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Publié le 8 Novembre 2009

Tristan et Isolde (Wagner)
Prélude Acte I et intégralité de l’Acte II
Représentation du 07 novembre 2009
Théâtre des Champs Elysées

Direction musicale Daniel Harding
Mahler Chamber Orchestra

Isolde Waltraud Meier
Tristan John Mac Master
Brangäne Michelle Breedt
Marke Franz-Josef Selig
Melot / Kurwenal Michael Vier

D’emblée, et en écartant la possibilité d’une humeur tragique, l’ouverture nous emmène vers les songes d’une jeunesse ivre, et cet élan si déterminé, le Mahler Chamber Orchestra et Daniel Harding vont en faire la trame tendue d’une rencontre d’une force humaine fabuleuse.

                                      Waltraud Meier (Isolde)

L’intensité des émotions d’Isolde à l’arrivée de Tristan, la justesse avec laquelle elle s’adresse au cœur à la limite de l‘urgence, l’orchestre en est l’expression subjugante.

Pour arriver à une telle réussite, John Mac Master a accepté de remplacer au dernier moment Lance Ryan, et malgré l’enjeu, l’équilibre en reste préservé.

Waltraud Meier (Isolde). Fin acte II.

Waltraud Meier (Isolde). Fin acte II.

Discours clair et incisif de Michelle Breedt, pathétiques changements d’expressions vocales et physiques de Franz-Josef Selig, ne reste plus qu’un être vivant dressé là, un corps et une âme sensible à chaque mot, une voix indéfectible, Waltraud Meier.

Parfois les images de Bill Viola ressurgissent de notre imagination quand elle évoque, bras levés au ciel, l’embrassement de son cœur, seulement lorsque Tristan s’effondre, ce n’est plus une douleur torturante insoutenable, mais un saisissement glacé qui s’empare d’elle.

Waltraud Meier (Isolde). Fin acte II.

Waltraud Meier (Isolde). Fin acte II.

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Publié le 29 Novembre 2008

Fidelio (Ludwig van Beethoven)
Représentation du 28 novembre 2008 (Garnier)


Direction musicale Sylvain Cambreling
Mise en scène Johan Simons
Dialogues de Martin Mosebach

Don Fernando Paul Gay
Don Pizarro Alan Held
Florestan Jonas Kaufmann
Leonore Angela Denoke
Rocco Franz-Josef Selig
Marzelline Julia Kleiter
Jaquino Ales Briscein

L’article sur la Présentation de Fidelio est une introduction à ce spectacle.

On ne pouvait pas trouver opéra plus proche de notre actualité que celui là, que ce soit à propos du problème de surpopulation carcérale en France et des conditions de détentions amenant certains prisonniers au suicide, ou bien encore plus inquiétant, la manière dont la grande démocratie américaine autorise la torture (bien entendu hors de son territoire) à Guantanamo ou Abu Ghraid, en totale contradiction avec les principes fondamentaux de la déclaration universelle des droits de l’homme.

Nous savons également que beaucoup de citoyens préfèrent fermer les yeux sur ces sujets, et élire des hommes politiques d’abord sur leur capacité à améliorer leur petit confort quotidien, même si ce dernier est déjà largement supérieur à celui des 9 dixièmes de la population mondiale.

Angela Denoke (Fidelio)

Angela Denoke (Fidelio)

Pour ce Fidelio, Sylvain Cambreling a donc rétabli la structure de Leonore (air, duo, trio, quatuor), ce qui laisse plus de temps et de cohérence à la construction des liens entre Jaquino, Marzelline, Rocco et Fidelio.

Le texte de Martin Mosebach marque une première idée sous-jacente : « la prison est pour nous atelier, bureau et machine ». La prison est dans la quotidienneté et le spectateur est ici pris à partie.

Les chanteurs évoluent dans un espace restreint (le poste de surveillance ressemble à une cage) sans lumière naturelle, et scéniquement Johan Simons insiste sur leur mal-être, leurs gestes conditionnés, commandés ou bien limités par leur univers.

Bien que Julia Kleiter et Ales Briscein tiennent des personnage simples, leur interprétation est sans reproche.

L’arrivée de Don Pizarro est portée par un Alan Held féroce, avec une voix « coup de poing » qui concoure à faire du gouverneur un homme en rapport violent avec l’autre comme preuve de sa liberté conquise.

La convergence scénique, vocale et orchestrale dans son air implacable est une réussite indiscutable.

Jonas Kaufmann (Florestan)

Jonas Kaufmann (Florestan)

Petit à petit, la scène se retrouve rayée de toute part par les ombres des barreaux de la prison, jusqu’à l’ouverture sur la cour des prisonniers, illuminée par une lumière naturelle devenue leur seul espoir.

Dans tout ce premier acte, Sylvain Cambreling donne une épaisseur à la musique et une expressivité théâtrale sans relâche assez inattendue car l’on imagine mal en 1H30 qu’il n’y ait quelques passages qui traînent (critique qui avait été faite à Beethoven).
Ce n’est pas le cas ici et il faut en être reconnaissant au chef.

Angela Denoke est d’ailleurs une Leonore émouvante rien que par son regard (et l‘on fait grâce à Simons d‘avoir aussi bien magnifié son humanité), et dans son timbre se mélangent froideur et profondeur psychologique.

Elle ne cède qu’à quelques aigus qui pourraient être plus puissants et lancés plus sèchement.

Alors naturellement, l’ouverture du IIème acte saisit la salle entière, car Cambreling accroit la tension à partir d'une atmosphère déja bien préparée au Ier acte.

Il est impossible de ne pas penser que la capacité de la peinture musicale à décrire le milieu dans lequel est détenu Florestan, ainsi que sa détérioration intérieure, donne à Beethoven un demi siècle d’avance (Verdi et Wagner n’étaient âgés que d'un an en 1814!).

Sous une lampe éblouissante, le prisonnier politique est ici livré à des spasmes où l’on pressent que le passage à l’état animal est proche.

Jonas Kaufmann souffle un « Gott! », non pas hurlé, mais piano pour ensuite l’enfler progressivement et le projeter dans un temps hors du commun.

 

Jonas Kaufmann (Florestan)

Désolé pour les fans de son physique, il est ici aveugle, les yeux bandés, et il faudra attendre la fin pour voir son visage.

Sa voix puissante, au médium riche, et sa passion visible du théâtre dessinent un homme déchiré qu’il faut absolument avoir vu. Le jeu, fouillé et subtile, évite toute dérive vers l’exposition de bête de foire.

Franz-Josef Selig est un Rocco très intéressant par les ambiguïtés de l’humanité que suggère son timbre, passant du grave large à la douceur de la voix de tête. Parfois celle ci perd ses couleurs mais cela ne gêne pas outre mesure. Il représente ici l’homme désireux d’améliorer son quotidien quitte à devenir l’instrument de l’oppresseur.

Le texte de Mosebach devient dans cette partie une dénonciation de la logique du pouvoir, pour lequel compte d'abord le fonctionnement de son système au mépris de la vie humaine.

Simons n'épargne aucun détail pour susciter l'effroi jusqu'aux craquements du plancher, seule musique sur laquelle Pizarro élabore son plan d'extermination.

Angela Denoke (Fidelio) et Jonas Kaufmann (Florestan)

Angela Denoke (Fidelio) et Jonas Kaufmann (Florestan)

Alors quand arrive le Ministre, Paul Gay paraît un peu terne, ce qui quelque part convient car son rôle de gouverneur n’en sort pas grandi quand il se tient droit face à la salle, consterné par la responsabilité qu’il a eu dans ce drame.

La scène finale est une exaltation de l’espérance, la montée du chœur s’accompagnant de manière plutôt attendue d’une lumière qui offre une vision magnifique sur tout le public de Garnier, mais une ombre reste sur les solistes, le gouverneur désemparé, et le couple uni dans la douleur.

La direction de Sylvain Cambreling, violente et à charge débridée, est sur ces dernières minutes excessive.

Il est rare de voir l'ensemble de l'orchestre applaudir autant les artistes d'autant plus que l'angoissant second acte incite à la retenue.

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Publié le 7 Novembre 2008

Tristan et Isolde (Richard Wagner)
Représentations à l'Opéra Bastille

les 06, 30 novembre et 03 décembre 2008

Mise en scène Peter Sellars
Direction musicale Semyon Bychkov

Isolde Waltraud Meier
Tristan Clifton Forbis
Le roi Marke Franz-Joseph Selig
Brangäne Ekaterina Gubanova
Kurnewal Alexander Marco Buhrmester
Le jeune marin Bernard Richter

Fin 2008, l’Opéra National de Paris aura perdu définitivement les droits sur la vidéo de Bill Viola.

Ekaterina Gubanova (Brangäne) et Waltraud Meier (Isolde)

Spectacle impossible à filmer intégrant vidéo, mise en scène illustrative, l’intégralité de l’espace de la salle et bien entendu la musique de Wagner, l’expérience sensorielle est unique et vaut bien quelques écarts par rapport à nos propres obligations pour la vivre pendant encore un mois.

Visuellement le spectateur est pris par deux dimensions principales bien nettes : un fond noir qui le rapproche de son intériorité et une dilatation du temps où seule la lenteur peut lui permettre de prendre prise sur ce qu’il voit et sur ses propres émotions.

Le film nous conduit d’une scène de purification, construite sur l’humanité du corps et du visage d’un homme et d’une femme ordinaires, à l’immersion dans un monde fluide sans repère.

Tristan et Isolde par Peter Sellars et Bill Viola à Bastille

Le monde réel, figuré par les arbres enracinés dans la Terre, représente tout ce dont Tristan et Isolde se sont détachés.

Amour, Mer et Mort se rejoignent alors dans un troisième acte le plus symbolique, jusqu’à ce que l’insoutenable désir de revoir Isolde trouve enfin la paix dans la mort (saisissante image du feu se diluant dans l’eau).

La force de ces images est de montrer comment la perception de l’être, sentant la mort proche, se modifie et devient plus sensible (nous avons tous lu des autobiographies d’hommes ou de femmes auxquels ne restent que quelques mois à vivre).

Il reste une dernière étape après la mort, le détachement de l’âme du corps, transcendance figurée par la Liebstod d’Isolde.

Tristan et Isolde par Peter Sellars et Bill Viola à Bastille

Si toute la vidéo est basée sur une synchronisation parfaite avec la musique, les images ne suggèrent cependant pas tout le temps ce que la musique porte en elle (la scène de purification est bien sûr la plus contestée).

Mais lors du duo d’amour, le prolongement de la lumière sélène dans la salle jusqu’au balcon où se tient Brangäne est une des meilleures illustrations de la continuité entre vidéo et espace scénique imaginée par Peter Sellars dans un climat nocturne.

Il n’est pas dit que la programmation des deux reprises de cette production en novembre (2005 et 2008) ne soit un hasard, tant cela pourrait accentuer la sensibilité à ce voyage vers la mort qu’est réellement Tristan et Isolde.

Sous un tel dispositif, il devient alors difficile aux chanteurs d’attirer l’attention, surtout que le metteur en scène choisit simplement de représenter une série d’images illustrant le texte chanté, pour laisser le champ libre à la vidéo.

Le soir du 06, atteinte par une bronchite, Waltraud Meier n’a pu assurer que les deux premiers actes, sacrifiant le plus souvent la projection à un phrasé miraculeux, avec le soutien perceptible de ses partenaires.
Comme toujours l'on aime l'âme que sa gestuelle, inspirée par son observation de la vie réelle, inspire.                                                   
Waltraud Meier (Isolde)

L’accolade d’Ekaterina Gubanova (tessiture riche et émouvante) à sa partenaire au premier acte en prend même une double signification, et ce sont ces moments d’humanité là qui rendent la représentation plus belle.

Le timbre de Clifton Forbis n’est pas son élément de séduction majeur, sa voix grave semblant émise du fond de la gorge, c’est donc surtout un chanteur très dramatique à la souffrance crédible. Lui aussi a semblé s’ajuster sur l’émission très contrôlée de Waltraud Meier aux deux premiers actes.

En revanche, le 30 après midi, Waltraud Meier a retrouvé l'intégralité de ses moyens. Elle joue moins sur les effets de volumes que sur le détail du texte, et la complexité du rôle, pour nous réserver un "Ich bin', ich bin's" où elle cherche à forcer le spectateur à ressentir sa douleur, concluant sur une mort d'Isolde encore bouleversante. Ce ne sera pas sa dernière Isolde, je vous le dis!

Waltraud Meier (Isolde)

Waltraud Meier (Isolde)

La direction de Semyon Bychkov séduit d’aisance et de fluidité, s’adapte aux chanteurs, mais il y règne comme une sensation de légèreté qui ne semble pas toujours à la hauteur du drame qui se joue au IIIième acte notamment dans le monologue de Tristan.

La scène finale est, visuellement et musicalement, d'une beauté et d'une poésie à couper le souffle.

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Publié le 6 Mars 2008

Nouvelle production de Parsifal (Richard Wagner)

Première représentation du 04 mars 2008 à l'Opéra Bastille
 
Amfortas Alexander Marco-Buhrmester
Titurel Victor von Halem
Gurnemanz Franz Josef Selig
Klingsor Evgeny Nikitin
Kundry Waltraud Meier
Parsifal Christopher Ventris
L'accompagnateur Renate Jett
Mise en scène Krzysztof Warlikowski
Direction musicale Hartmut Haenchen
 
                                                                                 Renate Jett( Dave)
 
 
Ce qui est présenté ci-dessous ne sont que quelques éléments et impressions de la nouvelle mise en scène de Parsifal qui ne prétendent pas couvrir tout le travail de réflexion du metteur en scène et encore moins toute l’analyse de l’œuvre. Une présentation de cette nouvelle production est d’ailleurs restituée dans l’article Parsifal par Gerard Mortier.
 
Autant le dire d’emblée, le Parsifal mis en scène par Krzysztof Warlikowski donne le sentiment d’un incroyable et inégal rapport de force entre une musique et sa mythologie d’une part et la remise en question de la substance de l'œuvre d’autre part.
Le metteur en scène polonais choisit ainsi de faire intervenir deux rôles muets dans sa scénographie : un enfant et Dave Bowman.
 
L'enfant est cette humanité pleine de vie et perméable à ce que sa famille voudra bien lui transmettre mais aussi l’espoir d’un avenir meilleur.
Tout au cours du drame, l’enfant est donc observateur d’une histoire de famille bourgeoise. Il ne voit autour de lui que des personnages l’ignorant et obsédés par la vénération du Saint Sacrement (les chevaliers du Graal) ou bien par la vengeance (Klingsor).
Il tente bien d’attirer l’attention, de se rendre utile, mais sa vie n’intéresse personne.
Dave Bowman est quand à lui présenté pendant l'ouverture orchestrale à travers la dernière séquence du film de Stanley Kubrick "2001 l'Odyssée de l'Espace".  
 
                                                                                                                     L'enfant
A priori aucun rapport avec Parsifal.
Sauf qu'il symbolise une humanité qui est allée tellement loin qu'elle en est devenue un esprit totalement détaché de la vie (lorsque le verre se brise, Bowman regarde cette eau qui se perd avec une totale indifférence).
Seul retrouver son monolithe (son Graal) l'intéresse.
 
Warlikowski ne projette cependant pas la dernière séquence du film représentant une sorte de foetus (l'esprit humain) contemplant de loin la Terre (là ou est la vie) et qui est encore plus parlante.
Dave Bowman incarne donc cette déshumanisation.
Parsifal, l’idiot parfait, reste cependant incapable de le suivre tout au cours du premier acte.
 
L’histoire des deux mondes (le domaine du Graal et le domaine de Klingsor) est raconté par Gurnemanz sous forme d’un dessin animé qui se construit selon des tracés qui suivent l’évolution des lignes musicales. Le monde semble simple : il y a le bien d’un côté et le mal de l’autre.
La cérémonie du Graal est une scène impressionnante où l’enfant, témoin de l’insensibilité des chevaliers à la douleur d’Amfortas, tente même de résister à la violence de ce véritable bourrage de crâne. L’impression est renforcée par une projection visuelle du texte face aux spectateurs.
Tout se passe dans une grisaille déprimante.
L’amphithéâtre joue ici un rôle principalement monumental et par effets d’éclairages devient au second acte le château de Klingsor évoquant même en filigrane la forme idéale d’une coupe.
 
Justement, cette deuxième partie est une débauche de couleurs, les filles fleurs, prostituées chics, et Kundry, une magnifique actrice de music hall toute en paillette et mère séductrice.
Waltraud Meier (Kundry)

Waltraud Meier (Kundry)

C’est au moment clé, celui du baiser de Kundry, que Krzysztof Warlikowski suit une logique différente de Wagner. Parsifal a bien une révélation. Mais habillé en marcel et simplement recouvert d’un drap, cette illumination n’en fait pas un homme de religion sérieux.
Le motif du Graal n’est aucunement accompagné d’une variation d’ambiance lumineuse.
Il est toujours fou mais cette fois particulièrement dangereux. Son signe de croix envers Klingsor (en tenue de soldat bleue et rouge) est comme une marque au fer rouge grandiose et pour finir, Parsifal se décide à rejoindre Dave à table achevant une sorte de damnation. Il part en guerre.
Kundry n’est donc plus responsable de sa malédiction.

En utilisant la scène du suicide d’Edmund dans  « Allemagne année zéro » de Rossellini au début du IIIième acte dans un silence total, la désespérance de l’enfant face à la fascination de son monde pour un idéal mortifère éclate. C’est tout le chemin spirituel suivi jusqu’à présent qui est remis en question puisqu’il n’a jamais été question d’amour de la vie.

Et la musique prolonge ce sentiment de désolation comme la tristesse du décor.

Parsifal, guerrier épuisé, revient d’années de combat et d'errance.
Rien ne semble avoir changé. L’enfant est laissé à l’entretien de quelques plantes, Amfortas embrasse Titurel mort dans son cercueil, les chevaliers sont toujours aussi insensibles à sa douleur. Seule Kundry, plus âgée, est maintenant au service des hommes.
                                                                          Christopher Ventris (Parsifal après l'errance)
 
Le geste rédempteur provient enfin de Parsifal qui relie de sa lance Amfortas (l’humanité qu’il faut guérir) et Kundry (celle qui aspire à l’humanité et par laquelle passe la guérison).
La vraie faute résidait dans son propre conditionnement idéologique.
L'amphithéâtre (dont les lumières soulignent la forme d'une coupe) avec les chevaliers recule alors jusque fond de la scène suivi par Dave : l'inhumain dans la quête de l'idéal est ainsi écarté.
Parsifal, Amfortas, Kundry et l’enfant se retrouvent alors autour d’une table, le premier moment de chaleur et de vie de tout l’opéra.
L’émotion de ce moment simple est d’ailleurs surprenante.
 
Krzysztof Warlikowski apporte donc un éclairage nouveau sur l’œuvre de Wagner en en faisant un drame de la déshumanisation. Il ajoute une tension en utilisant l’enfant comme révélateur du chemin vers l’avenir humain d’une part et Dave comme aboutissement vers l’inhumain. La femme avec son désir d'humanité devient la solution.
C’est convaincant, mais en remettant en cause l’évolution spirituelle progressive habituelle, le metteur en scène pose un défi. Comment lire l’œuvre pour y voir une vision humaniste sans la moindre ambiguïté ?
Waltraud Meier et Christopher Ventris ( scène de séduction de Kundry)

Waltraud Meier et Christopher Ventris ( scène de séduction de Kundry)

Si l'on en juge par la réaction d'une partie du public n'acceptant pas d'attendre deux minutes de silence avant que la musique du 3ième acte n'installe un climat d'affliction, il semble que l'envoûtement de la musique de Wagner l'emporte sur son contenu textuel et son sens.  Et cela laisse songeur.

Pour accompagner cette vision forte, Gerard Mortier a composé une équipe remarquable : Warlikowski réussit même à faire de Franz Josef Selig un bon acteur. La basse, déjà douée d'une noblesse naturelle est en plus un Gurnemanz d'une grande sensibilité.

Alexander Marco-Buhrmester, voix plutôt claire, attaques bien nettes et regard blessé, est d'un pathétique saisissant alors que Victor von Halem fait surgir un Titurel glacial et lugubre.

Immense actrice, Waltraud Meier laisse pourtant l'impression d'un je ne sais quoi de distance. Mais il est vrai aussi que Kundry ne cesse de changer de visages, à la fois sauvage puis maternelle et terriblement séductrice dans le second acte. Impossible de savoir à qui nous avons à faire.

Phrasé toujours aussi précis, quelques aigus trop tirés, la transformation au IIIème acte en mère si simple est étonnante.
Waltraud Meier et l'enfant (une vision de la Cène)

Waltraud Meier et l'enfant (une vision de la Cène)

Enfin, Christophe Ventris est un Parsifal avec une vaillance, un certain tranchant et une certaine luminosité dénués cependant de réelle sensualité sans oublier le Klingsor d' Evgeny Nikitin très en forme.
Hartmut Haenchen fait de la musique de Wagner un tissu de raffinements.
Pas d'exagération théâtrale, aucune lourdeur, mais une contribution à un climat troublant.

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Publié le 16 Décembre 2007

Tannhäuser (Richard Wagner)

Représentation du 15 décembre 2007 (Opéra Bastille)
 
Tannhäuser Stephen Gould              Elisabeth Eva-Maria Westbroek
Venus Béatrice Uria-Monzon           Wolfram  Matthias Goerne
Hermann Franz Joseph Selig           Walther   Michael König
Biterolf Ralf Lukas
 
Direction musicale Seiji Osawa
Mise en scène       Robert Carsen
 
La distribution superlative ayant été commentée lors d’une représentation en concert,  cet article sera l’occasion de dire quelques mots de la mise en scène de Robert Carsen pour la première fois présentée au public.
 
A nouveau, le réalisateur canadien s’intéresse à la condition de l’artiste en nous propulsant dans le monde des peintres de la fin du XIXème siècle.
Tannhäuser et Wolfram ne sont plus chanteurs mais peintres, les chevaliers de Rome s’identifient à une certaine bourgeoisie de grandes villes avide d’expositions artistiques, et Elisabeth devient le sujet d'inspiration de Wolfram.
Il faut reconnaître ce sens de la continuité qui s’exprime avec beaucoup d’intelligence, comme de faire des pèlerins allant vers Rome les Ménades de la Bacchanale. Ou bien d‘effacer les limites entre la scène et la salle en faisant entrer les chevaliers à partir du parterre. Elisabeth et Tannhäuser interviendront eux-mêmes parmi les spectateurs.
 
Cette bourgeoisie prend quelques petits coups de griffes. Il faut voir ces rapaces se jeter sur les consommations présentées lors de la scène du vernissage (Acte II). Cela ne vous évoque rien ? Même pas certains cocktails de l’AROP ?
C’est aussi cette attitude d’esprit très bourgeoise qui consiste à s’ériger en juge de tout, et donc de l’artiste, alors que l’artiste a surtout besoin d’être compris. Mais la compréhension demande une certaine finesse bien entendu.
Lorsque Tannhäuser présente sa propre représentation de l’Amour (le tableau est habilement montré dos au public), ce public est tellement choqué qu’il lui dénie son statut. Le peintre n’a plus qu’à quitter la scène et retrouver la salle.
Elisabeth (symbolique de l'Amour)

Elisabeth (symbolique de l'Amour)

Comment Robert Carsen résout-il alors la rédemption du troisième acte ? Alors que Tannhäuser s’apprête à rejoindre Vénus, Elisabeth (allégorie de l'Amour Christique) survient pour se fondre avec Vénus au point de devenir toutes deux indissociables. Cette scène ne nous laisse cependant pas très longtemps dans l’interrogation lorsque le mur d’exposition découvre un ensemble de nus féminins de maîtres comme Courbet, Rousseau, Manet …. que rejoint l'oeuvre de Tannhäuser. 

La force de cette représentation repose sur la cohérence du travail et la mise en rapport de l’œuvre de Wagner avec un monde artistique qu’affectionne Carsen. Les tableaux offrent, il est vrai, relativement peu d’images percutantes. La scène d’Orgie n’est pas totalement débarrassée d’une gestuelle saugrenue.
Elle vaut cependant quelques images fortes comme le mouvement gracieux de Vénus rejoignant son lit de modèle.  
Plus loin, au moment où la musique s’engouffre dans les mouvements les plus noirs et dramatiques, Vénus s’éloigne lentement, suivie par des hommes rampants dans une lueur de feu saisissante.
Scène du Venusberg

Scène du Venusberg

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Publié le 5 Décembre 2007

Tannhäuser (Richard Wagner)

Répétition générale du 03 décembre 2007
Opéra Bastille
 
Tannhauser Stephen Gould                
Elisabeth Eva-Maria Westbroek
Venus Béatrice Uria-Monzon           
Wolfram Matthias Goerne
Hermann Franz Joseph Selig           
Walther Michael König
Biterolf Ralf Lukas
 
Direction musicale Seiji Osawa
Mise en scène Robert Carsen
 
 
 
« Ce soir la mise en scène s’inspire de l’Espace Vide en référence à Peter Brooks », en ces termes tout autant humoristiques qu’élégiaques Gerard Mortier annonce à la salle qu’aucun élément de la mise en scène de Robert Carsen ne sera utilisé. Seule trouvaille, la harpe de Tannhäuser plantée au centre du plateau indique une soirée de pure musique.
 
Mais ce dont personne ne se doute à cet instant là, c’est que la gêne posée par le mouvement de grève (qui atteint un point critique) va être soufflée par l’élan d’une soirée exceptionnelle !
 
Debout, l’orchestre accueille Seiji Osawa avec un enthousiasme que se réapproprie le public, puis se lance dans une ouverture illuminée.
 
Le point culminant de la bacchanale reflète parfaitement l’art du chef à théâtraliser sans marques exagérées. Le courant garde ainsi sa fluidité.
 
Dans la scène qui suit, Béatrice Uria Monzon est une Vénus d’une véhémence franchement impressionnante. Ce n’est pas forcément très nuancé, mais une belle femme avec un tel tempérament s’apprécie sans modération.
 
Mais ce que le public découvre relève de l’exception. Stephen Gould vient tout simplement exposer ce qu’est un ténor wagnérien : une puissance contrôlée, un chant lié et plein de clarté aux accents mélancoliques. Pourtant, c’est l’impression d’avoir compris un personnage bien mieux que n’importe quel spectateur averti qui prédomine.
Béatrice Uria-Monzon (Vénus)

Béatrice Uria-Monzon (Vénus)

Une telle caractérisation pousse au questionnement et à l’envie d’être revue.
 
La puissance est aussi une des grandes qualités vocales d’Eva-Maria Westbroek. Seulement, moi-même sans doute victime d’une image trop idéalisée d’Elisabeth, cette force seule fait barrage à l’émotion que devrait soulever cette femme hautement morale et aimante.
 
Beaucoup plus dans son élément que dans Verdi, Franz Joseph Selig économise ses gestes, et se suffit de son autorité naturelle pour incarner les valeurs traditionnelles.
 
Matthias Goerne devient donc l’autre protagoniste le plus émouvant. Timbre chaud et lignes magnifiquement enveloppées, j’ajouterais qu’il est le véritable cœur palpitant du drame.
 
L’utilisation de l’espace sonore par les chœurs est aussi une des grandes réussites de la soirée, surtout lorsqu’ils chantent hors de scène.
Au final c’est plutôt fortissimi à volonté !
Eva-Maria Westbroek (Elisabeth)

Eva-Maria Westbroek (Elisabeth)

Evidemment, cette dernière répétition s’achève dans un délire qui fait écho à l’arrivée d’Osawa, avec des musiciens et musiciennes sautillants dans la fosse et des spectateurs survoltés comme pour aider encore plus les artistes, et surtout le chef, à conjurer le sort de fort belle manière. 

 

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Publié le 11 Juillet 2007

Missa Solemnis (Beethoven)

Concert du 19 septembre 2006 au Théâtre des Champs-Élysées
 
Camilla Nylund Soprano
Birgit Remmert Mezzo-Soprano
Charles Workman Ténor
Franz Josef Selig Basse
 
Orchestre de la Suisse Romande
Chœur de la Radio de Berlin
 
Direction Marek Janowski
 
Durant 1h30 le Théâtre des Champs-Élysées a enveloppé son public pour l’entraîner dans des élans épiques ou le plonger dans des moments de gravité intenses.
La manière dont le capitaine Janowski maîtrise l’orchestre de la Suisse Romande est admirable, d’autant plus que les tempi choisis atteignent une rapidité que les musiciens soutiennent sans la moindre désynchronisation. Les chœurs limpides et aériens se mêlent à l’ensemble avec un souffle qui inspire au cœur comme une délivrance.
 

Mais l’effet recherché par les solistes est ambigu : s’ils ont tous une réelle personnalité vocale, l’impression globale est sans éclat, trop humaine, Birgit Remmert ayant sans doute prodigué la plus belle musicalité lors de l’Agnus Dei, le passage le plus saisissant.
 

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Publié le 6 Juillet 2007

Simon Boccanegra (Verdi)
Répétition générale du 07 avril 2007
 (Opéra Bastille)

Simon Boccanegra Dimitri Hvorostovsky
Amélia Olga Guryakova
Gabriele Stefano Secco
Fiesco Franz Josef Selig
Paolo Frank Ferrari

Mise en scène Johan Simons
Direction musicale James Conlon

Une répétition est toujours enveloppée de réserves d’autant plus que dans le cas de Simon Boccanegra les artistes ne semblent pas, pour l’instant, en accord parfait avec l’expression musicale et théâtrale de l’œuvre.

La noblesse de chant de Dmitri Hvorostovsky impose d’emblée un homme d’élite au cœur généreux opposé à l’autorité de Franz Josef Selig, Fiesco massif et dénué de toute force vitale.

 

Olga Guryakova

Olga Guryakova

Franck Ferrari impeccable de perfidie, mais charme, projection et présence de O.Guryakova ne masquent cependant pas les atteintes faites aux lignes musicales : passages en force et décalages extériorisent une nervosité excessive.
Le duo avec Simon Boccanegra impose quand même un temps fort de la représentation.

Stefano Secco absolument magnifique et stupéfiant d’audace pour une générale.

James Conlon accomplit un retour fracassant et accumule dans la fosse toute la violence des rapports politiques.
 
Pour cette reprise, la révision des costumes embourgeoise protagonistes et figurants et les éclairages, dans l’ensemble très assombris, créent également de meilleurs contrastes et de très beau effets chatoyants avec le rideau argenté.

 

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