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Publié le 16 Janvier 2012

Festival Présences au Théâtre du Châtelet
Concert du 13 janvier 2012
Peter Grimes (Benjamin Britten)
Quatre Interludes Marins
1.Dawn (Aube)

2.Sunday Morning (Dimanche matin)
3. Moonlight (Clair de Lune) 4. Storm (Tempête)
Passacaille

Le Bal (Oscar Strasnoy) Création française
d’après le livret d’Irène Némirovsky
Opéra en un acte créé à Hambourg en 2010
Rosine Miriam Gordon-Stewart Alfred Fabrice Dalis
Antoinette Trine Wilsberg Lund Miss Betty Ann-Beth Solvang
Mlle Isabelle Chantal Perraud Georges Hugo Oliveira

Illustrations projetées Hermenegildo Sabat

Orchestre National de France                                         Anu Tali

Direction Anu Tali
Violon solo Luc Héry

 

L'univers lyrique s'intéresse de plus en plus aux poétesses et romancières russes de l'époque stalinienne.
Ainsi, l'Opéra de Paris rendit hommage à Anna Akhmatova la saison dernière en lui dédiant la création d'un opéra consacré à sa vie, et maintenant, Irène Némirovsky devient l'inspiratrice du nouvel opéra d'Oscar Strasnoy, Le bal.

Bien que la mise en espace fige les protagonistes dans leur espace propre, et que des images dessinées en couleurs riantes illustrent les principales scènes, les artistes s'exclament, se trémoussent et ondulent, pour certaines, leurs fines robes, jouent du regard et donne vie à un ensemble dont on a cependant un peu de peine à suivre la narration.

Cette énergie positive vient en première impression sur une musique hypnotique, légèrement teintée d'accords étirés et ironiques, et constellée de motifs ponctuels entre les paroles des chanteurs.

Ann-Beth Solvang et Anu Tali

Ann-Beth Solvang et Anu Tali

Et en regard d'un orchestre déployé sur toute la scène jusque dans les moindres recoins les moins bien éclairés, la ravissante Anu Tali conduit les musiciens d'une gestique souple et géométrique, et sa blonde chevelure en ondoyante queue de cheval et la rondeur de ses joues lui donnent des allures de mannequin mécanique dont émane pourtant une intériorité assurée.

Dès les Interludes marins, il en résulte une musique d'où émerge une lumière boréale aux lignes parfaites et propices aux rêves évasifs.
Après avoir soutenue une telle phalange, la jeune chef estonienne en salue généreusement l'ensemble, puis jette ses sourires ravis vers les hauteurs de la salle tout en gardant une posture légèrement en retrait, une image de modestie toujours très belle à voir.

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Publié le 4 Mai 2011

Sweeney Todd (Stephen Sondheim)
Représentation du 30 avril 2011
Théâtre du Châtelet

Sweeney Todd Rod Gilfry
Mrs Lovett Caroline O’Connor
Anthony Hope Nicholas Garrett
Johanna Rebecca Bottone
Tobias Pascal Charbonneau
Le Juge Turpin Jonathan Best
Le Bailli Bamford John Graham-Hall
La mendiante Rebecca de Pont Davies

Direction musicale David Charles Abell
Ensemble Orchestral de Paris
Mise en scène Lee Blakeley

Caroline O'Connor (Mrs Lovett) et Rod Gilfry (Sweeney Todd)

Pour celles et ceux que l’esthétique horrifiante de Tim Burton avait poussés à bout, le spectacle créé par Lee Blakeley permet de vivre plus sereinement, si l’on peut dire, la comédie musicale de Stephen Sondheim.

La réussite tient au réalisme du lieu, un quartier londonien mal famé et parsemé de sous-sols noyés par la pénombre, le naturel d’une folie jouée sur scène sans que l’apparente spontanéité ne trahisse le professionnalisme qu’elle exige, un orchestre limpide et suggestif - la harpe lancinante rappelle les accords tout aussi obsédants d’Adrienne Lecouvreur -, et une équipe de chanteurs bien caractérisés et excellemment dirigés.

La voix accrocheuse et moqueuse de Caroline O’Connor dynamise fortement Mrs Lovett au point d‘en faire un personnage éclatant de vitalité, mais l’on aurait pu tout aussi bien concevoir une femme charmeuse et langoureuse, alors que Rod Gilfry offre un portrait humain et simple de Sweeney Todd, pas inquiétant du tout au premier abord.

Caroline O'Connor (Mrs Lovett) et Pascal Charbonneau (Tobias)

Caroline O'Connor (Mrs Lovett) et Pascal Charbonneau (Tobias)

Bien entendu, les scènes de rasage en profondeur qui s’achèvent sous les jaillissements d’hémoglobine, et s’enchaînent humoristiquement, provoquent un effet de saturation, mais elles renforcent également la tension lorsque la jeune fille d’un citoyen arrive au moment où son père est dans les mains du barbier, ce qui lui épargne la vie, sans le savoir.

On ressent un très étrange sentiment à l’issue de cette comédie qui draine ironie, haine, dégoût et sentimentalisme, mais l’on retient également que le Théâtre du Châtelet est en train de devenir un lieu où tout une société peut se retrouver, un lieu de partage unique à Paris autour de la musique du monde.

Et à l'occasion de cet évènement, Sony vient de rééditer à 500 exemplaires l'enregistrement de la création originale de Sweeney Todd à Broadway (1979).

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Publié le 22 Mars 2011

Le Messie (Haendel)
Représentation du 20 mars 2011

Théâtre du Châtelet

Orchestration de Wolfgang Amadeus Mozart
Version allemande

Christina Landshamer Soprano
Anna Stéphany Mezzo-soprano
Tilman Lichti Ténor
Darren Jeffery Basse
Andrei Ivanov Danseur soliste du Théâtre Mariinski

Michel Serres Récitant

Direction Musicale Harmut Haenchen
Orchestre Philharmonique de Radio France
Chœur du Châtelet

Mise en scène Oleg Kulik

La dimension visuelle conçue par Oleg Kulik, complexe enchevêtrement irréel de zones d’ombres et de lumières, pourrait aller à l’encontre de l’intériorité à laquelle nous renvoie la musique et le texte du Messie, et le premier sermon lu par Michel Serres, le constat d’une société bâtie sur des valeurs de compétition, pourrait apparaître comme utopique, tant cette valeur est glorifiée aujourd'hui.

Tout ce spectacle reflète cependant l’essence même du texte, les références à l’ancien testament sont volontairement traduites en hébreu, et exprime la volonté de faire partager un message facilement compréhensible et positif. Il faut reconnaître que la prépondérance de ces robots, qui enserrent chacun un être humain, distrait à cause de l’interprétation et des rapprochements qu’elle déclenche : métaphore de l’homme déshumanisé par la technologie ? Reprise des thèmes de 2001 l’Odyssée de l’Espace?

Mais par la suite, les images s’enchaînent et mettent en rapport les thèmes de l’oratorio avec des chefs-d’œuvre de l’art religieux.
La résurrection du retable d’Issenheim, qui ressurgit après l’entrée de Mathis der Maler au répertoire de l’Opéra de Paris cette saison, y est magnifiée par l’animation flamboyante du linceul d’un Christ triomphant, et l’on retrouve cet effet de vivification lorsque son sang irrigue l’arbre de la vie pour triompher de la mort.

Andrei Ivanov (Le Messie)

Andrei Ivanov (Le Messie)

Ce Messie apparaît sous la forme d’un danseur et d’un bouffon, c’est-à-dire un être de vie à l’écart des hiérarchies sociales. Toute la conception visuelle insiste sur un courant vital qui influe dans nos veines, un mouvement perpétuel signifié, au final, par une spirale infinie.

Il s’agit de la seconde collaboration d’Harmut Haenchen avec un plasticien en moins d‘un mois, après la vision de Parsifal par Romeo Castellucci, et l’on relève une image commune à ces deux spectacles, une traversée du temps à travers les étoiles d’une galaxie qui occupe tout l'espace.

Le chef allemand diffuse un tissu illuminé, dense et très chaleureux, joliment étincelé par le clavecin, et la façon dont les solistes et le chœur, consciencieux, concerné et humain, entourent l’orchestre, met en relief sa dimension ensoleillée.

Les quatre chanteurs sont d’une tenue irréprochable, bien que l'ajout d'un contre ténor aurait sublimé les passages les plus subtiles ("He was despised and rejected of men" dans la version anglaise), et Christina Landshamer se sert le mieux de cette simplicité pour rendre une sage image fascinante.

Assister à la dernière représentation, un dimanche après-midi d’un splendide premier jour de printemps, est une condition idéale, mais pour ne pas en rester à une succession de belles peintures, ce spectacle s’adresse à un public ayant une solide culture chrétienne et artistique pour en lire tous les symboles.

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Publié le 23 Janvier 2011

Le Barbier de Séville (Gioacchino Rossini)
Représentation du 22 janvier 2011
Théâtre du Châtelet

Il Conte d’Almaviva Bogdan Mihai
Figaro Bruno Taddia
Rosina Anna Stéphany
Bartolo Tiziano Bracci
Don Basilio Nicolas Courjal
Berta Giovanna Donadini
Fiorello Christian Helmer

Mise en scène Emilio Sagi

Direction Musicale Jean-Christophe Spinosi
Ensemble Matheus

Production du Teatro Real de Madrid (2005)

                                                                                                        Bogdan Mihai (Le Comte Almaviva)

Après une reprise très réussie du Barbier de Séville à l’Opéra de Paris lors de la saison précédente, Jean-Luc Choplin invite au Théâtre du Châtelet, pour cinq soirées, la production conçue pour le Teatro Real de Madrid par Emilio Sagi, artiste sensible à la gaité des couleurs.

Dans un décor des vieilles rues de Séville en noir et blanc, ornées de moulures décoratives, les chanteurs et les danseurs sont entrainés dans une recherche de mouvements qui coulent le long des principales formes d’onde de la musique.

 Bruno Taddia (Figaro)

Bruno Taddia (Figaro)

L’élégance dansante fait des artistes des éléments musicaux en eux mêmes, ces derniers deviennent la matérialisation humaine de la vitalité raffinée contenue dans l’harmonie rossinienne.

Pour soutenir cette gestuelle fluide, la souplesse des mains charmeuses du Comte, la légèreté des pas de Figaro, la délicatesse d’une action aussi simple que le fait de s’asseoir lorsque Rosine s’installe pour écouter sa leçon de chant, Jean-Christophe Spinosi amène l’Ensemble Matheus à atteindre un style fin et rebondi qui joue sur des effets d’atténuations des cordes et de sonorités luisantes, parfois métalliques et brillantes.

A cela s’ajoute une agréable homogénéité des voix, la douceur et le moelleux de Bogdan Mihai, fin et juvénile Comte d’Almaviva d’une fraîcheur qui ne sera fortement éprouvée que par le dernier air Cessa di più resistere, la clarté sympathique de Bruno Taddia, d’une égale finesse, la mezza voce noire et ronde d’Anna Stéphany qui se transforme en radieuses et discrètes coloratures.

Anna Stéphany (Rosine)

Anna Stéphany (Rosine)

On retrouve cette douceur dans les ambiances lumineuses, naïvement poétiques lorsque le Comte se présente à Rosine.

Il en résulte une mise à l’unisson du visuel, de l’oreille et du cœur, donnant ainsi une sensation de plénitude enjouée, car l’esprit atteint son état de détente enfin retrouvé.

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Publié le 3 Avril 2010

Treemonisha (Scott Joplin)
Représentation du 31 mars 2010
Théâtre du Châtelet

Treemonisha Adina Aaron
Monisha Grace Bumbry
Ned Willard White
Remus Stanley Jackson
Zodzetrick Stephen Salters

Direction Musicale Kazem Abdullah
Conception scénographique Roland Roure
Mise en scène et chorégraphie Blanca Li

 

                                             Adina Aaron (Treemonisha)

Depuis l’arrivée de Jean Luc Choplin en 2006, le Théâtre du Châtelet est devenu un lieu d’ouverture culturelle international en plein centre de Paris.

A une époque dévolue au repli identitaire, cet esprit d’accueil aux arts du monde entier, profondément humaniste, en est une réponse salutaire.

Grace Bumbry (Monisha)

Grace Bumbry (Monisha)

Treemonisha nous confronte à la vie de son créateur, Scott Joplin (1867-1917), pianiste et compositeur noir-américain, ayant du vivre sous domination blanche.
Il créa une œuvre porteuse d’espoir, car le savoir y est vécu comme un moyen d’échapper à tous les obscurantismes, et de devenir un être libre.

Treemonisha (S.Joplin) Aaron-Bumbry-White au Châtelet

Le livret, naïf et très simple, n’en est pas moins touchant, car finalement que nous montre t’on?  Un homme (Ned, le père de Treemonisha) qui a baissé les bras et qui boit, sa femme (Monisha) plus forte et qui croit aux anges, leur fille (Treemonisha), guidée par des valeurs sincères, qui refuse le mal comme réponse au mal.

Amusez vous, aujourd’hui, à afficher la sincérité comme valeur, vous récupèrerez au mieux de gentils sourires, au pire un mépris insondable.

Grace Bumbry (Monisha) et Willard White (Ned)

Grace Bumbry (Monisha) et Willard White (Ned)

A défaut d’un support dramatique consistant, le plaisir à entendre cette œuvre vient de l’ambiance de communion que l’on ressent à voir et à entendre les chanteurs principaux, les chœurs, le chef et l‘orchestre, une vitalité authentique dans les danses telles Aunt Dinah has blowed the horn où les paroles galopent à un rythme entraînant.

Cela a nettement plus d’allure que la farandole joyeuse et folle de la Mireille mise en scène par Nicolas Joel cette saison à l‘Opéra de Paris.

La musique de Scott Joplin hybride des mouvements de cordes mélodieuses, les cadences pimpantes des cuivres, et la nostalgie du banjo dans les chants de cotons, en souvenir des origines africaines.

Grace Bumbry (Monisha) et Willard White (Ned)

Grace Bumbry (Monisha) et Willard White (Ned)

Puis vient l’émotion à entendre Grace Bumbry, avec l’inévitable croisement des enregistrements passés, les fureurs d’Eboli, les déchirures de Chimène, une énergie vocale encore impactante, un visage si beau, accompagnée par un autre monstre de scène, Willard White, à contre emploi de ses habituels Klingsor, Wotan et Barbe Bleue.

Tous deux forment un couple très naturel dans le rôle des parents de Treemonisha.

La lumière et la rondeur musicale de Adina Aaron, le timbre de Stanley Jackson, si semblable à celui du jeune ténor Paolo Fanale, et les trépidances de Kazem Abdullah parachèvent avec joie un ensemble fait pour extirper les légèretés de l'âme.

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Publié le 18 Octobre 2009

Impempe Yomlingo - La Flûte enchantée

Représentation du 16 octobre 2009
Théâtre du Châtelet

Une production d'Eric Abraham et Isango Portobello Company of Cape Town créé en association avec le Young Vic Theatre de Londres

Direction musicale Mandisi Dyantyis, Mise en scène Mark Dornfold-May, Chorégraphie Lungelo Ngamlana

Tamino Sonwabo Ntshata, Pamina Portia Shwana, Papageno Phumzile Theo Magongoma
Papagena Thozamo Mdliva,
Queen of the Night Bongiwe Mapassa, Sarastro Sebastian Zokoza,
Monostatos Malungisa Madondile

 

Après le passage de William Kentridge et la « Handspring Puppet Company » en septembre, l’Afrique du Sud continue de se produire à Paris, mais cette fois dans une reprise de la Flûte Enchantée.

Thozamo Mdliva (Papagena)

Thozamo Mdliva (Papagena)

C’est bien sûr l’attente de voir dynamiter la rigidité des conventions de l’art lyrique qui stimule l’élan vers ce spectacle.

En habits colorés et fantaisistes, une troupe joue sur scène, les chanteurs se mêlent aux chœurs, qui se mêlent eux mêmes aux musiciens jouant des Marimbas debout avec entrain et sans partition, et le directeur musical finit nécessairement par se fondre dans l’orchestre en simple interprète déchaîné.

Il s’agit pourtant d’éviter un piège redoutable : une simple interprétation des airs. Car seule la très touchante Portia Shwana a réellement une voix lyrique et raffinée, ce qui exige des autres chanteurs un rôle de composition encore plus vivant.

Impempe Yomlingo - La Flûte enchantée au Châtelet

Bénéficiant de la joie communicative des musiciens flanqués de part et d’autre de la scène, Mark Dornfold-May insuffle du rythme à l’action, art de l’enchaînement qui se passe des récitatifs de Schikaneder. Et la surprise se tient en embuscade, comme lorsque les trois garçons se figurent en anges féminins surgissant du chœur pour guider Tamino, ou bien quand la vitalité de la danse sud africaine (popularisée par Scatteling of Africa de Johnny Clegg) se jette à la face du spectateur.

Le petit coup de cœur vient de la Papagena de Thozamo Mdliva, une jovialité ronde, maternelle et rassurante pour Papageno.

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Publié le 2 Juin 2009

Cyrano de Bergerac (Franco Alfano 1875-1954)
Représentation du 31 mai 2009
Théâtre du Châtelet

Cyrano Placido Domingo
Roxane Nathalie Manfrino
Christian Saimur Pirgu
De Guiche Marc Labonnette
Ragueneau Laurent Alvaro
Carbon Franco Pomponi
La Duègne Doris Lamprecht

Direction musicale Patrick Fourmillier
Orchestre symphonique de Navarre

Mise en scène Petrika Ionesco

                                                                                       Placido Domingo (Cyrano de Bergerac)

Nul doute que le talent à animer un plateau envahi par des dizaines de figurants est ce que nous admirons le plus dans la nouvelle mise en scène de Petrika Ionesco, du véritable film de cape et d’épée.
Décors assez imposants, l’immense ouverture du ténébreux couvent des Dames de la Croix est comme la vie vaincue par la mort, c’est la scène du balcon, plus sobre et soigneuse éclairée, qui séduit le plus.

Placido Domingo (Cyrano)

Placido Domingo (Cyrano)

Avec une force émotionnelle exceptionnelle, Placido Domingo nous tire au bord des larmes, cette manière de déclarer son amour par procuration à Roxane - il est l’ombre, elle est la lumière - alors que la musique d’Alfano tire sur le mélo, est une épreuve irrésistible pour le spectateur.
Et ce n’est rien quand plus loin il avoue la lassitude du poids de son amour inexprimé.

Mais il est aussi vaillant, la puissance de ses éclats de voix sonne comme un avertissement et une défiance, cette énergie improbable fascine.

Placido Domingo (Cyrano) et Nathalie Manfrino (Roxane)

Placido Domingo (Cyrano) et Nathalie Manfrino (Roxane)

Et Nathalie Manfrino est tout simplement un ange un peu espiègle, doué d’une musicalité qui résiste aux hauteurs de la tessiture sans perdre aucune couleur, et d’effets fuyants absolument magnifiques.

En support de tout cela, le très sympathique Patrick Fourmillier s’évertue à faire vivre la partition avec souffle et élégance, une musique que l’on pourrait rapprocher de celle de Cilea - Adrienne Lecouvreur évidemment - sans leitmotiv marquant.

Le couple principal nous fait un peu oublier les autres partenaires, mais la situation est trop unique.

Ce défi au temps (et Placido Domingo projetterait de revenir au Châtelet en 2011 pour ses 70 ans dans Luisa Fernanda) touche une part profonde en nous même, et cela nous ne l’oublierons pas.

La demi-heure de rappels au rideau final non plus.

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Publié le 19 Avril 2009

Clytemnestre (1958)
Martha Graham Dance Company
Représentation du 18 Avril 2009
Théâtre du Châtelet

Chorégraphie Martha Graham
Musique Halim El-Dabh

Clytemnestra Fang-Yi Sheu,
Agamemnon David Zurak,
Helen of Troy Katherine Crockett,
Paris David Martinez,
Electra Jennifer DePalo,
Orestes Tadej Brdnik,
Aegisthus Maurizio Nardi,
Iphigenia Miki Orihara,
Cassandra Elizabeth Auclair

Fang-Yi Sheu (Clytemnestre) déplorant le sacrifice d'Iphigénie.

 

C’est la tragédie des Atrides selon Eschyle qui sert de support à ce ballet oppressant et passionnant.

Clytemnestra - Martha Graham Dance au Châtelet

Clytemnestre occupe seule le premier plan, une femme déchirée par le sacrifice de sa fille Iphigénie, geste qu’elle ne pardonne pas à Agamemnon.

C’est pour cette raison qu’elle l’assassine lors de son retour de la Guerre de Troie, et non pas à cause d’un amour coupable pour Cassandre.

 Fang-Yi Sheu (Clytemnestre) au pied d'Egisthe (Maurizio Nardi)

Fang-Yi Sheu (Clytemnestre) au pied d'Egisthe (Maurizio Nardi)

Égisthe, l’amant de Clytemnestre sensuel mais vulgaire et sans envergure, devient ici la personnification de l’objet du désir féminin, la chorégraphie qui associe ce couple meurtrier est un conflit entre attirance sexuelle et répulsion devant l’image du crime prémédité.

Une tension renforcée par la musique d’Halim El-Dabh, et dont les affinités avec celle de Luigi DallaPiccola surprennent.

Egisthe (Maurizio Nardi)

Egisthe (Maurizio Nardi)

Par opposition, le couple Pâris-Hélène exprime beaucoup plus un rapport de tendresse, une évocation de la jeunesse de Roméo et Juliette.

Martha Graham compose également un impressionnant passage pour Clytemnestre, à partir d’un grand voile qu’elle utilise soit pour souligner la féminité de ses formes, soit pour les déformer, et montrer comment la Reine est en train de perdre tout son être.

L’ensemble de la pièce met en scène aussi bien le sacrifice d’Iphigénie, que la prédiction de Cassandre (la manière dont elle sera tuée avec Agamemnon), la vengeance d’Electra et d’Orestes, le pardon d’Athena et Apollon.

Egisthe (Maurizio Nardi)

Egisthe (Maurizio Nardi)

Comme lors de la rétrospective de mardi soir, nous retrouvons des hommes musclés et très en chair, une mise en valeur de la sensibilité féminine (c’est le destin de cinq femmes qui est ainsi raconté), une narration linéaire (avec enchevêtrement du présent et d’obsessions ressassées), et une mixité culturelle à l'image du public.

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Publié le 15 Avril 2009

Martha Graham Dance Company
Représentation du 14 Avril 2009 au Théâtre du Châtelet

Errand into the Maze (1947) Martha Graham, Musique Gian Carlo Menotti
Diversion of Angels (1948) Martha Graham,Musique Norman Dello Joio
Lamentation Variations (1930/2007) Variations commandées au Joyce Theater pour le 11 septembre 2007, Musique George Crumb, DJ Savage, Frédéric Chopin
Cave of the Heart (1946) Martha Graham, Musique Samuel Barber
Maple Leaf Rag (1990) Martha Graham, Musique Scott Joplin

 

Ce qui caractérise le mieux le style de Martha Graham (point du vue du Béotien) est un grand élan de liberté et une émancipation totale de la grâce féminine.
 

L’homme est une force rassurante et attirante (on pourrait presque dire une formidable masse musculaire), une énergie qui structure la femme en mouvement, un désir sauvage mais qu’elle même cherche à dominer.

La chorégraphie est toujours très claire, son objet lisible, et très souvent les danseurs prennent des postures de statues antiques.

Plus encore, les longues chevelures et les drapées de vestales participent intégralement à l’esthétique, les thèmes mythologiques sont d’ailleurs fort présents à travers Errand into the Maze (Ariane et le Minotaure) et Cave of the Heart (Médée et Jason).

 

Diversion of Angels

Et puis il y a aussi ce moment particulier de Lamentation Variation 2, où seule, la danseuse Katherine Crocket avance lentement en courbant son corps, simplement éclairé par une lumière latérale, offrant un magnifique tableau en clair obscur sur une musique New age de DJ Savage.

L Lamentation Variation 2

L Lamentation Variation 2

Dans Maple Leaf Rag, l'immédiate vitalité joyeuse laisse enfin chacun dans un état de bonheur sereinement réjoui.

Plongé dans un univers musical étendu du classique aux musiques du monde et électroniques, le spectateur se trouve face à une humanité multiculturelle sur scène, comme elle ne lui est jamais montrée dans la réalité, c’est à dire unie.

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Publié le 29 Mars 2009

Die Feen  (Richard Wagner)
Représentation du 29 mars 2009 au Théâtre du Châtelet

Direction musicale Marc Minkowski
Mise en scène Emilio Sagi

Ada Christiane Libor                               Lora Lina Tetruashvili
Arindal William Joyner                            Gernot Laurent Naouri
Farzana Salomé Haller                             Zemira Eduarda Melo
Morald Laurent Alvaro                            Drolla Judith Gauthier
Le Roi des Fées, Groma Nicolas Testé    Gunther Brad Cooper

 

Les Musiciens du Louvre-Grenoble
Choeur des Musiciens du Louvre-Grenoble

Ce que vient de réaliser le Théâtre du Châtelet en offrant « Les Fées » tient du miracle musical.
Cet opéra est si peu connu, que chacun se trouve dans la situation du spectateur qui découvre le premier opéra d’un jeune compositeur âgé de 20 ans, un gamin en somme.

Né la même année que Wagner (1813), Verdi ne composera d’œuvre lyrique que six ans plus tard, c’est dire si l’émotion est forte à l’écoute de ces pages qui nous transportent dans un univers évoquant la Flûte Enchantée, Lohengrin, La Femme sans Ombre, Turandot ou bien Der Freischütz.

William Joyner (Arindal) et Christiane Libor (Ada)

William Joyner (Arindal) et Christiane Libor (Ada)

C’est l’histoire d’un Prince qui trouve l’amour auprès d’une Fée, brise le serment de ne pas la questionner sur ses origines, la perd, la retrouve en jurant de ne jamais la maudire, échoue lorsqu’une illusion le trompe, mais réussit à la libérer d’un sortilège en affrontant trois épreuves.

Pour ce conte de Fées, Marc Minkowski et les musiciens du Louvres créent un univers sonore dense et vif, un envoûtant tourbillon qui permet de traverser plus facilement les passages parfois peu contrastés de la partition.

La qualité de la distribution réunie montre le sérieux avec lequel ce projet a été mené. Même les seconds rôles ont fait l’objet d’un soin qui confère à l’ensemble une musicalité homogène, belle et expressive.

Lina Tetruashvili

Lina Tetruashvili

William Joyner est certes parfois en difficulté dans les passages qui sollicitent la force des aigus, mais sa partition, riche d’airs sensibles et plus mozartiens, lui laisse un large champ pour imposer ses nuances et la poésie de son chant.

Christiane Libor, en prise avec un rôle aux dimensions de l’Elisabeth de Tannhauser et de l’Elsa de Lohengrin, est d’un impact vocal précis, les lignes fusent sans que jamais les limites ne semblent atteintes, le tout gardant comme une sorte de légèreté qui jamais ne fait douter qu‘elle pourrait avoir une personnalité plus sombre (alors que le livret cherche à nous le faire croire).

William Joyner (Arindal)

William Joyner (Arindal)

Presque surdimensionné, Laurent Alvaro est de l’envergure d’un Amfortas, c’est le genre de chanteur qui donne une âme, et le personnage de Morald gagne en envergure avec lui.

A côté de ces chanteurs, Lina Tetruashvili apporte un style encore plus subtil, des couleurs que l’on imagine formées à l’univers baroque, la présence de Laurent Naouri allie un timbre bien connu à un style impeccable, Salomé Haller et Eduarda Melo rappellent les Dames de « Die Zauberflöte » avec beaucoup de gaieté.

                                                                                           Laurent Naouri (Gernot)

Au final, Nicolas Testé impose la prestance et l‘autorité du Roi des Fées, on croirait voir surgir le Sarastro de Mozart.

Un enregistrement ne semble pas prévu, et pourtant il aurait grande chance de faire référence.

Vient le traitement scénique.

La forme choisie par Emilio Sagi n’aide en rien à comprendre la trame de l’histoire, et mieux vaut l’avoir bien étudiée avant d’appréhender la représentation.

De manière fort créative, les images prennent les couleurs de l’esthétique hors norme de « Pierre et Gilles », dégradés de rose, nuit vert et bleu luminescents et scintillants, soulignent l'univers d'enfant sous-jacent, et finalement le troisième acte, construit autour d’un gigantesque lustre écrasé au sol, bénéficie le mieux du très sophistiqué travail sur les éclairages.
Beau ? Peut être pas, mais visuellement stimulant sûrement.

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