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Publié le 2 Février 2016

Dialogues des Carmélites (Francis Poulenc)
Représentation du 01 février 2016
Bayerishe Staatsoper

Marquis de la Force Laurent Naouri
Blanche de la Force Christiane Karg
Chevalier de la Force Stanislas de Barbeyrac
Madame de Croissy Sylvie Brunet-Grupposo
Madame Lidoine Anne Schwanewilms
Mère Marie Susanne Resmark
Soeur Constance Anna Christy
Mère Jeanne Heike Grötzinger
Soeur Mathilde Rachael Wilson
L'aumônier Alexander Kaimbacher
1er commissaire Ulrich Reß
2ème commissaire Tim Kuypers
L'officier Igor Tsarkov
Le geôlier Andrea Borghini

Direction musicale Bertrand de Billy
Mise en scène Dmitri Tcherniakov (2010)
Bayerisches Staatsorchester
Chor der Bayerischen Staatsoper

                                                                                      Christiane Karg (Blanche de la Force)

Dans une lettre datée du 05 juillet 1955, l’écrivain Albert Beguin fait parvenir à Francis Poulenc un long compliment qui commence par ceci : "Permettez-moi de vous redire que vous paraissez avoir réussi un découpage parfait du texte de Bernanos. Vous savez combien, chargé par lui-même de veiller sur son œuvre après sa mort, je suis jaloux de tout usage et de toute interprétation qu'on en peut faire."

Pourtant, si le compositeur français a su brillamment restructurer un texte littéraire pour en faire un livret d'opéra sur lequel assoir une dramaturgie musicale convaincante, il s'est également concentré sur le personnage de Blanche de la Force pour en faire un portrait en lequel il puisse se reconnaître.

La révolution française n'est donc pas le sujet principal, mais un contexte historique qui permet d'opposer une population en furie à des femmes qui recherchent, dans la foi, la force de dépasser leurs propres peurs.

Anne Schwanewilms (Madame Lidoine)

Anne Schwanewilms (Madame Lidoine)

Or, Dmitri Tcherniakov est aussi un metteur en scène qui aime défendre les héroïnes des opéras qu'il dirige, même si, comme nous pouvons le constater au même moment à Lyon, dans la reprise de son interprétation de 'Lady Macbeth de Mzensk', il peut y mettre des limites.

Avec son concept d'un Carmel transposé en une maison de bois qui évoque la vie des campagnes de Russie, il élimine radicalement toute référence à l'Histoire de France, et se rapproche de l'univers de 'La Légende de la ville invisible de Kitezh', qui débutait dans un environnement rural très éloigné des intrigues de la grande ville.

'Dialogues des Carmélites' s'ouvre donc par une brève scène d'une foule courant dans l'urgence et dans un brouhaha assourdissant, agitation insupportable pour la petite Blanche. Tout s'arrête d'un coup, dans le noir et le silence, et la musique peut alors commencer.

Les premiers échanges entre Blanche, son frère et son père - Laurent Naouri est étrangement sonorisé - se déroulent sur l'espace vide du plateau, comme le seront, en deuxième partie, ceux avec mère Marie, à nouveau à la bibliothèque du Marquis de la Force.

Stanislas de Barbeyrac (Chevalier de la Force)

Stanislas de Barbeyrac (Chevalier de la Force)

Par la suite, c'est le refuge des religieuses, de simples paysannes, qui vient à Blanche, et toute l'action va s'y dérouler. A peine verrons-nous la maison changer d'orientation et de positionnement au fil des scènes.

Dans toute cette première partie, Tcherniakov détaille méticuleusement les petits gestes du quotidien, soigneux et précis, que chacune exécute dans la vie de tous les jours, notamment dans la longue scène d'agonie de Madame de Croissy.

Un fin tissu ouateux recouvre les faces et le toit de cette maison, mais la structure en bois rend parfois faiblement visibles les chanteuses, selon le point de vue choisi dans la salle du théâtre.

La terreur s'entend soudainement dans le timbre sombrement noirci de troubles de Sylvie Brunet-Grupposo. Dans un dernier sursaut, la vieille prieure tente même de franchir, vers l'extérieur, le seuil de cette baraque, où elle suffoque, confinée au milieu du noir.

A l'opposé, Anna Christy chante comme un rossignol léger et piquant le rôle de Constance, avec un accent néanmoins assez marqué.

Stanislas de Barbeyrac (Chevalier de la Force) et Christiane Karg (Blanche de la Force)

Stanislas de Barbeyrac (Chevalier de la Force) et Christiane Karg (Blanche de la Force)

Et quand apparaît la nouvelle prieure, Madame Lidoine, la vision d'Anne Schwanewilms, semblant présider une grande table entourée des jeunes femmes chantant l'Ave Maria, prend d'emblée une valeur iconographique et virginale.

C'est dans la seconde partie qu'elle est en fait magnifique de simplicité et d'authenticité, généreuse dans ses longues effusions lumineuses, et entièrement touchante tant elle semble happer le cœur de l'auditeur avec les mots.

Les retrouvailles entre Blanche et le Chevalier de la Force sont poignantes par le désespoir affiché de la première. Car Stanilas de Barbeyrac impose un charme sombre et naturel qui s'exprime par des élans nobles de clarté du cœur, tout en entretenant une certaine distance émotionnelle.

Christiane Karg, elle, extériorise tous ses sentiments, et son héroïne rappelle beaucoup la Tatiana hypersensible qu'avait imaginée Tcherniakov dans 'Eugène Onéguine'. Spasmes de colère, torpeur, vérité de l'âme, terreur, elle réussit à montrer toutes les contradictions qui l’empêchent de vivre, saisissante image quand elle tente de s'évader, prise de panique, vers l'arrière scène dans le noir.

Elle n'est pas uniquement une attachante actrice, mais aussi une artiste totalement engagée qui défend l'humanité d'un texte chanté le cœur sur la main.

Anne Schwanewilms (Madame Lidoine)

Anne Schwanewilms (Madame Lidoine)

En revanche, la Mère Marie de Susanne Resmark est rarement compréhensible et très sombre.

Mais petit à petit, la logique du travail de Dmitri Tcherniakov se révèle. Ces sœurs, qui avaient trouvé un lieu où vivre en paix retranchées du monde dans le plus pur dépouillement, sont retrouvées par le peuple ainsi que par des policiers qui leur notifient un avis d'expulsion.

La maison commence à être barricadée, et l'appel du Geôlier est lancé à travers des haut-parleurs, laissant planer l'imminence d'un assaut.

Mais préférant la mort, les sœurs se sont enfermées et ont débuté un suicide collectif par asphyxie. Un périmètre de sécurité est érigé par les forces de l'ordre, et la population, le chœur, vient l'entourer comme pour assister avec effarement à un spectacle, sans que personne ne bouge pour autant.

Susanne Resmark (Mère Marie) et Christiane Karg (Blanche de la Force)

Susanne Resmark (Mère Marie) et Christiane Karg (Blanche de la Force)

Soudain, surgit de la foule Blanche, qui défonce la porte de la maison, sur le premier coup de guillotine, et sauve chacune des sœurs, avant d'y retourner et de périr dans une explosion impressionnante, qui libère ainsi un nuage s’élevant merveilleusement, une montée de l’âme vers l'infini. Dernière image à nouveau sublime.

Cette scène, littéralement modifiée par rapport au livret, n'en est pas moins émouvante, car elle magnifie l'humanité de la jeune fille.

Tcherniakov révèle ainsi le courage et la grâce naturelle de Blanche, par contraste avec la lâcheté et l'incompréhension du peuple. Il reste en cela fidèle à l'esprit de Poulenc dans le dépassement de la peur, et dans sa méfiance des grands mouvements populaires destructeurs - le musicien s'était en effet engagé politiquement contre le Front Populaire, à la fin des années 30, par crainte pour les libertés individuelles.

Sylvie Brunet-Grupposo (Madame de Croissy) au salut final

Sylvie Brunet-Grupposo (Madame de Croissy) au salut final

Dans la fosse, la lecture épique de Bertrand de Billy est tellement riche de couleurs qu'elle jure avec l'austérité dramaturgique et visuelle de l'oeuvre.

De la chaleur des cordes dominent des frémissements scintillants, de ce flux généreux les teintes se glacent parfois ou prennent une pâte plus brute, et la beauté des timbres des bois permettent de laisser glisser les sonorités vers les ambiances immatérielles émanant de 'Tristan et Isolde'.

Mais cet allant ne lui laisse pas toujours le temps de déployer les plus beaux élans orchestraux. La tonalité est ample et douce, et rejette la sévérité.

Très beau chœur, fin et subtil, comme très souvent à Munich.

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Publié le 3 Juin 2015

Benvenuto Cellini (Hector Berlioz)
Version parisienne en deux actes
Représentation du 31 mai 2015
De Nationale Opera – Amsterdam

Benvenuto Cellini John Osborn
Giacomo Balducci Maurizio Muraro
Fieramosca Laurent Naouri
Le pape Clement VII Orlin Anastassov
Francesco Nicky Spence
Bernadino Scott Conner
Pompero André Morsch
Le Cabaretier Marcel Beekman
Teresa Mariangela Sicilia
Ascanio Michèle Losier

Direction Musicale Sir Mark Elder 
Orchestre Philharmonique de Rotterdam & Chœur du National Opera
Mise en scène Terry Gilliam (2014) 

Coproduction avec l’English National Opera et le Teatro dell’Opera di Roma

Premier opéra d’Hector Berlioz dont l’échec parisien le poussera à trouver soutien hors de France, Benvenuto Cellini a connu un nombre de modifications et de versions aussi important que le Don Carlos de Verdi.

La version que présente l’Opéra d’Amsterdam est basée sur la version originale de 1838, la version des répétitions dite Paris 1, à laquelle sont intégrés des passages ajoutés lors de la création, en 1839, comme la Romance de Cellini et l’Air d’Ascanio. Berlioz tenait énormément à ces airs.

Mariangela Sicilia (Teresa)

Mariangela Sicilia (Teresa)

Cette seconde version, dite Paris 2, aurait pu être celle retenue si elle ne comprenait pas de nombreuses modifications dues, en partie, à la censure qui ne voulait pas que l’on représente le Pape sur scène.

Au disque, il existe une version qui se rapproche de celle jouée au Nationale Opera, qui mixte le meilleur des deux versions parisiennes. Elle fut dirigée par Sir Colin Davis pour Philips en 1972, et est basée sur la version créée à Covent-Garden en 1966. Cependant, on note, à Amsterdam, un certain nombre de coupures dans le premier tableau durant les quarante premières minutes : l’air d’introduction de Balducci et l’air des masques sont écourtés, l’ensemble qui suit comprend d’importantes simplifications, et le duo entre Cellini et Teresa « Oui, la mort est éternelle » est supprimé.

Néanmoins, cette version respecte l’esprit et la dramaturgie souhaitée par Berlioz, et conserve la part de burlesque qui disparut plus tard dans la version dite de « Weimar » composée par Liszt en 1853.

Benvenuto Cellini – Photo : English National Opera

Benvenuto Cellini – Photo : English National Opera

Terry Gilliam, réalisateur de cinéma et membre des Monty Python, en est à son deuxième opéra, le premier étant ‘La Damnation de Faust’ représenté à l’English National Opera en 2011.

Son travail est d’une vitalité époustouflante, incroyable même pour une personnalité qui ne vient pas du monde du théâtre et encore moins du monde de l’opéra.

Les scènes de carnaval sont travaillées avec une rigueur invisible sous la confusion apparente des mouvements de foules, et des acrobates et contorsionnistes fascinants ajoutent une virtuosité qui démultiplie celle de la musique de Berlioz. Les caractères sensibles sont traités avec beaucoup de finesse : Teresa encore immature et narcissique,  Ascanio au cœur sur la main mais les pieds sur terre, Benvenuto Cellini romantique un peu perdu.

Mariangela Sicilia (Teresa)

Mariangela Sicilia (Teresa)

Les lumières et couleurs sont un mélange de luxuriance et d’ombres macabres, les éclairages chaleureux et dorés mettent en valeur principalement l’avant-scène, alors que l’arrière scène laisse deviner l’architecture gothique de Rome, puis, les rougeurs magmatiques de l’atelier.

Le réalisateur décrit une ambiance décadente et paillarde, et le Pape apparaît en sorte d’empereur extrême-oriental fantaisiste sensible aux formes humaines bien en chair qui meublent l’atelier du sculpteur. On peut y voir une allusion au goût du clergé catholique pour l’art humaniste de la Renaissance…Mais ce côté bouffe bien assumé a quand même pour inconvénient de provoquer les rires un peu trop faciles dans l’assistance.

John Osborn (Benvenuto Cellini) et Mariangela Sicilia (Teresa)

John Osborn (Benvenuto Cellini) et Mariangela Sicilia (Teresa)

Au final, on ne sait plus trop si l’on se trouve à la cour du Duc de Mantoue, dans la taverne d’Hoffmann ou dans la forge de Siegfried, tant cet univers est étourdissant.

Dans la fosse, l’orchestre Philharmonique de Rotterdam et Mark Elder animent la partition de Berlioz d’un courant fluide, dynamisant et caressant, qui lisse de manière très sensuelle les sonorités des instruments solos. Les noirceurs des cordes creusent également des sous-entendus maléfiques,  mais la texture d’ensemble ne détaille pas suffisamment le foisonnement novateur de la musique pour la rendre stimulante et jubilatoire.

Sur scène, Laurent Naouri brille par la clarté de sa diction, l’humour et la folie de son personnage qui éclipsent un peu tout le monde. Certes, John Osborn a de la vaillance et compose une romance empreinte d’une mélancolie faustienne qui fait ressentir le mal-être de l’artiste face à son besoin de création, mais il est loin de donner une image charismatique du sculpteur. Il apparaît plus comme un anti-héros écorché vif, un peu à la manière avec laquelle joue et chante Rolando Villazon.

John Osborn (Benvenuto Cellini)

John Osborn (Benvenuto Cellini)

Mariangela Sicilia, remplaçante de Patricia Petibon, incarne Teresa avec aisance, espièglerie et chaleur, et les rondeurs de sa voix semblent fondre en une seule voix la personnalité d’Olympia et d’Antonia, deux femmes inspiratrices des Contes d’Hoffmann. Elle a cependant plus le sens du charme que le sens de l’intelligibilité,  sens que Michèle Losier détient plus naturellement pour brosser un très touchant portrait d’Ascanio, juvénile et attendrissant.

Avec un grand sens du burlesque, Orlin Anastassov pousse son interprétation du Pape vers une caricature de mauvais goût, et semble être le contraire de Maurizio Muraro, terne et parfois inaudible. Et les seconds rôles sont d’une vitalité qui compense le manque de compréhensibilité de leurs paroles

Quant au Chœur du National Opera, il est entrainé dans un tourbillon éclatant qui doit être un régal pour les chanteurs, d’autant plus que ceux-ci sont mis en avant comme un des personnages fondamentaux de ces trois jours de fête dans les rues de Rome.

La production de Terry Gilliam sera reprise à l’Opéra Bastille lors de la saison 2017/2018, un grand spectacle parisien en perspective.

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Publié le 20 Avril 2011

Pelléas et Mélisande (Claude Debussy)
Version concert du 17 avril 2011
Théâtre des Champs Elysées

Pelléas Simon Keenlyside
Mélisande Natalie Dessay
Golaud Laurent Naouri
Geneviève Marie-Nicole Lemieux
Arkel Alain Vernhes
Yniold Khatouna Gadelia
Le Médecin Nahuel di Pierro

Direction musicale Louis Langrée
Orchestre de Paris

 

                                                Laurent Naouri (Golaud)

Après  Parsifal et  Ariane et Barbe-Bleue, c’est avec une version concert de Pelléas et Mélisande que s’achèvent ces quelques jours consacrés, au hasard du calendrier, à Wagner et son influence dans la musique française.

Sous la direction de Louis Langrée, les musiciens de l’Orchestre de Paris livrent une lecture rigoureuse et compacte qui, au fil de soirée, gagne en limpidité.
Si dans les passages les plus vivants la poésie se défait sensiblement, la profondeur de la musique, lorsqu’elle travaille les mouvements les plus sombres, devient flot mystérieux et inquiétant, et cela particulièrement lorsque Golaud intervient.

Or, Laurent Naouri est a lui seul, immensément, naturellement, et en toute évidence, l’interprète choc de la représentation. Il chante magnifiquement, le verbe est précis, superbement lié et détaché à la fois, sur fond d’un timbre mûr et que l'on pourrait croire affectueux au premier abord.

Alors évidemment Simon Keenlyside joue sur deux registres, des étincelles d’innocentes clartés et une assurance virile, Natalie Dessay trouve une lumineuse présence dans "Mes long cheveux descendent jusqu’au seuil de la tour", mais nulle subtile mélancolie ou sentiment d'urgence ne traverse ce duo par ailleurs tenu à distance sur scène. Rien ne se passe en fait.
Même Alain Vernhes paraît trop attentif à soigner son chant.

Ceci est cependant un avant goût de la passionnante confrontation qui s’annonce la saison prochaine entre le Teatro Real de Madrid (L.Naouri-Y.Beuron-C.Tilling direction S.Cambreling) et l’Opéra de Paris (V.Le Texier-S.Degout-E.Tsallagova direction P.Jordan) , le chef d’œuvre de Debussy devant y être représenté dans la même mise en scène de Bob Wilson.

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Publié le 29 Mars 2009

Die Feen  (Richard Wagner)
Représentation du 29 mars 2009 au Théâtre du Châtelet

Direction musicale Marc Minkowski
Mise en scène Emilio Sagi

Ada Christiane Libor                               Lora Lina Tetruashvili
Arindal William Joyner                            Gernot Laurent Naouri
Farzana Salomé Haller                             Zemira Eduarda Melo
Morald Laurent Alvaro                            Drolla Judith Gauthier
Le Roi des Fées, Groma Nicolas Testé    Gunther Brad Cooper

 

Les Musiciens du Louvre-Grenoble
Choeur des Musiciens du Louvre-Grenoble

Ce que vient de réaliser le Théâtre du Châtelet en offrant « Les Fées » tient du miracle musical.
Cet opéra est si peu connu, que chacun se trouve dans la situation du spectateur qui découvre le premier opéra d’un jeune compositeur âgé de 20 ans, un gamin en somme.

Né la même année que Wagner (1813), Verdi ne composera d’œuvre lyrique que six ans plus tard, c’est dire si l’émotion est forte à l’écoute de ces pages qui nous transportent dans un univers évoquant la Flûte Enchantée, Lohengrin, La Femme sans Ombre, Turandot ou bien Der Freischütz.

William Joyner (Arindal) et Christiane Libor (Ada)

William Joyner (Arindal) et Christiane Libor (Ada)

C’est l’histoire d’un Prince qui trouve l’amour auprès d’une Fée, brise le serment de ne pas la questionner sur ses origines, la perd, la retrouve en jurant de ne jamais la maudire, échoue lorsqu’une illusion le trompe, mais réussit à la libérer d’un sortilège en affrontant trois épreuves.

Pour ce conte de Fées, Marc Minkowski et les musiciens du Louvres créent un univers sonore dense et vif, un envoûtant tourbillon qui permet de traverser plus facilement les passages parfois peu contrastés de la partition.

La qualité de la distribution réunie montre le sérieux avec lequel ce projet a été mené. Même les seconds rôles ont fait l’objet d’un soin qui confère à l’ensemble une musicalité homogène, belle et expressive.

Lina Tetruashvili

Lina Tetruashvili

William Joyner est certes parfois en difficulté dans les passages qui sollicitent la force des aigus, mais sa partition, riche d’airs sensibles et plus mozartiens, lui laisse un large champ pour imposer ses nuances et la poésie de son chant.

Christiane Libor, en prise avec un rôle aux dimensions de l’Elisabeth de Tannhauser et de l’Elsa de Lohengrin, est d’un impact vocal précis, les lignes fusent sans que jamais les limites ne semblent atteintes, le tout gardant comme une sorte de légèreté qui jamais ne fait douter qu‘elle pourrait avoir une personnalité plus sombre (alors que le livret cherche à nous le faire croire).

William Joyner (Arindal)

William Joyner (Arindal)

Presque surdimensionné, Laurent Alvaro est de l’envergure d’un Amfortas, c’est le genre de chanteur qui donne une âme, et le personnage de Morald gagne en envergure avec lui.

A côté de ces chanteurs, Lina Tetruashvili apporte un style encore plus subtil, des couleurs que l’on imagine formées à l’univers baroque, la présence de Laurent Naouri allie un timbre bien connu à un style impeccable, Salomé Haller et Eduarda Melo rappellent les Dames de « Die Zauberflöte » avec beaucoup de gaieté.

                                                                                           Laurent Naouri (Gernot)

Au final, Nicolas Testé impose la prestance et l‘autorité du Roi des Fées, on croirait voir surgir le Sarastro de Mozart.

Un enregistrement ne semble pas prévu, et pourtant il aurait grande chance de faire référence.

Vient le traitement scénique.

La forme choisie par Emilio Sagi n’aide en rien à comprendre la trame de l’histoire, et mieux vaut l’avoir bien étudiée avant d’appréhender la représentation.

De manière fort créative, les images prennent les couleurs de l’esthétique hors norme de « Pierre et Gilles », dégradés de rose, nuit vert et bleu luminescents et scintillants, soulignent l'univers d'enfant sous-jacent, et finalement le troisième acte, construit autour d’un gigantesque lustre écrasé au sol, bénéficie le mieux du très sophistiqué travail sur les éclairages.
Beau ? Peut être pas, mais visuellement stimulant sûrement.

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Publié le 12 Septembre 2007

L'Elixir d'Amour (Donizetti)

Répétition générale du 11 septembre 2007 à l'Opéra Bastille
 
Mise en scène Laurent Pelly
Direction Evelino Pidò
Adina Désirée Rancatore
Belcore Laurent Naouri
Dulcamara Ambrogio Maestri
Nemorino Dmitry Korchak
 
Avec cette 4ième série de représentations réparties sur trois saisons, la lassitude risque fort d'être la fidèle compagne du soir, même si de petites loufoqueries viennent s'improviser.
 
Heureusement, Evelino Pidò distille toujours un piquant dans ses interprétations. L'ouverture peut sembler exagérément dramatique, mais très vite le chef aligne l'orchestre sur un discours rythmé avec le soucis de ne jamais ralentir l'entrain.
 
Laurent Naouri reprend avec facilité un Belcore grossier et étranger à toute délicatesse.
 
Reconnaissons que la manière de caler sa gestuelle sur la musique est réjouissante.
 
 
Il y cependant des chanteurs qui laissent perplexes et Dmitry Korchak fait parti de ceux-là. Honnêtement le timbre est sans intérêt, presque amer. En revanche, la justesse est irréprochable et le jeune homme, au physique plutôt agréable, porte son personnage à un niveau de gaucherie qui ne le rend jamais ennuyeux.
Désirée Rancatore (Adina)

Désirée Rancatore (Adina)

Également présent lors de la création avec Laurent Naouri, le gigantesque Ambrogio Maestri, tant par les proportions physiques que vocales, emballe la salle dès son arrivée à la cinquième scène.
Mais il va se faire voler la vedette par Désirée Rancatore. Adina fort honnête, aux graves parfois étranges, c'est une formidable transformation qui s'opère lorsqu'elle retrouve son amoureux désabusé après "Una furtiva lacrima".
"Nel dolce incanto del tal momento" initie un festival de vocalises, clin d'oeil à l'esprit de la poupée Olympia d' Offenbach, un feu d'artifice qui paraît sans limite et laisse le spectateur complètement ahuri.

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