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Publié le 5 Octobre 2020

La Khovanchtchina (Modeste Moussorgski – juillet 1872 à août 1880)

Orchestration de Dmitri Chostakovitch (1959)
Version de concert du 4 Octobre 2020
Philharmonie de Paris

Marfa Yulia Matochkina
Prince Andrei Khovansky Yevgeny Akimov
Prince Ivan Khovansky Mikhail Petrenko
Shaklovity Evgeny Nikitin
Prince Vasily Golitzin Oleg Videman
Dossifeï Stanislav Trofimov
Susanna Larisa Gogolevskaya
Emma Violetta Lukyanenko
Le Clerc Efim Zavalny
Le Scribe Andrei Popov
Kuzka Anton Khalansky
Streshnev Alexander Nikitin
Premier Strelets Grigory Karasev
Second Strelets Yuri Vlasov
Minion Oleg Losev
Varsonofiev Nikolaï Kamensky

Direction musicale Valery Gergiev                               Evgeny Nikitin (Shaklovity)
Orchestre et Chœur du Mariinsky

La Khovanchtchina est un opéra dont seule la partition chant-piano était presque achevée à la mort de Modeste Moussorgski, à l’exception du final de l’acte II et de l’acte V. Deux fragments de l’acte III étaient toutefois orchestrés.

Par la suite, Nikolaï Rimski-Korsakov compléta et orchestra l’intégralité de l’œuvre de 1881 à 1882 en modifiant l’harmonie de quasiment toute la partition, et en effectuant de nombreuses coupures (dont la scène du Clerc et des moscovites et celle de Golitsyne et le pasteur).

Plus tard, en 1959, Dmitri Chostakovitch orchestra la partition en reprenant le discours musical de Modeste Moussorgski, et c’est cette version qui est dorénavant le plus souvent jouée, comme cela est le cas ce soir à la Philharmonie de Paris.

Yulia Matochkina (Marfa)

Yulia Matochkina (Marfa)

Et c’est une interprétation puissamment vécue et pourvue d’instants d’une élégie absolue que les spectateurs vont avoir le bonheur d’admirer pendant près de 4h30, sans que jamais la moindre baisse de tension ne soit perceptible.

Rien que l’arrivée cérémonielle des 41 choristes par le haut de l’arrière scène est fortement impressive à regarder lorsque ceux-ci descendent les longs et abrupts escaliers, tandis que les étoles dorées des 22 artistes féminines leur donnent une splendide allure de vestales vertueuses.

Les prémices de l’ouverture révèlent ensuite la finesse et la rutilance des instrumentistes, et une lecture subtilement parcourue d’un fluidité véloce qui se développe en faisant la part belle à l’impression de puissance de la formation des cordes, dont le son tissé évoque l’éclat de précieuses mosaïques byzantines sans jamais le teinter de moindres nuances boisées.

Yevgeny Akimov (Andreï Khovanski), Valery Gergiev et Oleg Videman (Vassili Golitsine)

Yevgeny Akimov (Andreï Khovanski), Valery Gergiev et Oleg Videman (Vassili Golitsine)

Mais à cette impression de robustesse se juxtapose les formations des vents dont Valery Gergiev fait retentir, dans les passages les plus spectaculaires, l’éclat métallique avec une perfection de forme qui amplifie ces traits que Chostakovitch faisait déjà ressortir dans son interprétation. Le travail sur la broderie des sarments d'archets est lui aussi fascinant par son raffinement qui en éclaire la texture.

Et tous les chanteurs sont ralliés à l'envie de défendre une œuvre comme s’ils jouaient leur propre vie. Et malgré la simplicité du dispositif scénique qui leur dégage un espace expression suffisant en arrière plan de l’orchestre, c’est à un formidable engagement théâtral que nous assistons de bout en bout.

Mikhail Petrenko (Ivan Khovanski)

Mikhail Petrenko (Ivan Khovanski)

L’impressionnante stature de Mikhail Petrenko et sa projection solide et autoritaire dressent un portrait dominateur d’ Ivan Khovansky, alors que les deux amples ténors Yevgeny Akimov (Andrei Khovansky) et Oleg Videman ( Vasily Golitzin) paraissent tout autant des hommes animés par une volonté de puissance insatiable, avec toutefois quelques accents émouvants chez le premier, tandis que Stanislav Trofimov décline un autre portrait d’homme de référence, celui de Dossifeï, un homme profondément religieux, à la voix gris-sombre mais nullement rocailleuse, qui distille un grave sentiment d’humanité et de noblesse de cœur.

Stanislav Trofimov (Dossifeï)

Stanislav Trofimov (Dossifeï)

Même Evgeny Nikitin prend une dimension lyrique qu’on ne lui connaissait pas, avec une grande force et un mélange d’intensité et de nimbes éthérées dans le timbre de voix qui grandissent considérablement Shaklovity sans le caricaturer.

Au milieu de tous ces hommes surdimensionnés, Yulia Matochkina donne une somptueuse présence à Marfa, habillée de rouge comme le serait la sorcière Ulrica dans Le Bal masqué de Verdi, avec une chaleur et une rondeur d’une sensualité profonde qui fait de chaque apparition un moment d’émerveillement face à un être d’une beauté expressive merveilleuse.

Et ses partenaires féminines,Violetta Lukyanenko, qui fait d’Emma un cœur éclairant d’une impétuosité sidérante, et Larisa Gogolevskaya, Susanna perçante et redoutable, défendent avec elle un sexe qui cherche à créer un repère fort dans ce monde considérablement masculin.

Deux autres jeunes artistes, le baryton Efim Zavalny (Le Clerc) et le ténor Andrei Popov (Le Scribe), déploient eux aussi un jeu scénique admirable de justesse et de vérité.

Le Chœur du Mariinsky

Le Chœur du Mariinsky

Et comment ne pas évoquer le Chœur du Mariinsky, un peu plus puissant dans les voix de femmes, qui, à seulement 41 choristes, emplit la Philharmonie de fantastiques envolées mystiques.

On retrouve chez eux un sens de l’élégie et de la plus haute spiritualité absolument hypnotisants dans les passages les plus authentiquement plaintifs, et autour de la personne de Dossifeï ils représentent l’essence même de La Khovanchtchina, c’est à dire ce puissant sentiment religieux russe, qui n’est pas un sentiment conquérant, mais une force de résistance de tout un peuple à un monde qui n’a cessé de tenter de l’envahir.

Et ce conflit entre l’expérience historique de la foi et les nouveaux courants plus pragmatiques de la société russe est toujours au cœur de la vie d’un continent qui n’a pas lâché tous ses mystères.

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Publié le 3 Août 2019

Tannhäuser (Richard Wagner)
Version de Dresde 1845
Représentation du 28 juillet 2019
Bayreuther Festspiele

Landgraf Hermann Stephen Milling
Tannhäuser Stephen Gould
Wolfram von Eschenbach Markus Eiche
Walther von der Volgelweide Daniel Behle
Biterof Kay Stiefermann
Heinrich der Schreiber Jorge Rodriguez-Norton
Reinmar von Zweter Wilhelm Schwinghammer
Elisabeth Lise Davidsen
Venus Elena Zhidkova
Ein Juger Hirt Katharina Konradi
Le Gâteau Chocolat Le Gâteau Chocolat
Oskar Manni Laudenbach                   
Stephen Gould (Tannhäuser) et Lise Davidsen (Elisabeth)

Direction musicale Valery Gergiev
Mise en scène Tobias Kratzer (2019)

Après l'invraisemblable et si laide production de Sebastian Baumgarten, Katharina Wagner ne devait plus se tromper sur son choix de metteur en scène, afin de diriger la nouvelle production de Tannhäuser au Festival de Bayreuth 2019. 

On savait qu'avec Tobias Kratzer l'impertinence serait au rendez-vous, mais que l'intelligence le serait tout autant. Le régisseur allemand nous entraîne ainsi sur les cimes de la forêt de Thuringe, une fois passée les premières mesures de l'ouverture, lorsque les cordes déploient leur envol majestueux au son épique des cuivres élancés, chemin par là même où arriva Richard Wagner en avril 1842, lorsqu’il découvrit le château haut-perché de la Wartburg qui inspirera dans les mois qui suivront son cinquième opéra, Tannhäuser.

Stephen Gould (Tannhäuser) et Elena Zhidkova (Vénus) - Photo Enrico Nawrath

Stephen Gould (Tannhäuser) et Elena Zhidkova (Vénus) - Photo Enrico Nawrath

Au début, la vidéo occupe entièrement le cadre de scène, et le spectateur se sent littéralement immergé dans l'espace de la nature qui s'étend au sud d'Eisenach, avant que, par effet de transition, n'apparaisse un groupe de voyageurs marginaux et loufoques, un clown (Tannhäuser), une danseuse de cabaret en costume pailleté (Vénus), et deux personnages muets, un nain, Manni Laudenbach, et un drag queen noir, Gâteau Chocolat, habillé en Blanche-Neige.

Sur scène, le décalage avec le sujet apparent est manifeste, mais cela est si bien mis en scène, comme dans un film, au fil de la musique, que l'on en sourit de bon cœur, ne sachant pas à ce stade comment cette situation de départ va rejoindre un des sens symboliques de l'ouvrage.

Et la première sensation de la soirée provient d'Elena Zhidkova, une inhabituelle Vénus, fine physiquement, excellente actrice de caractère, et chantant d'une hardiesse frondeuse tout à fait fantastique, alliée à une profonde clarté. Elle est un plaisir à voir et à entendre de chaque instant, d'autant plus que la version choisie permet de moins s'appesantir sur le versant purement charnel et érotique de la déesse.

Ouverture - Photo Enrico Nawrath

Ouverture - Photo Enrico Nawrath

En effet, la version initiale de Dresde (1845) ne comprend pas la refonte de l'ouverture que fit Wagner afin d'inclure un ballet et étendre la scène du Venusberg pour la création parisienne de 1861, ainsi que pour de la version de Vienne 1875. Tobias Kratzer met en avant cet argument afin d’axer sa dramaturgie sur le conflit artistique entre créativité et arts de la rue, d'une part, et norme artistique, historique et culturelle, d'autre part, plutôt que sur l'opposition entre amours charnel et spirituel.

Ainsi, gagné par la lassitude et la précarité de ses conditions de vie, Tannhäuser abandonne ses amis et se trouve recueilli par le berger, ravivé par les traits doucereusement féminin de Katharina Konradi, sous le regard duquel il assiste à un pèlerinage spirituel non plus vers Rome, mais vers le temple de Wagner, le Palais des Festivals de Bayreuth. A partir de cet instant, le public est averti que c'est sa relation au compositeur et à sa représentation qui devient le sujet du spectacle.

Selon cette approche, Stephen Gould s'intègre particulièrement bien autant au grotesque de situation qu'au faux sérieux du deuxième acte, un chant puissant et massif à l'homogénéité ferme qui préserve une part de souplesse, et qui lui vaut de mettre en scène un dernier acte d'une grande force pathétique, habitué qu'il est au rôle de Tristan qu'il rapproche de celui du Troubadour.

Stephen Gould (Tannhäuser), Elena Zhidkova (Vénus) et Manni Laudenbach - Photo Enrico Nawrath

Stephen Gould (Tannhäuser), Elena Zhidkova (Vénus) et Manni Laudenbach - Photo Enrico Nawrath

Il apparaît en seconde partie endossant un costume d'époque pour participer aux joutes musicales dans une retranscription évocatrice d'une grande salle de fête moyenâgeuse de facture sombre, décorée de grandes statues symboliques, où tous les pèlerins se sont retrouvés autour du Landgrave et d'Elisabeth.

Sur la forme, elle ravirait les tenants d’une forme classique si la scène n’était dominée par un large écran présentant ce qui se passe en temps-réel en coulisses ou à l’extérieur du théâtre.

Un peu à la façon de Katie Mitchell, ce que montrent les caméras inscrit la représentation dans une mise en abyme des anciens schémas conventionnels théâtraux, et fait le choix, au final, de la vie, puisque Tannhäuser revient à son groupe déjanté et vivant d’origine où toutes les libertés d’être sont possibles.

Avec beaucoup d’humour, la scène de scandale est accompagnée par un arsenal répressif de policiers commandé par Katharina Wagner, en personne, dont on voit l’arrivée depuis le bas de la colline jusqu’à la scène. Et Gâteau Chocolat achève cette seconde partie en déposant avec soin le drapeau de la fierté sur la harpe du festival dressée en fond de scène.

Second acte à la Wartburg - Photo Enrico Nawrath

Second acte à la Wartburg - Photo Enrico Nawrath

Mais c’est bien évidemment la présence de Lise Davidsen qui marque d’un coup d’éclat cet acte, où l’on découvre une chanteuse phénoménale de puissance qui enveloppe son souffle d’un métal étincelant, des graves qui assoient une noble volonté à travers tout une palette de nuances, et une majesté qui prend encore le dessus sur la femme sensible.

Par ailleurs, alors que Valery Gergiev avait débuté le premier acte de manière très impressive, sans lourdeur et avec un véritable allant filé de magnifiques détails orchestraux, le second acte se révèle de construction plus chambriste, sans que l’on ne ressente pour autant de façon marquée les défauts qui lui ont été reprochés lors de la première représentation.

Autre impressionnant chanteur de cette solide distribution, le Landgraf de Stephen Milling porte dans la voix la fière allure d’un homme de pouvoir au cœur bienveillant, une résonance saisissante et fort présente qui renvoie également une sensation de plénitude à l’image de l’aisance de son rôle. Quant au Wolfram von Eschenbach de Markus Eiche, interprété avec la délicatesse attachée à sa nature poétique, il reste malgré tout assez terrestre de par son expression, sans la sensation d’apesanteur sombre et rêveuse inhérente au personnage, ce qui finalement s’insère naturellement dans la vision du metteur en scène qui précipite banalement au dernier acte la destinée du poète et d’Elisabeth.

Manni Laudenbach et Lise Davidsen (Elisabeth) - Photo Enrico Nawrath

Manni Laudenbach et Lise Davidsen (Elisabeth) - Photo Enrico Nawrath

Car, par la suite, nous ramenant au monde des exclus retranchés dans un espace misérable, Tobias Kratzer présente Tannhäuser tel un Tristan abandonné et rejeté, rejoint par Wolfram et Elisabeth qui ont été touchés par la sincérité de l’engagement du musicien.

Mais le metteur en scène ne croit pas à l’intégrité des deux fidèles de la Wartburg qui finissent par coucher ensemble, comme s’ils ne supportaient plus les convenances de leur monde.

Et le troubadour devient l’âme véritablement sauvée dans son malheur, une image d’un bonheur simple, lui, s’échappant avec Elisabeth à l’image du final heureux de la première version du film futuriste Blade Runner, révélant ainsi le rêve intime qui vivait au plus profond de lui, à l’inverse de l’étiquette de débauché que la société voulait y voir.

La fin est pessimiste, puisque Elisabeth meurt de sa trahison à son idéal, qui n’était que surface, et Tannhäuser également, victime de l’ordre public et de son rêve intérieur inassouvi, sa véritable profondeur.

Chœur comme toujours élégiaque, surtout dans une telle œuvre d’esprit, et un spectacle qui pose avec le langage d’aujourd’hui des questions artistiques pas spécifiquement allemandes, mais plutôt des conflits d’expressions toujours actuels dans la société européenne contemporaine qui sent son histoire menacée.

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Publié le 15 Juillet 2017

Le Concert de Paris au Champ-de-Mars
Concert du 14 juillet 2017 (5ème édition)
Champ-de-Mars - Paris

Hector Berlioz – La Damnation de Faust : Marche Hongroise
Giacomo Puccini – Gianni Schicchi : « O mio babbino caro » [Nadine Sierra]
Giuseppe Verdi – Rigoletto : « La donna è mobile » [Bryan Hymel]
Serge Prokofiev – Roméo et Juliette : « Danse des Chevaliers »
Wolfgang Amadé Mozart – Don Giovanni : « Deh vieni alla finestra » [Ludovic Tézier]
Wolfgang Amadé Mozart – Don Giovanni : « Fin ch’han dal vino » [Ludovic Tézier]
Charles Gounod – Roméo & Juliette : « Je veux vivre » [Diana Damrau]
Nikolaï Rimsky-Korsakov – La Fiancée du Tsar : « La chanson du houblon »
Charles Gounod – Sapho : « O ma lyre immortelle » [Anita Rachvelishvili]
Johannes Brahms – Double concerto : « Vivace non troppo » (3e mvt) [Gautier et Renaud Capuçon]
Dmitri Kabalevsky / Andrew Cottee – « Bonne Nuit »
Ruggero Leoncavallo – Pagliacci : « Vesti la Giubba » [Bryan Hymel]
Dmitri Chostakovitch – Suite de Jazz n°2 : « Valse n°2 »
Léo Delibes – Lakmé : « Duo des fleurs » [Nadine Sierra et Anita Rachvelishvili]
Richard Strauss – Morgen [Diana Damrau et Renaud Capuçon]
Vangelis / Don Rose – « Les Chariots de feu » (version pour piano et orchestre)
Giacomo Puccini – La Bohème : « O soave fanciulla » [Nadine Sierra et Bryan Hymel]
Modeste Moussorgsky / Maurice Ravel – Les Tableaux d’une exposition : « La grande porte de Kiev »
Giuseppe Verdi – Don Carlo : « E lui !... desso ! ... » [Bryan Hymel et Ludovic Tézier]
Georges Bizet – Carmen : « Les voici la quadrille ! »
Hector Berlioz / Claude Joseph Rouget de Lisle – La Marseillaise (couplets n°1 et 2)

Avec Diana Damrau, soprano, Nadine Sierra, soprano, Anita Rachvelishvili, mezzo-soprano, Bryan Hymel, ténor, Ludovic Tézier, baryton, Renaud Capuçon, violon, Gautier Capuçon, violoncelle                            

Direction musicale Valery Gergiev
Chœur et Maîtrise de Radio France
Orchestre National de France

Coproduction La Mairie de Paris, France Télévisions et Radio France 

Faire entendre un concert de musique classique en plein air face à 500 000 spectateurs installés et entassés depuis plusieurs heures sur les pelouses du Champ-de-Mars, afin d’être aux premières loges du feu d’artifice, est une ambition démesurée qui pourrait sembler dommageable à la finesse d’écriture des airs interprétés par ces chanteurs qui sont tous des références mondiales du chant lyrique.

Anita Rachvelishvili et Nadine Sierra  : Léo Delibes – Lakmé « Duo des fleurs »

Anita Rachvelishvili et Nadine Sierra : Léo Delibes – Lakmé « Duo des fleurs »

Et pourtant, suivre les artistes depuis les allées boisées latérales, tout en observant une foule hétéroclite, bruyante, agitée, impatiente ou parfois concentrée, qui réunit l’ensemble de la société française dans toute sa diversité, a quelque chose de particulièrement fort qui ne nuit même pas à l’imprégnation de la musique, car c’est le sentiment de partage qui l’emporte haut-la-main.

Ainsi, peut-on voir, perchée sur les épaules de son père, une petite fille mimer à tue-tête Bryan Hymel chantant l’air du Duc de Mantoue ‘La donna è mobile !’ - le ténor canadien fait très forte impression ce soir, y compris dans l'air poignant d'I Pagliacci -, ou bien des jeunes enfants marquer du pied les cadences de la ‘Danse des Chevaliers’ de Roméo et Juliette.

Sur l'air 'La Donna è mobile' chanté par Bryan Hymel

Sur l'air 'La Donna è mobile' chanté par Bryan Hymel

Anita Rachvelishvili doit, certes, supporter le passage d’un hélicoptère au début de son air sombre ’ O ma lyre immortelle’, mais c’est radieuse qu’on la retrouve avec Nadine Sierra dans l’enjôleur ‘Duo des fleurs’, voix doucereusement mêlées, pour achever les dernières paroles en se détachant, toutes deux, de l’avant-scène, les regards magnifiquement complices.

Quant à Diana Damrau, exubérante et extravertie, elle laisse en mémoire une interprétation lumineuse et recueillie de ‘Morgen’, totalement aérienne, et Ludovic Tézier, d’allure la plus sérieuse, se prête au jeu de Don Giovanni sans réserve.

Chœur et Maîtrise de Radio France et Orchestre National de France

Chœur et Maîtrise de Radio France et Orchestre National de France

Valery Gergiev, fier de parsemer le concert de musiques signées par les plus grands compositeurs russes,  Prokofiev, Chostakovitch, Rimsky-Korsakov, Moussorgsky, trouve donc en l’Orchestre National de France un grand vecteur qui porte brillamment l’essence même de la culture de sa nation. 

Ce concert, qui a réuni 3 088 000 téléspectateurs, peut être revu sur Culturebox - Le Concert de Paris.

Nadine Sierra, Bryan Hymel, Valery Gergiev, Diana Damrau, Ludovic Tézier, Anita Rachvelishvili

Nadine Sierra, Bryan Hymel, Valery Gergiev, Diana Damrau, Ludovic Tézier, Anita Rachvelishvili

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Publié le 4 Octobre 2007

Roméo et Juliette (Hector Berlioz)

Répétition générale du 03 octobre 2007
Opéra Bastille
Chorégraphie Sasha Waltz
Direction Valery Gergiev
 
Juliette Aurélie Dupont
Ekaterina Gubanova
Roméo Hervé Moreau
            Yann Beuron
Frère Laurent Wielfried Romoli
            Mikhail Petrenko
 
Il y a quelques mois, Arte diffusait un reportage ("Le Jardin des Délices") sur la chorégraphe allemande dont les spectacles sont devenus un "Must" à Berlin.
 
Derrière beaucoup de modestie et d'énergie se dévoile alors un sens de la vérité humaine poignant.
C'est dire que ce "Roméo et Juliette" est attendu et le remplissage complet de l'opéra Bastille jusque dans les hautes places des galeries lors de la dernière répétition en témoigne.
 
Dans un univers symbolique, horizon noir infini cernant deux simples dalles, Sasha Waltz exprime dans chaque tableau du drame les effusions amicales, les intimidations mais comme si il y avait quelque chose de vain, de désordonné voir loufoque (ironie qui n'est pas sans rappeler celle de Christoph Marthaler).
 
Valery Gergiev est par ailleurs plus sec et brutal dans la première partie que pendant toute la suite.
 
Le cœur de la représentation reste pour moi la scène du balcon où Juliette et Roméo se retrouvent dans un duo bouleversant d'humanité, de spontanéité et se révèle une irrésistible figuration du bonheur adolescent. Mais ce n'est qu'un songe.
Aurélie Dupont et Hervé Moreau

Aurélie Dupont et Hervé Moreau

Petit à petit l'impossibilité de ce rêve et la tristesse qu'elle déclenche amorcent les premiers mouvements du plateau. Le moment où le filtre est bu par Juliette se cale sur un accord terrible, laissant Roméo en proie à la violence et au désespoir.
 
Le final, peut être moins fort malgré la double veille Roméo sur le corps de Juliette puis Juliette sur le corps de Roméo, est emporté par les chœurs et un Mikhail Petrenko splendides.
 

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