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Publié le 25 Septembre 2022

Les Troyens (Hector Berlioz - Karlsruhe 1890 / Rouen 1920)
Représentation du 24 septembre 2022
Opéra de Cologne - Staatshaus am Rheinpark

Cassandre Isabelle Druet
Didon Veronica Simeoni
Chorèbe Insik Choi
Énée Enea Scala
Panthée Lucas Singer
Anna Adriana Bastidas-Gamboa
Ascagne Giulia Montanari
Narbal Nicolas Cavallier
Iopas Dmitry Ivanchey
Hylas Young Woo Kim
Priam Matthias Hoffmann
Hécube Dalia Schaechter
Helenus Seung-Jick Kim
L'ombre d'Hector Sung Jun Cho
Sentinelles David Howes et Christoph Seidl

Direction musicale François-Xavier Roth
Mise en scène Johannes Erath (2022)
Gürzenich-Orchester Köln & Chor der Oper Köln

                                                         Enea Scala (Énée)

 

Après 'Benvenuto Cellini', interprété en novembre 2015 lors de sa prise de fonction en tant que Generalmusikdirektor de la ville de Cologne, puis 'Béatrice et Bénédict', donné très récemment en mai 2022, François-Xavier Roth poursuit un ambitieux cycle Berlioz en portant à l'affiche son opéra le plus monumental, 'Les Troyens'.

Et en attendant la réouverture du bâtiment historique prévue dorénavant en 2024, les représentations de l'Opéra sont montées dans la salle principale du Staatshaus am Rheinpark que l'on rejoint depuis la cathédrale en suivant le pont Hohenzollern, recouvert de centaines de milliers de cadenas d'amour, qui mène sur l’autre rive du Rhin.

Enea Scala (Énée) et Veronica Simeoni (Didon)

Enea Scala (Énée) et Veronica Simeoni (Didon)

Une fois parvenus dans la salle, la vision du dispositif scénique est insolite, car l'orchestre est disposé de manière circulaire au centre de la scène afin de faire jouer les artistes tout autour des musiciens jusqu'à l'avant-scène, tandis que les harpistes sont, elles, situées latéralement et légèrement en surplomb.

Ne disposant pas de moyens scéniques aussi importants que dans les grandes maisons de répertoire, Johannes Erath n’axe pas sa mise en scène sur des éléments de décors impressionnants, et n’utilise qu’une seule pièce de grande dimension qui nous ramène à l’antiquité, un visage blanc de déesse tombé au sol qui progressivement se dévoile.

En revanche, il travaille profondément le jeu d’acteur des solistes, et aussi celui des choristes, afin de débarrasser le drame de sa lourdeur tragique et en alléger le ton. La vitalité expressive des peuples Troyens et Carthaginois ressort au point de capter très souvent l’attention, et ce peuple devient un véritable personnage en soi, considéré avec une rigoureuse minutie.

Insik Choi (Chorèbe) et le Gürzenich-Orchester Köln

Insik Choi (Chorèbe) et le Gürzenich-Orchester Köln

Dans la première partie, le noir funèbre domine mais aussi le blanc lorsqu’il s’agit de statufier un monde prêt à disparaître. Les poses des Troyens, portées par l’anneau circulaire coulissant qui permet de conduire les entrées et les sorties avec une fluidité parfaitement contrôlée, ne sont donc pas sans ironie, comme si une forme de beauté se figeait. Seul objet moderne mis en avant, une baignoire sert de lieu de refuge intime successivement pour Cassandre et Didon.

Et lors de la scène de suicide des Troyennes, le cheval apparaît sous la forme d’un être humain au corps très élancé mais masqué d’une tête de destrier noir, ce qui en fait le symbole d’une virilité sexuellement puissante et menaçante à l’arrivée des Grecs.

François-Xavier Roth et le cheval de Troie

François-Xavier Roth et le cheval de Troie

Mais c’est en fait dans la second partie à Carthage que le style et la logique de Johannes Erath se développent le plus, au point qu’il réussit à donner un constant intérêt dramaturgique à un volet où la plupart des metteurs en scène s’essoufflent, ou bien, pire, dégénèrent comme l’on a pu le voir récemment à Munich.

Le plus saisissant est la façon donc il donne aux trois derniers actes une vitalité et des couleurs qui les rapprochent de l’atmosphère de comédies fantastiques telles ‘Les Contes d’Hoffmann’, comme si Didon était une sorte de Giulietta qui fascinerait Enée. Des personnages muets agissent même pour montrer l’intervention des Dieux, comme Cupidon qui instille des sentiments amoureux.

Isabelle Druet (Cassandre)

Isabelle Druet (Cassandre)

On ne comprend pas toujours ce que mime le chœur, même si l’on sent qu’il est là pour créer un climat qui va prendre au piège le chef troyen. Mais le clou de ce spectacle se réalise dans le duo d’amour où l’orchestre se met à tourner sur lui-même en sens rétrograde alors que l’anneau scénique tourne en sens inverse, comme si les musiciens étaient au centre d’un système solaire, alors qu’une sphère de discothèque rayonne de ses éclats argentés dans toute la salle. Les musiciens et le chef d'orchestre sont alors mis en perspective de façon tout à fait inédite.

La façon dont Enée efface de sa mémoire les Troyens est au même moment très habilement signifiée, en les dissimulant derrière le visage de la statue antique, et l’arrivée de Priam et Hécube qui, simplement en s’appuyant sur la même sphère, font comprendre à Enée que sa destinée est de conquérir le monde et non de sombrer dans des rêveries ridicules, est très finement percutante.

Et toutes ces scènes sont magnifiées par des jeux de lumières raffinés et des effets vidéos subtiles qui s’allient fort bien à la magie de la musique.

Gürzenich-Orchester Köln

Gürzenich-Orchester Köln

Car François-Xavier Roth fait entendre la musique de Berlioz avec un travail splendide sur les couleurs orchestrales, l’allant rythmique, la finesse sculpturale des motifs mélodiques, la luxueuse patine qui les drape, et une tonicité dramatique qui préserve la polychromie musicale. Le Gürzenich-Orchester Köln, orchestre jeune et doué de clarté, est porté à son meilleur.

‘Les Troyens’ est ainsi interprété dans sa version intégrale avec toutes les musiques de ballet sur lesquelles, d’ailleurs, Johannes Erath reste scéniquement très discret en évitant le piège usuel qui consiste à les charger de chorégraphies indigentes. Il leur donne une signifiance uniquement grâce au chœur qu’il anime de petits courants de vie au cours de ces passages anodins.

Veronica Simeoni (Didon)

Veronica Simeoni (Didon)

Le résultat est que la beauté de la musique n’est jamais relayée au second plan, que l’on peut suivre  avec quel art et conscience des artistes François-Xavier Roth fédère un tel ensemble et en module les lignes musicales, d’autant plus que c’est dans cette seconde partie que les effets de spatialisation des chœurs, superbes de clarté, sont les plus complexes entre ceux qui sont sur scène, en arrière coulisse, sur les côtés, auxquels s’ajoutent des musiciens placés derrière les spectateurs, un univers multidimensionnel qui est un véritable enchantement à entendre.

Troyen endormi

Troyen endormi

La direction d’acteur de Johannes Erath a donc un impact décisif dans le rendu psychologique des personnages, et montre qu’elle prend en compte les traits de caractères que les solistes sauront le mieux défendre.

Isabelle Druet, qui incarnait déjà Cassandre auprès de François-Xavier Roth au Festival Berlioz 2019 de la Côte-Saint-André, dessine un portrait principalement mélodramatique et humain de la fille de Priam. Elle passe d’inflexions torturées à un art déclamatoire éloquent qu’elle charge d’affectations graves avec, de-ci de-là, des effets de clarté qui donnent du relief au texte.

Gürzenich-Orchester Köln & Chor der Oper Köln

Gürzenich-Orchester Köln & Chor der Oper Köln

Si les qualités de diction sont naturelles pour la mezzo-soprano française, elles sont aussi appréciables chez Veronica Simeoni dont le timbre préserve ses belles propriétés de souplesse et de justesse même dans les aigus saillants. Sa Didon dépeinte comme une femme émancipée des années 1930 a tout pour cristalliser les désirs fantasmatiques d’Enée avec un jeu très réaliste. 

Il est d’ailleurs très étonnant de voir comment Enea Scala donne vie à Enée avec sa propre personnalité en faisant vibrer un cœur chargé d’idéal et une tension vocale assurée et très bien canalisée. Il a de l’endurance et une volonté démonstrative qui accroissent chez l’auditeur un irrésistible sentiment de sympathie, d’autant plus qu’il est un acteur également très fortement impliqué.

François-Xavier Roth (en arrière-plan) et Veronica Simeoni (Didon)

François-Xavier Roth (en arrière-plan) et Veronica Simeoni (Didon)

La distribution comprend pas moins de quatre chanteurs sud-coréens. Le rôle le plus important, Chorèbe, est interprété par Insik Choi qui pare le jeune prince d’un velours noble, celui plus court d’Hélénus bénéficie de la finesse de Seung-Jick Kim, alors que Young Woo Kim fait merveille en Hylas. L’ombre d’Hector sera enfin portée en coulisse par la voix sombre et ample de Sung Jun Cho. Tous révèlent comme caractéristique commune une résonance de timbre généreuse.

Johannes Erath met aussi en valeur la relation entre Anna et Narbal qui se déploie sous une forme d’amour stable et robuste. Adriana Bastidas-Gamboa et Nicolas Cavallier leur apportent une profondeur d’une très haute dignité, mais d’autres rôles secondaires se font joliment remarqués comme le très facétieux Christoph Seidl ou l’Ascagne ardent de Giulia Montanari.

Adriana Bastidas-Gamboa (Anna) et Nicolas Cavallier (Narbal)

Adriana Bastidas-Gamboa (Anna) et Nicolas Cavallier (Narbal)

Ce spectacle monté dans un espace à l'acoustique fort agréable démontre qu’il est possible de rendre toute la force et la démesure d’un opéra comme ‘Les Troyens’ avec, évidemment, une excellente équipe artistique, mais aussi avec des moyens tout à fait raisonnables et un concept dramaturgique astucieux. 

L’ouverture de la saison 2022/2023 de l’opéra de Cologne est de fait une réussite incontestable, et la joie qu’elle procure est une récompense pour tous, des artistes aux spectateurs.

François-Xavier Roth et Veronica Simeoni

François-Xavier Roth et Veronica Simeoni

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Publié le 23 Novembre 2018

La Cenerentola (Gioacchino Rossini)
Répétition générale du 21 novembre 2018
Palais Garnier

Don Ramiro Lawrence Brownlee
Dandini Florian Sempey
Don Magnifico Alessandro Corbelli
Clorinda Chiara Skerath
Tisbe Isabelle Druet
Angelina Marianne Crebassa
Alidoro Adam Plachetka

Direction musicale Evelino Pido
Mise en scène Guillaume Gallienne (2017)

                                                                                       Marianne Crebassa (Angelina)

Si Le Barbier de Séville est devenu en moins de 20 ans l’opéra de Rossini incontournable de l’opéra Bastille, La Cenerentola a connu de la même manière un tel succès au cours des 7 dernières années qu’elle en est le pendant incontournable du Palais Garnier, loin devant L’Italienne à Alger. La Cenerentola fait ainsi partie des 15 œuvres les plus jouées à l’Opéra de Paris, et est le titre privilégié de l’Opéra aux loges de velours juste après le Cosi fan Tutte de Mozart.

Et dorénavant, alors que les productions de Jérôme Savary et Jean-Pierre Ponnelle ont fait leur temps, c’est la mise en scène de Guillaume Gallienne qui est reprise cette année, une alternative moins féerique et déjantée du conte de Charles Perrault.

Marianne Crebassa (Angelina)

Marianne Crebassa (Angelina)

Un décor frontal aux tonalités rouge carmin défraîchies d’une vieille ruelle de Naples suffit à créer un sentiment non pas austère mais plutôt mélancolique, et lorsqu’il se retire, une cour recouverte d’une langue de lave balafrée d’une crevasse dégage un espace qui restera relativement peu utilisé. Certaines scènes, devant le large mur, sont agréablement animées, d’autres sans originalité particulière, et l’acteur de la Comédie Française se joue gentiment du mythe du mariage.

Mais s’il y a bien une raison pour découvrir ce spectacle et se donner une chance d’aimer la musique de Rossini, il faut la trouver dans la réunion exceptionnelle d’artistes qui, tous, font miroiter une palette de couleurs et de raffinement sonore d’une rare beauté et vitalité.

Lawrence Brownlee (Don Ramiro) et Marianne Crebassa (Angelina)

Lawrence Brownlee (Don Ramiro) et Marianne Crebassa (Angelina)

C’est à Evelino Pidò que revient la chance de distiller ardeur et dynamisme aux musiciens et solistes, et son travail de soierie et de volume sur le son est mené d’une main souple et alerte par un sens de la stimulation et de contrôle des nuances formidablement bouillonnant. Magnifique legato sillonné de toutes sortes de traits subtils et chaloupés qui exaltent la richesse de l’écriture rossinienne, les chanteurs sont emportés par un flux grisant et l’attention sincère du chef italien, si essentielle à leur excellente cohésion scénique.

Florian Sempey (Dandini)

Florian Sempey (Dandini)

Et ce sont deux anciens élèves de l’Atelier Lyrique issus de la même période de 2010 à 2012, Marianne Crebassa et Florian Sempey, qui font vivre deux rôles flamboyants, Angelina et Dandini, pour lesquels ils sont idéalement distribués. Marianne Crebassa est une artiste jeune joliment fine qui n’a de cesse d’évoquer le regard malicieux d’Audrey Tautou, et qui révèle surtout une présence vocale totalement immédiate avec ce beau galbe noir et profond qui pleure quand elle chante, et qui s’accorde à merveille aux teintes de la scénographie. Florian Sempey adore s’amuser avec ses partenaires, et le personnage de Dandini lui offre tout ce qui le met le mieux en valeur, sens de la comédie et de la taquinerie, virilité feutrée d’un timbre fusant et bien projeté, une assurance si évidente qu’il est l’exemple même de la jeunesse sans complexe qui resplendit d’une générosité incommensurable afin de capter irrésistiblement l’amour de l’auditeur.

Alessandro Corbelli (Don Magnifico)

Alessandro Corbelli (Don Magnifico)

Lawrence Brownlee, le Prince Don Ramiro, fait une entrée humble et se livre avec Marianne Crebassa à un charmant duo qui tout de suite saisit pas son naturel innocent. Ce héros sérieux et intelligent va ainsi s’imposer tout au long de l’œuvre par une luxueuse couleur de timbre fumée qui conserve une intégrité parfaite dans les aigus, et cette impression de robustesse se renforce autant par la solidité physique du chanteur que par sa détermination bienveillante, fortement impressive pour le spectateur ; Une voix qui va de pair avec celle de Marianne Crebassa, et une tessiture faite du même alliage que celle de Florian Sempey.

Adam Plachetka (Alidoro) et Marianne Crebassa (Angelina)

Adam Plachetka (Alidoro) et Marianne Crebassa (Angelina)

La découverte de la soirée est pourtant la belle voix Donjuanesque d’Adam Plachetka, Alidoro ample et sensuel qui ajoute un élément romantique à cet ensemble de portraits charismatiques. Appui du Prince dans sa quête de la femme idéale, sa sensibilité sombre pourrait même faire croire dans la seconde partie qu’il est lui-même épris d’Angelina dont il possède une couleur d’ébène identique.

Marianne Crebassa, Lawrence Brownlee et Florian Sempey

Marianne Crebassa, Lawrence Brownlee et Florian Sempey

Et à ces quatre perles se joint le trio manipulateur de Don Magnifico et de ses deux filles Clorinda et Tisbe ; Alessandro Corbelli joue très bien avec bonne humeur et naturel, et Chiara Skerath et Isabelle Druet forment un duo dont on perçoit distinctement les différences de couleurs, mixées agréablement, qui nous gratifient de scénettes amusantes et légères pour le plaisir de la bonne humeur.

Le chœur, le parent pauvre de la direction d’acteur, complète sans aucun défaut cet ensemble qui est un véritable miracle musical ne pouvant que mettre en joie tout spectateur même le plus néophyte.

Evelino Pidò et Marianne Crebassa

Evelino Pidò et Marianne Crebassa

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Publié le 17 Novembre 2017

L’Europe Galante (André Campra)
Version de concert du 16 novembre 2017
Opéra Royal du Château de Versailles

Vénus, une Espagnole, Olimpia, Roxane Caroline Mutel
Céphise, une Espagnole, une Femme du Bal, une Grâce Heather Newhouse
La Discorde, Doris, une Femme du Bal, Zaïde Isabelle Druet
Philène, Don Pedro, Octavio Anders J. Dahlin
Silvandre, Dom Carlos, Zuliman Nicolas Courjal

Direction musicale Sébastien d’Hérin
Les Nouveaux Caractères

Enregistrer en public L’Europe Galante d’André Campra, 320 ans après sa création au Théâtre du Palais Royal, qui était un bâtiment récupéré par Jean-Baptiste Lully dès l'année 1673, c’est revenir aux débuts de l’histoire de l’Académie Royale de Musique avant qu'elle ne devienne un Théâtre National un siècle plus tard, après la Révolution française.

Les Nouveaux Caractères - © Photo Les Nouveaux Caractères

Les Nouveaux Caractères - © Photo Les Nouveaux Caractères

Dans ce théâtre où joua Molière jusqu’à sa mort, furent en effet créées la plupart des œuvres de Lully, Alceste (1674), Persée (1682), Amadis (1684), Armide (1686) et, au XVIIIe siècle, les opéras de Jean-Philippe Rameau, Hippolyte et Aricie (1733), Les Indes Galantes (1735), Castor et Pollux (1737), Dardanus (1739) et Zoroastre (1749).

Entre ces deux compositeurs séparés d’un demi-siècle, André Campra représente une transition musicale, la prolongation d’un art vivant qui cherche de nouveaux développements.

Vue du feu qui détruisit la Salle de l'Opéra de Paris le 6 avril 1763 (Bibliothèque Nationale de France).

Ainsi, le charme de la musique de L'Europe Galante provient aussi bien des clichés européens et des réflexions subtiles de sa poésie sur le sentiment amoureux, que de son instrumentation continue qui, certes sans traits véritablement saillants, lie harmonieusement un ensemble orchestral principalement composé de cordes dont les vibrations enrichissent l’intégralité de la gamme chromatique de sonorités irrégulières et profondes, où se mêlent des instruments aussi fascinants que le théorbe ou l’archiluth.

Sur ce tissu pénétré d’une tonalité grave, les timbres des interprètes réunis ce soir déposent des paroles délicatement exprimées, joliment timbrées, que l’on écoute comme si elles participaient à une expérience de purification musicale qui viendrait contrebalancer le répertoire lourdement verdien joué dans la Capitale depuis près de deux mois.

Heather Newhouse - © Photo Jean Combier

Heather Newhouse - © Photo Jean Combier

Isabelle Druet, qui participait déjà à l’enregistrement de L’Europe Galante réalisé par William Christie en 2005, mais où elle jouait uniquement le rôle d’une Femme du Bal et de Zaïde, se révèle la plus expressive et la plus théâtrale de ces artistes, avec de très belles couleurs fauves accrocheuses.

Caroline Mutel, d’un aplomb dramatique certain, donne à ses incarnations de Vénus, Olimpia et Roxane une caractérisation intellectuelle semblant s’imprégner des atours froids d’Athéna, laissant le rôle le plus attendrissant à Heather Newhouse, Céphise et Grâce empathique et un rien malicieuse.

Et ce sont deux hommes bien différents qui les accompagnent, le haute-contre Anders J. Dahlin, d’origine suédoise avec un sens de la diction française impeccable et même, à certains moment, fortement appliqué, qui entretient une figuration sérieuse et purement classique, et, à ses côtés, la noirceur ample de Nicolas Courjal digne de rôles plus lourdement dramatiques.

Anders J. Dahlin - © Photo DR

 

Quant au chœur, composé d'une vingtaine de musiciens, des sopranos côté jardin aux barytons basses côté cour, il parfait la plénitude sereine et spirituelle qui parcourt ce concert de bout-en-bout.

Naturellement, Sébastien d’Hérin et Les Nouveaux Caractères n’en sont pas à leur premier enregistrement d’œuvres rares, ’Egine’ (2007, Versailles), ’les Surprises de l’amour’ (2013),  ‘Scylla et Glaucus’ (2014, Versailles), The Fairy Queen (2016, Ambronay), et L’Europe Galante s’inscrit dans cette continuité artistique.

Sébastien d’Hérin - © Photo Les Nouveaux Caractères

Sébastien d’Hérin - © Photo Les Nouveaux Caractères

Ici, la fusion chaleureuse qui règne entre l'orchestre et le chef a plutôt tendance à immerger ce dernier dans une ivresse à laquelle il lâche facilement prise, mais du choix même de l’œuvre ressort une valeur universaliste fondamentale, lorsque l’on se remémore les extraits d’œuvres de compositeurs espagnols, italiens et sud-américains que l’Ensemble avait interprété au Théâtre des Gémeaux dans le spectacle de David BobeeDios Proveera.

Ainsi, dans ce même esprit, Sébastien d’Hérin, Caroline Mutel, Les Nouveaux Caractères et David Bobee se retrouveront en avril 2018 au Centre Dramatique National de Normandie-Rouen pour une nouvelle production du Stabat Mater de Pergolèse.

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