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Publié le 20 Juin 2012

Le Couronnement de Poppée (Claudio Monteverdi)

Représentation du 16 juin 2012
Teatro Real de Madrid

Poppea Nadja Michael
Nerone Charles Castronovo
Ottavia Maria Riccarda Wesseling
Ottone William Towers
Seneca Willard White
Drusilla Ekaterina Siurina
Virtud, Palas Lyubov Petrova
Fortuna, Dama Elena Tsallagova
Amor Serge Kakudji
Page Hanna Esther Minutillo
Nourrice d' Ottavia Jadwiga Rappé
Arnalta José Manuel Zapata
Lucano, Liberto Juan Francisco Gatell

Mise en scène Krzysztof Warlikowski
Direction musicale Sylvain Cambreling
Klangforum Wien
Instrumentation de Philippe Boesmans                            Nadja Michael (Poppée)
 

La nouvelle production du Couronnement de Poppée présentée au Teatro Real est une rare occasion d'entendre l'œuvre de Monteverdi dans l'orchestration de Philippe Boesmans. Cette version fut en effet commandée par Gerard Mortier pour le Théâtre de la Monnaie en 1989, et jouée par un grand orchestre sous la direction de Sylvain Cambreling.

William Towers (Ottone)

William Towers (Ottone)

Mais pour Madrid, le compositeur belge a revu et adapté l’orchestration aux instruments et à l'effectif réduit du Klangforum Wien, un ensemble musical contemporain autrichien comprenant de 20 à 30 pupitres.

Ainsi, si l'enveloppe mélodique est préservée, le climat musical se teint désormais d'une atmosphère voluptueuse qui se substitue à la légèreté champêtre de l‘écriture originelle, et se pare de sonorités chaleureuses et liquides - déferlant de scintillements parfois - d'un synthétiseur, d'un harmonium, d'un piano et d'un célesta.

Nadja Michael (Poppea) et Charles Castronovo (Nerone)

Nadja Michael (Poppea) et Charles Castronovo (Nerone)

Cet univers stylisé et mystérieux devient un support adéquat au théâtre sophistiqué de Krzysztof Warlikowski, et il y a un véritable plaisir à revoir Sylvain Cambreling heureux de diriger un ouvrage que peu auront l’occasion de reprendre, avec un soin amoureux des contrastes incessants et inhérents à cette musique.

Bien que familier des metteurs en scène chers à Mortier - Christoph Marthaler, Johan Simons, Michael Haneke, U. et K-E. Herrmann …-, il s’agit de sa première collaboration avec le directeur polonais, dans une pièce où nombres de personnages sulfureux ne peuvent que toucher ce dernier.

L'idée force de Warlikowski est de suivre une dramaturgie articulée autour d'un événement clé, le suicide de Sénèque, événement qui précipite la décadence d'un monde, la libération des peurs et des désirs, et le triomphe d'une dictature violente.

Willard White (Seneca)

Willard White (Seneca)

L'opéra débute par un cours de philosophie interactif, marqué de la prestance impressionnante et l’élocution mordante de Willard White, et destiné à une classe d'étudiants qui ne sont autres que les futurs acteurs du drame.

L'ambiance est à la détente, et l'on se doute que Warlikowski fait référence à ses propres influences littéraires.

Les textes abordent des thèmes comme les limites de la connaissance de l'autre, ou bien le risque de manipulation politicien par la peur, toutes sortes de peurs.

Maria Riccarda Wesseling (Ottavia) et Jadwiga Rappé (La Nourrice)

Maria Riccarda Wesseling (Ottavia) et Jadwiga Rappé (La Nourrice)

Mais lorsque la musique commence, l'histoire se déroule six ans plus tard, sous le règne de Néron, puis, sur les accords graves et sombres de cuivres dramatiques, défilent des images en clair-obscur de Leni Riefenstahl, artiste connue pour son implication dans le processus d'esthétisation de la politique d'Hitler.

On en retrouve d'autres plus loin, à la gloire de la force masculine allemande, mêlées à la force de l'architecture et de la sculpture antique grecque, civilisation qui fascina et façonna également l'impérialisme romain. 
 

Tout se passe dans un grand gymnase soutenu par quelques piliers latéraux, surplombé en arrière scène par un grand écran pour mettre en valeur les visages et expressions des protagonistes.
Malgré la grande ouverture de la scène, jusqu’au plafond, les voix s’en trouvent valorisées, sans se disperser.

Comme on pouvait s'y attendre, le jeu d'acteur est en mouvement constant, et pousse l'expressivité corporelle dans l'extrémité de ses désirs.

Ottone est présenté comme une figure christique, du moins en apparence, pour laquelle William Towers offre un timbre et des inflexions qui pleurent d'incessantes plaintes.

 

Ekaterina Siurina (Drusilla)

Néron et Poppée surviennent en rampant sur le dos, dans une scène érotique qui place très nettement la future impératrice en position de séductrice, alors que son amant tente de préserver une certaine distance.

Avec un regard aussi perçant que celui de Warlikowski, Nadja Michael est non seulement une artiste très animale, mais également une incarnation vocalement forte et languissante, et le choix d'un ténor comme Charles Castronovo donne à l'Empereur une autorité nerveuse, mais supprime aussi la tendresse ambiguë qu'un contre-ténor aurait normalement exprimée.

Un garde et William Towers (Ottone)

Un garde et William Towers (Ottone)

La belle surprise de la soirée est l'interprétation d'Ottavia par Maria Riccarda Wesseling, elle qui fut découverte dans la première mise en scène de Krzysztof Warlikowski à l'Opéra de Paris, Iphigénie en Tauride.
Tout est superbement rendu, la douleur, la détresse physique, le regard qui cherche en elle-même la vérité des sentiments, et tout cela en évitant absolument le mélodrame.

 Dans les rôles plus secondaires, la Drusilla d’Ekaterina Siurina brille par son charme et sa fraîcheur, Jadwiga Rappé incarne une nourrice chaleureuse, et Hanna Esther Minutillo compose un petit page espiègle et très vivant, un engagement scénique qui dépasse la sensible âpreté de ses couleurs vocales.

Enfin, des trois déesses, la Fortune, la Vertu et l’Amour, Elena Tsallagova est la plus lumineuse, en harmonie avec les sonorités rondes de la musique, tout le contraire de Serge Kakudji qui semble être distribué afin de donner à l’Amour un visage noir.

Warlikowski construit ainsi un cheminement jusqu’à ce que Néron en ait assez de Sénèque, et le pousse au suicide.

Dans ce dernier instant, on voit le philosophe caressant à distance, d’une ombre de la main, une femme qu’il aurait voulu aimer, puis l’arrivée sur scène d’exécuteurs nazis, tous indifférenciés.
La disparition de celui qui imposait une puissance morale, entraîne alors une libération des pulsions les plus retenues, Poppée révélant toute la force dominatrice qui l’anime, et, sans doute plus discutable, le trouble de genre apparaissant chez Néron qui se féminise, sous l'influence de Lucano devenu mauvais garçon.

 

                                                                                              Maria Riccarda Wesseling (Ottavia)

La scène devient de plus en plus envahie des symboles humains nazis et fascistes, les exécuteurs mussoliniens, les Dieux du Stade avec lesquels fuit Ottavia - avec toujours une justification par le texte-, jusqu’à la grande scène finale qui inverse les rôles. Poppée accède à une grandeur dictatoriale absolue.

Tout n’est évidemment pas clair chez Warlikowski, le travestissement d’Arnalta par exemple, mais il signe à nouveau un spectacle très fort et interrogatif, dans l’ensemble plus lisible que certaines de ses pièces de théâtre où l’action peut être parallélisée et plus difficile à suivre.

Nadja Michael (Poppea) et Charles Castronovo (Nerone)

Nadja Michael (Poppea) et Charles Castronovo (Nerone)

Cette version de L'incoronazione di Poppea sera reprise à l’Opéra de Montpellier en mai 2013.

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Publié le 25 Octobre 2010

Les Noces de Figaro (Mozart)
Répétition générale du 23 octobre 2010 & version de concert du 28 octobre 2010
Opéra Bastille

Le Comte Almaviva Ludovic Tézier
La Comtesse Almaviva Barbara Frittoli
Suzanne Ekaterina Siurina
Figaro Luca Pisaroni
Chérubin Karine Deshayes
Marcelline Ann Murray
Bartolo Robert Lloyd
Don Basilio Robin Leggate
Barbarine Maria Virginia Savastano

Direction Musicale Philippe Jordan
D'après la mise en scène de Giorgio Strehler (1973)

              Ekaterina Siurina (Suzanne) et Luca Pisaroni (Figaro)

 

Après une dernière saison de 14 représentations en 2002/2003, et 30 ans de carrière, Les Noces de Figaro mis en scène par Strehler quittaient le répertoire de l’Opéra de Paris pour laisser la place à la vision humoristique de Christoph Marthaler au Palais Garnier, immortalisée alors, en 2006, par une captation DVD.

Ne partageant pas le goût pour la verve de la production de Gerard Mortier, Nicolas Joel a donc décidé de revenir à la vision de Strehler, quitte à devoir récupérer la copie des décors qui sommeillent à la Scala de Milan.

Il pourra ainsi diffuser son travail sur France 3 le mercredi 3 novembre 2010, puis en faire, lui aussi, un DVD en 2011.

 Barbara Frittoli (La Comtesse Almaviva)

Barbara Frittoli (La Comtesse Almaviva)

Ce retour en arrière fait évidemment un peu mal au cœur quand arrivent des décors vieillis et incomplets, le sol carrelé sur lequel se reflétaient les éclairages n’existe plus, mais les lumières d’automne qui illuminent le bureau et le lit à baldaquins de la chambre de la Comtesse expriment avec une extraordinaire poésie l’émoi que laisse le passage du temps.

Pour aller à l’essentiel, tout l’intérêt du travail dans Les Noces de Figaro se reflète dans le personnage de cette femme qui affiche une dignité magnifiée par son regard tendre, la légèreté de sa robe de chambre qui flotte lorsqu’elle va ouvrir la porte au Comte, la grâce de sa grandeur, la mélancolie dans laquelle l’enchaînement des désillusions l’entraine.

Et Barbara Frittoli, parce qu’elle porte en elle quelque chose de tragique, se fond magnifiquement dans les lueurs ambrées qui, malheureusement, ne bénéficient pas d’une authentique reconstitution dans un troisième acte bien terne.

Je souhaite à chacun de pouvoir voir et entendre le miracle qui s'est produit lors de la version concert du jeudi 28, lorsque seule, face au public, le moindre geste, la moindre inclinaison de la tête, la moindre variation du corps ont raconté tous les sentiments de désespoir de 'Dove sono', en même temps que son chant sidéral touchait, en chacun de nous, l'émotion inexprimable du temps en suspend.

La Suzanne enjouée qui s’associe à elle, Ekaterina Siurina, susurre une musicalité accomplie et presque enfantine, car peu contrastée, avec un soucis de la diction mozartienne qui n'est qu'à quelques occasions fondue dans les méandres orchestraux.

                                                                                    Barbara Frittoli (La Comtesse Almaviva)

Quand au travail symphoniste de Philippe Jordan, il tire la musique de Mozart vers le romantisme d’un flux sonore, en superposition de vagues, qui s'épanouit au quatrième acte lorsque se succèdent les quiproquos.

Il manque cependant, particulièrement au premier acte, la vivacité et la folie étourdissante qui enchantent l'esprit, bien que d'autres instants subliment la poésie des dialogues entre instruments, comme cors et clarinettes dans l'air de Chérubin. L'enthousiasme de Mozart n'est décidément pas facile, ni pour les musiciens, ni pour le chef.

 Ekaterina Siurina (Suzanne)

Ekaterina Siurina (Suzanne)

Très crédible dans sa violence, dans la volonté d’en découdre avec le Comte, mais aussi lorsqu’il s’agit de jouer la comédie,  Luca Pisaroni n’a besoin d’aucune exagération pour soigner un Figaro de haute tenue, et il est un peu dommage que le travail de mise en scène le pousse à chanter, dans la dernière partie, seul face au public, interpelant même l’orchestre sans que l’on en comprenne le sens.

Chérubin est le personnage le plus attendrissant de l’opéra, celui qui exprime dans une sorte de fougue de velours, le désir, les douces caresses. Karine Deshayes ne respecte cependant pas toujours l’esprit enjôleur du jeune garçon, avec des sortes d’à-coups et surtout un soudain jaillissement douloureux qui n’est pas fortuit, et sonne plus comme un réflexe vocal gênant. Le jeune garçon est ainsi en bouillonnement permanent.

Ludovic Tézier (Le Comte Almaviva) et Karine Deshayes (Chérubin)

Ludovic Tézier (Le Comte Almaviva) et Karine Deshayes (Chérubin)

On connaît bien Ludovic Tézier, chacun de ses rôles laisse une trace dans la mémoire car il a de la présence, mais en Comte on retrouve encore un peu de cette raideur et de cette fausse froideur qui ne lui conviennent pas vraiment.
Ce n’est pas un hasard si Werther et Posa sont pour l’instant ses deux rôles les plus réussis à l'Opéra Bastille, car ils ont en eux une noblesse d’âme, une noirceur élevée qui lui sont plus naturelles, et surtout, ces deux personnages sont sincères.

Barbara Frittoli (La Comtesse Almaviva)

Barbara Frittoli (La Comtesse Almaviva)

Parmi les seconds rôles, Maria Virginia Savastano, élève de l’atelier lyrique de l’Opéra de Paris, interprète une sage et mélodieuse Barbarine, et même impertinente, Ann Murray chante une Marcelline forte, à côté de laquelle Bartolo (Robert Lloyd) paraît plus effacé, et Robin Leggate restitue finement l'humour souriant de Don Basilio.

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Publié le 4 Octobre 2010

Il Trittico (Giacomo Puccini)
Créé au New York, Metropolitan Opera le 14 décembre 1918
Répétition générale du 02 octobre 2010
Opéra Bastille

Il Tabarro
Michele Juan Pons
Luigi Marco Berti
Giorgetta Oksana Dyka
Il Tinca Eric Huchet
La Frugola Marta Moretto
Il Talpa Mario Luperi

Suor Angelica
Suor Angelica Tamar Iveri
La Zia Principessa Luciana D’Intino
La Badessa Barbara Callinan
La Maestra delle Novize Marie-Thérèse Keller
Suor Genovieffa Amel Brahim-Djelloul
Suor Osmina Claudi Galli
La Suor Infirmiera Cornelia Oncioiu

Gianni Schicchi
Gianni Schicchi Juan Pons
Lauretta Ekaterina Syurina
Zita Marta Moretto
Rinuccio Saimir Pirgu
Gherardo Eric Huchet
Betto Alain Vernhes
Simone Mario Luperi                                                       Oksana Dyka (Giorgetta)
La Ciesca Marie-Thérèse Keller

Mise en scène Luca Ronconi

Direction musicale Philippe Jordan

Production de la Scala de Milan (2008) et du Teatro Real de Madrid

Les apparitions parisiennes du Triptyque, dans son intégralité, étaient jusqu’à présent limitées à la salle Favart d’abord en 1967, en version française et lorsque l‘Opéra Comique était réuni à l‘Opéra de Paris sous l’égide de la Réunion des théâtres lyriques nationaux , puis en 1987, dans la version originale italienne quand la salle fut directement administrée par l’Opéra National.

Son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris, par la grande porte de Bastille, constitue donc un petit évènement, Nicolas Joel ayant déjà représenté Il Trittico au Capitole de Toulouse en 1997, puis en 2006.

Face à trois œuvres différentes, dramatiquement, musicalement et interprétativement, la question est de savoir comment chacun de nous va vivre leur enchaînement.

Tamar Iveri (Suor Angelica)

Tamar Iveri (Suor Angelica)

Gianni Schicchi est sans conteste l’ouvrage qui fonctionne le mieux car il s’agit d’une satire sociale toujours contemporaine, et très bien construite.

Cependant, avec son atmosphère lourde, grise et sombre, sans espoir, Il Tabarro a laissé ce soir une forte impression.

Oksana Dyka, interprète d’une Giorgetta féminine, sûre d‘elle même, et avec une démarche séductrice, presque provocatrice, est saisissante par l’aplomb avec lequel elle tient tête à son mari, Michele.

Le phrasé est précis, incisif, les nuances restent toujours dans une tonalité assez claire, sans trop de chaleur, et quand vient le moment où la musique exige d’elle qu’elle sorte la douleur rivée au plus profond du cœur, qu'elle sorte les aigus les plus perçants, l’effet dans la salle est dévastateur.

Luciana d'Intino (La Zia Principessa)

Luciana d'Intino (La Zia Principessa)

On connaît la vaillance et la puissance de Marco Berti. Elles ne sont pas les qualités les plus adéquates pour exprimer la sentimentalité d’un homme, mais elles lui permettent de brosser un Luigi rageur, « Hai ben ragione; meglio non pensare », violent dans ses expressions les plus amères.

Juan Pons, réduisant Michele à une loque humaine, et vocalement très usé, ne peut avoir l’impact vocal de ses deux partenaires. Néanmoins, la pitié que suscite son personnage fait qu’on ne lui en veut même pas de son geste final.

Sous les éclairages livides, la brillance de cristal et la finesse de détail des lignes orchestrales, les frémissements froids des cordes, se fondent avec la tonalité d’ensemble qui nous fait même oublier les limites visibles du décor de Luca Ronconi.

Philippe Jordan

Philippe Jordan

Le second volet du Triptyque, Suor Angelica, ne possède pas la même force, d’autant plus que cette histoire de femmes oppressées par la religion renvoie à un passé chrétien peu glorieux.

La visite de la Zia Principessa est véritablement le grand moment de l’ouvrage, car elle met en scène une confrontation avec Sœur Angelique qui évoque celle de l’inquisiteur et de Philippe II dans Don Carlo.

Toutes les intentions les plus malsaines s’entendent dans la musique, et Luciana d’Intino, qui fut Eboli la saison passée, joue à nouveau sur son double registre, prodigieusement grave comme pour engloutir toute velléité de contestation, et flouté dans les hauteurs.

L’authenticité de Tamar Iveri, ses accents touchants et son engagement sincère sont sa force, même si elle donne le sentiment, ce soir, de trop limiter son rayonnement vocal.

Ekaterina Syurina (Lauretta)

Ekaterina Syurina (Lauretta)

Et si l’intrigue ne passionne pas, alors ne reste plus qu’à suivre la direction de Philippe Jordan, toute en souplesse et d’attention pour les chanteurs. Il est l’expression même de la gentillesse qui guide d'une main ferme, une forme d’humanisme inspirant.

Enfin, riche en actions théâtrales, Gianni Schicchi oppose à la lourdeur des deux premiers volets, une forme de détente pour l’auditeur, ramené à une vie plus concrète avec une de ses obsessions les plus fondamentales : l’argent.

Tamar Iveri, Alain Vernhes, Philippe Jordan, Luciana d'Intino

Tamar Iveri, Alain Vernhes, Philippe Jordan, Luciana d'Intino

Juan Pons y est mieux mis en valeur car son mimétisme s’accommode de ses tripatouillages vocaux, et si la lumineuse Ekaterina Syurina  ne peut faire oublier les nuances si particulièrement fraîches et naïves de Maria Callas, Saimir Pirgu, brillant acteur, se montre sensible avec son physique de fils idéal.

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Publié le 25 Octobre 2008

Rigoletto (Giuseppe Verdi)
Représentation du 24 octobre 2008 à l'Opéra Bastille


Rigoletto Ambroggio Maestri
Gilda Ekaterina Syurina
Le Duc de Mantoue Stefano Secco
Sparafucile Kristinn Sigmundsson
Maddalena Varduhi Abrahamyan
Giovanna Cornelia Oncioiu
Monterone Carlo Cigni

Direction musicale Daniel Oren
Mise en scène Jérôme Savary

Sans faille, cette (ultime?) reprise de la production de Jérôme Savary aura réservé de très beaux moments, presque inespérés.

                                                                                          Stefano Secco

L’ombre omniprésente saisit le décor du dernier acte pour en faire un enchevêtrement de lucarnes, de portes et d’escaliers où le regard se perd dans les ténébreuses obscurités.
Mais dans l’ensemble la mise en scène se limite à une animation d’un très sage classicisme.

Depuis son apparition en Rodolpho dans « La Bohème », Stefano Secco est le ténor auquel Gerard Mortier aura confié quasiment tous les rôles verdiens : Adorno, Alfredo, Don Carlo, Le Duc de Mantoue et Macduff l’année prochaine.

Cet artiste est simplement quelqu’un qui fait un travail remarquable, sans battage médiatique et sans jamais se départir d’une authentique sincérité distillée dans toutes ses interprétations.
Le résultat est que rarement le Duc de Mantoue n’aura paru aussi sensible.

Stefano Secco, absolument crédible lorsque qu’il se fait passer pour un étudiant devant Gilda, fait déborder de lyrisme tous les passages sentimentaux que ce soit en duo avec elle, seul dans son palais ou bien sous le charme de Maddalena.
Si bien que l’effet des airs « Questa o quella » et « La donna è mobile », écrits pour un jeune coq très fier de soi, se trouve atténué comme pour signifier l’artifice de l’image du souverain.
Mais là aussi le ton reste très affirmé.

C’est très troublant car la sympathie pour le personnage en est accrue.

Ekaterina Syurina (Gilda)

Ekaterina Syurina (Gilda)

Lumineuse et hyper idéalisée, Gilda est avec Ekaterina Syurina une sorte d’ange qui emmène toute seule la salle entière sur un petit nuage.

On aurait toutefois aimé un peu plus de tiraillements dans la seconde partie, tant s’opposent ses sentiments envers le Duc d’une part et envers son père d’autre part.

Sans trop en faire, Ambroggio Maestri interprète un Rigoletto sans aucune vulgarité, ne s’agite jamais, alors que plus de noirceur aurait donné un meilleur relief à son personnage.

Les seconds rôles sont bien tenus, Kristinn Sigmundsson Sparafucile brute épaisse, Varduhi Abrahamyan Maddalena charmeuse, Cornelia Oncioiu Giovanna très douce, et Carlo Cigni Monterone sans doute vengeur mais très affecté également.

Après une première scène en recherche, Daniel Oren choisit un style subtile, intime et intense dans les moments clés du drame.

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