Publié le 22 Décembre 2011
Norma (Vincenzo Bellini)
Version de concert du 20 décembre 2011
Salle Pleyel
Norma Edita Gruberova
Adalgisa Sophie Koch
Pollione Massimo Giordano
Oroveso Wojtek Smilek
Clotilde Maite Maruri Garcia
Flavio Paul Cremazi
Direction Andriy Yurkevytch
Orchestre de Nice Sophie Koch et Edita Gruberova
On sait qu’il existe des fanatiques du suraigu qui courent à travers l’Europe pour entendre Edita Gruberova. Beaucoup se sont donc précipités à la salle Pleyel pour en profiter, ou même découvrir pour la première fois la nature de ce phénomène vocal.
Cela se fait nécessairement au dépend de l’esprit de l’ouvrage, car la confrontation scénique de cette artiste - à la veille de célébrer ses 65 ans - prend une dimension de défi au temps qui dépasse tout autre enjeu.
Ce que l’on a entendu, ce soir, est un rayonnement magnifiquement lumineux d’aigus profilés comme des pointes d’acier nettes, exempt de tout signe de faiblesse humaine, et dissipé dans tout l’espace en jouant sur l’énergie libérée par de soudaines torsions du corps.
Les variations d’intensité sont les plus spectaculaires lorsque les sons deviennent effilés jusqu’à l’inaudible, avant que les fluctuations ne raniment un filet de voix dont le souffle était resté ininterrompu.
Edita Gruberova (Norma)
Tout est chanté dans cette tessiture élevée, alors que la profondeur pathétique de Norma se réalise surtout dans un médium qui permet normalement de varier les expressions dramatiques. Il en résulte donc un portrait principalement fier de la prêtresse, que l’orgueil tient à distance des signes intérieurs de troubles et de douleurs. La soprano use ainsi fréquemment d’un artifice théâtral efficace qui consiste à provoquer des effets sauvages et laids dans les graves pour marquer son affectation.
Erigée en femme noble et investie d’un immuable recueillement, on retrouve le timbre d’airain avec lequel Sophie Koch a rendu sa Vénus inoubliable en octobre dernier, Adalgisa y gagne surtout l’interprétation d’une grande personnalité.
Mais la souplesse du chant bellinien et la poésie de l’italien posent des difficultés à l’art du chant allemand de la mezzo-soprano, ce qui limite, là aussi, les qualités poignantes de ses airs.
Un peu trop penché sur sa partition, Massimo Giordano ne réhausse pas son manque de charisme scénique. Cependant, son style sincère et chantant a de quoi toucher, quitte à faire de Pollione un sombre rêveur. En Oroveso, Wojtek Smilek se contente d’apporter une présence sonore appréciable.
Sophie Koch (Adalgisa)
Si l’on peut reconnaitre à la direction de Andriy Yurkevytch une énergie et un liant qui tiennent la distance sur des tempi rapides, le manque de modération des cuivres et percussions devient très vite fatigant, alors que la théâtralité ne perdrait rien à reposer sur la fougue des cordes et des bois principalement.
D’ailleurs, les grands moments largo sont très chaleureusement menés, on retrouve même les prémices et la profondeur du romantisme wagnérien, mais la finesse de l’écriture musicale, qui exige moins d’épaisseur et plus de légèreté de la part des violons, n’est que peu traduite.