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Publié le 14 Août 2018

Tosca (Giacomo Puccini)
Représentation du 11 août 2018
Soirées lyriques du Théâtre gallo-romain de Sanxay

Floria Tosca Anna Pirozzi
Mario Cavaradossi Azer Zada
Le baron Scarpia Carlos Almaguer
Angelotti Emanuele Cordaro
Le Sacristain Armen Karapetyan
Spoletta Alfred Bironien
Sciarrone Vincent Pavesi
Le geôlier Jesus de Burgos

Direction musicale Eric Hull
Mise en scène Stefano Vizioli

                                                                                                      Anna Pirozzi (Floria Tosca)

La nouvelle édition du Festival de Sanxay porte sur la scène de son site gallo-romain Tosca, 14 ans après qu’une première production fut jouée en ce lieu avec Olga Romanko, Luca Lombardo et Carlos Almaguer dans les trois rôles principaux.

Le décalage entre les paysages de champs vallonnés, les petites routes ombragées, la nature domestiquée qui y vit, et le spectacle incroyable d’une œuvre lyrique chantée en plein air, sans la moindre sonorisation, devant 2000 spectateurs chaque soir, est quelque chose de tellement hors du commun, qu’il devient inenvisageable de se passer de ce rendez-vous annuel qui se déroule au cœur de la région du Seuil du Poitou où se rejoignent deux bassins sédimentaires majeurs, le Parisien et l’Aquitain.

Et à nouveau, la distribution réunie brille par son homogénéité vocale agréablement satinée par l’air de la nuit.

Anna Pirozzi (Floria Tosca) et Azer Zada (Mario Cavaradossi)

Anna Pirozzi (Floria Tosca) et Azer Zada (Mario Cavaradossi)

Azer Zada, jeune ténor azéri familier du rôle de Cavaradossi, se coule avec aisance dans la peau d’un personnage au regard charmeur, jouant constamment de la douceur d’un timbre massif dont il préserve le moelleux en atténuant toute tension, même dans les aigus. Il offre ainsi un parfait exemple de chant intègre à la fois dynamique et unifié, sans la moindre césure.

Anna Pirozzi, adulée des amateurs de pure vocalité du monde entier, interprète une Floria Tosca terrienne, fortement présente et sans aucun effet de geste ou de posture sophistiqué. Car le tempérament guerrier de la soprano napolitaine, si prégnant chez certaines héroïnes verdiennes qu’elle fait revivre régulièrement, se retrouve aussi dans cette héroïne puccinienne dépeinte sous un angle nettement rageur.

Et d’un souffle solide et élancé, toutes les difficultés de son personnage passent inaperçues, d’autant plus que l’expressivité et les couleurs ensoleillées de sa tessiture aiguë lui donnent un aplomb marquant, mais qui laissent moins de place à la sensibilité amoureuse de la cantatrice du Palais Farnèse.

Carlos Almaguer (Scarpia)

Carlos Almaguer (Scarpia)

Seul chanteur présent en 2004 dans le même rôle, Carlos Almaguer rend à Scarpia une stature autoritaire et noble à la fois, sans la moindre vulgarité, qui l’apparente à un aigle royal cherchant à cerner sa proie. Souplesse de la voix, maturité du timbre, cohérence forte entre la manière d’être et l’impression sonore, cette solidité affichée permet également, pour quelqu’un qui ne connait pas la pièce, de maintenir un certain temps l’ambiguïté sur la nature humaine du chef de la police.

Parmi les seconds rôles, Armen Karapetyan se distingue en brossant un portrait fort et subtil du Sacristain, sans sur-jeu comique comme on le voit trop souvent, qui lui restitue une dignité souvent négligée.

Anna Pirozzi (Floria Tosca) et Azer Zada (Mario Cavaradossi)

Anna Pirozzi (Floria Tosca) et Azer Zada (Mario Cavaradossi)

Néanmoins, l’ensemble de la représentation souffre des soulignements à gros traits du metteur en scène, et d’une direction d’acteur simpliste qui ne permet pas d’installer une crédibilité et une continuité dans le déroulement des affects en jeu. Le décor principalement constitué d’une façade noire et de plusieurs portes, au sol ou en hauteur, dont l’une en forme de croix, permet certes des changements de situations efficaces, soutient les voix, mais reste fermé même au début du troisième acte, quand la musique aurorale et le chant du berger posent le dernier moment de sérénité du drame.

Carlos Almaguer (Scarpia)

Carlos Almaguer (Scarpia)

A l’inverse, Eric Hull tire de son ensemble orchestral de belles couleurs sombres tissées avec finesse, esthétisme, mais met surtout en valeur la qualité du son, l’éclat chaleureux des cuivres, plutôt que l’impulsion, la prise de risque théâtrale qui pourrait bien plus saisir l’auditeur par la violence des situations. On remarque également qu’une partie des musiciens est située sous la scène avancée pour l’occasion au-dessus de l’orchestre comme une proue de navire, ce qui pourrait expliquer l’atténuation sensible du son lors de l’ouverture pastorale du dernier acte. L'effet des cloches disséminées tout autour de l'enceinte du théâtre, tintant au lever du soleil sur Rome, est charmant, d'autant plus qu'il invite à lever les yeux au ciel.

Et quelle résonance magnifique entre l’air ‘E lucevan le stelle’ chanté par Azer Zada dans la scène de la prison, et le ciel étoilé qui, ce soir-là, est zébré d’étoiles filantes, les perséides, filant au-dessous de la constellation de Cassiopée avec des pics de fréquence à 3 météorites par minute, dont l’une se désintègre même à l’aplomb du site de Sanxay !

Coucher de soleil sur le champ aménagé en parking spécialement pour le festival.

Coucher de soleil sur le champ aménagé en parking spécialement pour le festival.

L’année prochaine, pour les 20 ans du festival, Sanxay présentera Aida, 10 ans après le succès de la production captivante dirigée par Antoine Selva dans ce même théâtre. Ce spectacle est donc très attendu, et il faut souhaiter qu’il sera aussi le point de départ de l’élargissement du répertoire du festival, pour l’instant circonscrit aux 5 Verdi et 4 Puccini les plus célèbres, à Norma, Carmen et La Flûte Enchantée.

Les contraintes acoustiques pourraient sans doute poser problème au Barbier de Séville ou à Don Pasquale, mais le Vaisseau Fantôme, Salomé, Lucia di Lammermoor, Manon Lescaut, Manon, Le Bal Masqué, Macbeth, Les Contes d’Hoffmann, Don Giovanni, devraient avoir leur chance en ce lieu magique.

A proximité du théâtre, veaux et vaches peuvent, eux-aussi, profiter des bienfaits de l'art lyrique.

A proximité du théâtre, veaux et vaches peuvent, eux-aussi, profiter des bienfaits de l'art lyrique.

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Publié le 11 Août 2015

Turandot (Giacomo Puccini)
Représentation du 10 août 2015
Théâtre antique de Sanxay  

Direction musicale Eric Hull
Orchestre et Chœur des Soirées Lyriques de Sanxay
Chœur d’enfants de l’Académie de chant des Soirées Lyriques

Mise en scène Agostino Taboga
Costumes Shizuko Omachi

Calaf Rudy Park
Timur Wojtek Smilek
Altoum Ronan Nédélec
Turandot Anna Shafajinskaia
Liu Tatiana Lisnic
Le Mandarin Nika Guliashvili
Ping Armen Karapetyan
Pang Xin Wang
Pong Carlos Natale                   
                                
Rudy Park (Calaf) et le chef d’orchestre Eric Hull

Mathieu Blugeon, le président des Soirées Lyriques de Sanxay, peut en être heureux, la première des trois représentations de Turandot jouée sur les vestiges du site gallo-romain de Sanxay est une réussite musicale qui n’était véritablement pas gagnée d’avance.

En effet, l’ultime et inachevé opéra de Puccini, donné dans sa version complétée par Franco Alfano, mobilise un impressionnant effectif orchestral et choral qui peut paraître un peu surdimensionné pour ce festival jeune et au modèle économique fragile, malgré le soutien de la région et des 230 personnes bénévoles.

Anna Shafajinskaia (Turandot)

Anna Shafajinskaia (Turandot)

Pourtant, Eric Hull, le nouveau directeur musical depuis l’année dernière, obtient de l’orchestre composé de près de 80 musiciens une atmosphère expansive sombre et surnaturelle due autant au pouvoir hypnotique des cordes et de leur légèreté, que des vents aux sonorités les plus menaçantes. Les percussions sont en surtension, sans brutalité, et les aspects les plus spectaculaires avec le chœur sont, eux, en revanche, plus humanisés et plus proches de la déploration que du cri de rage. Les cuivres pourraient être également plus fulgurants.

Armen Karapetyan (Ping), Carlos Natale (Pong) et Xin Wang (Pang)

Armen Karapetyan (Ping), Carlos Natale (Pong) et Xin Wang (Pang)

Sur scène, l’impérialité est habillée de haillons, car Rudy Park, qui avait chanté le rôle de Calaf à Nancy deux ans auparavant, incarne un Prince d’une redoutable assurance, avec une très grande homogénéité du timbre aussi sombre que celui du ténor russe Vladimir Galouzine, mais sans dureté et avec un sens de la noblesse austère et de l’affirmation personnelle splendide. Si l’équipe du festival envisage, un jour, de monter l’Otello de Verdi, elle sait sur qui compter dorénavant.

Rudy Park (Calaf)

Rudy Park (Calaf)

Anna Shafajinskaia, qui fut une Tosca incendiaire pour quelques soirs en ouverture de saison 2003/2004 à l’opéra Bastille – sous la direction de Marcello Viotti, a une voix qui ressemble beaucoup, en plus clair, à celle de sa compatriote ukrainienne de naissance, Maria Guleghina.

La noirceur lui fait certes défaut, mais elle tient ses aigus vaillamment, d’un trait, donne une couleur opaline à son chant, parsemé de microcoupures régulières, et se départit d’une interprétation rigide et cruelle. Folle de joie et entrainante au rideau final, la muraille qu’elle construit pour son personnage n’est en fait pas si solide, et son cœur se perçoit très tôt dans la seconde partie. Elle aussi rend, à sa manière, cette Turandot humaine.

Tatiana Lisnic (Liu) et Wojtek Smilek (Timur)

Tatiana Lisnic (Liu) et Wojtek Smilek (Timur)

Magnifique Tatiana Lisnic, au tempérament fort et au chant si sensible, qui sort Liu de son rôle trop souvent mélodramatique pour lui donner une dimension volontaire et écorchée saisissante de vérité.

Parmi les personnages secondaires, le trio Ping, Pang et Pong est musicalement uni, même si Carlos Natale a le rayonnement vocal le plus franc des trois ministres, et Wojtek Smilek joue un Timur profondément défaitiste.

Le Chœur d’enfants de l’Académie de chant des Soirées Lyriques

Le Chœur d’enfants de l’Académie de chant des Soirées Lyriques

Très bien mis en valeur en avant-scène, la perle de la soirée, le chœur d’enfants de l’Académie de chant est un ravissement dont ils peuvent tous être très fiers, autant que de leur accueil exultant de joie pour saluer tous les artistes.

Comme pour Nabucco l’année précédente, Agostino Taboga prend prétexte de l’œuvre légendaire pour imaginer un univers de personnages fantaisistes et multicolores dont on relève quelques images marquantes, des gardes au visage voilé de noir qui évoquent des combattants extrémistes du Moyen Orient, ou bien ce peuple vêtu de noir et acculé au travail forcé et répétitif dans les ateliers de la princesse chinoise.

Les costumes de Shizuko Omachi, fins, colorés et sans surcharge, font la valeur esthétique de cette scénographie.

Anna Shafajinskaia (Turandot) et Rudy Park (Calaf)

Anna Shafajinskaia (Turandot) et Rudy Park (Calaf)

Et c’est dans un ciel constellé d’étoiles et traversé de part en part par la Voie Lactée, que se sont élevées des lanternes chinoises aux lueurs orangées, dispersées par le vent dans la nuit pour célébrer la noce finale.

Prochaines représentations : le 12 et le 14 août 2015.

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Publié le 13 Août 2014

Nabucco (Giuseppe Verdi)
Représentation du 11 août 2014
Théâtre antique de Sanxay 

Direction musicale Eric Hull
Orchestre, Chœur et Ballet des Soirées Lyriques de Sanxay

Mise en scène Agostino Taboga
Costumes Shizuko Omachi

Nabucco Albert Gazale
Ismaële Luca Lombardo
Zaccaria Ievgen Orlov
Abigaille Anna Pirozzi
Fenena Elena Cassian
Le grand Prêtre de Baal Nika Guliashvili
Abdallo Xin Wang
Anna Sarah Vaysset

                                                                                                              Albert Gazale (Nabucco)

Pour sa quinzième année des Soirées Lyriques, le Théâtre antique de Sanxay accueille à nouveau le premier grand succès milanais de Verdi, son troisième opéra, qui fera de lui un compositeur très courtisé. Le festival avait déjà monté Nabucco en 2003, peu de temps après ses débuts, avec Michèle Lagrange dans le rôle d'Abigaille.

Cependant, contrairement à la légende qui est régulièrement propagée par les médias, cette partition n’a pas été composée avec des arrières-pensées patriotiques, mais pour son sujet biblique, et elle fut dédiée à la fille de l’archiduc Rainier vice-roi du royaume lombard-vénitien et « protecteur de la Scala », c'est-à-dire l’occupant autrichien.
Le livret se réfère à la prise de Jérusalem par le roi néo-babylonien – et non pas assyrien – Nabuchodonosor, et à la déportation des juifs vers sa capitale.

Nabucco (A.Pirozzi- A.Gazale- I.Orlov- dir E.Hull) Sanxay 2014

La mise en scène confiée à Agostino Taboga comporte tous les traits des productions traditionnelles des années 1980, gestes stéréotypés, mouvements de foule illustratifs, et lourdeurs inutiles dans les modifications du décor de la dernière partie – les colonnes du temple sont travaillées afin de suggérer l’usure du temps, et celui-ci comporte différents niveaux éclairés au fur et à mesure par un nombre croissant de torches élégantes.

Elle révèle néanmoins une originalité saisissante en alliant les babyloniens à des amazones menaçantes, tatouées et armées de lances, alimentant ainsi une imagerie fantasmatique issue de l’heroic fantasy, mais historiquement peu crédible.

Faire ressortir la profondeur d’expression des caractères, malgré le temps nécessairement court, ne semble pas avoir inspiré le directeur, ce qui est un peu dommage.

La distribution réunit un ensemble de chanteurs qui ont tous en commun un timbre harmonieux à l’écoute. Ievgen Orlov incarne ainsi un prêtre encore très jeune pour porter entièrement le poids terrifiant du dieu juif qu’il représente, noirceur et ampleur étant plus impressionnants par la voix de Nika Guliashvili, le grand Prêtre de Baal.

Anna Pirozzi (Abigaille)

Anna Pirozzi (Abigaille)

Albert Gazale, un peu pale avant que la foudre ne lui tombe dessus, fait progressivement ressortir les failles et l’humanité du roi babylonien bien loin de la caricature qu’Anna Pirozzi brosse d’Abigaille.
Cette soprano percutante possède les aigus tranchants et spectaculaires de ce personnage tyrannique, un médium riche et des graves plus mesurés, une dynamique vocale fascinante, mais elle persévère trop dans l’expression d’une méchanceté hystérique, ce que sa coiffure de Méduse ne fait qu’accentuer. Elle conforte ainsi la vision du metteur en scène qui ne voit en cette histoire qu’une opposition manichéenne entre un paganisme sauvage et cruel et une religion monothéiste.

Léger, mais sensible et énergique, Luca Lombardo défend très bien le rôle d’Ismaële, et Elena Cassian se contente de faire entendre son beau timbre chaleureux et sombre. Elle avait cependant semblé plus émouvante en 2003, à moins qu’il n’en reste que des souvenirs idéalisés.

Eric Hull, le chef d'orchestre, et Albert Gazale (Nabucco)

Eric Hull, le chef d'orchestre, et Albert Gazale (Nabucco)

Et s’il y a quelqu’un à qui l’on doit de bien mettre en valeur ces chanteurs, ce n’est pas le directeur scènique, mais le chef d’orchestre, Eric Hull.
Invité pour la première fois aux Soirées Lyriques, ce directeur musical fait des merveilles dès l’ouverture. Le son s’épanouit bien mieux que les années précédentes dans ce théâtre de plein air, la richesse des détails harmoniques surgit d’une belle enveloppe orchestrale qui ne peut que séduire les oreilles musicales les plus fines.

Ce travail tout en délicatesse, qui laisse un peu de côté les fulgurances de la jeunesse verdienne, mais ni son élan, ni sa générosité, est un plaisir qui fait entendre, par exemple, dans la scène intime de Zaccaria avec ses tables, une description torturée des sentiments du prêtre que les inflexions slaves d’Ievgen Orlov ne font que rendre encore plus proches de ceux qu’évoquent Tchaikovsky dans ses opéras.

Nabucco (A.Pirozzi- A.Gazale- I.Orlov- dir E.Hull) Sanxay 2014

C’est d’ailleurs très étonnant d’écouter les commentaires des spectateurs, très sensibles à la qualité des voix et au visuel, mais qui parlent peu de la finesse avec laquelle la musique a été jouée, l’âme véritable de la soirée.

Quant au chœur, très doux car formé d’interprètes français, il ne restitue pas suffisamment le souffle et l’orgueil de la langue italienne. Il manque encore d’unité, de ce quelque chose qui rend son incarnation totalement spirituelle, même si l’achèvement du ‘Va pensiero’ est fort beau.

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