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Publié le 29 Mai 2014

Don Giovanni (Wolfgang Amadé Mozart)
Représentation du 26 mai 2014
Théâtre Firmin Gémier La Piscine
Châtenay-Malabry

Artistes de l’Atelier Lyrique / Opéra de Paris
Don Giovanni Piotr Kumon
Il Commendatore Kakhaber Shavidze
Donna Anna Olga Seliverstova
Don Ottavio Oleksiy Palchykov
Donna Elvira Andreea Soare
Leporello Pietro Di Bianco
Masetto Nemanja Milicevic
Zerlina Adriana Gonzalez

Direction musicale Alexandre Myrat
Mise en scène Christophe Perton
Scénographie Barbara Creutz
                   Malgorzata Szczesniak

                                                                                                   Piotr Kumon (Don Giovanni)

 

Depuis les premières représentations de Don Giovanni au MC93 de Bobigny, les jeunes artistes de l’Atelier Lyrique poursuivent leur tournée autour de Paris pour chercher à atteindre un public qui ne vient pas couramment à l’Opéra. Et tous ces collégiens et lycéens qui sont venus investir l’entière salle du Théâtre de La Piscine ont dû retrouver dans la mise en scène des comportements humains qui les questionnent sur eux-mêmes.

Christophe Perton, le metteur en scène, cherche à travers le mythe de Don Giovanni à révéler l’humanité de chacun des personnages en les simplifiant, certes, mais de façon à ce que chaque spectateur reconnaisse un ou plusieurs traits de caractères courants de notre époque.

Olga Seliverstova (Donna Anna) et Oleksiy Palchykov (Don Ottavio)

Olga Seliverstova (Donna Anna) et Oleksiy Palchykov (Don Ottavio)

Ainsi voit-on une Zerline – joliment défendue sur scène par Adriana Gonzalez malgré les  petites faiblesses des aigus piqués - prête à se livrer très rapidement à Don Giovanni, sans trop se poser de questions vis-à-vis de sa relation à Masetto, jeune homme plutôt paresseux et soumis à la vitalité débordante de sa compagne.

Donna Anna, sous les traits d’une Olga Seliverstova surprenante par la densité du timbre auquel ne manque qu’un peu plus de souplesse pour lier les tonalités dramatiques et la finesse des coloratures, apparaît comme une bourgeoise, à priori une femme de valeurs, qui en vient à traiter Don Ottavio avec un mépris tel que lui-même en abandonne sa gentillesse naturelle pour libérer des instincts meurtriers insoupçonnés chez ce personnage généralement sous valorisé.

Oleksiy Palchykov, pour la sensibilité un peu écorchée dont il imprègne son chant, s’attire inévitablement l’enthousiasme touché des spectateurs.

Adria Gracia Galvez (Claveciniste), Piotr Kumon (Don Giovanni) et Andreea Soare (Donna Elvira)

Adria Gracia Galvez (Claveciniste), Piotr Kumon (Don Giovanni) et Andreea Soare (Donna Elvira)

Andreea Soare est déjà connue du public parisien - elle fut Enrichetta dans  I Puritani à l’Opéra Bastille. Sa Donna Elvira, la plus violente - vocalement parlant - des trois interprètes féminines, représente la femme fidèle à un seul homme quelle que soit sa nature. Pas de dolorisme excessif dans son incarnation, elle mise avant tout sur une sobriété de jeu expressive.

Il est le plus applaudi de la soirée, Pietro Di Bianco, car il a une présence à laquelle personne ne peut échapper. Et pour cause, son premier grand air ‘Madamina, il catalogo e questo !’ est le catalyseur qui concentre tout l’intérêt de la salle, même si la maturité un peu rude de son chant laisse plutôt entendre les prémisses d’un jeune Iago que d’un Leporello cherchant à suivre la finesse vocale de son maître.

Oleksiy Palchykov (Don Ottavio)

Oleksiy Palchykov (Don Ottavio)

Ce maître, Piotr Kumon, n’a pourtant pas une diction suffisamment précise pour rendre justice au charme décadent de Don Giovanni. Il a en revanche l’énergie et l’attractivité physique, bien mise en valeur, pour restituer l’existence de plus en plus diluée de cet homme sans aucun objectif de vie salvateur.

 Christophe Perton en fait un homme qui sait d’avance qu’il est condamné à mort – sa blessure rougeoyante issue du combat avec le Commandeur – très bon Kakhaber Shavidze - se révèle au cours du drame – et donc n’a plus rien à perdre en suivant ses instincts sexuels. Le metteur en scène n’hésite même pas à transformer ‘Deh vieni a la finestra’ en une séance de plaisir solitaire devant un spectacle érotique, raillant ainsi la poésie feinte de cet air.

Scène du Bal masqué

Scène du Bal masqué

Sa scénographie - basée sur un décor de piscine désaffectée conçu par Malgorzata Szczesniak, la fidèle amie et collaboratrice de Krzysztof Warlikowski – place cet univers en marge du monde, tout en le rajeunissant. La scène de bal vécue dans la promiscuité d’une boite de nuit plongée dans des lueurs bleutées fluctuantes est d’un impact visuel tout simplement charmant.

Les séquences vidéo, projetées sur tout l’ensemble, sont aussi judicieusement évocatrices, les croix culpabilisatrices du cimetière, le fantôme du commandeur évoquant la figure paternelle d'Hamlet, ce qui est encore un moyen d’insérer des techniques visuelles modernes. En contraste, le claveciniste en costume d’époque reste la seule référence à un passé révolu.

Kakhaber Shavidze (Il Commendatore)

Kakhaber Shavidze (Il Commendatore)

Néanmoins, à cause de l’acoustique du théâtre, l’interprétation orchestrale noie le son dans une nappe sombre qui amplifie la lourdeur des percussions et ne permet pas d’entendre pleinement toute la finesse des cordes, pourtant bien perceptible. Cette délicatesse de la musique se perd avec dommage, devient plus facilement un soutien théâtral appuyé, mais ne gâte en rien l’esprit d’un spectacle dont le niveau musical est incomparablement supérieur à ce que l’on peut trouver dans nombres de spectacles populaires des capitales européennes – par exemple le Théâtre des Etats, à Prague, où fut créé Don Giovanni.

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Publié le 15 Octobre 2013

La Clémence de Titus (Wolfgang Amédée Mozart)

Représentation du 13 octobre 2013
Théâtre de La Monnaie de Bruxelles

Tito Kurt Streit
Vitellia Véronique Gens
Sesto Anna Bonitatibus
Annio Anna Grevelius
Servilia Simona Saturova
Publio Alex Esposito

Direction Musicale Ludovic Morlot
Mise en scène Ivo Van Hove

 

 

                                                                                                     Véronique Gens (Vitellia)

La Clémence de Titus est un opéra sur la désillusion et donc, la maturité. C’est d’ailleurs le dernier opéra de Mozart, et il est extraordinaire d’écouter une telle réflexion humaine sur la musique d’un homme qui n’avait que 35 ans.

Il s’agit d’un conflit entre existence sociale et vie privée, l’histoire de la vie d’un homme qui n’a pas voulu voir son entourage tel qu’il est et qui, pour ne pas se disloquer lui même, doit trouver un point de vue qui lui permette de poursuivre son chemin en se détachant de ses liens affectifs envers ceux qui ont cherché à en profiter, Vitellia et Sesto, pour mieux le trahir.

Véronique Gens (Vitellia) et Anna Bonitatibus (Sesto)

Véronique Gens (Vitellia) et Anna Bonitatibus (Sesto)

On voit ainsi se dérouler toute la logique qui pousse l’Empereur à renoncer au bonheur privé pour se consacrer aux tâches nécessaires au bon déroulement de la vie de la Cité, et donc œuvrer pour un bonheur collectif.

Dans sa mise en scène, Ivo Van Hove choisit un lieu unique, à la fois chambre privée et bureau de travail d’un homme qui pourrait être une personnalité au train de vie aisé vivant dans les beaux quartiers d’une grande ville. Le mobilier est soigné, et l’on pourrait se croire dans une mise en scène d’André Engel.

Mais l’art de Van Hove est de transformer les chanteurs en personnages totalement incarnés en les faisant vivre comme ils le feraient dans la vie de tous les jours. On a ainsi plus l’impression d’assister à un excellent théâtre en musique qu’à une simple interprétation musicale.
Aucun geste n’est laissé au hasard, les poses font sens et découvrent l’affectivité des rapports humains au-delà des rôles sociaux que chacun des protagonistes tient dans un premier temps.

Simona Saturova (Servilia) et Anna Grevelius (Annio)

Simona Saturova (Servilia) et Anna Grevelius (Annio)

Cette expressivité théâtrale trouve son point d’accomplissement lorsque Titus interroge Sesto afin de connaître son trouble après l’attentat manqué contre l’Empereur. On voit tout, la confiance de Titus en la fidélité de son ami, son désarroi seul sur son lit face à un cameraman qui projette son visage défait sur le grand écran qui domine la scène, puis les pensées qu’il rabâche seul devant son repas pour digérer la trahison en ignorant la présence même de celui qui l’a déçu. Il est un solitaire mal entouré.

Malgré tout, il garde de l’affection pour Sesto, car il en a perçu la faiblesse de caractère.

Cette seconde partie de l’opéra est, d'un point de vue dramaturgique et musical, plus réussie que la première.

Kurt Streit (Titus) et Anna Bonitatibus (Sesto)

Kurt Streit (Titus) et Anna Bonitatibus (Sesto)

Dès l’ouverture les sonorités manquent d’harmonie, et Ludovic Morlot se complait dans une direction austère, aride sans raffinement, qui privilégie uniquement l’atmosphère intime de la scène. C’est extrêmement frustrant à entendre d’autant plus que le chef, lui, semble porté par sa musique.

On retrouve heureusement une texture plus dense et un allant après l’entracte, ce qui replace la musique au premier plan du drame.

Toutes les voix, elles, ont une musicalité mozartienne très homogène, mais faiblement ornée, à l’exception, peut être, de Simona Saturova, elle qui fut Violetta en décembre dernier.

Kurt Streit (Titus)

Kurt Streit (Titus)

Véronique Gens est étonnamment décevante, pour ce jour de représentation, les passages intenses et véhéments étant escamotés, ce qui ne peut être du qu’à une faiblesse passagère. Elle n'en est pas moins une fascinante actrice qui fait penser à Madame de Merteuil (Les Liaisons dangereuses).

Anna Bonitatibus (Sexto) et Anna Grevelius (Annio) composent deux personnages touchants qui se correspondent très bien dans cette interprétation, et Alex Esposito est employé dans le rôle d’un Publio qui sur-joue un peu trop.

Kurt Streit, un des chanteurs phares de La Monnaie, porte sur lui un rôle dont, peut-être, d’aucun n’aurait imaginé cette aisance dans l’incarnation. Le Timbre est nasal, très souvent, mais nullement la tension ne se fait sentir dans son chant, et il a une régularité et, surtout, une superbe interprétation théâtrale très crédible, qui en font un magnifique personnage avec lequel on vibre en phase avec son vécu humain.

Anna Grevelius (Annio), Véronique Gens (Vitellia), Anna Bonitatibus (Sesto) et Simona Saturova (Servilia)

Anna Grevelius (Annio), Véronique Gens (Vitellia), Anna Bonitatibus (Sesto) et Simona Saturova (Servilia)

Autour de la scène, des sièges situés derrière les parois semi-réfléchissantes font apparaître le chœur, qui observe en public voyeur le drame et en juge de lui-même.

Son intervention avec l’orchestre, lors de la conclusion finale, est un beau moment d’espoir enjoué qui porte en lui une joie élégiaque.

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Publié le 12 Mai 2013

Don Giovanni (Wolfgang Amadé Mozart)
Représentation du 07 mai 2013

Théâtre des Champs Elysées


Don Giovanni Markus Werba
Il Commendatore Steven Humes
Donna Anna Sophie Marin-Degor
Don Ottavio Daniel Behle
Donna Elvira Miah Persson
Leporello Robert Gleadow
Masetto Nahuel Di Pierro
Zerlina Serena Malfi

Mise en scène Stéphane Braunschweig
Direction musicale Jérémie Rhorer
Le Cercle de l’Harmonie

                                                                                                              Markus Werba (Don Giovanni)

 

Depuis le Don Giovanni d’après guerre dirigé à Salzbourg par Wilhelm Furtwängler sous la régie d’Herbert Graf, le regard de ce personnage redoutable a pris de la noirceur dans le film de Joseph Losey. Il s’est par la suite transformé, sous l’œil acéré de Michael Haneke, en une force manipulatrice fascinante et encore plus refroidissante.

La nouvelle mise en scène que Stéphane Braunschweig vient de réaliser au Théâtre des Champs Elysées se focalise unilatéralement sur l’obsession pour le sexe que le libertin fait s’extérioriser dans notre société bourgeoise contemporaine.
Ainsi, tous les désirs humains des protagonistes finissent-ils par viser la draperie blanche du grand lit fortement illuminé, au dessus duquel un large miroir reflète le public présent dans la salle.

Mia Persson (Donna Elvira)

Mia Persson (Donna Elvira)

Même l’air du catalogue sera chanté en désignant ce grand lit, mémoire de toutes les conquêtes de Don Giovanni, grand lit dans lequel fera son entrée Donna Anna, naturellement, mais aussi Elvire, qui y sera rejointe au deuxième acte par Leporello, après l’air de charme et de travestissement qu’il jouera sous la fenêtre de la chambre.

Quant au bal, il n’est plus que le mime d’une scène d’orgie masquée aussi surnaturelle que la description qu’en a faite Stanley Kunbrick dans Eyes Wide Shut.

Ce qui fait la valeur de ce spectacle est le formidable traitement théâtral qui enchaîne les scènes sans laisser le moindre espace de temps d’ennui, et qui utilise le procédé du plateau tournant, pivot autour duquel trois unités de lieu, la chambre, un cabinet intime, et un grand salon se succèdent tout en permettant un passage de l’une à l’autre, soit par une porte, soit par une des deux fenêtres, l’une en hauteur pour accueillir l’amant, l’autre à hauteur d’homme.

Robert Gleadow (Leporello)

Robert Gleadow (Leporello)

Une scène, celle du duo entre Zerline et Leporello que Mozart a écrit pour la version de Vienne, est insérée également, par intérêt musical ou bien dramatique, en déclinant la relation des deux personnages sous forme d’un jeu sadomasochiste.

Un seul temps mort, toutefois, survient lors de la séquence du cimetière, la voix sonorisée depuis les hauteurs de la salle n’apportant rien à un commandeur simplement assis sur la planche du crématorium où finira le séducteur dans la scène finale. Avec son timbre de basse argenté, Steven Humes est d’ailleurs un très bel homme d’honneur.

Cette scène finale, Jérémie Rhorer la rend extraordinaire pas seulement en assenant les coups fatals du jugement dernier, mais en dessinant des contrastes saisissants entre les vrombissements des basses et les frémissements glaciaux et menaçants des violons.
 

Et toute sa direction vivifie la partition de traits séduisants et modernes selon un rythme qui enivre d’impertinence et de jeunesse même dans les passages les plus sombres.
Il y a également le charme des sonorités de son orchestre, comme ces cors vifs et éméchés, et la rutilance des cordes.

La distribution, elle, est dominée par Robert Gleadow, qui est un Leporello impressionnant de présence au point de devenir le personnage central, celui qui cherche à mimer et dépasser le maître.
Graves magnifiques et brillants, on entend au cours de l’air du catalogue quelques faiblesses dans des aigus à peine esquissés, sinon tout, absolument tout, aussi bien dans sa stature que son expression vocale, lui donne une dimension charismatique, mais pas forcément subtile et spirituelle.

 

                                                                                              Mia Persson (Donna Elvira)

 

Markus Werba est alors relégué à un rôle de Don Giovanni commun, un homme surfait et creux défini par sa démarche artificielle qui révèle un vide, si bien que le timbre de sa voix, qui est plus marquant dans les récitatifs que dans le chant, ne fait finalement que renforcer ce sentiment d’inexistence du personnage.
Et c’est cela qui choque dans cette mise en scène, comment un personnage aussi insignifiant peut mettre tout ce monde dans un tel état?

Des trois dames, Sophie Marin-Degor et Miah Persson se distinguent par la profondeur qu’elles insufflent à Donna Anna et Donna Elvira. On y voit une féminité bouleversée, une douleur qui ne s’explique pas, un fort réalisme, particulièrement chez la première, qui se retrouve dans leur expression vocale qui n‘est pas sensiblement pure, mais qui donne une image abîmée de ces deux femmes touchantes.

Sophie Marin-Degor (Donna Anna) et Steven Humes (Le Commandeur)

Sophie Marin-Degor (Donna Anna) et Steven Humes (Le Commandeur)

Serena Malfi, elle, est une Zerline de pétulance plutôt rossinienne. Elle est accompagnée par l’âme très assurée de Nahuel Di Pierro.

Parmi toute cette agitation, il y a une personne qui reste hors de tout ce jeu irrationnel, Don Ottavio. Daniel Behle lui rend une belle tendresse mélancolique, un peu lunaire, rarement ce personnage aura paru aussi nocturne et isolé.

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Publié le 7 Mars 2013

Cosi fan tutte, ossia La scuola degli amanti (Wolfgang Amadé Mozart)
Représentation du 23 février 2013
Teatro Real de Madrid

Fiordiligi Anett Fritsch
Dorabella Paola Gardina
Guglielmo Andreas Wolf
Ferrando Juan Francisco Gatell
Despina Kerstin Avemo
Don Alfonso William Shimell

Direction musicale Sylvain Cambreling
Mise en scène Michael Haneke
Coproduction Théâtre de la Monnaie de Bruxelles            Juan Francisco Gatell (Ferrando) et Andreas Wolf (Guglielmo)

Lorsque Gerard Mortier proposa à Michael Haneke de mettre en scène un opéra de Mozart à Paris, lors de son précédent mandat, le cinéaste autrichien avança, dans un premier temps, Cosi fan Tutte. Mais, comme la production de Patrice Chéreau devait être présentée sur la scène du Palais Garnier, il lui fut confié Don Giovanni, et sa transposition du mythe, dans l’univers d’une entreprise installée en haut des étages d’une tour du quartier de la Défense, reçue un accueil unanime de la part de la critique internationale.

La création de Cosi, au Teatro Real de Madrid, est donc un évènement annoncé depuis quatre ans, et cette première représentation prend une allure mondaine telle qu’on pourrait se croire au Festival de Cannes, avec des dizaines de journalistes, et le brouhaha de la haute société madrilène qui vient se montrer, et se retrouver. L’entrée dans le théâtre est un véritable choc après la traversée des rues du cœur de la ville, et de son effervescence à laquelle se mêlent ceux laissés sur le carreau.
 

Juan Francisco Gatell (Ferrando) et Paola Gardina (Dorabella)

Juan Francisco Gatell (Ferrando) et Paola Gardina (Dorabella)

Mais ce qui frappe, à l’ouverture du rideau, est de voir que Michael Haneke projette sur scène cet univers de femmes et d'hommes aisés qui aiment s‘habiller avec, parfois, un glamour plastique étincelant, qui nous fait penser un peu au monde que Woody Hallen a décrit dans ces derniers films, comme, par exemple, Match Point.

Le décor, qui n’est pourtant pas l’essentiel d’une mise en scène, a une architecture étendue très étirée en largeur, et une profondeur divisée en trois espaces bien distincts. En arrière plan, un escalier mène des jardins extérieurs à l’entrée d’un vestibule où se tient une réception, puis, se poursuit en avant scène dans un salon où s‘étend, côté jardin, une toile inachevée, justement de jeunes couples en costumes d’époques déambulant au milieu de jeux d’eaux, et une armoire glacée remplie de bouteilles et de verres d’alcool.
Une baie vitrée coulissante sépare l’avant scène de l’arrière scène, ce qui permet à la fois de laisser visible toutes les dimensions de l’espace, mais aussi de soutenir la projection des voix.

Les protagonistes apparaissent ainsi en costumes contemporains, mais avec un étrange mélange de références au XVIIIème siècle.

Kerstin Avemo (Despine)

Kerstin Avemo (Despine)

Fiordiligi et Dorabella portent des habits d’aujourd’hui, en cohérence avec leurs rôles respectifs dans le jeu de la séduction, la première en robe rouge légère et attrayante, la seconde en pantalon noir qui signe une allure maîtrisée plus masculine. L’accord vocal des deux chanteuses avec leur sens musical est également très intelligemment réalisé, car en confiant le rôle de Fiordiligi à Anett Fritsch, ample en couleurs et prodigue en graves sombres et sanguins, son personnage devient sensuellement dominant, suivant les lignes de la partition. Elle est la grande découverte de la soirée.

 Elle brille donc plus que Dorabella, car Paola Gardina l’incarne avec un timbre charmant mais moins opulent que d’autres cantatrices telle Elina Garanca. Son interprétation théâtrale et réaliste révèle tout d’une femme sûre d’elle-même au tempérament viscéral, et, comme pour tous les autres artistes, la finesse humaine du jeu renouvelle constamment le plaisir visuel.

 Des deux amants, Guglielmo est le plus séducteur, vocalement et physiquement, et le jeune baryton Andreas Wolf en donne une image un peu innocente et mystérieuse, avec son allure musclée et sa blondeur léonine. A cela s’ajoute un timbre de crooner auquel Dorabella ne peut résister, poussée dans ses retranchements au second acte, quand la chaleur de la cheminée se confond avec le fondant boisé des ondes orchestrales, l’un des meilleurs moments de Sylvain Cambreling.

Juan Francisco Gatell (Ferrando), Andreas Wolf (Guglielmo) et Kerstin Avemo (Despine)

Juan Francisco Gatell (Ferrando), Andreas Wolf (Guglielmo) et Kerstin Avemo (Despine)

Juan Francisco Gatell, très authentique dans sa déclamation, fait entendre un accent qui ôte un peu de l’italianité du chant de Ferrando, mais il compose un personnage en apparence doux et nerveux à la fois, l’impression que laisse transparaître son legato.
Et, à l’inverse du couple Dorabella-Guglielmo, c’est lui qui, sur scène, subit le désir irrépressible suscité par Fiordiligi, lui échappant tout en le repoussant en rampant su sol les jambes nues pour mieux l’attirer.

Cette mise en scène du scénario de la séduction réciproque est d’une emprise presque suffocante, car Michael Haneke montre Don Alfonso et Despina sous des angles très sombres. Le vieil homme est interprété par un William Shimell d’une très belle tenue vocale, dans ses habits d’époque qui évoquent Valmont, et Kerstin Avemo, peu virtuose et éloignée du cliché de la soubrette habituelle, devient un personnage manipulateur machiavélique et glaçant caché derrière son visage de clown.

Tous les mécanismes des pièges du désir sont ainsi déclenchés l'un après l’autre, la façon dont Despine découvre, en déchirant leurs chemises, les torses nus flamboyants des deux hommes, éclairés par la lumière glacée de l’armoire à alcool, jusqu’à la chaleur du salon qui contraste avec la froideur du jardin extérieur illuminé par les lueurs bleu-argent d’une pleine Lune. Corps et alcool sont inévitablement les deux facteurs qui vont dominer l'être humain fait de chair et de sang. Les poses, sur les moments clés, sont alors comme un arrêt sur image qui captent plus fortement la conscience du spectateur.

Anett Fritsch (Fiordiligi)

Anett Fritsch (Fiordiligi)

C’est tout un enchainement théâtral bouleversant par la force inexorable qui s’en dégage, et l’orchestre, sous la baguette de Sylvain Cambreling, a un peu de mal à se synchroniser au premier acte, mais, par la suite, les moments les plus sensuels, soulignés par un foisonnement sonore des cordes, qui laisse sans doute moins de champ expressif aux motifs solo, font entendre un Mozart dans la vie, et pas seulement enclin à l‘expression du raffinement.

On pouvait entendre certains décalages entre chanteurs et orchestre, mais ils sont restés bien minimes au regard du jeu théâtral exigeant qui ne facilite pas l’emprise visuelle avec le chef.

Haneke nous a montré comment la vie peut chercher instinctivement à détruire les relations existantes ou en phase de construction entre les personnes.  C’est ici d’un cynisme incroyable, mais plus mesquin dans la réalité.

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Publié le 7 Avril 2012

Don Giovanni (Wolfgang Amadé Mozart)
Représentation du 03 avril 2012

Opéra Bastille


Don Giovanni Peter Mattei
Il Commendatore Paata Burchuladze
Donna Anna Patricia Petibon
Don Ottavio Bernard Richter
Donna Elvira Véronique Gens
Leporello David Bizic
Masetto Nahuel Di Pierro
Zerlina Gaëlle Arquez



Mise en scène Michael Haneke (2006)
Direction musicale Philippe Jordan

                                                                      Peter Mattei (Don Giovanni) et David Bizic (Leporello)

Créée sur la scène de l'Opéra Garnier le 27 janvier 2006, précisément 250 ans après la naissance de Mozart,  la mise en scène de Don Giovanni par Michael Haneke avait fait l'événement autant pour sa vision moderne, qui reste fidèle aux clivages sociaux contenus dans l'œuvre, que pour le redoutable et inhabituel travail scénique exigé de la part des chanteurs.

Et la froideur sombre et bleutée du décor, reproduisant quelque couloir d'une tour de la Défense, et les situations particulièrement douloureuses auxquelles sont confrontés les protagonistes occultent considérablement la part légère et souriante de l'ouvrage, afin de maintenir un climat angoissé et oppressant jusqu'à la scène finale dépourvue de tout effet surnaturel.

Don Giovanni (Mattei-Petibon-Gens-Richter-Jordan) Bastille

La force de cette production, si l'on accepte que la stature de juge suprême du Commandeur perde de son importance, est d'installer la désinvolture criminelle de Don Giovanni - et le désarroi de ses victimes à ne pouvoir le dénoncer formellement – dans le monde du travail où se cristallisent aujourd'hui les enjeux de pouvoir avec une violence normalisée.

On peut ainsi trouver, parmi le public, des spectateurs qui se sont vus se remémorer de très mauvais souvenirs, chose qui ne serait pas arrivée face à une lecture plus littérale de l'œuvre.

Avec Michael Haneke, la classe dominante masculine - Don Giovanni mais aussi Leporello qui n'est plus un valet sinon l'égal et le double de son maître – porte les attributs conformistes en costumes gris et cravates des cadres supérieurs, la classe intermédiaire – Donna Elvira, et Don Ottavio – arbore des pardessus ternes, tandis que les petites gens sont reléguées aux tâches d'entretien – Zerline et Masetto, mais aussi les chœurs et acteurs identifiés à une jeune population des banlieues.

Ce petit peuple, dans ses habitudes les plus ridicules, est affublé de masques comiques et impersonnels de chez Mickey Mouse.

Peter Mattei (Don Giovanni) et David Bizic (Leporello)

Peter Mattei (Don Giovanni) et David Bizic (Leporello)

Enfin, soigneusement vêtue d'un tailleur blanc et distingué, Donna Anna est rattachée à une classe supérieure pure.

La religion n'existe plus et ne joue plus aucun rôle dans ce monde, et le service de sécurité, seul symbole sur lequel l'ordre social tient encore, ne fait que passer furtivement d'un regard méfiant, car tous sont suspects, même les victimes.

En revoyant ce spectacle fortement prenant, la question que l'on peut se poser, tout de même, est d'imaginer son devenir quand Peter Mattei ne sera plus le titulaire du rôle principal.

Ayant assuré toutes les soirées, autant à la création qu'à la reprise à Bastille en 2007, ce grand suédois au physique de crooner beau gosse incarne avec une aisance admirable le charisme nonchalant de Don Giovanni.

Et la moindre parole chantée est immédiatement une ample vague charmeuse, un peu noircie par le temps, pouvant même devenir matière finement filée, comme dans l'air de la sérénade "Deh vieni alla finestra", interprété avec une voix très large dans le premier couplet, puis très atténuée dans le second, alors que le chanteur se replie au sol, seul. Il est un diable à la parole d'un ange.

Bernard Richter (Don Ottavio) et Patricia Petibon (Donna Anna)

Bernard Richter (Don Ottavio) et Patricia Petibon (Donna Anna)

Dans ces conditions, il devient difficile pour David Bizic de s'imposer aussi brillamment que Luca Pisaroni en Leporello – le chanteur italien était un double magnifique de Peter Mattei à la création -, sauf à paraître plus veule et une sorte d'homme de l'ombre de Don Giovanni.

Son art du récitatif cantabile est certes séduisant, mais, superposé à l'orchestre dans une salle aussi grande, son chant reste trop monotone pour dresser le portrait haut en couleur que mérite un tel personnage.

C'est un peu dommage, car les autres chanteurs dessinent tous des traits de caractères intéressants et, parfois, inhabituels.
Ainsi, le timbre de Véronique Gens peut paraître, au début, un peu austère, mais ses talents de tragédienne et la naturelle harmonie de son être font d'Elvire une intellectuelle amoureuse, une femme plus intelligente que ne laissent imaginer les interprétations mélodramatiques ou hystériques.

On entend par la suite deux couples très bien assortis.

Véronique Gens (Donna Elvira) et Peter Mattei (Don Giovanni)

Véronique Gens (Donna Elvira) et Peter Mattei (Don Giovanni)

Don Ottavio est souvent associé à un tempérament tendre et moelleux. Bernard Richter en fait un personnage vif et violemment indigné, vocalement d'une richesse de couleurs formidable qui déborde des lignes habituellement légères mais réservées du rôle.
Toute aussi impliquée théâtralement, Patricia Petibon - femme enfant dans le même esprit que Christine Schäfer lors des précédentes représentations - vit Donna Anna en femme soumise à des tourments physiquement insoutenables, avec un impressionnant rayonnement vocal qui révèle des grâces de l’âme divines dans un « Non mi dir » chanté l’émotion à fleur de peau.

Quant à Nahuel Di Pierro et Gaëlle Arquez, ils composent, lui, un Masetto d’une douce humanité, et elle, une Zerline presque trop classe, avec une très belle manière de fondre sveltesse du corps et souplesse des lignes de chant aux couleurs d’étain.

On entend la voix naturelle du Commandeur de Paata Burchuladze uniquement pendant la première scène, car il est ensuite sonorisé quand Michael Haneke ne laisse plus comme autre choix à Elvire de tuer son mari, et aux autres de se débarrasser du corps de leur patron en le jetant par la fenêtre (humour noir si l‘on conçoit ce geste comme une réponse à « Deh vieni alla finestra, o mio tesoro » …).

Gaëlle Arquez (Zerlina) et Peter Mattei (Don Giovanni)

Gaëlle Arquez (Zerlina) et Peter Mattei (Don Giovanni)

Philippe Jordan n’était véritablement pas convaincant dans  Les Noces de Figaro et Cosi fan Tutte. Il en est tout autrement pour Don Giovanni, dirigé sans doute avec un tempo encore un peu trop modéré, et où il fait entendre des couleurs et des nuances magnifiques à en sublimer la grâce des artistes (Bernard Richter dans « dalla sua pace »  est absolument splendide sous la lumière somptueuse de l'orchestre).
L’observation de ses gestes caressants, tout en écoutant leur effet sur la musique, procure un plaisir subtile et enjolivant lorsqu‘il modèle les ondes et enveloppe l‘orchestre d’une attention directive fascinante.

Petit détail remarquable, les accords de "in quali eccessi" sont joués avec une tonalité inférieure quand Elvire voit l'ouverture du gouffre mortel.

Michael Haneke n'avait pu monter l'opéra de Mozart qui a sa préférence, Cosi fan Tutte, car la production de Patrice Chéreau était déja installée à Garnier. Il en aura enfin l'occasion la saison prochaine à Madrid, pour la création, puis à Bruxelles, pour une immédiate reprise.

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Publié le 25 Décembre 2011

La Flûte enchantée (Wolfgang Amadeus Mozart)
 Représentation du 22 décembre 2011

Théâtre des Champs Elysées

Tamino Topi Lehtipuu
Pamina Sandrine Piau
Papageno Markus Werba
Papagena Emmanuelle De Negri
La Reine de la Nuit Jeanette Vecchione
Première Dame Claire Debono
Deuxième Dame Juliette Mars
Troisième Dame Elodie Méchain
Sarastro Ain Anger
Monostatos Steven Cole
Prêtres/Hommes d'armes Renaud Delaigue
                          Alexander Swan
L'Orateur Robert Gleadow
Premier génie Roland de la Fresnaye
Deuxième génie Gabriel Lobao
Troisième génie Antoine Erguy

Direction musicale Jean Christophe Spinosi
Ensemble Matheus
Mise en scène    William Kentridge
Production du Théâtre de la Monnaie (2005)    Topi Lehtipuu (Tamino)


Il y a un peu plus d'un an, la Galerie nationale du Jeu de Paume dédia ses espaces à la première rétrospective en France de l'œuvre de William Kentridge. On pouvait y voir des dessins, des gravures, et surtout un théâtre en miniature qui permettait de faire des essais de projections vidéographiques. Le public pouvait ainsi assister à un montage de La Flûte enchantée pendant une dizaine de minutes, si je me souviens bien.

 Décor final du temple de la Reine de la Nuit

Décor final du temple de la Reine de la Nuit

A la fois plasticien et metteur en scène, cet artiste sud-africain est fasciné par l’iconographie égyptienne - un ouvrage lui est d’ailleurs consacré « William Kentridge - Carnets d’Egypte » édité chez DILECTA -, sensibilité qui croise avec évidence un des thèmes de La Flûte enchantée. On retrouve donc des images de temples et de Pyramides, et l’Oeil de la providence qui lui permet de rapprocher l’iconographie de la franc-maçonnerie, thème présent dans l’opéra de Mozart, d’un autre thème qui, lui, est introduit comme un message politique qui s’immisce dans la scénographie : les intentions destructrices de la colonisation cachées derrière les apparences humanistes de l’esprit des Lumières.
 

Ce spectacle mêle, avec comme support les animations noir et blanc tracées au fusain et chères à Kentridge, les harmonies des astres du système solaire, des cieux étoilés, des paysages exotiques merveilleux, tels que notre subconscient les imagine dans La Flûte, avec des costumes et des vidéographies qui évoquent l’époque coloniale de la fin du XIXème siècle.

On est ainsi balancé entre rêve et prise de conscience, si bien que l’on ne sait plus dans quel état d’esprit en ressortir précisément, même si l’enchantement musical l’emporte au final.

Jean Christophe Spinosi fait partie de ces rénovateurs qui osent faire vivre la musique avec liberté, et son  Cosi fan Tutte, dans les lieux mêmes du Théâtre des Champs Elysées,  avait relativement partagé la critique.                                                                               Sandrine Piau (Pamina)

L’ensemble Matheus paraît pourtant moins vif et dense qu’à son habitude, bien que le chef d’orchestre mette de l’attention au soutien des chanteurs comme on ne l’a pas toujours vu faire.

L’interprétation est également parcourue de motifs très saillants - les longs accords qui accompagnent le premier air de la Reine de la nuit-, de furtives mélodies développées qui mettent en valeur les couleurs de tel ou tel instrument, un chatoiement d’ensemble qui participe à un climat feutré, poétique, et un peu renfermé.
On entend enfin plein de petites variations musicales qui surprennent, avec plaisir, l’oreille.

Jeanette Vecchione (La Reine de la Nuit)

Jeanette Vecchione (La Reine de la Nuit)

Cette orientation musicale a pour atout d’être bien adaptée à une distribution dont la finesse du chant l’emporte sur l’ampleur vocale.
Ainsi, l’allure romantique de Topi Lehtipuu s’allie à un timbre compact et légèrement accentué, Markus Werba livre avec aisance un Papageno optimiste, très agréable, au mordant contenu, et Ain Anger investit un Sarastro simple et solide.
 

Bien qu’elle n’ait que deux airs à chanter, la Reine de la Nuit est un personnage toujours très attendu. Au premier abord, la très modeste largeur vocale de Jeanette Vecchione en réduit la personnalité, mais elle réalise une telle prouesse technique en nous faisant entendre des ornementations inédites, qu’elle prend l'allure d'une représentation en miniature de cet être surnaturel, comme dans un monde pour enfants.

Mozartienne idéale et touchante, Sandrine Piau est tout simplement le cœur poétique de la soirée, la seule et entière lumière lorsqu’elle chantera « Ach, ich fühl’s » dans la pénombre de l’avant scène.

 Steven Cole (Monostatos)

 

Parmi les seconds rôles, on remarque le Monostatos drôle, superbement joué et chanté avec une rare clarté par Steven Cole, ainsi que la belle présence de la Première Dame de Claire Debono,
Par ailleurs, Robert Gleadow impose un noble Orateur, à la fois suave et profond.

La Flûte enchantée (JC.Spinosi-W.Kentridge) Champs Elysées

Quant aux trois jeunes garçons, Roland de la Fresnaye, Gabriel Lobao, Antoine Erguy, ils jouent brillamment la carte de l’aisance scénique, et se sortent honorablement, avec fraîcheur,  de leur partie chantée.

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Publié le 10 Septembre 2011

La Clemenza di Tito (Mozart)
Répétition du 08 septembre 2011 et
Représentation du 10 septembre 2011
Palais Garnier

Tito Klaus Florian Vogt
Vitellia Hibla Gerzmava
Sesto Stéphanie d’Oustrac
Annio Allyson McHardy
Servilia Amel Brahim-Djelloul
Publio Balint Szabo

Direction Musicale Adam Fischer
Mise en scène Willy Decker (1997)

                                                                                                  Hibla Gerzmava (Vitellia)

Disparue des planches de l’Opéra Garnier depuis dix ans, la vision de La Clemenza di Tito par Willy Decker amorce un retour bienvenu, qui est dû aussi bien à la logique préférentielle de Nicolas Joel pour ce metteur en scène, qu’au transfert de la production de Karl et Ursel Herrmann vers le Teatro Real de Madrid.

Le mélange de gravité et de légèreté travaillé avec éclat par le couple allemand est maintenant immortalisé en DVD, un des plus beaux laissés après le passage de Gerard Mortier à Paris, mais l’épure tragique de la version inscrite au répertoire parisien mériterait également une captation télévisuelle.
On y retrouve, avec surprise, la même idée du ruban pour exprimer l’aveuglement amoureux de Sextus.

Répétition générale de la Clémence de Titus

Répétition générale de la Clémence de Titus

Très shakespearienne, la scène au cours de laquelle Vitellia pousse son prétendant au meurtre est d’une intensité dramatique similaire à celle de l’instant crucial qui place Macbeth face au poignard funeste.

Le concept central de la mise en scène réside par ailleurs dans le pathétisme de la condition de l’Empereur, traité à travers l’évolution du buste qui se désenclave progressivement de sa gangue. Finalement, après avoir été obligé de laisser Bérénice et d’accepter un pouvoir qu’il ne voulait pas, Titus devient une idole aux yeux de la société pour sa grandeur d’âme, car cette qualité est paradoxalement ressentie comme inhumaine. Il finit totalement seul, tous, sans exception, ayant oublié sa condition humaine.

Klaus Florian Vogt (Titus) et Stéphanie d'Oustrac (Sextus)

Klaus Florian Vogt (Titus) et Stéphanie d'Oustrac (Sextus)

Dans le premier acte, Klaus Florian Vogt semble manquer d’intention, bien qu’il lui suffise de laisser sa voix s’épanouir pour être présent. La clarté éplorée de son timbre en fait un être atypique sur les scènes lyriques, et elle le place encore plus sur un piédestal dans ce rôle qui le rend inaccessible tout en soulignant sa solitude.

Mais le chant mozartien peut être un subtil soupir des vicissitudes du cœur, et il n’est ici qu’esquissé, même si toutes les notes sont joliment graduées.
Le chanteur finit par sortir de sa carapace, et atténuer sa déclamation rapide et saccadée, quand il décide secrètement du sort de Sextus. La sensibilité cachée se révèle, et les piani filés se libèrent.

Hibla Gerzmava (Vitellia)

Hibla Gerzmava (Vitellia)

Comme pour tous les artistes de cette reprise, La Clémence de Titus offre à Hibla Gerzmava une prise de rôle. 
Elle apparaît dans une somptueuse robe d’un sombre rouge désir, à l’image de son timbre slave, profondément séducteur, et se comporte comme si elle avait conscience de l’emprise vocale qu’elle a sur Sextus.
Elle prend par la suite une envergure dominatrice quand flambent ses envolées vers des aigus vibrants qui dévoilent une personnalité déterminée, et surtout un étourdissant maniement des changements de tessitures au souffle inépuisable.

Il y eut Mercédès en 2001, puis plus rien. Stéphanie d’Oustrac fait enfin son entrée à l’Opéra de Paris en abordant un personnage majeur, qui pourrait même être un de ses plus beaux rôles.
Très engagée dans un mélange de passion hallucinée et d’effroi extériorisé, ce qui lui donne des allures de jeune homme immature, elle chante magnifiquement en s’appuyant sur une tessiture légèrement feutrée, homogène, et parfois même plus claire que Gerzmava, avec de très beaux passages légers à l’extrême.

Stéphanie d'Oustrac (Sextus)

Stéphanie d'Oustrac (Sextus)

Et les seconds rôles sont aussi les serviteurs de Mozart, Allyson McHardy, tempérament dévoué, plein de douceur, au timbre vibrionnant, Balint Szabo, homme mûr et véritable basse noble, et Amel Brahim-Djelloul, entière et discrètement lumineuse.

Ces chanteurs ne seraient cependant pas hissés au meilleur d’eux mêmes, s’ils n’étaient soutenus par un chef tout à leur attention.
Sans partition, Adam Fischer tient une direction très vivante, au relief survolté et sans aucun effet de pompe, avec un grand sens du théâtre dans les moments clés, comme l’attentat de la fin du premier acte.
Il suit les artistes du bout des lèvres, avec un regard détendu et affable, Stéphanie d’Oustrac l’en remerciera chaleureusement au rideau final.

La Clémence de Titus (Gerzmava-d'Oustrac-Vogt) Garnier

Dans ce flux orchestral aux couleurs un peu mates, se dégage aussi une magnifique clarinette, isolée totalement à gauche, qui aura fait entendre de bien merveilleuses variations agiles et mélodieuses.

Et afin que le plaisir musical soit parfait, on aurait très bien pu doubler l'effectif du choeur, lui restituant ainsi une plus franche intensité.

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Publié le 6 Août 2011

Mitridate, rè di Ponto (Mozart)
Représentation du 29 juillet 2011
Prinzregententheater München

Mitridate Barry Banks
Aspasia Patricia Petibon
Sifare Anna Bonitatibus
Farnace Lawrence Zazzo
Ismène Lisette Oropesa
Arbate Eri Nakamura
Marzio Alexey Kudrya

Direction Musicale Ivor Bolton
Orchestre de  l’Opéra d’Etat de Bavière
Mise en scène David Bösch

 

                                                                                              Lawrence Zazzo (Farnace)

Il y a peu de temps, le Théâtre de la Monnaie de Bruxelles fit revivre sur scène un des opéras de jeunesse de Mozart, La Finta Giardiniera, redécouverte qui tenait autant de l’ouvrage que de la vision poétique et humaine du couple Herrmann.
A présent, le festival de Munich nous emmène encore plus loin, au cœur de l’adolescence du prodigieux compositeur.

La salle du Prinzregententheater

La salle du Prinzregententheater

Aussi incroyable que cela soit, Mitridate, rè di Ponto est la création artistique d’un garçon qui n’a pas encore atteint ses quinze ans. David Bösch, fasciné par l’univers mental de cet âge sombre, a conçu une scénographie entourée par un fond noir, circulaire, sur lequel se projettent les images animées, les symboles de l’âme de l’enfance, avec ses rêves de liberté et d’amour éternel, ses horizons étoilés, ses tendances au repli maternel, mais aussi avec ses angoisses de mort effrayantes.

Ces dessins naïfs, bien qu’omniprésents, ne surchargent pourtant pas le propos et ne font que rendre saillants les sentiments des personnages, tous unifiés par une brillante maîtrise théâtrale, si naturellement spontanée. Le réalisateur serait-il admirateur de William Kentridge? 

Patricia Petibon (Aspia) et Anna Bonitatibus (Sifare)

Patricia Petibon (Aspia) et Anna Bonitatibus (Sifare)

Une telle mise en scène figurative aurait pu n’être qu’un élément à part et autonome.

Bien au contraire, elle se fond dans la fluidité du flux orchestral qui est comme une source qui constamment revivifie les lignes caressantes. L’enthousiasme d’Ivor Bolton et des musiciens est un enchantement magnifié par l’acoustique enveloppante du théâtre, et nous sommes pris dans ce tourbillon enivrant dès l’air d’entrée d’Aspia ‘Soffre il moi cor con pace’.

 

C’est quelque chose d’inouï que d’entendre Patricia Petibon se lancer dans ce grand envol d‘un désir ardent de vivre, ses vocalises rayonnantes semblent alors mener comme une course au rythme alerte de l’orchestre.

Plus tard, on découvre la femme dramatique, la violence à fleur de peau, puis l’abandon dépressif au cours du duo ‘se viver non deggio’ avec Anna Bonitatibus. Discrète et légère mezzo-soprano, celle ci interprète un Sifare d’une digne innocence, et laisse un souvenir émouvant lors du renoncement à Aspasia, chanté à cœur ouvert, avec à ses pieds le corniste détaché de l’orchestre, consolateur, Zoltan Macsai.

Très agressif et cassant, mais irréprochable dans d’éprouvantes et artificielles vocalises dont Rossini fera plus tard la marque de son écriture virtuose, le ténor britannique Barry Banks dynamise violemment Mitridate, rendu de façon univoque comme un militaire brutal et sanglant.

 Eri Nakamura (Arbate) et Lawrence Zazzo (Farnace)

C’est cependant le personnage de Farnace, son fils le plus ambitieux et fortement dérangé, qui imprime une noirceur inquiétante suggérée dès son apparition par l’expressionnisme du vol d’un oiseau de nuit au regard ensanglanté.

Non seulement cette image trouble évoque les couleurs nocturnes et surnaturelles du superbe timbre de Lawrence Zazzo, sombre et angoissé, mais elle constitue également une vision œdipienne du jeune homme, obnubilé par un désir d’affirmation avant tout sexuel.
David Bösch ne lui épargne ainsi pas la scène finale d’automutilation des yeux, suivant une logique qui nous aura amené de l’imaginaire de l’enfance à la fureur du sang versé.

Ivor Bolton, entouré des musiciens, le corniste Zoltan Macsai, et Barry Banks (Mitridate)

Ivor Bolton, entouré des musiciens, le corniste Zoltan Macsai, et Barry Banks (Mitridate)

Aussi bien la fraicheur et la présence de Lisette Oropesa, la vitalité sympathique d’Eri Nakamura, et les fascinants et peu orthodoxes aigus ténus d’Alexey Kudrya font parti de cette magnifique interprétation musicale et théâtrale, inattendue, qui pourrait bien rester pour longtemps le plus étourdissant souvenir de ce tout jeune Mozart.

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Publié le 19 Juin 2011

Idomeneo (Mozart)
Représentation du 17 juin 2011
Théâtre des Champs Elysées

Idomeneo Richard Croft
Ilia Sophie Karthäuser
Idamante Kate Lindsey
Elektra Alexandra Coku
Arbace Paolo Fanale
Le Grand Prêtre Nigel Robson
La Voix de Neptune Nahuel di Pierro

Direction Musicale Jérémie Rhorer
Le Cercle de l’Harmonie
Chœur les éléments
Mise en scène Stéphane Braunschweig

 

                                                                                                     Richard Croft (Idomeneo)

L’instant qui suit l’extinction des lumières et le rituel d’applaudissements est aussi inflammable qu’une braise, quand l’attente de l’émerveillement pèse sur les talents reconnus de l’orchestre et de son chef.

Galvanique, Jérémie Rhorer induit un courant magnifiquement fluide et tonique, alors que les couleurs dorées des cordes se fondent au souffle cuivré des cors, même les tout petits détails des flûtes et hautbois nourrissent autant de subtilités au cœur des coups de vents agités.
Le Chœur, vingt-cinq simples femmes et hommes, entrelace ses voix bienveillantes et parfois murmurées comme une aspiration pudique et bellement sereine.

Jérémie Rhorer

Jérémie Rhorer

De cet écrin véritablement émouvant, les chanteurs doivent à présent exprimer l’humanité de leurs personnages pour lesquels Mozart a réservé des pages profondément expressives.
On peut imaginer l’émotion qu’il aurait ressenti en entendant l’interprétation pathétique et pleine de souffrance retenue de Richard Croft. Sans la moindre faille, glissant un chant d’une élévation suprême, tous se souviendront de la marche solitaire du Roi de Crête, dos au public et la tête courbée, dans un abattement total quand le sacrifice de son fils apparaît inéluctable.

Kate Lindsey, une juvénilité d’enfant gâtée sous les traits d’Idamante, manifeste une nervosité nécessairement jouée, et l’habile d’une présence vocale parfois dure, mais précise, claire et focalisée.


 Sophie Karthäuser, finement dramatique et lumineusement musicale, le courage triste et tragique au fond du regard, et non plus la fragile timidité dévolue habituellement à Ilia, est un rêve attendrissant lorsqu’elle songe à son amour pour le jeune crétois. Stéphane Braunschweig en fait éclore toute la féminité essentielle au cours d’un troisième acte saisissant.

Alors que le metteur en scène entretient une continuité dans les deux premiers actes, en présentant le drame comme une histoire moderne de réfugiés ayant échoué sur une terre symbolisée par un simple décor de lattes en marron dégradé, évocation d’une cale de bateau échoué, et en caractérisant fortement le plan social sur lequel il se joue, il nous entraîne par la suite vers un troisième acte d’une force émotionnelle éblouissante de beauté.

Le cœur affectif de chacun est mis à nu.

 

Sophie Karthäuser (Ilia)

La grâce d’Ilia et d’Idamante se sublime, en arrière plan les illusions lumineuses font d’une simple ouverture une sphère céleste progressivement argentée, et une grande voie rouge sang y mène inéluctablement. Et même si Alexandra Coku évite les notes les plus périlleuses lors de sa colère finale et joue des jets de noirceur, elle offre un portrait humain qui bascule de l’exultation appuyée aux blessures visiblement sincères.

C’est aussi la magie de Stéphane Braunschweig de réussir à unifier les talents de toute l’équipe artistique, et de trouver des images simples et mémorables, comme l’émersion de Nahuel di Pierro, torse nu doré par les lumières des pupitres et le bain orchestral, quand Neptune s’adresse aux Crétois.

Vraiment du très beau travail.

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Publié le 15 Mars 2011

La Finta Giardiniera (Mozart)
Représentation du 13 mars 2011
Théâtre de la Monnaie (Bruxelles)

Don Anchise Jeffrey Francis
Violante Onetti (Sandrina) Sandrine Piau
Belfiore Jeremy Ovenden
Arminda Henriette Bonde-Hansen
Ramiro Stella Doufexis
Serpetta Katerina Knezikova
Nardo Adam Plachetka
…  Mireille Mossé

Direction Musicale John Nelson
Mise en scène Karl & Ursel Herrmann
Production du Théâtre des Etats de Prague (2008)
d’après la production originale de la Monnaie de 1986

 

                                               Sandrine Piau (Sandrina)

Sous la direction de Gerard Mortier, l’Opéra de Paris a accueilli à deux reprises La Clémence de Titus mis en scène par Karl & Ursel Herrmann. Depuis trente ans, chaque reprise de ce spectacle est l’occasion d’en parfaire la qualité, et d’en faire une œuvre vivante.
Il était donc urgent de découvrir un opéra de Mozart peu connu, composé à l’aube de ses dix neuf ans, dans une autre production du couple de scénographes allemands au style raffiné.

Le livret de La Finta Giardiniera est un complexe marivaudage, dont le cœur est un nœud sentimental où s’affrontent trois femmes et quatre hommes, l'un d'eux étant chanté par une mezzo-soprano.

L'intrigue est construite autour d'un couple sur le point de se former (Belfiore-Arminda) à la suite de la séparation de deux couples (Belfiore-Violante et Arminda-Ramiro).

Les deux personnes lésées (Violante et Ramiro) vont alors chercher à reformer leurs couples d'origine, en même temps qu'un serviteur (Nardo) cherche à conquérir une servante (Serpetta) au service de Don Anchise, l’oncle d’Arminda.
Pour arriver à ses fins, Violante, sous les traits de Sandrina, devient la jardinière de Don Anchise.

Henriette Bonde-Hansen (Arminda) et Jeremy Ovenden (Belfiore)

Henriette Bonde-Hansen (Arminda) et Jeremy Ovenden (Belfiore)

On peut parler d’un champ de bataille très resserré sur lequel ces sept personnages se livrent à une guerre amoureuse, où se révèlent les failles cachées, les fluctuations des états d’âmes, et une violence des cœurs sans fard.

Karl & Ursel Herrmann plantent un décor unique, une petite ile peuplée d’arbres bien rangés, dont l’un est penché comme une flèche d’amour décochée au milieu d’un cadre paisible.
 

L’actrice Mireille Mossé joue un rôle mystérieux, une main du destin qui agit un peu comme Puck, le mauvais esprit de Shakespeare, mais avec une intention positive et tendre.
Chaque acte débute avec une réplique de sa part qui questionne le sens de la vie, fascinante par la clarté et le modelé des phrases dites avec une voix enfantine.

Le jeu scénique imbrique plusieurs situations, car tous les personnages peuvent être présents en même temps, et l’espace est étendu au cadre qui entoure l’orchestre, ce qui permet de déplacer l’action au milieu de la salle.
Ainsi, les protagonistes ne se font pas de cadeaux, et tout est montré de la réalité pulsionnelle de chacun.

La musique de Mozart dévoile des passages d’une absolue poésie, le duo du troisième acte entre le comte Belfiore et Sandrina (« Dove mai son! ») se double du chant des instruments à vents et semble préfigurer l’adagio de la sérénade n°10, mais elle sert aussi d’accompagnement à l’action tout en finesse, sans qu‘il y ait toujours l’intensité que le compositeur développera par la suite. Les longueurs s’en ressentent.

Adam Plachetka (Nardo)

Adam Plachetka (Nardo)

Ainsi en est-il du rôle d’Arminda, présentée comme une bourgeoise exigeante et dominatrice, et défendue par les emportements énergiques d’Henriette Bonde-Hansen, rôle qui n’atteint pas encore la dimension d’une Vitellia.

En revanche, le personnage de Violante-Sandrina offre plusieurs facettes, et Sandrine Piau se montre aussi convaincante en jardinière, excitée comme le serait Cherubin, mais avec une voix plus légère, que dans la scène de la nuit, à la fin du second acte, où elle libère un déferlement d’invocations qui annonce l’Electra d’Idomeneo.

Parmi cette distribution entièrement vouée à l’âme mozartienne, Stella Doufexis possède la voix la plus ronde et la plus noble, un Ramiro d’une sincérité touchante, et Katerina Knezikova donne une image pimpante de Serpetta, la future Despina de Cosi fan tutte.

Pour elle, les Herrmann offrent une périlleuse scène de désespoir lorsqu’elle déambule autour du petit bassin et de l’orchestre, totalement saoule.

Mireille Mossé (...) et Sandrine Piau (Sandrina)

Mireille Mossé (...) et Sandrine Piau (Sandrina)

Ce n’est pas la fine musicalité des deux ténors, Jeffrey Francis et Jeremy Ovenden, qui les distingue l'un de l'autre, mais plutôt un moelleux un peu plus prononcé pour le Comte Belfiore, et à l’écoute du jeune Adam Plachetka, on reconnait les ombres des intonations de Don Giovanni, dont il paraît inimaginable qu’il n’envisage un jour ou l’autre d’en incarner le libertinage.

Le timbre de l’orchestre exalte le corps des bois, renforce le caractère restreint et intime du lieu de l’action, et John Nelson accorde beaucoup d’attention à la beauté du détachement des sonorités, lorsque les instruments se répondent.

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