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Publié le 25 Janvier 2009

Yvonne, princesse de Bourgogne (Philippe Boesmans)
Création Mondiale

Représentation du 24 janvier 2009 (Opéra Garnier)

D’après la pièce homonyme de Witold Gombrowicz

Direction musicale Sylvain Cambreling
Orchestre Kl
angforum Wien
Mise en scène Luc Bondy

Yvonne Dörte Lyssewski
Le Roi Ignace Paul Gay
La Reine Marguerite Mireille Delunsch
Le Prince Philippe Yann Beuron
Le Chambellan Victor von Halem
Isabelle Hannah Esther Minutillo
Innocent Guillaume Antoine
Valentin Marc Cossu-Leonian

L’on imagine tout à fait une musique vive et entraînante en lisant la pièce de Witold Gombrowicz, le foisonnement comique et les incessantes interventions des personnages s’y succédant sans relâche.

Il faut avouer que la partition de Philippe Boesmans (né en 1936) nous prend à contre-pied, car dans la première partie la tonalité d’ensemble se maintient dans une certaine unité où des motifs se croisent, se désynchronisent, les cordes étirent des aigus filés, les cuivres gonflent l’apparence grotesque d’Yvonne, et tout ceci crée un climat de malaise car la jeune femme semble être le problème et être responsable de la consternation de son entourage.

C’est uniquement à l’arrivée d’Innocent, que les accords se rejoignent dans une harmonie poétique (magnifique intervention de Guillaume Antoine au timbre moelleux) quand un peu de profondeur d’âme se manifeste.

Mais dans la deuxième partie, le point de vue s’inverse, lorsque un par un, le Roi, la Reine, le Prince … se trouvent eux mêmes être le problème, chacun projetant en Yvonne ses propres travers (voir le comportement hystérique du Prince quand Yvonne récupère un cheveu d’Isabelle par exemple) jusqu’à ne même plus supporter son regard.

                                               Hannah Esther Minutillo (Isabelle)

De la musique émerge une multitude d’influences du baroque au folklore slave, jusqu’à un petit bijou vocal dédié à la Reine, « Je suis solitaire », qui décrit à travers un aria aérien et plein de grâce l’abîme de ses fantasmes, auxquels le Roi va répondre de manière assez crue.

C’est en tout cas le grand air de la partition fait  pour une Mireille Delunsch d’une intelligence scénique évidente, et dont la lumière de ses passages en voix de tête focalise l’attention générale.

A d’autres moments on remarque souvent un balancement sans transition entre cette tessiture élevée et les résonances graves.

Mireille Delusnch (La Reine), Dörte Lyssewski (Yvonne), Paul Gay (Le Roi)

Mireille Delusnch (La Reine), Dörte Lyssewski (Yvonne), Paul Gay (Le Roi)

Paul Gay, au costume impossible, s’en donne à cœur joie avec la vulgarité juste nécessaire, Yann Beuron est vocalement un choix de luxe cependant pas du tout mis en valeur par l’écriture vocale, et comme toujours émane d’Hannah Esther Minutillo un véritable plaisir à jouer, fait de sourires mais aussi de couleurs métalliques bien à leur place dans cette écriture musicale.

C’est peut être voulu, mais si l’intention est de transformer le Chambellan en croque-mort, le lugubre Victor von Halem est l’homme idéal.

Enfin pour Dörte Lyssewski, Yvonne est une sacrée performance d’une part parce que c’est une femme d’une belle plastique totalement effacée par le rôle, et d’autre part parce qu’elle transmet un malaise dérangeant.

Mireille Delunsch (La Reine)

Mireille Delunsch (La Reine)

Luc Bondy met donc en scène un univers aristocrate bariolé de couleurs feutrées comme pour couvrir sa véritable noirceur et donne un rôle très provocateur à Yvonne.
Nos propres réflexions sur le regard de l’autre y trouvent un support fort, et plus encore, le regard des autres sur nous même.

Sylvain Cambreling défend cette partition avec beaucoup d’humilité, et d’ailleurs pendant les deux ans et demi de travail de composition de Philippe Boesmans, il a lui même participé à la relecture et à de petites modifications quand l’intention du musicien ne lui paraissait pas toujours bien traduite.

L'évidente osmose avec le Klangforum Wien et les petits gestes ou signes d'attention témoignent d'une très grande estime réciproque et font plaisir à voir.

La conclusion musicale réfère avec beaucoup de force à l'exploitation du religieux au service de la bonne conscience.

Le succès de la première, il est quand même rare de voir une salle comble du début à la fin pour une création contemporaine et un aussi long rappel des artistes, devrait faire de cette pièce plus qu’une création éphémère.

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Publié le 29 Novembre 2008

Fidelio (Ludwig van Beethoven)
Représentation du 28 novembre 2008 (Garnier)


Direction musicale Sylvain Cambreling
Mise en scène Johan Simons
Dialogues de Martin Mosebach

Don Fernando Paul Gay
Don Pizarro Alan Held
Florestan Jonas Kaufmann
Leonore Angela Denoke
Rocco Franz-Josef Selig
Marzelline Julia Kleiter
Jaquino Ales Briscein

L’article sur la Présentation de Fidelio est une introduction à ce spectacle.

On ne pouvait pas trouver opéra plus proche de notre actualité que celui là, que ce soit à propos du problème de surpopulation carcérale en France et des conditions de détentions amenant certains prisonniers au suicide, ou bien encore plus inquiétant, la manière dont la grande démocratie américaine autorise la torture (bien entendu hors de son territoire) à Guantanamo ou Abu Ghraid, en totale contradiction avec les principes fondamentaux de la déclaration universelle des droits de l’homme.

Nous savons également que beaucoup de citoyens préfèrent fermer les yeux sur ces sujets, et élire des hommes politiques d’abord sur leur capacité à améliorer leur petit confort quotidien, même si ce dernier est déjà largement supérieur à celui des 9 dixièmes de la population mondiale.

Angela Denoke (Fidelio)

Angela Denoke (Fidelio)

Pour ce Fidelio, Sylvain Cambreling a donc rétabli la structure de Leonore (air, duo, trio, quatuor), ce qui laisse plus de temps et de cohérence à la construction des liens entre Jaquino, Marzelline, Rocco et Fidelio.

Le texte de Martin Mosebach marque une première idée sous-jacente : « la prison est pour nous atelier, bureau et machine ». La prison est dans la quotidienneté et le spectateur est ici pris à partie.

Les chanteurs évoluent dans un espace restreint (le poste de surveillance ressemble à une cage) sans lumière naturelle, et scéniquement Johan Simons insiste sur leur mal-être, leurs gestes conditionnés, commandés ou bien limités par leur univers.

Bien que Julia Kleiter et Ales Briscein tiennent des personnage simples, leur interprétation est sans reproche.

L’arrivée de Don Pizarro est portée par un Alan Held féroce, avec une voix « coup de poing » qui concoure à faire du gouverneur un homme en rapport violent avec l’autre comme preuve de sa liberté conquise.

La convergence scénique, vocale et orchestrale dans son air implacable est une réussite indiscutable.

Jonas Kaufmann (Florestan)

Jonas Kaufmann (Florestan)

Petit à petit, la scène se retrouve rayée de toute part par les ombres des barreaux de la prison, jusqu’à l’ouverture sur la cour des prisonniers, illuminée par une lumière naturelle devenue leur seul espoir.

Dans tout ce premier acte, Sylvain Cambreling donne une épaisseur à la musique et une expressivité théâtrale sans relâche assez inattendue car l’on imagine mal en 1H30 qu’il n’y ait quelques passages qui traînent (critique qui avait été faite à Beethoven).
Ce n’est pas le cas ici et il faut en être reconnaissant au chef.

Angela Denoke est d’ailleurs une Leonore émouvante rien que par son regard (et l‘on fait grâce à Simons d‘avoir aussi bien magnifié son humanité), et dans son timbre se mélangent froideur et profondeur psychologique.

Elle ne cède qu’à quelques aigus qui pourraient être plus puissants et lancés plus sèchement.

Alors naturellement, l’ouverture du IIème acte saisit la salle entière, car Cambreling accroit la tension à partir d'une atmosphère déja bien préparée au Ier acte.

Il est impossible de ne pas penser que la capacité de la peinture musicale à décrire le milieu dans lequel est détenu Florestan, ainsi que sa détérioration intérieure, donne à Beethoven un demi siècle d’avance (Verdi et Wagner n’étaient âgés que d'un an en 1814!).

Sous une lampe éblouissante, le prisonnier politique est ici livré à des spasmes où l’on pressent que le passage à l’état animal est proche.

Jonas Kaufmann souffle un « Gott! », non pas hurlé, mais piano pour ensuite l’enfler progressivement et le projeter dans un temps hors du commun.

 

Jonas Kaufmann (Florestan)

Désolé pour les fans de son physique, il est ici aveugle, les yeux bandés, et il faudra attendre la fin pour voir son visage.

Sa voix puissante, au médium riche, et sa passion visible du théâtre dessinent un homme déchiré qu’il faut absolument avoir vu. Le jeu, fouillé et subtile, évite toute dérive vers l’exposition de bête de foire.

Franz-Josef Selig est un Rocco très intéressant par les ambiguïtés de l’humanité que suggère son timbre, passant du grave large à la douceur de la voix de tête. Parfois celle ci perd ses couleurs mais cela ne gêne pas outre mesure. Il représente ici l’homme désireux d’améliorer son quotidien quitte à devenir l’instrument de l’oppresseur.

Le texte de Mosebach devient dans cette partie une dénonciation de la logique du pouvoir, pour lequel compte d'abord le fonctionnement de son système au mépris de la vie humaine.

Simons n'épargne aucun détail pour susciter l'effroi jusqu'aux craquements du plancher, seule musique sur laquelle Pizarro élabore son plan d'extermination.

Angela Denoke (Fidelio) et Jonas Kaufmann (Florestan)

Angela Denoke (Fidelio) et Jonas Kaufmann (Florestan)

Alors quand arrive le Ministre, Paul Gay paraît un peu terne, ce qui quelque part convient car son rôle de gouverneur n’en sort pas grandi quand il se tient droit face à la salle, consterné par la responsabilité qu’il a eu dans ce drame.

La scène finale est une exaltation de l’espérance, la montée du chœur s’accompagnant de manière plutôt attendue d’une lumière qui offre une vision magnifique sur tout le public de Garnier, mais une ombre reste sur les solistes, le gouverneur désemparé, et le couple uni dans la douleur.

La direction de Sylvain Cambreling, violente et à charge débridée, est sur ces dernières minutes excessive.

Il est rare de voir l'ensemble de l'orchestre applaudir autant les artistes d'autant plus que l'angoissant second acte incite à la retenue.

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Publié le 30 Mars 2008

Wozzeck (Alban Berg)
Première représentation du 29 mars 2008 (Opéra Bastille)

 
Wozzeck Simon Keenlyside     Marie Angela Denoke

Hauptmann Gerhard Siegel       Tambourmajor Jon Villars

Doktor Roland Bracht              Margret Ursula Hesse von den Steinen

Andres David Kuebler                                 

 

Direction musicale Sylvain Cambreling
Mise en scène Christoph Marthaler

L’article Présentation de la nouvelle production de Wozzeck permet une première prise de connaissance avec la pièce.

 

Sylvain Cambreling est quand même un chef extraordinaire. Sa direction dans La Traviata avait été décriée car elle cassait la beauté « bourgeoise » de l’œuvre, pour se plier à une volonté théâtrale.
Avec « Wozzeck » l’impression est tout autre, car ce qu’il nous propose est au contraire un magnifique épanouissement musical, une volonté de faire partager les beautés sonores de l’œuvre, de s’effacer derrière cette musique.
Et cela se comprend. Je me souviens qu’il s’était montré plus lyrique qu’explosif dans l’Amour des 3 Oranges. Cela se retrouve avec une force particulière à travers le personnage de Marie, dont l’humanité est ici sublimée musicalement.

La musique d’Alban Berg est d’ailleurs prenante, et crée une sorte de poids au cœur qui de toute façon ne justifie pas d'en faire des tonnes pour oppresser encore plus l’auditeur. 

Simon Keenlyside (Wozzeck) et Angela Denoke (Marie)

Simon Keenlyside (Wozzeck) et Angela Denoke (Marie)

Simon Keenlyside se livre à un rôle d’homme obsessionnel qui n’a pas le droit de s’arrêter, et cette manière d’y jeter toute son âme est évidente. En plus de la difficulté vocale, c’est un travail sans relâche sur l’expression du visage qui évoque la souffrance, la bonté et la volonté de faire bien les choses, mais aussi une profonde tristesse.

Angela Denoke incarne, avec cette manière de couvrir légèrement sa voix lorsqu’elle fait appel aux résonances les plus élevées, une sorte d’ange désespéré d’où jaillissent parfois des inflexions véristes poignantes. D’ailleurs chacun sera ému par la relation avec son enfant.

Il va y avoir aussi beaucoup d' étonnés, car Jon Villars est méconnaissable en Tambour Major devenu un voyou de Banlieue très antipathique. Roland Bracht est lui aussi assez marquant en Docteur.
David Kuebler et Gerhard Siegel m’auront moins accroché.
Hesse von den Steinen en Margret est absolument géniale!

Tout se passe donc dans ce quartier de Gand (la caisse de Bière des Moines d’ Orval est d’ailleurs le seul élément qui permet de situer la scène en Belgique), les adultes sont tristes à voir, les enfants affluent et refluent.
A vrai dire,
Marthaler
n’accentue aucunement le sadisme du Docteur ou du Capitaine à l’égard de Wozzeck, et réduit même au minimum la violence du meurtre de Marie pour donner toute sa force à la dernière scène avec les enfants.

Cette image qui vous prend au cœur suffit à raconter la tragique mécanique de l’exclusion. Nous y retrouvons ce qu'a pu être l'enfance de Wozzeck et nous y imaginons ce que sera l'avenir de son fils et ce qu'il risque de faire.

C'est aussi un appel à la vigilance sur le comportement des jeunes dans leur rapport au plus faible.

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Publié le 9 Juillet 2007

Les Noces de Figaro (Mozart)

Répétition générale du 09 mars 2006 (Garnier)
 
Mise en scène Christoph Marthaler
Direction musicale Sylvain Cambreling
 
Figaro Lorenzo Regazzo
Suzanne Heidi Grant Murphy
La comtesse Dwayne Croft
Chérubin Christine Schäfer
Bartolo Roland Bracht
Marcelline Helene Schneiderman
 
Une générale à Garnier se savoure dés l’ouverture des portes. Il y règne une décontraction inhabituelle, l’on retrouve les visages connus, certains sourires sont charmants.
Puis la lumière faiblit et un petit homme arrive sur scène : j’apprend qu’il s’appelle Gerard Mortier et qu’il est le directeur de la maison. Avec nostalgie son hommage à Strehler, qui fit l’ouverture de la première saison Liebermann, nous prépare à un tournant historique dans la mise en scène des Noces de Figaro. Mais cette fois il paraît que l’on va rire.
 
Alors effectivement, l’entrée d’une grande maison où toute l’action va se dérouler constitue l’univers unique. Un grenier surplombe l’ensemble.
Loin de chercher à éclairer l’œuvre, la pièce est prétexte à un déploiement de gags, de scènes cocasses pour le plaisir du non-sens. Mais je laisse à chacun d’aller apprécier directement au théâtre surtout que la première n’a pas encore eu lieu.
 
Sur scène, bien que ce ne soit qu’une répétition, il nous est donné une occasion d’entendre une interprétation de bonne qualité à quelques réserves prés :
Lorenzo Regazzo est un Figaro vocalement soigné mais qui doit faire face à un Peter Mattei qui survole tout avec ses accents mordants et sa prestance naturelle.
L’on découvre une Christiane Oelze au premier abord un peu gauche. Elle est cependant très vite entraînée dans la farce et présente une comtesse douce, musicale mais un peu pâle.
La très vivante Heidi Grant Murphy laisse perplexe : il y a bien peu d’élégance dans son chant aux graves peu marqués et pourtant son dernier air nous laisse en suspend.
 
Mais quelle stupéfaction en découvrant Chérubin : Christine Schäfer est totalement méconnaissable en adolescent et seule sa très belle interprétation permet de lever le doute sur le fait que ce n’est pas un gamin de 15 ans qui joue sur scène.
 
J’ai été très touché par l’humanité que Roland Bracht apporte au personnage de Bartolo (et il a du coffre). D’autant plus que le chanteur doit composer avec les tics voulus par Marthaler et il m’est difficile de ne pas être sensible à la difficulté supplémentaire qu’ils engendrent.
 
Enfin Helene Schneiderman fait rayonner une Marcelline espiègle, joueuse et vocalement enivrante à en éclipser Suzanne.
 
Dans la fosse, pas de surprise, l’orchestre fait ce qu’il peut avec un chef qui n’est jamais aussi bon que lorsqu’il participe lui-même aux gags.
 
Le contraste entre le délire sur scène et l’image nostalgique et triste du grenier est troublant.
 
Inutile de dire que les puristes crieront à l’outrage (notamment par la manière dont les passages au clavecin ont été remaniés).
Il s’agit seulement ici de célébrer l’exubérance et la fantaisie de la vie et de l’accepter dès le départ.

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Publié le 8 Juillet 2007

Don Giovanni (Mozart)

Représentation du 27 janvier 2006 (Opéra Garnier)
 
Direction musicale Sylvain Cambreling
Mise en scène Michael Haneke
Décors Christoph Kanter
Costumes Annette Beaufays
Éclairages André Diot

Don Giovanni Peter Mattei
Il Commendatore Robert Lloyd
Donna Anna Christine Schäfer
Don Ottavio Shawn Mathey
Donna Elvira Mireille Delunsch
Leporello Luca Pisaroni
Masetto David Bizic
Zerlina Aleksandra Zamojska
 
Ce soir c'est style efficace.
Le meilleur : Peter Mattei. Un chant enrobé ....Zerline ne craque toujours pas ... c'est pas grave ...les abdos retravaillent et un nouveau son encore plus malaxé est prêt à la faire fondre. Un délice vocal!!!
Luca Pisaroni est un Leporello jamais vulgaire, au sang à peine plus chaud que Don Giovanni....... ce soir j'ai entendu du beau chant.

Chez les dames, Christine Schäfer est celle qui s'en sort le mieux.
Femme fragile et déboussolée elle trouve ses limites dans le deuxième acte où elle ne peut que fonctionner par à-coups dans les parties vocalisantes.
Mireille Delunsch est bonne actrice mais la tessiture me gêne. Style trop criard. En plus ce n'est pas toujours juste.

Si la mise en scène est enthousiasmante au premier acte (le cauchemar d'un cadre supérieur déconnecté des autres pour lequel tout va mal se finir), le décrochage est spectaculaire au II acte. Personnellement je n'y crois plus, l'Elvire aimante qui pense pouvoir retourner la situation me manque, l'humour me manque également et le final frise le ridicule.
 
 
Voici quelques éléments que j’ai capté lors du plein feux sur DonGiovanni et qui permettent de mieux appréhender la vision de Haneke.

M.Haneke part du principe que le livret de Da Ponte n’est pas crédible car on ne peut tuer une personne et continuer la partie de rigolade comme ci de rien n’était.
Il n’y croit donc pas et préfère partir de quelque chose qu’il connaît.

Se pose alors la question de qui représente les puissants aujourd’hui : les politiques ? Mais ceux-ci sont souvent aux services d’affairistes. Le metteur en scène choisit donc le milieu de l’entreprise et de l’argent.

Comment faire ensuite pour justifier l’intervention du commandeur dans une société qui ne croit plus en dieu et dont la spiritualité se délite. Qu’est ce qui peut faire peur aujourd’hui ?

Enfin il explique que son œuvre ne répond pas aux attentes d’une société (laquelle ?) mais ne représente que lui-même. C’est à prendre ou à laisser.

Il est vrai que cette vision des employés se saisissant de Don Giovanni pour s’en débarrasser définitivement peut toucher fortement un public qui a intériorisé du ressentiment vis-à-vis de comportements oppressants dans le milieu de l'entreprise.

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Publié le 6 Juillet 2007

Les Troyens (Hector Berlioz)

Représentation du 21 octobre 2006

Opéra Bastille

Cassandre/Didon Deborah Polaski
Enée Jon Villars
Chorèbe Frank Ferrari
Le fantôme d’Hector Philippe Fourcade
Anna Elena Zaremba
Narbal Kwangchul Youn
Hylas Bernard Richter

 
Direction Sylvain Cambreling

Mise en scène Herbert Wernicke

 

On pourra dire ce que l’on veut sur les aspérités vocales de Deborah Polaski, la charpente est solide, l’intensité dramatique telle que Cassandre inquiète et Didon émeut.
Jon Villars, à stature égale, campe un Enée en rien héroïque mais pommé et tiraillé, ce que les modulations lyriques sans grandes élégances suggèrent plutôt bien.
Mais lorsque la voix de trépassé de Philippe Fourcade se fait entendre, le fantôme d’Hector accapare l’espace sonore et l’emprise psychique rend difficile de ne pas laisser échapper quelques frissons.
Les nappes orchestrales se mêlent à cette atmosphère absolument irréelle.

Si le Chorèbe de Frank Ferrari s’efface trop, Kwangchul Youn est toujours aussi classe sans oublier Bernard Richter pour la poésie de son Hylas.

La mise en scène de Herbert Wernicke est magnifique : grandes attitudes figées et nobles, effets sombres, une tristesse diffuse en permanence, et cette façon sobre d’exposer la splendide solitude de Cassandre.
En arrière plan de l’enceinte blanche, la faille est suffisamment large pour laisser les chromatismes de l’horizon évoluer en fonction des sentiments en jeu, ou de l’ambiance naturelle, et ainsi nous impressionner.
Plusieurs structures monumentales vont se succéder dont un avion de chasse écrasé au sol lors de la guerre de Troie, le fameux cheval ou le buste d’une statue de bronze dont la signification m’échappe. 

L’ensemble s’inscrit dans un cadre scénique au format cinémascope, rouge à Troie, bleu à Carthage, teintes que l’on retrouve sur les mains des protagonistes ou sur le rideau lorsque celui-ci est abaissé afin de maintenir un prolongement visuel.
Le duo d’amour est d’une très belle mélancolie et Wernicke pousse le chic jusqu’à nous offrir la vision de la constellation de Cassiopé (en forme de W) juste au dessus de l’horizon.
C’est très réaliste pour le lieu et permet même de situer la scène une nuit de printemps.

La surprise survient au moment de la grande scène de chasse transformée en une obsession traumatique de ce qu’a vécu Enée.
Des scènes de bombardements urbains par des missiles de croisières défilent en boucle tandis que les coups de tonnerre que suggèrent la partition accompagnent les images des tirs d’un croiseur. 
 
Dommage que Sylvain Cambreling n’est pas jugé nécessaire d’accentuer cette violence, mais il semble s’interdire toute exagération théâtrale en général (même lors du présage de Cassandre que sa vie va s’achèver sous les débris de Troie).
A ces quelques réserves près, sa direction délicate fourmille de détails fluidifie le drame et reçoit un accueil enthousiaste mérité. 

La dernière image de Rome ensanglantée ramène au point de départ. Une autre ville sera réduite, d’autres guerres se poursuivront, fondées sur les anciennes frustrations.

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Publié le 26 Juin 2007

La Traviata (Verdi)
Représentations du 24 juin
et 12 juillet 2007 à l'Opéra Garnier

 
Mise en scène Christoph Marthaler
Décors et costumes Anna Viebrok
Direction Sylvain Cambreling
 
Violetta Valery Christine Schäfer
Alfredo Germont Jonas Kaufmann
Giorgio Germont José Van Dam 
 
                                                                                                 Sylvain Cambreling dirige l'orchestre de l'Opéra de Paris

Les habitués de l'ONP savent que si Gerard Mortier confie la nouvelle production de Traviata à l'équipe
Marthaler - Viebrok - Cambreling - Schäfer - Van Dam, l'attente d'une interprétation traditionnelle est vaine. 
Alors pourquoi venir pour finalement chercher à heurter consciemment ces artistes ?
Passons donc sur ces huées pour rendre compte du travail artistique.
 
Jamais le premier tableau du second acte ne m'aura paru aussi oppressant et pathétique.
Germont affublé d'un costard qui le fige comme sa mentalité dépassée peut l'être vient convaincre Violetta de quitter son fils.
La scène est relativement déserte et laisse toute liberté à Sylvain Cambreling pour appesantir l'atmosphère non seulement en étirant les tempi de l'orchestre mais également en appuyant les accents sinistres des contre-basses.
Seul petit reproche plus loin, la brutalité brouillonne des ensembles dans les passages destinés à conclure l'action.

José Van Dam s'en tire plutôt bien cet après-midi dans un rôle fantomatique où ses accents un peu trop plaintifs et rugueux ne jurent pourtant pas sur le plan dramatique.
 
Il est bon de rappeler que le Brindisi est une chanson à boire. Alors si Marthaler décide de situer le premier acte au vestiaire d'une salle de spectacle où se retrouve un public tristement soûl, mécanique, il ne choque que par notre accoutumance à la représentation d'uns scène de fête légère et insouciante.
La dérision vis à vis de cette foule vulgaire est perceptible dans la musique : ainsi au deuxième tableau du second acte le chef se permet même de petites déformations ironiques.
A plusieurs reprises dans ce spectacle il nous est effectivement permis d'entendre des sonorités nouvelles.
 
Alors venons en à Christine Schäfer : Piaf et Violetta, le rapprochement est osé et il fonctionne surtout parce que la chanteuse se glisse sans problème dans un personnage aux allures enfantines (voir Chérubin dans Les Noces de Figaro du même Marthaler).
Ses moyens ne lui permettent pas de rivaliser sur le terrain des grandes Traviata dramatiques mais une bonne technique, le souffle rigoureusement contrôlé et la douceur du timbre révèlent son intelligence. 
Je regrette cependant qu'elle ne puisse déployer un cri plus déchirant de douleur au troisième acte, alors que l'absence du contre-mi bémol à la fin du "sempre libera" surprend uniquement par effet d'habitude.

Qu'elle est pourtant attachante lorsque l'inversion de luminosité focalise sur elle un faisceau lumineux l'isolant telle une chanteuse de cabaret exprimant ses mélodies rêveuses!
 

Le 12 juillet, Nataliya Kovalova remplace Christine Schäfer. Après quelques difficultés au premier acte, sa belle voix slave s’assouplit pour nous offrir un portrait bouleversant au Bal chez Flora Bervoix et au IIIème acte. Elle ne cherche cependant pas à se rapprocher d'une interprétation plus fragile et maladive.
 

                                                                                   Nataliya Kovalova
 
Peu de temps est nécessaire pour réaliser à quel point le spectacle semble adapté à l'ensemble du plateau, car nous découvrons très vite l'Alfredo de Jonas Kaufmann. Jeune, svelte, voix puissante et charmeuse, beau gosse, voici donc l'amoureux parfait de la "Môme", plein de fougue mais aussi d'inconscience.
A dire vrai, les noirceurs de son timbre suggèrent un Don Giovanni adolescent.

La timidité, les regards qui n'osent se croiser et la retenue de chacun crédibilise totalement leur rencontre.
Et par dessus tout, le jeune chanteur se plie sans réserve au rôle, exposant de plus en plus une terrible attache pour ce petit bout de femme.
 
   Jonas Kaufmann
Nul doute que la maladie de Violetta est le thème que chef et metteur en scène veulent omniprésent au point de faire des moments festifs un étalage de la bêtise sociale.

C'est une vision forte et décalée, résultat de l'estime et de la confiance qui lient ces artistes dans la durée.

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