Articles avec #arquez tag

Publié le 4 Décembre 2022

Carmen (Georges Bizet – 1875)
Représentation du 30 novembre 2022
Opéra Bastille

Don José Michael Spyres
Escamillo Lucas Meachem
Le Dancaïre Marc Labonnette
Le Remendado Loïc Félix
Zuniga Alejandro Baliñas Vieites
Morales Tomasz Kumiega
Carmen Gaëlle Arquez
Micaela Adriana Gonzalez
Frasquita Andrea Cueva Molnar
Mercedes Adèle Charvet
Lillas Pastia Karim Belkhadra

Direction musicale Fabien Gabel
Mise en scène Calixto Bieito

Production du Festival Castell de Peralada (1999)

 

                                          Gaëlle Arquez (Carmen)

 

Seul opéra français à se glisser parmi les cinq œuvres les plus jouées de l’Opéra national de Paris depuis un demi-siècle, ‘Carmen’ est de retour sur la scène de l’opéra Bastille dans la production de Calixto Bieito avec laquelle le metteur en scène catalan se fit connaître au Festival Castell de Peralada en 1999. 

Gaëlle Arquez (Carmen)

Gaëlle Arquez (Carmen)

Ce spectacle est devenu une référence dans plusieurs grandes maisons lyriques, malgré la nature dépouillée du décor, de par la grande force théâtrale qu’il tire des différents caractères, présentés sans fard et animés dans une Espagne plus proche de nous où les hommes considèrent les femmes comme un enjeu de possession sexuelle, et de l’utilisation de multiples éclairages qui créent des atmosphères fortes en relation avec la rudesse des scènes. 

Dans les ambiances nocturnes règnent les brigands, s’y révèle parfois un peu de poésie, et la scène finale se déroule dans une aridité de sentiments désolante, très bien rendue par des lumières qui écrasent tout.

Scène des contrebandiers dans la montagne

Scène des contrebandiers dans la montagne

On retrouve avec joie l’allant des grands ensembles de chœur, et particulièrement ceux des enfants en début et fin d’ouvrage, bariolés de couleurs et électrisés par la musique. Le naturel laissé à cette vitalité bondissante est suffisant pour ravir les spectateurs, mais sert aussi à créer un fort contraste entre ce monde enfantin joyeux et celui des adultes contraint à la survie et soucieux du jeu social.

Michael Spyres (Don José)

Michael Spyres (Don José)

Pour cette reprise, c’est l’actuel directeur musical de l’Orchestre symphonique de Québec, Fabien Gabel, qui fait ses débuts dans la fosse comme chef d’orchestre. Il ne vient pas en terrain inconnu, puisqu’il y a joué à de nombreuses reprises en tant que musicien surnuméraire depuis l’âge de 16 ans, dans les pas de son père et de son grand-père qui y furent respectivement trompettiste et violoniste. Et il connaît la production, puisqu’il l’a déjà dirigé en mars 2015 à l’Opéra d’Oslo

Chœur d'enfants

Chœur d'enfants

Totalement engagée dans l'action dramatique, sa direction très inspirée et très bien rythmée exhale nombre de détails instrumentaux, fait briller les ensembles de cordes d’un splendide effet iridescent qui ajoute un supplément d’âme aux airs, duos et ensembles. Les noirceurs de la musique se gorgent aussi de vibrations profondes qui donnent de l’envergure aux passions humaines qu’elles soulignent.

Ce jeux d’équilibre entre ampleur orchestrale, maîtrise des nuances, soutien des solistes et coordination des jeunes choristes semble parfois proche du débordement, mais cela participe à la sensation d’extrême vitalité qui règne sur le plateau pour le plaisir de tous.

Gaëlle Arquez (Carmen)

Gaëlle Arquez (Carmen)

Avec une telle trame musicale que l’on n’entend pas toujours avec un tel lustre, les chanteurs sont portés au meilleur d’eux-mêmes, à commencer par Gaëlle Arquez. Sa Carmen est idéale de féminité indomptable, avec ce timbre chaud et brun sombre ennobli par la brillance des aigus, et elle développe une qualité de jeu très crédible qui montre l’essence dangereuse de la cigarière. 

C’est tout un art de la précision de diction, de subtiles nuances et de changements de coloration de voix qui est ainsi offert, ce qui permet d’entendre un portrait pénétrant qui s’épanouit avec un équilibre parfait sur cette grande scène Bastille.

Gaëlle Arquez (Carmen) et Michael Spyres (Don José)

Gaëlle Arquez (Carmen) et Michael Spyres (Don José)

Michael Spyres surprend par son approche qui ne place jamais Don José en situation d’homme sûr de lui, mais d’emblée en homme sensible et poétique qui va se trouver entraîné dans une passion qui finit par le disloquer. Il met en valeur la nature ouatée de sa voix pour faire ressentir la douceur d’âme initiale de son personnage, et il conduit cet anti-héros progressivement vers un état dépressif d’un pathétisme profondément poignant à la scène finale. A ce moment-là, il décrit un homme plus bas que terre.

Michael Spyres (Don José) et Adriana Gonzalez (Micaela)

Michael Spyres (Don José) et Adriana Gonzalez (Micaela)

C’est d’ailleurs dans les bras de Micaela que cette poésie atteint son paroxysme car il forme un duo magnifiquement allié avec Adriana Gonzalez, artiste lyrique qui est passée par l’Académie de l’Opéra national de Paris de 2014 à 2017. Dans la scène de la lettre, au premier acte, ils atteignent ensemble une niveau d’élégie sublime lorsqu’ils se souviennent de leur enfance, et lorsque la jeune navarraise intervient au camp des contrebandiers, la richesse et la vibrance du timbre de la mezzo-soprano sont totalement vouées à fortement romantiser le sentiment de désespérance avec un élan exalté saisissant.

L’effet est tel que le public lui en témoigne chaleureusement son émotion, car il y a aussi une expression de la foi très forte dans l’air ‘Je dis que rien ne m’épouvante’.

Lucas Meachem (Escamillo)

Lucas Meachem (Escamillo)

On se souvient de Lucas Meachem pour sa grande incarnation de ‘Billy Budd’ sur cette même scène au printemps 2010. Plus de 12 ans après, il y avait donc une certaine attente à le découvrir dans un rôle qui en est le parfait contraire. L’entrée de son Escamillo se révèle ainsi flamboyante, avec une belle prestance dans les aigus et une sensualité de timbre virile, même si parfois les intonations plus basses se discernent avec moins de netteté. Il donne une carrure, mais aussi une belle allure, à ce toréador très sûr de lui et sans muflerie.

Andrea Cueva Molnar (Frasquita)

Andrea Cueva Molnar (Frasquita)

Et tous les rôles secondaires ont quelque chose à dire et une personnalité à faire valoir. Les bohémiennes Mercedes et Frasquita sont très bien incarnées par Adèle Charvet et Andrea Cueva Molnar, et cette dernière, qui sort de l’Académie, ne manque pas de déployer toute l’intensité de sa voix de manière très démonstrative.

Et c’est encore un autre artiste en résidence à l’Académie, Alejandro Baliñas Vieites, qui se distingue dans le rôle de Zuniga par la qualité du timbre et son éloquence d’une très grande présence. Marc Labonnette (Le Dancaire) , Loïc Félix (Le Remendado) et Tomasz Kumiega (Morales) complètent heureusement la distribution, toujours dans un esprit de complicité exigeante avec leurs partenaires.

Les amateurs habitués des scènes lyriques pouvaient être tentés de penser qu’une reprise de ‘Carmen’ dévoilerait peu de surprises, l’excellent niveau interprétatif de ce spectacle démontre le contraire et il faut s’en réjouir.

Voir les commentaires

Publié le 26 Novembre 2021

Alcina (Georg Friedrich Haendel – 1735)
Répétition générale du 22 novembre et représentations du 25 novembre et 21 décembre 2021
Palais Garnier

Alcina Jeanine De Bique
Ruggiero Gaëlle Arquez
Morgana Sabine Devieilhe (le 25/11)
                Elsa Benoit (le 21/12)
Bradamante Roxana Constantinescu
Oronte Rupert Charlesworth
Melisso Nicolas Courjal

Direction musicale Thomas Hengelbrock
Mise en scène Robert Carsen (1999)
Balthasar Neumann Ensemble & Chœurs de l’Opéra national de Paris

 

                                      Jeanine De Bique (Alcina)

 

La quatrième reprise d’Alcina – ce chef-d’œuvre de Haendel est entré au répertoire de l’Opéra de Paris le 7 juin 1999 dans l’incarnation inoubliablement charmeuse de Renée Fleming – consacre le Palais Garnier comme le théâtre privilégié pour entendre cet ouvrage, puisqu’à l’issue de cette nouvelle série de soirées ce dernier aura atteint sa cinquantième représentation, ce qu’aucun autre grand théâtre du monde n’a réalisé jusqu’à aujourd’hui.

Jeanine De Bique (Alcina)

Jeanine De Bique (Alcina)

Après avoir été portée par Les Arts Florissants, l’Orchestre de Chambre de Paris, l’Ensemble Matheus et l’Orchestre de l’Opéra de Paris, c’est au tour du Balthasar Neumann Ensemble, actuellement en résidence au Château de Fontainebleau, de faire revivre cette partition sous la direction de son chef fondateur, Thomas Hengelbrock.

Le tempo allègre et la patine allégée subtilement mâtinée des scintillations du clavecin s’exaltent en vibrations teintées de charme antique, et évoquent de prime abord une humeur heureuse – c’est dans cette production, en juin 1999, qu’Emmanuelle Haim fit ses débuts à l’Opéra de Paris en tant que claveciniste de l’orchestre de William Christie -. 

Jeanine De Bique (Alcina) et Gaëlle Arquez (Ruggiero)

Jeanine De Bique (Alcina) et Gaëlle Arquez (Ruggiero)

La musique virtuose d’Alcina est ainsi parcourue d’une vitalité juvénile, un souffle caressant, presque éthéré, dont le caractère le plus poignant provient de la manière dont elle ouvre un univers intime sur les désarrois intérieurs des personnages de l’histoire. Il y a alors une concordance merveilleuse entre les lumières lunaires ou crépusculaires qui accompagnent la mise en scène de Robert Carsen et les obscurcissements de l’orchestre dont les cordes sombres frémissent dramatiquement. Les sonorités douces et chaleureuses d’un orgue s’entendent pour donner une ambiance encore plus feutrée.

Sabine Devieilhe (Morgana), Roxana Constantinescu (Bradamante) et Rupert Charlesworth (Oronte)

Sabine Devieilhe (Morgana), Roxana Constantinescu (Bradamante) et Rupert Charlesworth (Oronte)

L’harmonie entre les chanteurs et l’ensemble orchestral est naturellement fluide et bienveillante, et Thomas Hengelbrock veille à la prestesse du geste. Un magnifique exemple de cette concordance entre l’expression du chant et la précision de la lecture musicale peut s’entendre quand Alcina reproche à Ruggiero sa dureté à la fin du premier acte dans « Si, son quella, non piu bella ».  Et les chœurs se joignent à l’unisson à l’élégie de la musique.

Gaëlle Arquez (Ruggiero) et Roxana Constantinescu (Bradamante)

Gaëlle Arquez (Ruggiero) et Roxana Constantinescu (Bradamante)

L’allure fine et sophistiquée et les nuances brunes du timbre de sa voix qui fluctuent avec une grande célérité dessinent de façon fort saisissante, dès son apparition sur fond de forêt luxuriante, la nature fauve et mystérieuse d’Alcina.

Jeanine De Bique a probablement conscience de ce qui rend son incarnation inédite, la beauté mordorée des reflets sur ses bras, le boisé chatoyant de son chant délié, et son portrait de femme féline insaisissable qui donne énormément de crédibilité à la personnalité charnelle de la magicienne. Le basculement vers son humanisation quand elle prend conscience du désenvoûtement de Ruggiero se réalise dans l’ombre, mais conserve toujours quelque chose d’inquiétant.

C’est surtout à travers ses inflexions nuancées avec délicatesse, quand elle s’adresse à celui qu’elle aime, que son portrait de femme s’attendrit le plus.

Jeanine De Bique (Alcina)

Jeanine De Bique (Alcina)

Auprès d’elle, deux interprètes sont travesties en homme. La première, Gaëlle Arquez, est fort présente à Paris cette saison, puisqu’après Alcina elle reviendra au Théâtre des Champs-Élysées pour Cosi fan tutte, en mars 2022, et pour un autre grand opéra de Haendel, Giulio Cesare, deux mois plus tard. Son Ruggiero, ce soir, est empreint d’une gravité désespérée. Souplesse du timbre et clarté du voile vocal, justesse dans l’expression des sentiments et les variations de couleurs, le tout lié par une excellente diction tout en maintenant la constance du souffle, elle offre un naturel solide et intègre à son personnage.

Jeanine De Bique (Alcina)

Jeanine De Bique (Alcina)

La seconde, Roxana Constantinescu, a la même homogénéité de timbre et des sonorités un peu mates, et vocalise avec énormément de raffinement et de stabilité vocale. Elle a de plus une très forte expressivité théâtrale et un enthousiasme qui s’extériorise avec évidence pour mettre en valeur la fidélité optimiste de Bradamante.

Chaleureusement accueillie, Sabine Devieilhe met beaucoup de cœur et d’esprit vif dans son jeu énergique dévolu à Morgana. Les aigus sont très fins et très purs à la fois, le rythme d’élocution endiablé avec des traits de vaillances qui peuvent se transformer en suavité taquine quand elle se retrouve avec Oronte, auquel Rupert Charlesworth rend une très forte personnalité avec une vérité de geste et un chant très bien caractérisé qui hybride de splendides nuances aiguës tout en incarnant une virilité très sincère. 

Elsa Benoit (Morgana)

Elsa Benoit (Morgana)

Et pour les dernières représentations, Elsa Benoit reprend le personnage de Morgana en lui apportant un caractère plus mélancolique, délaissant les effets piquants des suraigus de Sabine Devieilhe pour accentuer une nature plus dramatique avec un timbre vibrant plus sombre dans le médium tout en jouant avec beaucoup de finesse et d'aisance. 

Sabine Devieilhe (Morgana) et Rupert Charlesworth (Oronte)

Sabine Devieilhe (Morgana) et Rupert Charlesworth (Oronte)

Quant à Nicolas Courjal, méconnaissable physiquement avec ce maquillage qui le vieillit fortement, il arbore une texture de timbre qui a la richesse des teintes du granit. Et la jeunesse qui transparaît de la malléabilité de son chant crée un sentiment de sympathie et de proximité avec Melisso.

Thomas Hengelbrock

Thomas Hengelbrock

Et revoir vingt-deux ans plus tard ce spectacle qui se déroule dans ce décor bourgeois couleur blanc cassé défraîchi où est mis en scène de manière très lisible les illusions amoureuses confrontées à la nature fortement sexuelle et animale d’Alcina par l’utilisation de figurants partiellement ou totalement dénudés, où alternent images de faux paradis perdus et scènes obscures, tout en mettant en valeur avec beaucoup d'humour le couple formé par Morgana et Oronte qui rétablit à travers une scène amusante une vision dépoussiérée de l’amour tendre et sexualisé, montre qu’il existe des formes modernes de représentations qui, lorsqu’elles sont basées sur quelque chose de fort et vital, peuvent conserver dans la durée un apport réflexif et fort pour les spectateurs.

Nicolas Courjal, Roxana Constantinescu, Gaëlle Arquez, Jeanine De Bique, Sabine Devieilhe et Rupert Charlesworth

Nicolas Courjal, Roxana Constantinescu, Gaëlle Arquez, Jeanine De Bique, Sabine Devieilhe et Rupert Charlesworth

Les passages ajoutés sur le tard par Haendel pour introduire le personnage d’Oberto sont coupés pour cette reprise mais sont conservés dans le livret, ce qui ne gênera que les puristes.

Une très belle version à redécouvrir au Palais Garnier jusqu'à fin décembre.

Sapin de Noël du Grand Foyer du Palais Garnier

Sapin de Noël du Grand Foyer du Palais Garnier

Voir les commentaires

Publié le 7 Juin 2014

Le Couronnement de Poppée (Claudio Monteverdi)

Répétition générale du 05 juin 2014
Palais Garnier

Poppée    Karine Deshayes
Octavie    Monica Bacelli
Drusilla/La Fortune Gaëlle Arquez
Néron    Jeremy Ovenden
Othon    Varduhi Abrahamyan
Sénèque     Andrea Concetti
La Nourrice  Giuseppe de Vittorio
Arnalta    Manuel Nuñez Camelino
La Vertue  Jaël Azzaretti
L’Amour Amel Brahim-Djelloul
Valletto Marie-Adeline Henry
Mercure Nahuel Di Pierro                                      Lucain Valerio Contaldo

Mise en scène Robert Wilson
Direction Rinaldo Alessandrini
Concerto Italiano

Coproduction avec le Teatro alla Scala, Milan                                                                                                                                                                                                                        Jeremy Ovenden (Néron)

Avec la nouvelle production de La Traviata, l’Opéra National de Paris annonçait le grand évènement lyrique de la fin de saison, mais, comme l’on s’y attendait un peu, c’est bien au Palais Garnier, et de loin, que l’institution parisienne réussit une de ses plus belles réalisations artistiques de l’année.

Car, si Robert Wilson et Rinaldo Alessandrini ont dès à présent créé L’Orfeo et Il Riturno d’Ulisse in Patria à la Scala de Milan, c’est Paris qui a l’honneur de découvrir la nouvelle production de L’Incoronazione di Poppea.

Varduhi Abrahamyan (Othon)

Varduhi Abrahamyan (Othon)

Entièrement baignée dans des nuances de bleu azur et égyptien, la mise en scène du réalisateur texan évoque un théâtre hors du temps, à la croisée du théâtre élisabéthain et du théâtre médiéval extrême-oriental. Et cette référence au théâtre de Shakespeare se retrouve dans l'enchevêtrement des interventions loufoques à la trame dramatique, sur une musique à peine postérieure de quelques décennies.

Quand apparaissent Poppée et Néron, elle évoquant Elisabeth Ier, lui, protégé par une cuirasse dorée, Philippe II d’Espagne, on ne peut s’empêcher de penser à une histoire d’amour imaginaire entre les deux grands ennemis du XVIème siècle. Mais, plus loin, quelques symboles de la ville de Rome suggèrent simplement la mégalomanie de Néron, un obélisque, ou les restes d’une cité détruite, un énorme débris de chapiteau composite.

Karine Deshayes (Poppée)

Karine Deshayes (Poppée)

Et, en grand maître de l’illusion, Robert Wilson imagine des atmosphères magnifiques et saisissantes, les drapés de brouillard qui apparaissent à la mort de Sénèque, ou un clair de lune étoilé se dissipant lentement dans les lueurs du jour au moment où Poppée se réjouit de la mort de son ennemi.

Pour ce théâtre de gestes et d'alternances entre immobilité et fluidité du mouvement, chaque chanteur, sans exception, est mis en valeur physiquement, mais aussi par la délicatesse de l’écriture vocale qui lui est offerte.

Marie-Adeline Henry (Valletto)

Marie-Adeline Henry (Valletto)

Ainsi, Karine Deshayes et Varduhi Abrahamyan, deux chanteuses déjà bien connues, sont une révélation dans les rôles respectifs de Poppée et Othon.
On entend, chez la première, des variations de tonalités inédites, une excellente maîtrise de ses impulsions vocales, un plaisir évident à incarner l’excès d’assurance de la future impératrice. Quant à la seconde, elle est tout autant méconnaissable avec ce magnifique timbre sombre et polissé.

Et on peut tous les citer, Jeremy Ovenden, en Néron clair et viril, le très beau Lucain de Valerio Contaldo, le Valletto juvénil de Marie-Adeline Henry, l’Octavie de Monica Bacelli, le Sénèque désabusé d’Andrea Concetti – traité à la façon d’une Cassandre -, ou bien l’Amour lumineux d’Amel Brahim-Djelloul, tous fondus dans une même texture vocale aussi unie et subtilement nuancée que l’atmosphère visuelle et orchestrale de l'ouvrage.

Jeremy Ovenden (Néron) et Karine Deshayes (Poppée)

Jeremy Ovenden (Néron) et Karine Deshayes (Poppée)

Les sonorités du Concerto Italiano sont pourtant austères, on y entend peu d’ornementations et de frisures gracieuses, et peu de cette vitalité festive que contient intrinséquement la musique de Monteverdi. Cependant, Rinaldo Alessandrini cherche une homogénéité liée à l’ensemble scénique, coulée dans le sens de la profondeur poétique vers laquelle nous attire ce spectacle, qui parle des heurts entre ambitions et sentiments humains, et de la façon dont chaque personnage les vit intérieurement.

Voir les commentaires