régine.

Régine Crespin est la première chanteuse que j’ai entendu directement en chair et en os.
La jeunesse, qui était supposée avoir des inclinaisons artistiques, n’allait pas volontiers à l’Opéra de Paris, considéré à ce moment là comme un mauvais lieu artistiquement.
Régine était seule à incarner la noblesse et l’intégrité de ce que le chant français est capable, alors que 10 ans, 20 ans plus tôt, il y avait une dizaine de chanteurs dans la maison qui respiraient à la même hauteur, qui aspiraient à la même noblesse, et qui, comme d’instinct, étaient capables de donner le même ton, la même phrase, le même sens du mot que l’on met dans le chant.

Cas rarissime pour une femme, elle pratiquait le falsetto, alors que normalement il n'est pas possible physiquement de le faire.  Et comme elle prenait cela en falsetto, pour produire une note tellement magique, son aigu paraissait facile et merveilleux.

Au moment où Francis Poulenc prépara son Dialogues des Carmélites, il voulut pour Madame Lidoine quelqu'un qui soit du terroir et pourtant noble, quelqu'un capable de parler des achats que l’on fait au marché, et capable aussi de chanter dans un Salve Regina, quelqu'un pour lequel il voulait un la bémol ou un la naturel qui soit absolument flotté et pianissimo.

Et c’est ainsi que Régine fut la toute première, après Denise Duval, à signer pour cette oeuvre.
Et c’est ce la bémol flotté qu’elle a chanté comme personne dans l’Ave Maria de Desdemone. Cet effacement de la voix avait quelque chose de lumineusement blanc, qui remplaçait le corps de la voix.

A la fin des années 50, la carrière de Régine bascule. Elle est auditionnée à Bayreuth pour Wieland Wagner, après le succès de sa Maréchale à Paris. Elle avait conscience de sa propre identité, et se disait qu’elle aurait peut être Elsa de Lohengrin, Elisabeth de Tannhäuser, et éventuellement Sieglinde serait le bout du monde.

Quand elle avait eu son prix au conservatoire, elle avait demandé la permission d’entendre Kristen Flagstad en coulisse, au moment où elle chantait Isolde à l’Opéra. Elle vit « l’orgue Flagstad » ouvrir la bouche et sortir la vaque, le flot , et se dit qu’elle ne le ferait pas.

Or Wieland Wagner venait de donner des Parsifal admirables qui ont révolutionné l’esthétique et la technique, et la vision même du théâtre contemporain, et qui ont créé une sorte d’irréversibilité en matière d’intelligence et de précision théâtrale. Il avait eu une Kundry géniale depuis le début de ce Parsifal : Martha Mödl.

C’était une voix sublime, de grande mezzo montée en graine, voix toute en consonnes, ce qui suffit pour projeter du chant allemand legato. On avait entendu sa Kundry, lors d’une visite de l’Opéra de Stuttgart à Paris, et elle était devenue comme l’incarnation d’une modernité dans la vision wagnérienne.

Et Wieland Wagner était soucieux de renouveler cet effet à l’occasion d’une nouvelle mise en scène de Parsifal. Il l’a proposé d’emblée à Régine, c’est à dire la blondeur, mais dernière la blondeur, le lait, le lait de l’humaine tendresse, comme dit Shakespeare, les parfums de la vie, la lumière méditerranéenne, des magies, mais des magies lumineuses, et pas des magies noires comme étaient celles de Mödl, des magies à voyelles, et pas des magies à consonnes.

Elle arrive donc à Bayreuth, avec à côté d’elle Lou Bruder, déjà son mari et son professeur d’Allemand.

Il avait été important car Régine, qui était la simplicité, l’intégrité, la droiture même, avait des complexes d’infériorité, non point qu’elle ne se sentie non intelligente, mais elle se savait non intellectuelle, ce qui n’est pas du tout la même chose.

Mais avec son intelligence intuitive d’artiste, elle se disait valoir moins que l’establishment intellectuel.

Et une des raisons de l’ascendant prodigieux que Lou allait exercer sur Régine, est que sa culture théâtrale, littéraire et philosophique était grande, nourrie de vrais textes, et qu’il savait expliquer ce qu’il y avait derrière.

 

Elle avait honte de gagner autant sachant ce que gagnaient ses professeurs. Elle estimait qu’ils faisaient des choses plus difficiles qu’elle, propos remarquables chez une grande chanteuse.
Chez Régine il y avait une sensibilité, une attention aux autres, et du moment que l’on avait eu accès, la relation était simple immédiate et égale, et c’est la raison pour laquelle elle était si passionnément aimée par ses amis.

Nous sommes ici pour présenter une exposition, et il n'est pas mal de mêler à ce portrait des choses plus personnelles, plus individuelles, qui nous éclairent d’avantage sur le secret, très jalousement gardé, d’une âme qui se cachait derrière son art en raison de sa grande vulnérabilité, en raison de la grande facilité qu’elle se connaissait elle même à souffrir dans son amour propre, dans sa vanité parfois, et toujours dans sa sensibilité.

Et on ne se représente pas, dans la profondeur réellement, la vocation qu’il y a à assumer sa propre solitude chez les artistes apparemment performants, et apparemment publics.
Il y a cette autre solitude qui consiste à se dire à soi-même, « au fond il n’y a que moi-même qui me comprenne », « Les applaudissements me font du bien, mais ils ne me récompensent pas », « La seule chose qui me récompenserait est une estime que l’on me manifesterait, et qui viendrait d’aussi haut que je suis moi-même ».

Et cela, hélas, dans le rapport d’un artiste performant au public, cela n’arrive jamais.
Et quand le signe se manifestait, elle ne voulait par y croire, parce que trop blessée, parce trop pressée, et parce que cette estime aurait demandé l’enlèvement de tous les voiles, l’épreuve de vérité, l’acceptation de la vérité sans maquillage, sans rien, dans l’estime.

Et Régine, parce que son âme était noble, parce ses idéaux étaient nobles et élevés, était allée comme d’instinct à la fréquentation de ce qui était meilleur pour elle, et pas médiocre.
La solitude de l’artiste c’est se dire qu’en vérité l’on n’a plus d’autre appui en face de soi que l’admiration sans compréhension réelle des autres.

La dernière fois que nous l’avons vu en public, à l'occasion de son quatre-vingtième anniversaire, on avait pu lui faire une cérémonie sympathique et gentille, chez le ministre de la culture Renaud Donnedieu de Vabres, avec quelques amis et quelques pairs comme Robert Hirsch, qu’elle pouvait admirer comme un pair, lui qui n’était ni un ennemi, ni un rival.

Et personne ne s’est aperçu de l’effort que faisait le visage de l’intérieur pour se tenir, pour surmonter, visage qui ne nous apparaissait même plus. L’artiste, la lionne, continuait à tenir ce combat là, mais étrangement, voyant les photos qui ont été prises ce jour là, comment n’a t’on pas vu à chaud ce que l’on voyait très bien deux mois après, ce masque de mort qui était simplement la réalité de la solitude et l’obligation d’avoir à affronter cela toute seule.

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Publié le 10 Avril 2010

Table ronde sur le rôle de la critique d’opéra
Conférence du 06 avril 2010 au salon Florence Gould du Palais Garnier.

Marie Aude Roux (Le Monde)
Christian Merlin (Le Figaro)
Lionel Esparza (France Musique)
Débat modéré par François Lafon (Ancien du Monde de la Musique)

L’article qui suit reprend la plupart des propos échangés (parfois retravaillés lors de leur transcription à l’écrit, mais sans en changer l’esprit) au cours de la conférence organisée par l’AROP (Association pour le Rayonnement de l’Opéra de Paris).
Les trois journalistes invités ont confronté leur point de vue sur un métier passionné.

Quel est le rôle de la critique à l’Opéra?

M.A.R C’est être dans une position un peu délicate, être un intermédiaire entre les professionnels et les néophytes, avoir une expertise, et savoir faire passer les choses sans que la personne qui lise ait besoin de cette expertise.

C.M Pour préciser, il y a plusieurs fonctions selon que l’on s’adresse à nos contemporains ou bien à plus tard. La critique a la fonction de laisser des traces, afin que l’on puisse savoir ultérieurement comment les choses se sont passées.
Il y a une part de récit pour donner l’impression au lecteur actuel qu’il était dans la salle, et une part de formation du goût, quitte à paraître prétentieux.

L.E Je ne suis pas critique. Dans mon métier il faut cependant puiser dans l’actualité musicale, avec un minimum de lucidité. Mais la parole est laissée aux artistes.
La fonction de la critique est immédiate, vivante, et son rôle premier est de dire s’il faut aller, ou pas, voir tel ou tel spectacle, de faire évoluer notre idée sur un chef ou un chanteur.

Quel effet cela vous fait d’être nommés critiques?

M.A.R C’est un mot que l’on n’utilise plus vraiment. La notion de critique est forcément négative aujourd’hui, bien qu’elle ne le soit pas à la base. Alors on rajoute le terme « journaliste » .

C.M Le terme « journaliste » me dérange pour le coup, car je ne me considère pas ainsi, et d’ailleurs je n’ai pas de carte de presse. J’ai commencé par amour de la critique, pas du journalisme, et c’est pourquoi je me suis défendu de faire les avant-papiers, ces interviews censées donner un éclairage sans avoir vu le spectacle.
La critique est un genre noble, cela veut dire sous-peser, évaluer, avoir un regard qui va essayer d’analyser ce qu’il se passe pour l’expliquer, et seulement dans un second temps avoir un jugement.

Il nous arrive souvent d’avoir la même analyse, mais pas la même conclusion.
Après un concert Boulez dirigeant le Philharmonique de Radio France, nous avons constaté les mêmes choses avec Renaud Machart (Le Monde). Il avait dirigé l’Oiseau de feu et les Nocturnes de Debussy de manière très fine et subtile, pas vraiment sauvage.
Moi j’ai trouvé que c’était la quintessence de la direction à la française, lui il a trouvé que c’était plat, sans substance.

On constate que la place de la critique est battue en brèche dans les médias, et qu'elle va en diminuant au profit de la promotion et de l’information.

M.A.R Il y a un côté humain assez douloureux. Il faut l’assumer. Il est parfois difficile de croiser un regard lorsque l’on rencontre sur un plateau un artiste après avoir rédigé une critique du spectacle, dont il est l’interprète.

L.E La critique est un lieu de cruauté.

M.A.R On peut dire des choses parfois dures, mais tout en respectant le travail et l’artiste, car si ces gens n’étaient pas là, les critiques ne seraient pas là non plus. Le critique ne doit pas avoir une place prépondérante.

C.M L’impératif est d’avoir la mesure en toute chose, de toujours argumenter, de toujours évaluer et juger l’interprétation, et non pas l’artiste en tant que tel.
Et même en prenant toutes les précautions, la cruauté est là de toute façon, car l’artiste a mis tout ce qu’il avait de lui même. Il y aura blessure quand même.

Reportons nous 100 ans en arrière, lisez ce qu’écrivaient  les gens. Maintenant on aurait des procès en permanence.

M.A.R Les cercles étaient plus restreints, tout le monde connaissait les codes, et les gens savaient quelles étaient les relations entre les critiques. Il y avait tout un jeu social, mais aujourd’hui on ne peut pas avoir cette méchanceté, car le lecteur ne saurait pas d’où elle vient, et il ne la comprendrait pas forcément.

L.E Lorsque Debussy s’attaque à une œuvre de Saint Saens, non seulement il y a là l’effet d’un petit milieu dont parle Marie Aude, mais aussi le champ de l’esthétique qui est, à cette époque, un champ de combat idéologique extrêmement fort.
Ce ne sont pas les mêmes personnes qui écrivent aujourd’hui, ce ne sont pas les mêmes lecteurs, ni les mêmes objets.

Table ronde sur le rôle de la critique d’opéra (Opéra Garnier)

Cela pose la question de la légitimité.

M.A.R On n’a pas la légitimité d’un Debussy, mais on en a plus que tous les blogs qui fleurissent un peu partout, et qui sont hébergés par des journaux comme Le Monde.
C’est un combat d’actualité pour nous, car les rédacteurs de ces blogs sont parfois plus identifiés comme critiques que les propres critiques du journal.

C.M Il y a beaucoup à apprendre d’Internet, ne serait ce que par l’immédiateté. Cela rend possible d’obtenir l’article presque lorsque l’on sort du spectacle.
Il y a aussi la dérive possible que tout le monde puisse s’improviser critique musical.

L.E Cela dépend de quel point de vue l’on se place. Du point de vue de l’artiste, la légitimité de la critique est nulle, sauf lorsque ce sont de bonnes critiques, car tout simplement l’artiste peut dire « qui es-tu pour me parler de quelque chose que tu ne sais pas faire ? ».
En revanche, du point de vu de l’auditeur, le critique est parfaitement légitime, du moment qu’il est un super auditeur, un auditeur de spectacle qui, par histoire personnelle, par goût, par volonté, finit par avoir vu trois spectacles par semaine en dix ans, avec des lectures, un substrat, des connaissances qui se construisent, ce qui fait qu’au bout d’un moment, il a une véritable légitimité à savoir que l’œuvre est bien interprétée.

C.M Il faut avoir fait la preuve de sa capacité d’écoute avant toute autre connaissance, comme l‘histoire des interprétations, avec un minimum de bagage technique, sans forcément être un musicologue.
La mémoire auditive, sans qu’elle ne soit un frein, doit permettre d’identifier s’il y a eu des coupures, et d’entendre si le ténor n’a pas fait une cabalette, ou oublié certaines notes.

Que voit-on quand on est à l’Opéra?

M.A.R On est dans un état de réceptivité maximale, et l’on sort épuisé du concert.
Des informations sont perçues parfois de manière inconsciente, et c’est par le biais du travail d’écriture qu’elles vont sortir.
Parfois, on sort sans savoir quoi en penser. On se met devant son ordinateur, et puis un angle d’attaque apparaît. Il y  a comme une sorte de déroulé qui se produit.
Le spectacle a agi, et à la rigueur, ce qui émerge dans l’immédiateté, ne serait pas sorti trois jours plus tard.

C.M Une représentation est réussie lorsque l’on ne se souvient pas qui interprétait tel ou tel rôle. Lorsque l’on réussit à faire un papier qui rend compte d’une totalité, c’est déjà un bon signe de la réussite d’un spectacle. Si le décor, la direction d’orchestre, ou tel chanteur est trop mis en avant, cela signifie déjà qu’il y a un problème.

On en vient à la subjectivité

L.E Les enjeux ne sont pas les mêmes entre un petit concert donné devant 600 personnes, et l’Opéra, où il y a beaucoup de monde sur scène, beaucoup d’argent et de représentations en jeu. Et on sait qu’à partir du moment où il y a une suite de critiques virulentes contre tel ou tel artiste, il va y avoir des suites palpables.
Ce dernier sera mis un peu de côté dans une production, il aura des problèmes d’engagements.
L’Opéra, et pour un tas d’autres raisons, est un milieu passionnel que l’on n’approche pas du tout de la même manière.

C.M L’essentiel est de voir comment une interprétation est construite, défendue jusqu’au bout, avec cohérence, et d'être capable de dire qu'elle ne nous plait pas forcément, mais chapeau!

Interpréter, c’est aller jusqu’au bout.

Avant d’être des professionnels, nous étions des mélomanes. Il ne faut pas en déduire qu'en étant mélomane on peut devenir critique.

Ensuite il faut moduler cela avec des critères, et si l’on en vient à la voix, le timbre est un critère qui ne devrait pas intervenir dans la balance.
Car l’effet que procure le timbre d’une voix est très subjectif. C’est épidermique et sensuel.
Ensuite il y a des critères de lignes de chant, d’attention au texte, de justesse, qui sont nécessaires mais pas suffisants.
Un artiste peut réunir tous les critères de réussite, sans être finalement convaincant, de même que l’on peut admirer, au delà de toute raison, une chanteuse qui chante faux, mais qui apporte une telle énergie,  une telle incarnation, une telle intelligence, une telle chaleur, une telle passion , tout cela à la fois, qu’on lui pardonnera tout le reste.

Dans quelle mesure sommes nous victime du temps?

M.A.R Peut être, si l’on est lu dans cinquante ans, serons nous les témoins d’une époque.

C.M Lorsque Michael Haneke met en scène Don Giovanni, il nous montre quelque chose de daté, mais en même temps des ressorts parfaitement universels, des rapports sociaux, des rapports humains, qu’il éclaire à la lumière d’une époque, mais qui restent des rapports de domination, de fascination, ou tout simplement d’amour narcissique, qui sont autant des invariants que des singularités propres à chaque époque.

L.E La critique la plus intéressante, de nos jours, est la critique de quelqu’un parfaitement illégitime à faire part de son moi. Et c’est curieusement ce que l’on a envie de lire. Cela nous parle de nous également, sans savoir quel rapport cela entretien avec notre propre narcissisme.

Table ronde sur le rôle de la critique d’opéra (Opéra Garnier)

Et le repentir?

C.M Lors de la création du Cosi fan Tutte de Chéreau à Aix en Provence, rien n’allait.
Le public était mort, et pourtant lors de la reprise à Garnier, et après en DVD, il apparut finalement quelque chose dans ce spectacle.

M.A.R Il y avait également le fait que Chéreau revenait à l’opéra, et que l’on attend plus de lui que d’un autre metteur en scène.

C.M Dans La Traviata, par Peter Mussbach à Aix en Provence, Mireille Delunsch ressemblait à Marilyn, seule sur scène le long d’une autoroute après un accident, avec des essuie-glaces.
Je n’ai rien compris à ce spectacle. Je n’allais pas me déjuger, pour moi c’était raté.
Et là, un autre phénomène s’est produit, et les metteurs en scène en tiennent peut être trop compte quand il conçoivent leur mise en scène : c’est le DVD.
Le DVD permet le gros plan, de s’abstraire de la mauvaise acoustique de la fosse du théâtre de l’Archevêché, du plein air qui renvoie mal les voix, et que montre t-il ? : Mireille Delunsch. Et là vous êtes emporté dans un sillage, un tourbillon, que vous n’aviez pas perçu dans la salle, malgré les défauts de justesse.

Aimez vous aller voir des choses que vous ne connaissez absolument pas?

M.A.R Cela fait un peu peur, car il faut convaincre nos rédacteurs en chef pour aller écouter des concerts de musique contemporaine, et il est plus facile d’aller assister à un nouvel opéra, car il est simplement plus facile d’en parler.
Et lorsque l’on rend compte d’une création, le jugement interprétatif passe au second plan.
On essaye de dire  pourquoi cette œuvre est pertinente, de la resituer par rapport à d’autres œuvres, d’autres compositeurs, de la placer sur une sorte d’échiquier de la création.

L.E L’essentiel du risque de la critique est un risque social, le risque de devoir dire du mal de quelqu’un. Vous vous désolidarisez de l’artiste, mais aussi de toute une famille, des gens qui le soutiennent, des agents institutionnels, des services de presse qui sont là pour donner un discours orienté et inciter à aller voir le spectacle.
Le discours du critique est en totale rupture avec cela,  Le risque est dans le fait que le critique est un élément du domaine musical, par rapport auquel il est en situation d’inclusion, parce qu’il en fait parti, et d’exclusion, parce qu’il se met en position de poser un regard extérieur sur ce milieu.

M.A.R Il y a une partie du travail du critique qui, depuis ces dernières années, est tout simplement de convaincre de la légitimité des sujets que l’on propose à sa rédaction.
Lorsque l’on lit les statistiques, seules 6% des personnes vont au concert, ce que l’on n’arrive pas à croire puisque l’on voit bien que les gens sont là dans les salles.
Il y a une terminologie que l’on utilise depuis quelques temps qui est que l’on « vend » ses sujets. On parle ainsi comme si l’on était en train de faire du troc ou de l’échange.
On s’autocensure parfois sur certains sujets, car on sait que de toute façon ils ne passeront pas, ou qu’il faudra énormément d’énergie pour les défendre.
Il y a une foison d’informations qui se développe de plus en plus, et notre travail, toujours avec beaucoup de curiosité, consiste à savoir ce qu’il faut aller voir.
Lorsqu’un concert n’a lieu qu’une fois, notre direction est réticente à faire des « one shot », ce qui n’est pas le cas avec les opéras, car il y a plusieurs représentations.

C.M A travers tous ces rouages, il est important de garder son indépendance, de choisir ce que l’on veut aller voir, de garder son indépendance au regard des dossiers de presse, et vis à vis des demandes de nos rédactions en chef, qui, généralement, sont peu cultivées dans ce domaine là, et qui ont tendance à ne traiter que les choses connues.
On ne peut pas se contenter de parler toute l’année d’Alagna, Bartoli et Lang Lang, et aller uniquement vers ce qui brille.

M.A.R Et il y a aussi les fausses bonnes raisons. On m’a demandé de faire le portrait d’Emmanuelle Haïm, non pas parce c’est Emmanuelle Haïm, mais parce qu’elle ne s’est pas entendue avec l’orchestre de l’Opéra de Paris, et que ce sujet faisait donc un peu mousser.

C.M C’est là qu’il faut rester pragmatique et combatif , tout en restant idéaliste, et faire des papiers sur Netrebko et Villazon, tout en gardant de la place pour les concerts symphoniques, parce qu’ils ne sont joués qu’une fois, et pour la musique contemporaine.
Il est également possible de jouer un rôle dans certains débats esthétiques dans le domaine de la musique contemporaine, et défendre ce à quoi l‘on croit.

L.E Je n’y crois pas du tout, pour la simple raison qu’il n’existe pas de débats dans la création aujourd’hui.
La critique n’est plus tout dans le domaine de l’esthétique, mais sur la façon dont le message est communiqué.

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Publié le 17 Mars 2010

Présentation de la production de Faust (Philippe Fénelon)
Le 06 mars 2010 au studio Bastille

L’article suivant restitue quelques notes prises lors de la présentation de la production de Faust par Philippe Fénelon. La première représentation est prévue le 17 mars 2010 à l'Opéra Garnier.

C’est Nicolas Joel qui est à l’origine de la création du Faust de Philippe Fénelon.
Bien avant de savoir qu’il allait être le directeur de l’Opéra National de Paris, il cherchait un sujet pour le Théâtre du Capitole de Toulouse (création 2007).
Il suggera donc au compositeur d’opéra, qui a toujours travaillé sur les grands mythes, de faire un Faust. Fénelon lui proposa le Faust de Nicolaus Lenau (1802-1850).

Jusqu’à présent, seul Franz Liszt avait écrit deux pièces symphoniques sur le poème de Lenau (La procession nocturne et Mephisto-Valses).

Dans les vingt-quatre chapitres du texte, la diversité de styles et d’écritures - philosophie, poésie, dialogues - permet de reconstruire un cheminement et une dramaturgie, afin que l’opéra raconte quelque chose, et que l’on ait envie de s’identifier au monde qui est en train de se créer.

L’influence de la langue (allemande pour Faust) est déterminante dans la manière de faire chanter chaque rôle.
Elle a sa propre articulation, et donc elle influe également sur le comportement du compositeur.

Le Faust de Lenau est la quête de la Vérité. Est ce que la religion apporte un soutien, est-ce que l’amour conjugal apporte un soutien, est-ce que l’amour extra-conjugal ou la débauche sont une solution?

Présentation du Faust (Lenau) de Philippe Fénelon

Pet Halmen, le metteur en scène, a symbolisé la montagne que gravit Faust par un crâne, dans lequel se percutent toutes ses pensées. Il se casse la figure, mais Méphistophélès le retient et lui dit qu’il peut l’aider à condition qu’il signe le Pacte.

Pensant avoir trouvé la solution, Faust le suit d’aventure en aventure, et plus il avance dans la conquête de la vérité, qui serait normalement un ascension, plus il tombe.

Et dans l’avant dernier tableau, il se retrouve avec un homme, Görg, qui lui révèle la vérité tout à fait simple, un peu comme chez l’écrivain Rainer Maria Rilke, qui, au lieu de regarder les étoiles, lui dit de regarder ce qu’il se passe parmi nous.

Rilke a une très jolie image qui incite à regarder la chute de la petite enveloppe de la noisette, cette inflorescence qui tombe vers la Terre où se passent les choses importantes, et non dans le Ciel .
Cependant, Görg n’a pas assez d’autorité pour que Faust comprenne, donc plutôt que de continuer sa propre quête, il se suicide. Görg endosse alors son propre rôle, et devient un nouveau Faust.

L’Opéra se finit par un Lacrimosa, où tout le monde pleure la mort de Faust.

Souvent, Philippe Fénelon met des références à des œuvres de l’histoire de la musique. Ainsi, la course à l’abîme, entre la troisième et la quatrième scène, utilise le figuratif imaginé par Berlioz dans La Damnation de Faust.
Pour le compositeur, l’opéra est de la musique expressive, ce qui implique que chaque note doit signifier quelque chose.
Ce n’est pourtant pas ce que pense tout le monde dans le champ de la musique contemporaine, où un autre courant de pensée considère qu’il faut construire un objet purement abstrait et intellectuel.
Mais même dans ce cas là, l’auditeur interprètera les sonorités à sa manière.

Il n’y a pas de personnage comme Marguerite dans le Faust de Lenau. Il a donc fallu inventer ce que peut représenter la figure féminine pour lui. Fénelon a créé la femme du forgeron, qui est le symbole de l’Amour conjugal, Annette qui est la colorature nymphomane délurée, et la Princesse qui est la figure du respect.
Pour figurer le souvenir, un petit passage de l’Air de Marguerite de Gounod est inséré, forme de repère assez complexe à déceler, dans la lignée de ce que les compositeurs ont fait à toutes les époques.

Quand au personnage du Diable, il est nécessaire car il nous sort de nous même, nous fait tomber dans les ornières pour que l’on comprenne qu’il ne faut pas y aller.
Ce contre point à nous même nous pousse au risque, et nous évite ainsi de rester dans une certaine fadeur.

Ainsi ce Faust nous pousse à bout, avec tension et saturation dans les voix et les cris.

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Rédigé par David

Publié dans #Conférences

Publié le 10 Mars 2010

Présentation de la saison lyrique 2010 / 2011
Mardi 09 mars 2010 au salon Berlioz du Grand Hotel InterContinental

 

La présentation est assurée par Christophe Ghristi, dramaturge qui a toute la confiance de Nicolas Joel.

Cette saison est centrée sur les grands compositeurs qui font une maison d’opéra, avec tout un éventail d‘esthétiques et de styles inhérents à ce « Grand Théâtre du Monde ».

Saison Lyrique 2010 / 2011 de l’Opéra National de Paris

Les entrées au répertoire

Le Triptyque (Puccini)
Du 04 octobre 2010 au 27 octobre 2010 (11 représentations à Bastille)
Juan Pons, Marco Berti, Oxana Dyka, Marta Moretto, Tamar Iveri, Luciana d’Intino, Barbara Morihien, Ekaterina Syurina, Marta Moretto, Alain Vernhes, Eric Huchet, Juan Francisco Gatell
Mise en scène Luca Ronconi / Direction Philippe Jordan

Décors et costumes de la Scala de Milan (2008) et coproduction avec le Teatro Real de Madrid

Le  triptyque constitue la première entrée au répertoire de cette saison. Puccini avait eu l’idée de constituer un triptyque de trois sujets issus de la Divine Comédie de Dante.
A l’arrivée seul Gianni Schicchi en est inspiré, mais ces trois ouvrages traitent de la difficulté de la vie sur Terre, qui ressemble parfois à l’Enfer ou au Paradis qui est censé nous attendre.

 

Mathis le Peintre (Hindemith)
Du 16 novembre 2010 au 06 décembre 2010 (8 représentations à Bastille)
Scott Mac Allister, Matthias Goerne, Thorsten Grümbel, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Gregory Reinhart, Burkhard Fritz, Antoine Garcin, Eric Huchet, manie Diener, Svetlana Doneva, Nadine Weissmann
Mise en scène Olivier Py / Direction Christoph Eschenbach

Mathis Der Maler est sans doute un des ouvrages les plus importants du XXième siècle.
Matthias Grünewald (1475-1528), le peintre du Retable d’Issenheim, œuvre que l’on peut admirer au musée de Colmar, est prétexte à Hindemith pour en faire un autoportrait.
Il vécut au moment de la Réforme et de la Guerre des paysans allemands, alors qu' Hindemith composa son opéra au moment de la montée du Nazisme et de l’arrivée d’Hitler au Pouvoir,
L’ouvrage pose la question de la place de l’artiste dans une société en guerre, doit-il se retrancher dans sa solitude pour continuer à créer, ou bien doit-il être à côté de ses compatriotes dans la rue, et demander justice.

Akhmatova (Mantovani)
Du 28 mars 2011 au 13 avril 2011 (6 représentations à Bastille)
Janina Baechle, Michael König, Lionel Peintre, Varduhi Abrahamyan, Valérie Condoluci, Christophe Dumaux, Fabrice Dalis
Mise en scène Nicolas Joel / Direction Pascal Rophé

Création Mondiale

Anna Akhmatova, poétesse russe du Xxième siècle, est considérée comme une grande héritière de Pouchkine grâce à la simplicité de ses vers et une immense mélancolie.
C’est un destin très singulier et très douloureux que Christophe Ghristi, le compositeur du livret de cet opéra, et Bruno Mantovani ont choisi d’évoquer.

Staline n’appréciait pas la popularité d’Akhmatova. Il tenta de la museler, interdite de publication, et quand il autorisa des oeuvres, ce furent des poèmes d’amour de jeunesse, dont elle même avait presque honte, au lieu de ses poèmes de guerre et de deuil. 
Ensuite il décida de la tourmenter en emprisonnant son fils.
Elle se posa la question si elle devait continuer à écrire, ou bien descendre et faire la queue devant les murs des prisons où se trouvait son fils.

Nicolas Joel n’a pu résister à faire lui même la mise en scène avec Wolfgang Gussmann, le décorateur attitré de Willy Decker (Eugène Onéguine, Lulu, Le Vaisseau Fantôme, Die Tote Stadt)

 

Francesca da Rimini (Zandonai)
Du 31 janvier 2011 au 21 février 2011 (8 représentations à Bastille)
Svetla Vassilieva, Louise Callinan, Wojtek Smilek, George Gagnidze, Roberto Alagna, Zwetan Michailov, William Joyner, Maria Virginia Savastano, Manuela Bisceglie, Isabelle Druet, Carol Garcia, Cornelia Oncioiu
Mise en scène Giancarlo Del Monaco / Direction Daniel Oren

Production de l'Opéra de Zurich (2007)

Ce compositeur italien, à peine postérieur à la grande vague vériste qui a agité l’Italie à la fin de la vie de Verdi, a pour héritage géographique l’Autriche et l’Allemagne.

Cela explique la rutilance et le chatoiement, à la manière de Klimt, qui viennent s’infiltrer dans sa musique.

Le drame se passe au Moyen Age, mais le caractère purement symboliste du texte de Gabriele D’Annunzio permet de mettre en scène l’ouvrage dans un lieu qui ressemblerait à la maison de l’écrivain, au bord du Lac de Garde, grandiose pyramide érigée en hommage à lui même.

C’est dans cette atmosphère décadente que Daniel Oren, grand spécialiste des ouvrages italiens 1900, dirigera cet opéra.

 

L'Anneau des Nibelungen

Siegfried (Wagner)
Du 01 mars 2011 au 27 mars 2011 (8 représentations à Bastille)
Torsten Kerl, Peter Sidhom, Wolfgang Abilner-Sperrhacke, Qiu Lin Zhang, Juha Uusitalo, Stephen Milling, Elena Tsallagova, Katarina Dalayman
Mise en scène Günter Krämer / Direction Philippe Jordan

Siegfried a souvent été décrit comme un scherzo car à certains moments il apparaît comme l’ouvrage le plus léger de la Tétralogie,
Torsten Kerl chante son premier Siegfried pour l’Opéra de Paris.

Saison Lyrique 2010 / 2011 de l’Opéra National de Paris

Le Crépuscule des Dieux (Wagner)

Du 03 juin 2011 au 30 juin 2011 (7 représentations à Bastille)
Torsten Kerl, Peter Sidhom, Iain Paterson, Katarina Dalayman, Hans-Peter König, Christiane Libor, Sophie Koch, Nicole Piccolomini, Caroline Stein, Daniela Sindram
Mise en scène Günter Krämer / Direction Philippe Jordan

 

Autre nouvelle production

Giulio Cesare (Haendel)
Du 17 janvier 2011 au 17 février 2011 (12 représentations à Garnier)
Lawrence Zazzo, Isabel Leonard, Varduhi Abrahamyan, Natalie Dessay, Jane Archibald, Christophe Dumaux, Nathan Berg, Dominique Visse, Aimery Lefèvre
Mise en scène Laurent Pelly / Direction Emmanuelle Haïm avec l’orchestre du concert d’Astrée

Natalie Dessay réserve sa première Cléopâtre à l’Opéra National de Paris avec son metteur en scène fétiche : Laurent Pelly.

 

Les reprises

Le Vaisseau Fantôme (Wagner)
Du 09 septembre 2010 au 09 octobre 2010 (9 représentations à Bastille)
Matti Salminen, Adrianne Pieczonka, Klaus Florian Vogt, Marie-Ange Todorovitch, Bernard Richter, James Morris

Mise en scène Willy Decker (2000) / Direction Peter Schneider
 

Ariane à Naxos (Strauss)
Du 11 décembre 2010 au 30 décembre 2010 (8 représentations à Bastille)
Franz Mazura, Detlev Roth, Sophie Koch, Stefan Vinke, Xavier Mas, Vladimir Kapshuk, Diana Damrau, Ricarda Merbeth, Elena Tsallagova, Diana Axentii
Mise en scène Laurent Pelly (2003) / Direction Philippe Jordan

La Fiancée Vendue (Smetana)
Du 04 décembre 2010 au 27 décembre 2010 (9 représentations à Garnier)
Oleg Bryjak, Isabelle Vernet, Inva Mula, Michael Druiett, Marie-Thérèse Keller, Andreas Conrad, Piotr Beczala, Pavel Cernoch, Jean-Philippe Lafont, Heinz Zednik, Valérie Condoluci, Ugo Rabec
Mise en scène Gilbert Deflo (2008) / Direction Constantin Trinks

Eugène Onéguine (Tchaikovski)
Du 17 septembre 2010 au 11 octobre 2010  (8 représentations à Bastille)
Nadine Denize, Olga Guryakova, Alisa Kolosova, Nona Javakhidze, Ludovic Tézier, Joseph Kaiser, Gleb Nikolski, Jean-Paul Fouchécourt, Ugo Rabec
Mise en scène Willy Decker (1995) / Direction Vasily Petrenko

Katia Kabanova (Janacek)
Du 08 mars 2011 au 05 avril 2011 (8 représentations à Garnier)
Angela Denoke, Vincent Le Texier, Jane Henschel, Donald Kaasch, Jorma Silvasti, Ales Briscein, Andrea Hill
Mise en scène Christophe Marthaler (2004) / Direction Tomas Netopil

Les Noces de Figaro (Mozart)
Du 26 octobre 2010 au 24 novembre 2010 et du 13 mai 2011 au 07 juin 2011 (21 représentations à Bastille)
Ludovic Tézier, Dalidor Jenis, Christopher Maltman, Barbara Frittoli, Dorothea Röschmann, Ekaterina Syurina, Julia Kleiter, Luca Pisaroni, Erwin Schrott, Karine Deshayes, Isabel Leonard, Ann Murray, Robert Lloyd, Maurizio Muraro
Mise en scène Giorgio Strehler (1973) / Direction Philippe Jordan et Dan Ettinger

Cosi fan Tutte (Mozart)
Du 16 juin 2011 au 16 juillet 2011 (10 représentations à Garnier)
Elza van Den Heever, Karine Deshayes, Matthew Polenzani, Paulo Szot, Anne-Catherine Gillet, Ildebrando d’Arcangelo
Mise en scène Ezio Toffolutti (1996) / Direction Philippe Jordan

L’Italienne à Alger (Rossini)
Du 11 septembre 2010 au 08 octobre 2010 (10 représentations à Garnier)
Marco Vinco, Jaël Azzaretti, Cornelia Oncioiu, Riccardo Novaro, Lawrence Brownlee, Vivica Genaux, Alessandro Corbelli
Mise en scène Andrei Serban (1998) / Direction Maurizio Benini

Madame Butterfly (Puccini)
Du 16 janvier 2011 au 14 février 2011 (10 représentations à Bastille)
Micaela Carosi, Enkelejda Shkosa, Anna Wall, James Valenti, Anthony Michaels-Moore, Carlo Bossi, Vladimir Kapshuk, Scott Wilde
Mise en scène Robert Wilson (1993) / Direction Maurizio Benini

Tosca (Puccini)
Du 20 avril 2011 au 18 mai 2011 (11 représentations à Bastille)
Iano Tamar, Massimo Giordano, Carlo Ventre, Franck Ferrari, Carlo Gigni, Francisco Almanza, Matteo Peirone, Yuri Kissin, Christian Tréguier
Mise en scène Werner Schroeter (1994) / Direction Renato Palumbo

Luisa Miller (Verdi)
Du 07 mars 2011 au 01 avril 2011 (9 représentations à Bastille)
Orlin Anastassov, Marcelo Alvarez, Roberto de Biasio, Maria José Monthiel, Arutjun Kotchinian, Franck Ferrari, Krassimira Stoyanova, Elisa Cenni
Mise en scène Gilbert Deflo (2008) / Direction Daniel Oren

Otello (Verdi)
Du 14 juin 2011 au 16 juillet 2011 (11 représentations à Bastille)
Aleksandrs Antonenko, Lucio Gallo, Sergei Murzaev, Michael Fabiano, Francisco Almanza, Carlo Cigni, Roberto Tagliavini, Renée Fleming, Tamar Iveri, Nona Javakhidze
Mise en scène Andrei Serban (2004) / Direction Marco Armiliato

Saison Lyrique 2010 / 2011 de l’Opéra National de Paris

Première impression sur cette saison :

Philippe Jordan, avec 6 ouvrages sur 19, devient dans les faits le directeur musical de la «Grande Boutique ».
Mais avec seulement 7 nouvelles productions (dont tout de même 4 pour le XXième et le XXIième siècle), la saison 2010/2011 de l’Opéra National de Paris est la moins innovante depuis le début de la période Hugues Gall en 1995.

Car c’est également la première fois que 5 productions vieilles de plus de 15 ans sont reprises (Les Noces de Figaro-1973, Cosi fan Tutte-1996, Eugène Onéguine-1995, Tosca-1994, Madame Butterfly-1993)

Sous le mandat de Gerard Mortier, au moins 9 nouvelles productions étaient proposées, et au plus 2 reprises avaient plus de 10 ans.

L’argument de Nicolas Joel, selon lequel le choix de ces mises en scène se justifie si l’interprétation musicale est supérieure à ce qui a été entendu auparavant, est sans doute valable pour les Noces de Figaro, mais pour les quatre autres il y a déjà eu des interprétations fortes (Tosca 2003 avec Giordani/Shafajinskaia/Viotti, Butterfly 2006 avec Zhang/Berti/Russel Davis, Oneguine 2003 Guryakova/Jurowski, et à discuter le Cosi 2005 Garanca/Wall/Degout/Kuhn/Chéreau).

La saison 2009/2010 a d’ailleurs montré de grandes réussites vocales pour le Barbier, André Chénier, Don Carlo, comme des points faibles pour Salomé et Idomeneo.
On attend toujours d’entendre des Wagner du niveau de Parsifal ou Tannhauser sous l’ère Mortier, et de savoir si la Donna del Lago atteindra les sommets des Capulets et Montaigus de 2008.

L’amélioration musicale n’est donc pas sensible, et si l’opéra n’est plus conçu comme un tout où musique, chant et mise en scène se fondent en une vision artistique unique, l’ambition ne peut plus que se limiter à entretenir une belle machine pour le plaisir de la faire fonctionner.

Le thème "Grand Théâtre du Monde" cache mal le caractère fourre-tout de la saison 2010/2011.

Dans ces conditions, c’est à chacun d’aller chercher des points d’intérêt.
La suite du Ring est bien sûr très attendue, mais ce sont surtout Mathis Der Maler et Akhmatova qui retiennent l’attention, car ils traitent tous deux de la condition de l’artiste.
Et pour Akhmatova, le fait que sa réalisation soit intégralement due à une équipe de personnes qui se connaissent et s’estiment (Mantovani, Ghristie, Joel, Rophé, Gussmann) peut permettre d’espérer un vrai spectacle d’âme.

Ce sera d’ailleurs le seul opéra français de la saison.

Un dernier mot sur la nouvelle politique tarifaire de l'Opéra National de Paris.

Les catégories élevées restent relativement stables, avec toutefois des changements de catégories (à la hausse), mais surtout les places sans visibilité de Garnier (7 euros) et les places de fond de premier balcon à Bastille (10 euros) augmentent de 50%.

Les acheteurs de places à petit prix sont sabrés, tout cela pour rapporter 300.000 euros de plus à Garnier par an, et 80.000 euros à Bastille (pour un budget total de 160.000.000 euros).

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Rédigé par David

Publié dans #Conférences, #ONP

Publié le 5 Décembre 2009

Présentation du contexte de création d’Andrea Chénier par Nicolas Joel
Conférence du 01 décembre 2009.

L’article ci dessous reconstitue une partie de la conférence donnée par Nicolas Joel à l’amphithéâtre Bastille.

Nicolas Joel a par trois fois mis en scène Andrea Chénier, d'abord à l'Opéra National du Rhin, puis à Lyon aux arènes de Fourvière en 1989, et enfin au Metropolitan Opera de New York en 1996 pour les débuts de Luciano Pavarotti dans le rôle titre.

Il s'intéresse à Umberto Giordano, compositeur peu connu, pour le débat qu'il suscite : la vérité est-elle gênante à l'Opéra ?

Pour comprendre cette question, resituons Giordano dans son contexte historique.

L’Italie unifiée, devenu pays bourgeois et terre de finance et d’industrie oubliant les valeurs révolutionnaires de Garibaldi,  s’apprête à rentrer dans la modernité pour le meilleur et pour le pire.

Elle sera du côté des Alliés lors de la Première Guerre Mondiale, mais après un long débat.

Milan a ainsi atteint le statut de la capitale économique et culturelle de l’Italie, mais ce pays a surtout le projet de Cavour d’entrer dans l’Europe. Rome devient la capitale politique.

Le concept de "vérisme" naquit de la jeune école italienne qui cherchait à résoudre la question de la suite à donner à Verdi.
Il faut garder à l'esprit que le compositeur était encore vivant, puisqu'il disparut en 1901. Le poids était donc lourd.

Cette école réussit cependant à assurer la survie de l'opéra italien en Italie. Mais c'était un mouvement national qui intéressait peu l'étranger, et lorsque l‘on parlait d‘étranger, Paris en était le représentant.
Tous les compositeurs - Mascagni, Giordano, Cilea, Leoncavallo - étaient d'ailleurs d'origine méridionale et avaient fait leurs études au conservatoire de Naples San Pietro a Majella. Ils montèrent ensuite à Milan.

Leurs valeurs communes provenaient des dernières œuvres de Giuseppe Verdi, des traits de véhémences vocales d’Otello seront repris dans le vérisme, et d’un personnage clé qui va servir de trait d’union entre ce monde établi et celui de l’opéra.  Il s’agit d’Arrigo Boito, librettiste d’Otello et de Falstaff mais aussi de La Gioconda (sous un pseudonyme).
Il sera le professeur de Puccini et Mascagni.

Tous, Boito y compris,  fréquentent la Scapigliatura, mouvement littéraire et artistique anticonformiste nouveau né à Milan dans la seconde moitié du XIXième siècle, à l’image des surréalistes en France.

Ces artistes ne se coiffent pas, et vivent une sorte de bohème très allègre.
Ils sont en réaction contre l’establishment qui se crée, et vont irriguer le terreau culturel du Nord de l’Italie.
Les éditeurs, Ricordi et Sonzogno, jouent leur rôle en étant leurs promoteurs.
Avec Cavalleria Rusticana, Mascagni remporte d’ailleurs brillamment le premier concours de composition d’opéras en un acte.

De surcroit, deux librettistes viennent constituer le pilier littéraire de ces compositeurs : Illica et Giacosa. Illica dispose d' une culture historique considérable, alors que Giacosa est bien plus poète.

Présentation du contexte de création d'Andrea Chénier par Nicolas Joel

C’est pour Umberto Giordano, protégé par Sonzogno, que Illica va écrire le livret d’Andrea Chénier en 1896.

Alors comment décrire en quelques mots ce qui fait la forme du vérisme?
Il y a tout d’abord l’idée que des sentiments d’opéras existent même dans le milieu terrien. Cavalleria Rusticana, c’est à dire littéralement « Chevalerie Rustique » le signifie très symboliquement.

Ensuite, la véhémence en est un trait fondamental. Elle est une force qui pousse de l’intérieur et se rapproche du cri, ce qui va à l’encontre de la recherche d’académisme.

Enfin, il faut mesurer clairement l’importance de l’influence wagnérienne sur les compositeurs italiens. Avant Otello, l’orchestre sert d’accompagnement chez Verdi.
Avec les véristes, il parle et ne laisse plus toute la place au chant.

D’autres précisions sur cette période peuvent être obtenues dans L’Opéra en Italie de 1770 à 1990. 

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Publié le 21 Juin 2009

Présentation du Roi Roger à l’Amphithéâtre Bastille le 17 juin 2009
Par Gerard Mortier, Didier
van Moere, Kasushi Ono et Krzysztof Warlikowski

Introduction par Gerard Mortier

La culture est la meilleure façon de montrer comment les différents pays européens se sont influencés, Szymanowski était d’ailleurs un grand ami de la France, et sa musique en est imprégnée.

Le Roi Roger est un opéra très proche de toute la programmation du directeur de l’Opéra de Paris pendant ces cinq ans, c’est à dire à chaque fois la volonté de briser les conformismes vers une libération, avec tous les dangers que cela représente, la vie n’étant intéressante que si elle est risquée.

Gerard Mortier, Didier van Moere, Kasushi Ono, Krzysztof Warlikowski

Gerard Mortier, Didier van Moere, Kasushi Ono, Krzysztof Warlikowski

Didier van Moere, musicologue, écrivain, auteur d’une biographie sur Szymanowski (Editions Fayard), présente le compositeur polonais et son œuvre.

Dés les années 20, Karol Szymanowski souhaita donner Le Roi Roger à Paris.
Il vit Jacques Rouché, le directeur de l‘Opéra de Paris de l‘époque, mais la chose ne se fit pas.
Le sujet de l‘œuvre en fût-il la raison?

Il va faire rentrer trois fois la musique polonaise dans le XXième siècle.

Lorsque Szymanowski compose des musiques influencées par Strauss, il s’affirme comme un iconoclaste en s’opposant à la critique polonaise très conservatrice qui lui reproche cette influence étrangère, alors que la référence est Chopin.
Son premier Opéra Hagith comprend déjà cette Straussmania.

Puis l’on passe à la deuxième période de Szymanowski, fasciné par le français et les ballets russes à Vienne. Les grands compositeurs de la modernité sont pour lui Stravinsky et Debussy.
C’est une période de voyages en Sicile, en Afrique du Nord, vers 1914, qui correspond aux années de guerre.

La fascination byzantine au premier acte, orientale au second acte, et antique au troisième acte du Roi Roger, trouve sa source dans cette période.
A l’époque du Roi Roger II, il y avait une cohabitation harmonieuse de ces trois univers.

Puis il compose entre 1918 et 1924, période nationale, car la Pologne devient un pays indépendant, et à ce moment là Szymanowski devient le chantre de cette indépendance d’un point de vue musical.

L’impressionnisme du Roi Roger en découle, on retrouve les chants liturgiques du premier acte dans son Stabat Mater de 1925, auquel s’ajoute la dimension dionysiaque presque orgiaque qui apparaîtra plus tard dans le ballet des montagnards. C’est un compositeur de l’instinct.

On touche alors à la modernité du Roi Roger qui est une réponse à la question « Que peut on faire après Wagner ou Debussy? ».
Finalement, il estime qu’il peut s’inspirer de 3 choses : Tristan, Elektra et Stravinsky à travers Diaghilev.

Cela donne une réponse très originale à ce que peut être l’Opéra de l’époque.

De quoi parle le livret du roi Roger

Le livret reprend en les transformant les Bacchantes d’Euripide.

Dans une cathédrale byzantine, on parle d’un berger qui prêche une nouvelle religion. Il trouble les esprits et les corps aussi.

Le Roi Roger et Roxane, décident de l’écouter.
Le berger se présente et explique que son dieu est un dieu d’amour et de beauté et qu’il cherche ses brebis égarées.

Une des idées fondamentales est l’ affinité entre le Christ et Dionysos. C’est le Christ sans le pêché, et Dionysos sans la cruauté.

Le berger est convoqué le soir pour être jugé.

Au deuxième acte, il se présente dans les appartements du Roi, le chant de Roxane orientalisant appelle à la clémence, puis tout le monde entre dans une transe orgiaque.
Le Roi fait enchaîner le berger, mais celui ci brise ses chaînes.
Tout le monde le suit, Roxane la première, le Roi se dépouille de ses attributs et décide de devenir pèlerin.

Au troisième acte, le berger se révèle être Dionysos et Roxane devient une ménade. Mais le Roi ne part pas avec le Berger et reste seul en offrant son cœur au soleil.

Il y a plusieurs interprétations :

D’abord celle sexuelle. Le Roi ne suit pas le berger car il refoule son homosexualité.
C’est surtout une question d’identité. S’il suit cette transe dionysiaque, il tombe dans l’indifférencié, et il perd son identité.

On peut également transposer cela sur le plan esthétique et musical.
Au début il y a la cathédrale, un système traditionnel, et le berger représente une forme de radicalisé musicale, et la fin serait une réponse à cette question, qui ne serait pas la destruction totale de l’ordre ancien, mais la régénération par un ordre nouveau, plus dissonant et moderne.

Kasushi Ono, directeur musical de l’Opéra de Lyon.

A travers une description très imagée et captivante, Kasushi Ono explique ce qu’il y a de moderne dans la musique du Roi Roger.

C’est difficilement restituable à l’écrit, mais à travers l’exemple du duo du deuxième acte entre le Roi Roger et le berger, le chef d’orchestre montre comment les dissonances extrêmement sensibles et agréables accompagnent les réponses étranges du berger aux questions du Roi.
Ces deux personnes ne vivent pas dans le même monde, le monde de la rigueur face à un monde libéré.

 

La mise en scène de Krzysztof Warlikowski

Le metteur en scène polonais ne souhaite pas donner de réponses en séance mais poser le problème.

On doit raconter Szymanowski, mais aussi ce qu’il s’est passé après.

Présentation du Roi Roger par Gerard Mortier

C’est l’expérience d’un homme qui succombe à la crise de l’âge, comme le monde passe une crise.

Il y a un tel héritage sur un homme dès qu’il né. Il doit subir l’ombre de son grand père, le sens de l’honneur, le gain d’argent, le patriotisme.

C’est l’histoire de ce que l’on exige de l’homme. Par exemple, au nom du Christ on demande au Roi au début de tuer le berger.

C’est une première contradiction que l’on ne peut pas accepter si l’on est sérieux.
De quel droit peut on demander à quelqu’un de tuer au nom du Christ? Peut-être a t’on fait toutes les guerres dans cet univers au nom du Christ. Mais était-ce à juste titre?

Et qui est ce Dionysos dans un monde chrétien. Est ce un membre qui contredisait cet ordre catholique.
Le livret ne l’explique pas.

On pourrait raconter cette histoire dans un cadre moyenâgeux, mais l’on évitera pas certaines réponses.
Le guide est surtout la relation entre Iwaszkiewicz (le librettiste) et Szymanowski, l’un étant marié, l’autre homosexuel déclaré, tout deux jouant avec les situations.

Lire également Le Roi Roger à l'Opéra Bastille.
 

Krzysztof Warlikowski est l’invité de Joëlle Gayot du lundi 22 au vendredi 26 juin 2009 dans l’émission « A voix nue » sur France Culture à 20H00.
Lundi 22 Pologne, je te « haime ».
Mardi 23 Shakespeare, père et mère de théâtre.
Mercredi 24 Je est mon autre.
Jeudi 25 La leçon d’anatomie.
Vendredi 26 Le visible et l’invisible.

Les émissions peuvent être réécoutées sur le site de France Culture à la rubrique Emission/A voix nue.

Présentation du Roi Roger à l’Amphithéâtre Bastille le 17 juin 2009
Par Gerard Mortier, Didier
van Moere, Kasushi Ono et Krzysztof Warlikowski

Introduction par Gerard Mortier

La culture est la meilleure façon de montrer comment les différents pays européens se sont influencés, Szymanowski était d’ailleurs un grand ami de la France, et sa musique en est imprégnée.

Le Roi Roger est un opéra très proche de toute la programmation du directeur de l’Opéra de Paris pendant ces cinq ans, c’est à dire à chaque fois la volonté de briser les conformismes vers une libération, avec tous les dangers que cela représente, la vie n’étant intéressante que si elle est risquée.

               Gerard Mortier, Didier van Moere, Kasushi Ono, Krzysztof Warlikowski

Didier van Moere, musicologue, écrivain, auteur d’une biographie sur Szymanowski (Editions Fayard), présente le compositeur polonais et son œuvre.

Dés les années 20, Karol Szymanowski souhaita donner Le Roi Roger à Paris.
Il vit Jacques Rouché, le directeur de l‘Opéra de Paris de l‘époque, mais la chose ne se fit pas.
Le sujet de l‘œuvre en fût-il la raison?

Il va faire rentrer trois fois la musique polonaise dans le XXième siècle.

Lorsque Szymanowski compose des musiques influencées par Strauss, il s’affirme comme un iconoclaste en s’opposant à la critique polonaise très conservatrice qui lui reproche cette influence étrangère, alors que la référence est Chopin.
Son premier Opéra Hagith comprend déjà cette Straussmania.

Puis l’on passe à la deuxième période de Szymanowski, fasciné par le français et les ballets russes à Vienne. Les grands compositeurs de la modernité sont pour lui Stravinsky et Debussy.
C’est une période de voyages en Sicile, en Afrique du Nord, vers 1914, qui correspond aux années de guerre.

La fascination byzantine au premier acte, orientale au second acte, et antique au troisième acte du Roi Roger, trouve sa source dans cette période.
A l’époque du Roi Roger II, il y avait une cohabitation harmonieuse de ces trois univers.

Puis il compose entre 1918 et 1924, période nationale, car la Pologne devient un pays indépendant, et à ce moment là Szymanowski devient le chantre de cette indépendance d’un point de vue musical.

L’impressionnisme du Roi Roger en découle, on retrouve les chants liturgiques du premier acte dans son Stabat Mater de 1925, auquel s’ajoute la dimension dionysiaque presque orgiaque qui apparaîtra plus tard dans le ballet des montagnards. C’est un compositeur de l’instinct.

On touche alors à la modernité du Roi Roger qui est une réponse à la question « Que peut on faire après Wagner ou Debussy? ».
Finalement, il estime qu’il peut s’inspirer de 3 choses : Tristan, Elektra et Stravinsky à travers Diaghilev.

Cela donne une réponse très originale à ce que peut être l’Opéra de l’époque.

De quoi parle le livret du roi Roger

Le livret reprend en les transformant les Bacchantes d’Euripide.

Dans une cathédrale byzantine, on parle d’un berger qui prêche une nouvelle religion. Il trouble les esprits et les corps aussi.

Le Roi Roger et Roxane, décident de l’écouter.
Le berger se présente et explique que son dieu est un dieu d’amour et de beauté et qu’il cherche ses brebis égarées.

Une des idées fondamentales est l’ affinité entre le Christ et Dionysos. C’est le Christ sans le pêché, et Dionysos sans la cruauté.

Le berger est convoqué le soir pour être jugé.

Au deuxième acte, il se présente dans les appartements du Roi, le chant de Roxane orientalisant appelle à la clémence, puis tout le monde entre dans une transe orgiaque.
Le Roi fait enchaîner le berger, mais celui ci brise ses chaînes.
Tout le monde le suit, Roxane la première, le Roi se dépouille de ses attributs et décide de devenir pèlerin.

Au troisième acte, le berger se révèle être Dionysos et Roxane devient une ménade. Mais le Roi ne part pas avec le Berger et reste seul en offrant son cœur au soleil.

Il y a plusieurs interprétations :

D’abord celle sexuelle. Le Roi ne suit pas le berger car il refoule son homosexualité.
C’est surtout une question d’identité. S’il suit cette transe dionysiaque, il tombe dans l’indifférencié, et il perd son identité.

On peut également transposer cela sur le plan esthétique et musical.
Au début il y a la cathédrale, un système traditionnel, et le berger représente une forme de radicalisé musicale, et la fin serait une réponse à cette question, qui ne serait pas la destruction totale de l’ordre ancien, mais la régénération par un ordre nouveau, plus dissonant et moderne.


Kasushi Ono, directeur musical de l’Opéra de Lyon.

A travers une description très imagée et captivante, Kasushi Ono explique ce qu’il y a de moderne dans la musique du Roi Roger.

C’est difficilement restituable à l’écrit, mais à travers l’exemple du duo du deuxième acte entre le Roi Roger et le berger, le chef d’orchestre montre comment les dissonances extrêmement sensibles et agréables accompagnent les réponses étranges du berger aux questions du Roi.
Ces deux personnes ne vivent pas dans le même monde, le monde de la rigueur face à un monde libéré.

 

La mise en scène de Krzysztof Warlikowski

Le metteur en scène polonais ne souhaite pas donner de réponses en séance mais poser le problème.

On doit raconter Szymanowski, mais aussi ce qu’il s’est passé après.


C’est l’expérience d’un homme qui succombe à la crise de l’âge, comme le monde passe une crise.

Il y a un tel héritage sur un homme dès qu’il né. Il doit subir l’ombre de son grand père, le sens de l’honneur, le gain d’argent, le patriotisme.

C’est l’histoire de ce que l’on exige de l’homme. Par exemple, au nom du Christ on demande au Roi au début de tuer le berger.

C’est une première contradiction que l’on ne peut pas accepter si l’on est sérieux.
De quel droit peut on demander à quelqu’un de tuer au nom du Christ? Peut-être a t’on fait toutes les guerres dans cet univers au nom du Christ. Mais était-ce à juste titre?

Et qui est ce Dionysos dans un monde chrétien. Est ce un membre qui contredisait cet ordre catholique.
Le livret ne l’explique pas.

On pourrait raconter cette histoire dans un cadre moyenâgeux, mais l’on évitera pas certaines réponses.
Le guide est surtout la relation entre Iwaszkiewicz (le librettiste) et Szymanowski, l’un étant marié, l’autre homosexuel déclaré, tout deux jouant avec les situations.

Lire également Le Roi Roger à l'Opéra Bastille.
 

Krzysztof Warlikowski est l’invité de Joëlle Gayot du lundi 22 au vendredi 26 juin 2009 dans l’émission « A voix nue » sur France Culture à 20H00.
Lundi 22 Pologne, je te « haime ».
Mardi 23 Shakespeare, père et mère de théâtre.
Mercredi 24 Je est mon autre.
Jeudi 25 La leçon d’anatomie.
Vendredi 26 Le visible et l’invisible.

Les émissions peuvent être réécoutées sur le site de France Culture à la rubrique Emission/A voix nue.

La video de l'Opéra disponible jusqu'au 20 août.

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