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Publié le 10 Octobre 2013

Aida (Giuseppe Verdi)
Répétition générale du 07 octobre 2013 &
Représentations du 10 et 12 octobre 2013
Opéra Bastille

Aida Oksana Dyka / Lucrezia Garcia
Amneris Luciana d’Intino / Elena Bocharova
Radamès Marcelo Alvarez / Robert Dean Smith
Il Re Carlo Cigni
Ramfis Roberto Scandiuzzi
Amonasro Sergey Murzaev
Un Messaggero Oleksiy Palchykov
Una Sacerdotessa Elodie Hache

Mise en scène Olivier Py
Direction musicale Philippe Jordan

                                                                                                           Oksana Dyka (Aida) et un rebelle


Aida est le dernier d’une série de quatre opéras fastueux comprenant Le Bal Masqué (1859), La Force du Destin (1862) et Don Carlos (1867) composés par Verdi au cours d’une période où son goût pour les Grands Opéras s’est conjugué aux évènements qu’il avait évoqué dans nombre de ses opéras antérieurs, et qui se sont enfin accomplis.

Lorsque l’Autriche déclare la guerre à la Sardaigne et envahit le Piémont à la fin du mois d’avril 1859, Victor-Emmanuel II, prince de Piémont, duc de Savoie, comte de Nice et roi de Sardaigne, appelle à la lutte pour l’indépendance de la patrie italienne.

Oksana Dyka (Aida)

Oksana Dyka (Aida)

La guerre tourne à l’avantage décisif des Français et des Piémontais (victoire de Solferino le 24 juin), ce qui entraîne le rattachement de la quasi totalité de la Lombardie au Royaume de Sardaigne. Mais l’insurrection des états se poursuit jusqu’au 24 mars 1860, jour où l‘Italie centrale est rattachée au Piémont.

Le 11 mai 1860, Garibaldi débarque alors avec ses « Mille » en Sicile, mate les forces des Bourbons, prend Palerme et entre à Naples en septembre. La prise du port de Gaète, le 13 février 1861 marque la fin du Royaume des Deux-Siciles et de la guerre.

Le premier parlement italien peut ainsi s’ouvrir avec la présence du député Giuseppe Verdi.
Le 17 mars 1861, Victor-Emmanuel II est alors proclamé roi par le parlement italien.

Un garde

Un garde

Mais la réunification italienne n’est pas encore achevée. En avril 1866, l’Italie s’allie à la Prusse qui s’apprête à retirer à l’Autriche l’hégémonie dans la confédération des états germaniques.
Le 3 juillet 1866, les troupes prussiennes écrasent l’Autriche à Sadowa.
La paix de Vienne est signée le 03 octobre 1866, et l’Italie obtient le reste de la province de Lombardie-Vénétie.

C’est alors dans le fracas de la guerre franco-prussienne de 1870 qu’Aida va être composée.
Arrivent les terribles journées de la bataille de Sedan qui voient l’encerclement des troupes françaises. Verdi termine le second acte à ce moment-là, la fameuse marche des trompettes notamment. La chute du Second Empire permet ainsi au Royaume d'Italie de prendre Rome le 20 septembre (Les derniers territoires de Trente et Triestre ne seront intégrés qu'après la dislocation de l'Empire Austro-Hongrois en 1919).

Carlo Cigni (Le Roi)

Carlo Cigni (Le Roi)

Il est cependant impossible de monter Aida en janvier 1871, Paris étant assiégée et les décors et costumes bloqués. C’est seulement la veille de Noël, le 24 décembre 1871, qu’Aida est créée au Caire avec un succès triomphal.

La capitale française doit ainsi attendre le 22 avril 1876 pour découvrir l‘ouvrage au Théâtre Italien. L‘Opéra Garnier l‘accueille quelques années plus tard,  en 1880, dans sa version française. Reprise régulièrement, presque chaque année, jusqu’en 1968, Aida n’a plus été représentée à l’Opéra National de Paris depuis donc 45 ans.

Oksana Dyka (Aida)

Oksana Dyka (Aida)

Son entrée au répertoire de l’Opéra Bastille, le jour et à l’heure même de l’anniversaire des 200 ans de la naissance de Verdi, est bien un événement, et, signe qui ne trompe pas, le public s’est précipité en nombre inhabituel à la dernière répétition.

Alors, ce récapitulatif historique permet de comprendre dans quel contexte de guerre d’indépendance cet opéra a été créé et en quoi l’interprétation d’Olivier Py, si elle éradique toute référence égyptienne contenue dans le texte alors que Verdi s‘était attaché à appréhender cette culture avec les connaissances de l‘époque, reste néanmoins fidèle à son esprit politique tout en le raccrochant à notre histoire la plus proche.

Roberto Scandiuzzi (Le Grand prêtre) et Marcelo Alvarez (Radames)

Roberto Scandiuzzi (Le Grand prêtre) et Marcelo Alvarez (Radames)

A contrario de sa mise en scène d’Alceste à l’Opéra Garnier, Py s’empare de la machinerie intégrale de l’Opéra Bastille, plateau tournant, vérins hydrauliques, profondeur de la scène, pour créer une superproduction dans la même veine que Mathis der Maler, l’opéra de Paul Hindemith qu’il a créé dans cette même salle en 2010.

L’avant-scène est sertie d’un grand cadre fait de colonnades permettant aux solistes, mais aussi au chœur, de prendre place en frontal avec la salle. Cet encadrement doré est comme l’écrin d’un enchaînement de tableaux spectaculaires en trois dimensions, et ce dispositif, s’il révèle le goût pictural du metteur en scène, permet également de créer un espace musical latéral en hauteur. Les cuivres y seront disposés lors de la marche victorieuse.

Oksana Dyka (Aida)

Oksana Dyka (Aida)

Dès l’ouverture, un drapeau italien déployé par un rebelle flotte au-dessus de l’orchestre. Le roi se présente avec le drapeau autrichien auquel est incorporé le blason apparu seulement après la Première Guerre mondiale, et le temple est surmonté des inscriptions Vittorio Emmanuel Re Di Italia. Sous la pression des militaires, le messager annonce alors à ce roi influençable que son pays est envahi par les étrangers.

Enfin, l’ombre d’une grande fresque d’une ville détruite par des bombardements s’étire en arrière-plan. Elle est reprise du décor de Mathis Le peintre à l’instar du char d’assaut du défilé béni par le Grand Prêtre.


Dans cet univers de palais monumentaux couverts de parois d‘or réfléchissantes, de terrasses et de lustres fastueux, la population oppressée est en fait occupée, et donc menaçante. Olivier Py ne prend aucun gant pour décrire la réaction violemment nationaliste de l’occupant qui brandit des pancartes « Vive les colonies », « Les étrangers dehors! », « A mort les étrangers! » ce qui ne peut qu’échauffer les esprits dans la salle, puisque ces slogans sont dans l’air du temps.

Pourtant, ce mélange historique a un sens.
La haine de l’étranger, de l’existence de celui qui dérange, a toujours été présente dans les civilisations même chez les pays occupés.

                                                                                          Luciana d'Intino (Amneris)

Verdi ne disait-il pas, après les tirs du général Bava Beccaris sur la foule milanaise excédée par la situation économique : à quoi sert le sang versé pour l’unification de la terre italienne, si ses fils sont ennemis entre eux?

Le défilé du retour de campagne, qui commence par la scène – naturellement second degré - des soldats exposant fièrement leurs muscles bien gonflés, un des repères esthétiques favoris du metteur en scène, s’achève alors sur l’apparition d’un arc de triomphe magnifique surplombé d’un soldat glorifiant, qui se soulève petit à petit pour laisser apparaître en sous-sol les cadavres glaçants d’un peuple exterminé.
Py déconstruit également, à sa manière, le machisme des discours guerriers en prétextant du ballet pour faire apparaitre un militaire envouté par la danse d’une ballerine.

L’anticléricalisme de Verdi est bien connu, on le retrouve donc très lisiblement dans la mise en scène, non seulement parce que le clergé est clairement associé aux militaires au point de pousser le père d’Aida, Amonasro, à encourager l’incendie du temple, mais aussi parce que la décision de l’emmurement vivant des deux amants provient de Ramphis lui-même. Cette scène spectaculaire se déroule sous une immense croix en flamme; il en était de même dans Il Trovatore dirigé par Olivier Py à Munich en juin dernier pour l’ouverture du festival.

Oksana Dyka (Aida) et deux gardes

Oksana Dyka (Aida) et deux gardes

A la vision de cette lecture impitoyable, on ne peut que souhaiter voir Stéphane Lissner, prochain directeur de l’Opéra National de Paris, lui confier une nouvelle mise en scène de Don Carlos, si sa disponibilité le permet après ses deux ou trois premières années à la direction du festival d’Avignon.

Mais si le poids écrasant de l’histoire et si la prévalence des symboles guerriers font la force visuelle de ce spectacle, le lien théâtral qui unit les solistes à la musique et à la scénographie, lui, reste faible et conventionnel. On peut le comprendre, certains chanteurs internationaux n’ont pas la même souplesse que des acteurs de théâtre, et le temps a été nécessairement limité.

Sergey Murzaev (Amonasro)

Sergey Murzaev (Amonasro)

De même, si le chœur est superbement employé lorsque l’on entend ses oraisons funèbres et, parfois même, l’accompagnement musical provenir des ombres lointaines de l’arrière scène, certaines entrées sont réalisées entre deux scènes sans musique, rompant ainsi la fluidité dramatique, alors que cette continuité est pourtant bien pensée avec l’utilisation du plateau tournant.

 Ce besoin de parachèvement s’entend aussi dans l’orchestre. Philippe Jordan déploie des couleurs rutilantes et sensationnelles dans certains passages, met toujours bien en valeur la rondeur des sonorités, la netteté et la précision des cuivres, mais la difficulté à construire une trame symphonique qui pourrait apporter un liant d’ensemble se fait encore sentir.

Oksana Dyka (Aida)

Oksana Dyka (Aida)

Plus problématique, il se comporte, lors de cette première représentation, comme un professionnel dépassionné qui débute avec Verdi et tue la théâtralité de la musique en éludant lourdement toutes les attaques saccadées et impulsives qui sont les véritables « coups de sang » du compositeur. Quelque part, il lâche le metteur en scène qui a pourtant besoin de toute l’énergie de cette partition si riche et complexe.

 On retrouve alors le chef subtil et sensuel dans l’intimité de la grande scène entre Aida et son père, quand les réminiscences des archets s’élèvent progressivement pour subjuguer d’émotion le déchirement qui s’installe entre eux.

Comme pour Lucia di Lammermoor, deux distributions sont réunies en alternance pour chanter les rôles principaux et assurer les 12 représentations prévues jusqu’à mi-novembre. Dans un premier temps, seule celle de la première est commentée ci-après.

Oksana Dyka (Aida) et Sergey Murzaev (Amonasro)

Oksana Dyka (Aida) et Sergey Murzaev (Amonasro)

Oksana Dyka est apparue à l’Opéra de Paris en une saisissante Giorgetta (Il Tabarro). Aida est pour elle un rôle qui lui permet de projeter ses aigus métalliques qui ne dépareillent absolument pas avec la tonalité d’ensemble de la production,  mais cette froideur d’Europe centrale est un peu inhabituelle car l’esclave éthiopienne est l’âme de cette histoire. Elle devrait être plus sombre, expressive et souple quand la voix se fait basse. 
En fait, c’est son regard un peu ailleurs, sa belle féminité et sa distance qui la rendent intrigante.

 Toute la passion humaine se trouve alors concentrée dans le personnage d’Amnéris.  Luciana d’Intino est sans doute la seule grande chanteuse verdienne de la soirée, opulente dans les graves et soudainement très focalisée dans ses aigus voilés et satinés, où l‘on perçoit des reflets d‘une très grande clarté. Elle a bien sûr la gestuelle ampoulée des grandes divas classiques, mais sa présence est la seule à dominer la scène.

Marcelo Alvarez (Radames)

Marcelo Alvarez (Radames)

Même Marcelo Alvarez, dépassé par un concept trop peu conventionnel pour qu’il puisse pleinement exister, chante un Radamès un peu sur la réserve. Il s’accommoderait sans doute mieux de metteurs en scène tels Gilbert Deflo ou Giancarlo del Monaco.
Il a un style poétique, mais pas le sens dramatique et la profondeur que vient de révéler Michael Fabiano au cours de sa formidable interprétation romantique d’Edgardo dans Lucia.

Parmi les voix de baryton/basse, Roberto Scandiuzzi est un très beau Ramfis, voix presque de crème qui adoucit fortement les traits pourtant terribles du Grand Prêtre. Carlo Cigni, en roi, est plus neutre dans son interprétation, et Sergey Murzaev, le grand baryton russe que Nicolas Joel distribue régulièrement dans le répertoire italien, a pour lui une noblesse interprétative qu’il tient autant de la dignité de son allure que de la solidité de son timbre chaleureux. La diction, elle, reste peu contrastée.

Roberto Scandiuzzi (Le Grand prêtre)

Roberto Scandiuzzi (Le Grand prêtre)

Du début à la fin, les voix du chœur sont d’un magnifique raffinement surtout lors qu’il chante en arrière-scène. L’effet liturgique est saisissant.

De même, le messager d’Oleksiy Palchykov est très bien chanté et la prêtresse d’Elodie Hache est tout autant angélique, bien qu’elle reste dans les coulisses.

Mais tout ceci n’est-il pas vain, quand au salut final on entend des spectateurs huer des figurants, huer Roberto Scandiuzzi simplement parce qu’il est habillé en prêtre, et qu’une dame outrée que je puisse applaudir Olivier Py me demande si j’ai bien mon propre billet? Quel est ce public menaçant fasse à tout ce qui le gène? Il est sans doute nécessaire de rappeler que Py revendique sa foi catholique, ce qui ne l'empêche pas d'avoir le recul suffisant par rapport au comportement de l'église et de certains de ses fidèles. Si tout le monde avait son intelligence, la vie serait bien meilleure pour tous.

Marcelo Alvarez, Luciana d'Intino et Olivier Py

Marcelo Alvarez, Luciana d'Intino et Olivier Py

Passons sur ce public de première très particulier, pour appréhender la deuxième représentation qui repose sur une distribution des trois rôles principaux différente.

Aida est cette fois interprétée par Lucrezia Garcia, une soprano vénézuélienne régulièrement invitée à Vérone pour y apparaître dans ce rôle et celui d’Abigaille, ou bien à la Scala de Milan pour y être Odabella et Lady Macbeth.

Elle a une émission souple et musicale, un art du chant fin, sombre et aéré et surtout très homogène. Son timbre a quelque chose de surnaturel qui la désincarne un peu, d’autant plus qu’elle ne possède aucun jeu théâtral qui ne lui soit un peu personnel.

Elle est donc uniquement une voix immatérielle fascinante.

Elena Bocharova (Amnéris) et Lucrezia Garcia (Aida)

Elena Bocharova (Amnéris) et Lucrezia Garcia (Aida)

Son partenaire dans Radamès est un chanteur que nous connaissons à Paris depuis l’arrivée de Nicolas Joel, le directeur artistique. Robert Dean Smith fait son apparition en laissant entendre un chant aux lignes fluides et enveloppé d’un timbre doux et pacifiant. Son personnage est peu complexe, naïf et sincère, mais il perd en consistance et en séduction dans les aigus. Son duo final avec Lucrezia Garcia est cependant d’un naturel émouvant.

Quant à Elena Bocharova, son chant voluptueux, du à une noirceur qui fait presque d’elle une contralto, atteint une bien meilleure homogénéité dans les deux derniers actes. Elle aborde le personnage d’Amnéris avec superficialité en la rendant inutilement sympathique. En revanche, elle a des comportements sanguins qui peuvent lui donner une dimension qui impressionne, comme lorsqu’elle renvoie dans sa colère Ramfis et les prêtres pour leur condamnation de Radamès.

Lucrezia Garcia (Aida) et Robert Dean Smith (Radamès)

Lucrezia Garcia (Aida) et Robert Dean Smith (Radamès)

Mais la grande surprise de la soirée est le superbe déploiement orchestral tant attendu de la part de Philippe Jordan, deux jours après une première représentation qu’il avait beaucoup trop tenue sous contrôle.

Ce soir, les tissures orchestrales n'étaient pas à un seul instant noyées dans la fosse, les timbales dévalaient sur toute la longueur de la scène pour entraîner le drame, des ondes noires et fantastiques traversaient la grande scène du jugement qui n’aurait sinon jamais parue aussi forte que celle de l’autodafé de Don Carlos, avec la magnifique croix en flamme imaginée par Olivier Py.

On a entendu des rafales de vents, des flûtes traçant des traits filants, un éclat constant qui s’unissait au brillant du décor, et des alliages de percussions et de cuivres qui en magnifiaient les couleurs. Un grand, très grand Verdi moderne.

Philippe Jordan

Philippe Jordan

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Publié le 6 Octobre 2013

Les larmes amères de Petra von Kant (Rainer Werner Fassbinder)

Représentation du 05 Octobre 2013
Odéon Théâtre de l’Europe
Ateliers Berthier

En allemand, traduction audio simultanée

Petra von Kant Bibiana Beglau
Karine Andrea Wenzl
Marlene Sophie von Kessel
Sidonie Michaela Steiger
Valerie von Kant Elisabeth Schwarz
Gabrielle von Kant Elisa Plüss

Mise en scène Martin Kusej
Scénographie Annette Murschetz

                                                                         Bibiana Beglau (Petra von Kant)   (C) Hans Jörg Michel

 

On peut toujours voir dans certaines salles d‘Art et Essai «Die Bitteren Tränen der Petra von Kant », le film que Rainer Werner Fassbinder réalisa en 10 jours en 1972, un an après avoir écrit la pièce du même nom. Ce film magnifique nous immerge dans l’univers clos et violemment passionnel de Petra von Kant, une créatrice de mode dont le succès a précipité la décomposition de son couple avec Frank, mené par complexe à une dégénérescence sexuelle.
Peu après son divorce, elle fait la rencontre d’une jeune femme, Karine, dont elle va s’éprendre d’une passion amoureuse irrépressible et dévastatrice.

Il y a une tension psychologique et un esthétisme érotique dans ce film étouffant qui ne nous laissent pas un seul instant décrocher de chaque mot, de chaque pensée, et qui nous tiennent constamment le cœur serré.

Bibiana Beglau (Petra von Kant)   (C) Hans Jörg Michel

Bibiana Beglau (Petra von Kant) (C) Hans Jörg Michel

Martin Kusej, le directeur du Residenz Theater de Munich n’est pas n’importe quel metteur en scène, et, en France, pays dont la culture théâtrale est beaucoup plus conventionnelle qu'en Allemagne, il ne peut nécessairement s‘adresser qu‘à un public restreint.

Il interprète les œuvres en broyant radicalement toute trace d’amour humain pour ne laisser place qu’à la violence, au sexe et au sang, et à la mort.

Ainsi, Paris a pu se faire une idée de son travail à travers deux opéras : Carmen, en 2007 au Théâtre du Châtelet, et l’extraordinaire Lady Macbeth de Mzensk interprétée par Eva Maria Westbroek à l’Opéra Bastille en 2009.

On retrouve des éléments de la scénographie de Lady Macbeth dans sa mise en scène des « Larmes amères de Petra von Kant », conçue à partir d’une scène carrée entourée de parois de plexiglas, et qui commence par une danse sous des effets stroboscopiques hypnotisant.

Andrea Wenzl (Karine)   (C) Hans Jörg Michel

Andrea Wenzl (Karine) (C) Hans Jörg Michel

Les spectateurs, disposés tout autour de cette «cage de verre» , se trouvent alors en situation de voyeurisme assumé, mais, le dispositif ne permettant pas le sur titrage, la traduction du texte allemand est réalisée à travers un système d’écouteurs personnels qui ne permet plus d’écouter en direct la déclamation incisive et sensuelle des actrices.

C’est pourquoi, mieux vaut au préalable prendre le temps de lire le résumé de la pièce gracieusement offert, et suivre normalement la pièce sans les écouteurs, car la radicalité expressive des comédiennes est suffisante pour saisir l’enjeu émotionnel d’une exceptionnelle interprétation.

Bibiana Beglau, en Petra von Kant, est une fascinante actrice habituée aux rôles excessifs. Elle dégage une énergie animale formidable, et ses regards en amande ont l’effet aussi perçant que celui d’un aigle sur lequel on lit d’avance les intentions agressives.

Sa rencontre avec Karine, Andrea Wenzl, révèle tout l‘opposition qui les rapproche. L’une est blonde, sexuellement provocante dans sa tenue serrée noire, l’autre est brune et vêtue d’une lingerie aussi blanche que la lumière intense qui baigne la pièce centrale de la scène.

Sophie von Kessel (Marlene) et Bibiana Beglau (Petra von Kant)   (C) Hans Jörg Michel

Sophie von Kessel (Marlene) et Bibiana Beglau (Petra von Kant) (C) Hans Jörg Michel

Au milieu des dizaines de bouteilles de Gin, pour la plupart vides, qui jonchent le sol, les deux femmes se livrent à un apprivoisement mutuel qui atteint son paroxysme dans une scène d’amour sensuelle et réaliste, magnifiquement éclairée par une lumière rasante.
Ensuite, Kusej décrit la violence sadomasochiste avec laquelle leur lien se distend sans rien épargner des gestuelles sexuelles explicites et du fracas des bouteilles qui s’écrasent et éclatent sur les vitres.

L’excès transgressif de certaines scènes est tel que la réponse à ce choc peut créer un sentiment d’admiration intense, presque extatique.

Toutes ces femmes, Michaela Steiger (Sidonie), Elisabeth Schwarz (La mère de Petra) et Elisa Plüss (la fille de Petra), jouent dans la même veine, avec le même sens du texte.

Sophie von Kessel, en Marlène, est silencieuse tout au long de la pièce. Seules les cernes révèlent la destruction psychique de son état. Elle finit pas se pendre, sans doute, par le goût du macabre qu’affectionne Kusej.
 

Ce désespoir incontrôlé et délirant est beau car il extériorise à outrance ce qu’un amour fou peut nous faire vivre intérieurement. Il faut, cependant, être prêt à le voir en vrai pour accepter ce spectacle très fort.

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Publié le 5 Octobre 2013

Letzte Tage, Ein Vorabend (Christoph Marthaler)
Derniers jours. Une veillée
Représentation du 30 septembre 2013
Théâtre de la Ville

Mise en scène Christoph Marthaler
Direction musicale Uli Fussenegger
Scénographie Duri Bischoff
Costumes Sarah Schittek
Dramaturgie Stefanie Carp

Acteurs Tora Augestad, Carina Braunschmidt, Bendix Dethleffsen, Silvia Fenz, Ueli Jäggi, Katja Kolm, Josef Ostendorf, Clemens Sienknecht, Bettina Stucky, Michael von der Heide, Thomas Wodianka

Musiciens Uli Fussenegger (contrebasse), Michele Marelli (clarinette, cor de basset), Julia Purgina (alto), Hsin-Huei Huang (piano, harmonium), Sophie Schafleitner (violon), Martin Veszelovicz (accordéon)

Production Wiener Festwochen
Coproduction Staatsoper Under der Linden (Berlin)
Coopération avec le Kunsten Festival des Arts (Bruxelles) et le Festival International de Théâtre « Dialog-Wroclaw »
Avec le soutien de Ernst von Siemens Musikstiftung



La représentation de « Derniers jours. Une veillée » du lundi 30 septembre 2013 s’est jouée au moment même où des partis d’extrême droite européens ont réalisé des avancées électorales importantes.

La veille, en Autriche, l’ancien parti de Jörg Haider, le FPÖ, a dépassé les 20% lors des élections législatives, et, le soir même du spectacle, la présidente du parti libéral norvégien FrP, Siv Jensen, a été appelée à rejoindre le gouvernement minoritaire conservateur d’Erna Solberg.

Letzte Tage - Ein Vorabend (C.Marthaler) Théâtre de la Ville

Trois jours plus tard, en France cette fois, un sondage publié dans le Figaro situe Marine LePen, présidente du Front National, comme la troisième personne politique que les Français souhaiteraient voir jouer un rôle important dans les prochains mois.
Elle s’empressera, le soir même, de renier le qualificatif «d’extrême droite» pour son parti, dans l’idée d’en faire une marque « bien sous tous rapports ».

Dans ce cas, cependant, elle bénéficie d’un électorat populaire qui fuit le parti de droite UMP dirigé par Jean François Copé, un homme politique provocateur et profondément faux proche des milieux d’affaires. Il s'est récemment illustré par ses propos destinés à exacerber les sentiments homophobes refoulés d'une partie de la population française lors du vote sur le "Mariage pour tous", alors qu'il y est lui-même favorable à titre personnel.

Enfin, le comportement tolérant du premier ministre hongrois Viktor Orban vis-à-vis des propos anti-Roms de ses proches est sous le contrôle du parlement européen.

La France n’est pas exempt de déclarations, et le mardi 01 octobre 2013, le lendemain même de cette représentation, Nadine Morano a mis en ligne une pétition anti-Roms, en parlant d'"invasion illégale" alors que leur droit à la libre circulation est reconnu. Dans ce cas, cependant, il s’agit d’une personnalité politique représentative d’une mentalité particulièrement médiocre et déplorable.

Letzte Tage - Ein Vorabend (C.Marthaler) Théâtre de la Ville

Dans ce contexte de montée de l’extrême droite qui exprime un rejet du multiculturalisme, la pièce de Christoph Marthaler se présente comme une invitation à la commémoration des discours et des actes qui, avant la première Guerre Mondiale, ont préparé la catastrophe de la Shoah.

C’est dans la salle plénière de l’ancienne chambre des députés, salle historique du Parlement de l’Autriche-Hongrie, que ce projet a été monté pour la première fois au mois de mai de cette année, un lieu où les propos racistes ou antisémites ont sans doute eu une portée supérieure à l’effet produit au Théâtre de la Ville.

En effet, pour recréer ce parlement, le théâtre a été aménagé de manière à ce que le public soit installé sur scène, face aux sièges et gradins - volontairement dégradés - de la salle sur lequel le spectacle est joué.

Un petit orchestre est ainsi situé à mi-hauteur pour faire entendre des pièces de Wagner « Siegfried Idyll » mais surtout des morceaux composés par des artistes qui durent fuir les persécutions nazis, Ernest Bloch, ou qui périrent gazés dans les camps - Viktor Ullmann.
Un piano est également placé tout en hauteur.

Hormis l’inconfort de l’installation pour les spectateurs, relativement serrés, un des défauts du dispositif est de placer l’écran de sur-titrage beaucoup trop haut, alors qu’il aurait pu être incrusté en osmose avec l’hémicycle afin de faciliter la lecture et le suivi du jeu.

Letzte Tage - Ein Vorabend (C.Marthaler) Théâtre de la Ville

Sur la scène inversée, un personnel au comportement burlesque s’anime, et Marthaler lui fait prononcer des petites phrases en apparence anodines qu'il peut adapter selon la situation politique du jour. On entend ainsi des allusions aux Roms.

Un des moments forts de toute la première partie est la reprise d’un discours raciste de Karl Lueger.
Ce personnage qui fut le maire de Vienne avant la Première Guerre inspira fortement Hitler par ses propos antisémites et, aujourd’hui, l’Autriche est toujours aussi embarrassée avec ce symbole, même si l’avenue qui portait son nom à Vienne a été renommée Universitätdsring en juillet 2012.

L’image de cet orateur et d'une députée viennoise, qu’une actrice symbolise dans un contexte actuel derrière un pupitre en surplomb des gradins, a pour elle la force qui conditionne tout mouvement et parti d’extrême droite : l’existence d’un leader charismatique. Marthaler en déconstruit alors l'image de celle-ci en la faisant interpréter un air tyrolien qui la ridiculise.

Au fur et à mesure que la pièce avance, l’interprétation musicale prend une place de plus en plus importante. Les pièces choisies dégagent une tension et une âpreté amplifiée par l’austérité de la salle et le silence dans lequel elles se font entendre, au risque d’endormir le spectateur, la baisse de lumière aidant.

Letzte Tage - Ein Vorabend (C.Marthaler) Théâtre de la Ville

Il y a des moments magnifiques quand les acteurs se font chanteurs, l’acoustique sèche du théâtre permettant de les entendre avec une précision d’orfèvre.

Autre passage humoristique, l’arrivée de touristes chinois qui entrent inopinément pour photographier le parlement d’une Europe qui n’est plus qu’un musée une fois les idéologies passées.

Mais la réflexion ne peut avoir véritablement lieu qu’après la représentation. On en sort sonné - sans avoir grand-chose à en dire car un tel sujet ne supporte pas la banalité - mais surtout obsédé par la longue marche du chœur que l’on a entendu s’éloigner et chanter tout autour du théâtre et revenir pour s’arrêter net dans une lumière de plus en plus crépusculaire.

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Publié le 1 Octobre 2013

Tristan und Isolde (Richard Wagner)
Représentation du 29 septembre 2013
Vlaamse Opera Antwerpen

Isolde Lioba Braun
Tristan Franco Farina
Le Roi Marke Ante Jerkunica
Brangäne Martina Dike
Kurwenal Martin Gantner
Melot Christophe Lemmings
Un jeune marin / un berger Stephan Adriaens
Un pilote Simon Schmidt

Mise en scène Stef Lernous
Direction musicale Dmitri Jurowski
Orchestre et Choeurs du Vlaamse Opera

 

                                                                                                           Lioba Braun (Isolde)

Parfois, il arrive qu’une affiche ne présentant que des célébrités, comme celle de l’Opéra de Munich qui comprenait, en mars dernier, les noms de Meier, Lang, Dean Smith, Nagano, ne soit pas suivie d’une interprétation artistiquement captivante, et sombre dans une routine approximative.

Mais il arrive également qu’une distribution construite sur un ensemble de très bons chanteurs, qui ne soient pas pour autant starisés, réussisse à extraire d’un spectacle une âme qui vous prenne et vous touche en vous rendant heureux d’être là à les entendre.
Et c’est-ce qu’il vient de se produire au Vlaamse Opera d’Anvers avec la nouvelle production de Tristan et Isolde présentée en ouverture de saison.

Stephan Adriaens (Un jeune marin)

Stephan Adriaens (Un jeune marin)

Le metteur en scène Stef Lernous, mieux connu pour être le directeur artistique de l’Abattoir fermé, un théâtre tourné vers les mondes situés en marge de la société, a en effet construit un thriller qui s’appuie sur des éléments d’actions et de lieux qui ne sont généralement pas évoqués, et qu’il transpose dans un univers glauque contemporain.

Le premier acte se déroule à la sortie d’un cinéma, lors de la dernière représentation du soir, devant lequel le corps d’un homme assassiné, le Morold, git sur le sol. Les badauds sont présents, les représentants de l’ordre également, mais Isolde et Brangäne, désemparées, ne dénoncent cependant pas celui qui en est l’auteur, Tristan.

La confrontation entre les deux protagonistes qui s’aiment sans le reconnaître se déroule à l’avant-scène avec une lisibilité naturelle.

Martina Dike (Brangäne) et Lioba Braun (Isolde)

Martina Dike (Brangäne) et Lioba Braun (Isolde)

Dans la seconde partie, les deux amants se retrouvent dans une sorte de vestiaire délabré, un lieu volontairement sale et sordide, dont le visuel rebute et s‘oppose à la plénitude de la musique.
Sur un écran, apparaissent furtivement les regards espions de Marke et Melot, alors que Brangäne met en garde les amants de la traque dont ils sont l’objet.
L’arrivée de Marke en sorte de chef d’organisation criminelle, escorté par des écuyères raides dans leurs bottes et porteuses d’un sceau chevaleresque sur la poitrine, tourne au règlement de compte.

Il s’agit, ici, d’une vision moderne de la transgression des règles dont est coupable Tristan, habillé de vieux vêtements usés.
Le plus extraordinaire, dans cette scène, est que la déliquescence contenue dans la musique de Wagner en renforce le sentiment de décrépitude. Le meurtre de Tristan par Melot, un voyou zélé, a ainsi quelque chose de très réaliste.

Lioba Braun (Isolde) et Franco Farina (Tristan)

Lioba Braun (Isolde) et Franco Farina (Tristan)

Il faut alors un certain temps pour comprendre pourquoi nous nous retrouvons, au dernier acte, dans un restaurant de luxe situé sur les escarpements d’une montagne qui fait penser à la Montagne Magique de Thomas Mann. Cette description fantastique du château de Kurwenal et de ses clients sans âme qui filment l’agonie de Tristan semble être une manière décalée de représenter le monde réel tel que, blessé à mort, il le perçoit.
C’est en tout cas étrange, comme ce gouffre rougeoyant vers lequel se dirige le couple à la fin du Liebestod.

Mais cette conception aurait-elle pu être aussi captivante et sublimer nombre de passages simplement humains, si la direction et l’interprétation musicales n’avaient été aussi fortes et prenantes?
L’Opéra d’Anvers est d’une taille modeste, et ses loges en bois lui donnent un charme british chaleureux et intime, si bien que l’ampleur d’une œuvre comme Tristan & Isolde apparaît bien importante pour un tel lieu.

Lioba Braun (Isolde) et Franco Farina (Tristan)

Lioba Braun (Isolde) et Franco Farina (Tristan)

Seulement, la direction musicale de Dmitri Jurowski est une merveille à la fois de dynamisme, de brillance et d’épaisseur. Les écoulements fluides des cordes et les contrastes des bois lui donnent du corps et du mouvement et, par conséquent, une réalité palpable, changeante avec tous les motifs frémissants et une vie inaltérable.

Ce Tristan profond et terrestre, et qui laisse de côté les évanescences immatérielles, fond l’action scénique en quelque chose qui unit le drame et les chanteurs dans un tout artistiquement magnifique et émouvant.

Parmi ces chanteurs, Franco Farina est une énigme. Ce ténor avait fait les beaux jours des années Gall à l’Opéra de Paris dans les années 90, interprétant des rôles majeurs ou secondaires du répertoire italien, Macduff (Macbeth), Foresto (Attila), Caravadossi (Tosca) ou Calaf (Turandot) sans éclat particulier, mais, avec un grain dans la voix que, personnellement, je n’avais pas oublié.
Et depuis, plus rien. Puis, pour la première fois depuis une décennie, son nom réapparait soudainement en tête d’un des rôles les plus écrasants de l’histoire lyrique, ce qui ne peut qu’engendrer interrogations.

Une garde et Christophe Lemmings (Melot)

Une garde et Christophe Lemmings (Melot)

Alors, sans arriver à expliquer quoi que ce soit, l’interprétation de Tristan qu’il vient de faire à Anvers a de quoi marquer. Son timbre n’a rien de séducteur, certes, mais la solidité du chant, sombre et homogène, est sans faille, et le legato est suffisamment travaillé pour en adoucir l’expressivité.
Et même dans les moments les plus désespérés, il ne cherche pas à forcer l’affectation, ce qui, d’ailleurs, ne détériorerait pas ses expressions quand la souffrance se fait extrême.
Cette impression de chant naturel, sans signe d’essoufflements tout au long du drame, à part, peut être, dans le final du Ier acte, est quand même quelque chose d’assez rare pour ne pas le reconnaître.

Martin Gantner (Kurwenald)

Martin Gantner (Kurwenald)

Et on pourrait dire la même chose de tous ses partenaires, Lioba Braun en premier. Son Isolde a un timbre assez similaire à celui de Waltraud Meier, plus soyeux et harmonieux et aussi un peu plus fragile. Mais son jeu scénique, plus économe, ne lui donne pas le même charisme. Hormis cette réserve, son personnage est passionné, d’un très haut niveau dramatique, d’une surprenante naïveté après l’absorption du filtre d’amour, avec un petit côté « bourgeoise » sans doute du à la mise en scène.

Elle est en permanence soutenue par sa partenaire, Martina Dike, qui compose une Brangäne de grande classe, presque trop incendiaire dans ce théâtre trop petit pour elle. Elle a une manière d’être extrêmement touchante car elle est dans un état d’esprit constamment compassionnel, d’une dignité sans faille, et sa clarté la rapproche fortement d’Isolde.

Lioba Braun (Isolde) et Franco Farina (Tristan)

Lioba Braun (Isolde) et Franco Farina (Tristan)

Et l’on retrouve cette même solidité chez Ante Jerkunica, le Roi Marke, et Martin Gantner, Kurwenal. Le premier ne cède jamais au pathétique pour tenir son personnage sur une ligne autoritaire qui a du charme, et le second, vêtu aussi sobrement que Tristan, impose un personnage fraternel, fortement présent, d’une stature qui lui est égale.

Et dans les rôles plus secondaires, Christophe Lemmings joue un Melot terriblement crapuleux, à l’opposé de Stephan Adriaens, tendre et léger marin.

Nul doute que l’esthétique de ce spectacle puisse déplaire, mais la dramaturgie et l’interprétation musicale sont, elles, une surprenante réussite.

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Publié le 27 Septembre 2013

Alceste (Christoph Willibald Gluck)
Répétition générale du 09 septembre &
Représentations du 22 et 28 septembre 2013

Admète Yann Beuron
Alceste Sophie Koch
Le Grand Prêtre Jean François Lapointe
Hercule Franck Ferrari
Coryphées Stanilas de Barbeyrac
                 Marie-Adeline Henry
                 Florian Sempey
                 Bertrand Dazin
L’Oracle François Lis

Mise en scène Olivier Py
Direction musicale Marc Minkowski
Chœur et Orchestre des Musiciens du Louvre

                                                                                                        Dionysos

La détermination d’Alceste à rejoindre les enfers pour éviter de vivre avec l’absence de son homme aimé est une force romantique que l’on retrouve dans le personnage de Juliette, l’héroïne de Shakespeare.
Alors, en faisant tant ressembler la femme d’Admète à sa Juliette telle qu’il l’avait représentée à l’Odéon, avec son long manteau noir et sa chevelure si féminine, Olivier Py ne fait que révéler cette similitude entre le compositeur allemand et le dramaturge anglais.

Sophie Koch (Alceste)

Sophie Koch (Alceste)

Pour le spectateur d’opéra curieux de bon théâtre, c’est-à-dire de cet art qui s’intéresse à la vie de l’esprit avec tous ses méandres sombres et inextricables, et accoutumé à l’univers du metteur en scène, la poésie visuelle qui émane de ces décors éphémères dessinés si finement à la craie sur de larges pans noirs devant lesquels les personnages vivent la joie et la douleur du drame dans leur vérité simple et touchante, est une très belle manière de rendre le classicisme de l’œuvre plus proche de lui.

Sophie Koch (Alceste)

Sophie Koch (Alceste)

On se laisse aller à admirer les détails de la façade de l’Opéra Garnier, le temple d‘Apollon, maître de la Poésie et de la Musique, la reconstitution des rues de ce qui semble être Venise, les forêts torturées, la nuit étoilée derrière laquelle le chœur murmure un magnifique chant élégiaque, les symboles évidents du Cœur et de la Mort, et Olivier Py réussit naturellement à saisir l’essence du texte et la transcrire dans une vision qui lui ressemble, jusqu’aux garçons toujours physiquement parfaits, qu’il s’agisse des enfants d’Alceste, ou bien de cet Apollon dansant et solaire que l’on retrouvait dans sa pièce Die Sonne.
Ainsi, s’opposent à travers la sensualité de ce même danseur, les forces tentatrices dionysiaques, lors du banquet que célèbre le peuple à la joie de savoir Admète sauvé, et les forces inspiratrices du lyrisme, Apollon, qui l‘emportent à la fin.

Yann Beuron (Admète)

Yann Beuron (Admète)

Dans le troisième acte, il fait également un très bel usage de l’éclairage néon pour induire une atmosphère crépusculaire dans la salle même, alors qu’Alceste se présente aux portes des enfers, devant l’orchestre, situé sur la scène, laissant ainsi la fosse se transformer en Styx symbolique, embrumé tout en chantant, par l’intermédiaire du chœur, la voix lugubre des morts.

Il saisit ainsi la beauté essentielle de la musique, la délicatesse des sentiments humains, tout en laissant, de ci de là, surgir les thèmes qui lui tiennent à cœur, le désespoir politique que suscite le sort funeste d’Admète, la noirceur romantique d’Alceste, la vitalité insolente d’un éphèbe couvert des lauriers de la poésie et du chant, et, enfin, les symboles chrétiens qui sauvent de tout.

Le Banquet (deuxième acte)

Le Banquet (deuxième acte)

Tout en osmose avec son orchestre, Les Musiciens du Louvre, Marc Minkowski insuffle à la musique de Gluck une tension vivifiante dont il exalte la modernité des couleurs, une grâce éthérée que l’on ne lui connaissait pas, sans accentuer pour autant le pathétisme de la partition.
Et il est au cœur du drame, de la vie intérieure de chaque chanteur, ce qui l’oblige à une attention de toute part, jusqu’aux chœurs, importants acteurs de la pièce, superbes de nuances, de tonalité profonde si changeante, qui peuvent autant exprimer la force de l’espoir que les tristes murmures des adieux.
Tout cela est véritablement très beau à voir et à entendre, austère diront certains, ou terriblement vrai comme le ressentiront bien d'autres.

Sophie Koch (Alceste)

Sophie Koch (Alceste)

Tragédienne classique, Sophie Koch est donc une Alceste faite pour se fondre dans ce théâtre moderne. Elle ne domine pas Yann Beuron, mais se situe dans un échange à part égale, sa voix plutôt claire, révélant des graves magnifiquement dramatiques dans « Divinités du Styx »,  tout en lui permettant de conserver une netteté de diction qu’elle gomme parfois quand les noirceurs lyriques l’emportent.

C’est cependant dans toute la détermination du premier acte qu’elle est la plus impressionnante.

Florian Sempey, Stanilas de Barbeyrac, Bertrand Dazin, Marie-Adeline Henry (les Coryphées)

Florian Sempey, Stanilas de Barbeyrac, Bertrand Dazin, Marie-Adeline Henry (les Coryphées)

Yann Beuron, ténor poétique tel qu’on aurait si bien envie de le décrire, est d’une humaine évidence, un charme vocal sombre qui, lui, reflète le fatalisme de la musique avec un sens de l’intériorité pathétique que peu de chanteurs français peuvent atteindre.

Et de cette distribution entièrement francophone qui intègre les jeunes fleurons de l’Atelier Lyrique, Stanilas de Barbeyrac, Marie-Adeline Henry, Florian Sempey, tous excellents, Jean François Lapointe y trouve, en Grand Prêtre, un rôle dont il soigne la prestance et le langage.

Apollon

Apollon

 Franck Ferrari, lui, se démarque toujours aussi bien dans les opéras de Gluck, doué d’une vérité expressive naturelle à la fois forte et inquiétante qui, même dans des rôles courts, lui donne une présence qui marque bien au-delà de la représentation.

Et se conjuguent ainsi à cet ensemble si homogène, les éclats de voix baroques du contre ténor Bertrand Dazin, et les noirceurs détachées de François Lis.

Alceste (Koch-Beuron-Lapointe-Minkowski-Py) Palais Garnier

A l'entracte, le rideau se baisse sur une reproduction inspirée de La montée des âmes vers l'Empyrée de Jérôme Bosch, chef d'oeuvre de l'Art flamand conservé au Palais des Doges, dont la lumière fait écho aux derniers mots gravés sur le décor : La Mort n'existe pas

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Publié le 15 Septembre 2013

L'Affaire Makropoulos (Leos Janacek)
Répétition générale du 14 septembre 2013 et représentation du 16 septembre 2013
Opéra Bastille

Direction musicale Susanna Mälkki
Mise en scène Krzysztof Warlikowski

Emilia Marty Ricarda Merbeth
Albert Gregor Attila Kiss-B
Jaroslav Prus Vincent Le Texier
Vítek Andreas Conrad
Krista Andrea Hill
Janek Ladislav Elgr
Maître Kolenaty Jochen Schmeckenbecher
Hauk-Sendorf Ryland Davies

Production créée en avril/mai 2007 à l’Opéra Bastille
Coproduction avec le Teatro Real de Madrid           Marilyn Monroe (ouverture de Věc Makropulos)


Des quatre productions réalisées par Krzysztof Warlikowski sous la direction de Gerard Mortier, l’Affaire Makropoulos est celle qui a obtenu l’unanime reconnaissance de la part du public et de la critique.
Toute sa mise en scène joue sur l’ambivalence des désirs humains et de leurs rapports à l’instinct animal, lorsqu’ils prennent pour objet une artiste mythique. Et l’on retrouve dans tout le livret de cet opéra des allusions à ces émotions fondamentales.

Ricarda Merbeth (Emilia Marty) et Attila Kiss-B (Albert Gregor)

Ricarda Merbeth (Emilia Marty) et Attila Kiss-B (Albert Gregor)

On reconnait ainsi dans le travail de Warlikowski cette formidable capacité à construire un spectacle à partir d’une lecture extrêmement détaillée du texte, et d’une analyse profondément humaine de la nature des personnages.

Ainsi, dès l’ouverture de l’Affaire Makropoulos, la musique de Janacek s’empare d’un univers cinématographique où se mêlent des extraits de films du divorce de Marilyn Monroe avec Joe DiMaggio, de sa rencontre avec ses fans, et de King Kong, symbole animal du désir du mystère

féminin.

Par la suite, les trois actes nous font passer de la Marilyn de « The seven Year Itch » (Billy Wilder 1955) à  Rita Hayworth, quand elle jouait  dans « Gilda » (Charles Vidor 1946), pour conclure sur le dernier film inachevé de Marilyn, « Something’s got to give » (George Cukor 1962), et la scène de la piscine.

Les transitions sont assurées par des extraits de « Sunset Boulevard » (Billy Wilder 1950) qui projettent les fascinantes expressions de Gloria Swanson, dans le rôle d’une actrice résolument attachée à vivre éternellement ses heures de gloire.


                                                                                      Andrea Hill (Krista)

 

Ce contexte psychologique, fortement sensuel, est ainsi magnifiquement projeté vers le spectateur, ce qui le rend en prise avec l’oeuvre même s’il ne comprend pas tout de cette intrigue complexe.
Pour la résumer, nous sommes au XXième siècle alors qu’un procès oppose Ferdinand Mc Gregor et Jaroslav Prus, descendants de deux familles qui se disputent l’héritage du Baron Prus, homme qui vécut au début du XIXème siècle.

Vincent Le Texier (Jaroslav Prus)

Vincent Le Texier (Jaroslav Prus)

La célèbre et mystérieuse chanteuse Emilia Marty semble s’intéresser de près à cette affaire, et tout le monde, hommes et femmes, est attiré par elle, même Ferdinand et Krista.

L’histoire va révéler que si cette femme est aussi froide, et pourtant attirante, c’est parce qu’elle a bu un élixir de vie qui l’a rendu immortelle. Elle en a perdu aussi son goût de la vie.

Son intérêt pour ce procès, lui, vient de la liaison qu’elle eut dans le passé avec le baron Prus, quand elle se nommait Elina Makropoulos. Elle recherche les preuves écrites de cette relation pour réparer l‘injustice envers Mc Gregor, mais également pour retrouver le remède qui pourrait la rendre à nouveau mortelle.

Ricarda Merbeth (Emilia Marty)

Ricarda Merbeth (Emilia Marty)

Depuis la dernière reprise, en 2009, la distribution est presque intégralement renouvelée.
Il n’est évidemment pas facile pour Ricarda Merbeth de succéder à Angela Denoke. Elle n’en a pas le glamour, et elle n’a jamais été une grande actrice.

Mais une fois passées les limites de l’incarnation de Marilyn Monroe, la soprano allemande trouve un moyen d’expression qui dessine d’une voix belle et troublante aux accents acides un portrait d’Emilia Marty hautain et un peu déjanté, ce qui souligne encore plus, par l’attraction que lui vouent les protagonistes, cette faculté que peut avoir l’être humain à s’éprendre d’un personnage qui méprise pourtant cet élan instinctif.

Ricarda Merbeth (Emilia Marty)

Ricarda Merbeth (Emilia Marty)

Surprenante, elle l'est aussi par la formidable adaptation au rôle qu'elle a acquise depuis la dernière répétition, lapidaire dans le geste et clairement plus spontanée.

Toute la scène finale est un immense chant à la vie, et elle l'offre sans la moindre retenue. Sa voix, resplendissante, résonne toujours dans la tête plusieurs heures après la fin de la représentation.

Scène, orchestre et "Boulevard du Crépuscule" (ouverture du IIIeme acte de l'Affaire Makropoulos)

Scène, orchestre et "Boulevard du Crépuscule" (ouverture du IIIeme acte de l'Affaire Makropoulos)

Attila Kiss-B, en Ferdinand McGregor, paraît dans un premier temps assez banal. Mais, à partir du duo intime avec Emilia, le moment clé où le drame s’humanise, il gagne en force et en intensité pour devenir un personnage dont la présence puisse s’opposer à celle de Vincent Le Texier.
Car ce dernier a l’habitude de travailler avec Krzysztof Warlikowski, et cela se voit. Il joue un extraordinaire Jaroslav Prus, implacable avec ses partenaires, c’est véritablement une très grande incarnation théâtrale. Sa voix est en plus génialement expressive.

Vincent Le Texier (Jaroslav Prus) et Ricarda Merbeth (Emilia Marty)

Vincent Le Texier (Jaroslav Prus) et Ricarda Merbeth (Emilia Marty)

Tous les seconds rôles, sans exception, sont très bien tenus et, comme toujours avec Warlikowski, totalement crédibles scéniquement. Ils sont liés par la force du théâtre.

Ainsi, Andrea Hill est merveilleuse de pétillance, et d'une douceur tout charmante, en Krista. Elle est accompagnée dans son grand air d'entrée par un magnifique ensemble d'entrelacements de cordes qui vise les sentiments les plus nostalgiques du coeur.

Ricarda Merbeth (Emilia Marty)

Ricarda Merbeth (Emilia Marty)

Car la direction musicale est une très grande interprétation de ce chef-d'oeuvre. Susanna Mälkki travaille les couleurs et l’homogénéité d’ensemble en laissant de l’épaisseur et de l’âpreté aux cordes sans négliger pour autant le lyrisme de la musique. Les flûtes jaillissent et surprennent à la manière des jets d’eau des geysers, les cuivres, d’une rondeur chaude, sont fondus dans la masse avec éclat, et, malgré la complexité orchestrale, il règne une harmonie vivante très surprenante à écouter. On dirait que l'énergie de la moindre phrase se communique aux motifs qui lui succèdent comme dans une sorte d'allant sans cesse renouvelé. Il y a de la tension, même dans les moments les plus intimes.

Vincent Le Texier, Susanna Mälkki et Ricarda Merbeth

Vincent Le Texier, Susanna Mälkki et Ricarda Merbeth

Alors, au delà du plaisir que l'on éprouve à retrouver Krzysztof Warlikowski à l'Opéra National de Paris, de nombreux signes laissent penser que cette saison débute sur une voie immuablement mêlée d'excellence, d'intelligence et de profondeur. Et il faut espérer que ce spectacle trouve un public curieux, désireux de sortir du conformisme toujours plus puissant, pour découvrir une oeuvre et une musique qui ne le laisse pas indifférent.

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Publié le 8 Septembre 2013

Lucia di Lammermoor (Gaetano Donizetti)
Répétition générale du 05 septembre &
Représentation du 07 septembre 2013

Opéra Bastille

 
Lucia Sonya Yoncheva / Patrizia Ciofi
Edgardo Michael Fabiano / Vittorio Grigolo
Enrico George Petean / Ludovic Tézier
Arturo Alfredo Nigro
Raimondo Orlin Anastassov
Alise Cornelia Oncioiu
Normanno Eric Huchet

Direction musicale Maurizio Benini
Mise en scène Andrei Serban (1995)

                                                                                                        Michael Fabiano (Edgardo)

 

Depuis sa création en janvier 1995, alors que Roberto Alagna faisait sa première apparition à l’Opéra National de Paris, la mise en scène de Lucia di Lammermoor dirigée par Andreï Serban se redécouvre à chaque reprise, comme si l’expérience de vie orientait, avec le temps, les points de vue que l’on a sur les choses.

Sonya Yoncheva (Lucia di Lammermoor)

Sonya Yoncheva (Lucia di Lammermoor)

En apparence, l’esthétique de cette salle d’armes brutale, dominée par les militaires et les notables, ne peut que dérouter le spectateur, car il s’attend généralement à voir un univers raffiné et romantique comme celui du château Culzean, une ancienne propriété construite face aux vents des côtes de l'Ecosse,   qui avait inspiré Mary Zimmermann pour sa mise en scène au New-York Metropolitan Opera.

Mais, au milieu de ce fatras vulgaire, on peut y voir une Lucia perdue en recherche de tout ce qui lui remémore son univers d’enfance, les ballons qu‘elle adorait pousser vers le ciel, le lit superposé en haut duquel elle pouvait trouver refuge, la paille dans laquelle elle se cachait, et cette balançoire qu’elle est la seule à avoir vu parmi les cordes pour y chanter la cabalette rêveuse « Egli è luce a’ giorni miei ».
 

Elle est un être en réaction face à un monde qui ne lui convient pas, d’autant plus qu’il est violent.

Dans cette vision, Patrizia Ciofi est une tragédienne qui s‘y accorde à merveille, et son chant surnaturel se diffuse uniformément dans toute l’ampleur de la salle avec une finesse qui compense la blancheur du timbre. Son personnage est une petite fille toute fragile et vivante qui accentue le décalage avec son entourage viril et oppressant, et elle joue cela avec un sens de la vitalité adolescente très sensible qui ne vire jamais à la démonstration purement technique. L’interprétation est donc entière.

Les coloratures se délient avec une légèreté charmeuse, quelques piqués se font plus confidentiels et, surtout, elle use de son art de la modulation saisissant quand elle amplifie progressivement le volume de son chant pour envahir les sens de l’auditeur. 

                                                                                             Patrizia Ciofi (Lucia di Lammermoor)

 

Ainsi, au cours de cette première représentation, Patrizia Ciofi a non seulement reçu une très longue ovation, mais celle-ci s’est ensuite poursuivie devant le rideau noir, juste avant la dernière scène, pour reprendre de plus belle au salut final. Elle était dans une joie folle.

Son partenaire, Vittorio Grigolo, campe un Edgar sonore et éclatant, mais à la manière d’un bel Hidalgo qui joue beaucoup trop son personnage. Il n’est alors plus possible d’être touché par ses effets trop affectés. 

Sonya Yoncheva (Lucia di Lammermoor)

Sonya Yoncheva (Lucia di Lammermoor)

Ce n’est pas la seule raison à ce manque d’empathie personnelle. Deux jours avant, lors de la répétition, le public a découvert le ténor américain Michael Fabiano. Ce fut la stupéfaction aussi bien pour l’ensemble de la salle qui a pu apprécier un chanteur impulsif, superbement engagé dans un rôle puissant et sous lequel on ressent la noirceur des blessures qui libèrent l’animalité du chant, que pour le chanteur lui-même qui ne s’attendait peut-être pas à une telle énergie chaleureuse de la part de ce public qui en a été unanimement ébloui.

Ludovic Tézier (Enrico)

Ludovic Tézier (Enrico)

Dans cette deuxième distribution, Sonya Yoncheva est une Lucia rayonnante de couleurs vocales, très en chair, jouant de son corps pour souligner sa tendresse féminine et, quelque part, elle forme avec Michael Fabiano un duo qui approche de beaucoup le couple que forment Carmen et Don José dans l’opéra de Bizet. Ils sont tous les deux pris dans une relation très sensuelle sur un même pied d‘égalité, alors que Grigolo s’impose plus comme une sorte de grand frère de cœur qui domine sa petite sœur fragile et nerveuse.

Sonya Yoncheva est fascinante de vérité, son personnage n’est plus lunaire comme celui de Patrizia Ciofi, et elle se joue avec une facilité incroyable de toutes les difficultés en timbrant magnifiquement les notes aigues au point de faire vibrer très sensiblement les tympans.

Patrizia Ciofi (Lucia di Lammermoor) et Vittorio Grigolo (Edgardo)

Patrizia Ciofi (Lucia di Lammermoor) et Vittorio Grigolo (Edgardo)

Et les deux Enrico sont également très différents. George Petean ne joue pas très bien sur scène, mais il a une présence et un côté méchant assumé qui passe bien.  Ludovic Tézier, lui, est beaucoup plus ambigu. Sa froideur de jeu laisse très souvent transparaître une bonté naturelle que la démarche trahit, ce qui le rend, malgré lui, trop sympathique.
Le chant est cependant stylé, et les duo avec Lucia et Edgar sont très bien réussis.

Parmi les rôles secondaires, Orlin Anastassov interprète un Raimondi aux accents slaves qui font intervenir étrangement les réminiscences de rôles écrits par Tchaïkovski, et Cornelia Oncioiu soutient avec sagesse la jeune Lucia.

Sonya Yoncheva (Lucia di Lammermoor) et Michael Fabiano (Edgardo)

Sonya Yoncheva (Lucia di Lammermoor) et Michael Fabiano (Edgardo)

Pleine de fougue verdienne et excessive lors de la répétition générale, la direction musicale de Maurizio Benini est beaucoup plus contenue lors de la première représentation.

 L’ouverture, tremblante et dramatique, est à l’image d’une vision théâtrale un peu instable qui libère pourtant des lignes sentimentales fortes et laisse la place à la beauté des instruments solo de l’orchestre. C’est un bien luxueux plaisir que de réentendre l’orchestre dans cette salle.

Malheureusement, le Glass Harmonica n’est pas repris dans la scène de folie, et c’est donc la flûte qui répond poétiquement à Lucia. En revanche, la scène et le duo du troisième acte, coupés lors des reprises précédentes, est rétabli avec un ajout de mise en scène, autour de la grande cage centrale, et un travail sur les éclairages qui semble avoir été repris dans les autres scènes également.

Patrizia Ciofi (Lucia di Lammermoor)

Patrizia Ciofi (Lucia di Lammermoor)

Avec un tel début spectaculaire, l’Opéra de Paris redonne un peu de fraîcheur et l’espoir que cette nouvelle saison fasse oublier les nombreux vides de la saison précédente, à peine comblés par le déploiement merveilleux de Philippe Jordan dans la reprise du Ring.  Et pour celles et ceux qui resteront fascinés par Sonya Yoncheva et Michael Fabiano, il sera possible de les retrouver tous les deux à l'Opéra d'Amsterdam en mai 2014 pour une nouvelle production de Faust mise en scène par la Fura Dels Baus.

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Publié le 2 Juin 2013

C’est la grande surprise de la saison théâtrale parisienne 2013/2014, le Théâtre de la Ville concentre le meilleur du théâtre européen, et, pour les non-abonnés, cela va être très difficile d’obtenir des places. Ostermeier (Mort à Venise et Un ennemi du peuple) et Wilson sont à l’honneur, mais Warlikowski n’y est toujours pas invité, et donc, c’est au Théâtre Chaillot que son nouveau spectacle de 4 heures Kabaret warszawski sera représenté sur une petite période de 8 jours.
Ostermeier est aussi invité au Théâtre des Gémeaux (Sceaux) pour la création française de (The little foxes) La Vipère.
Au Théâtre de l’Odéon, Martin Kusej met en scène Les Larmes amères de Petra von Kant, et le Théâtre National de la Colline réinvite Krystian Lupa pour mettre en scène Perturbation, une vision sans détour sur la condition de l’homme. La liste qui suit est une sélection subjective de ce qu'il faudra voir.


Théâtre de la Ville
Derniers Jours. Une veillée (Marthaler) du 25 septembre au 02 octobre 2013
Msc Marthaler, Dm Fussenegger
The Old Woman (Kharms) du 06 au 22 novembre 2013
Msc Wilson, Dm Willneri, Baryshnikov, Dafoe
Peter Pan (Barrie) du 12 au 20 décembre 2013
Msc Wilson, Dm Brandenburg, Berliner Ensemble
Mort à Venise (Mann) du 18 au 23 janvier 2014
Msc Ostermeier, Schaubühne Berlin
Un ennemi du peuple (Ibsen) du 27 janvier au 02 février 2014
Msc Ostermeier, Schaubühne Berlin

Théâtre National de la Colline
Perturbation (Bernhard) du 27 septembre au 25 octobre 2013
Msc Lupa
Elle Brûle (Navarro) du 15 novembre au 14 décembre 2013
Msc Guila Nguyen, les Hommes Approximatifs
Le canard sauvage (Ibsen) du 10 janvier au 15 février 2014
Msc Braunschweig

Odéon Théâtre de l’Europe
Les larmes amères de Petra von Kant (Fassbinder) du 04 au 13 octobre 2013

Msc Kusej
Comme il vous plaira (Shakespeare) du 14 mars au 01 juin 2014
Msc Chéreau, Trad Bonnefoy

Théâtre Nanterre-Amandiers
Macbeth (Shakespeare) du 13 septembre au 13 octobre 2013
Msc Pelly
King Size (récital de chant) du 18 au 25 janvier 2014
Msc Marthaler
Seul dans Berlin (Fallada) du 29 janvier au 02 février 2014
Msc Perceval

Théâtre National de Chaillot
Kabaret warszawski (Druten-Mtchell-Warlikowski) du 07 au 14 février 2014
Msc Warlikowski
Le Songe d’une nuit d’été (Shakespeare) du 14 au 19 mars 2014
Msc Serebrennikov / Studio 7
Métamorphoses (Ovide) du 21 au 28 mars 2014
Msc Serebrennikov / Bobee / Studio 7

La Comédie française
Hamlet (Shakespeare) du 07 octobre au 12 janvier 2014
Msc Jemmet                                                                   Krzysztof Warlikowski (Kabaret Warszawski - Chaillot)
Lucrèce Borgia (Hugo) du 24 mai au 20 juillet 2014
Msc Podalydès
Hernani (Hugo) du 10 juin au 06 juillet 2014 (reprise)
Msc Lormeau

Théâtre du Rond Point
Les Visages et les Corps (Chéreau) du 15 octobre au 10 novembre 2013
Msc Calvario
Orchidées (Delbono)
Msc Delbono

Théâtre des Gémeaux (Sceaux)
Henri VI cycle 1 (Shakespeare) du 10 au 22 janvier 2014
Msc Jolly / Cie La Piccola Familia
Hamlet (Shakespeare) du 04 au 09 mars 2014

Msc Bobée

(The little foxes) La vipère (Hellman) du  27 mars au 06 avril 2014
Msc Ostermeier, Schaubühne Berlin

 

MC93 Bobigny
Don Giovanni (Mozart) du 22 au 29 mars 2014
Msc Perton, Cost Szczesniak, Dm Myrat

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Publié le 25 Mai 2013

Alors que la saison 2013/2014 s’annonce plus intéressante à l’Opéra de Paris que la saison en cours, les maisons lyriques européennes ont à peu près toutes fait connaître leur programmation.
Munich, Madrid, Berlin et Londres seront les grandes villes phares de l’art lyrique, Bruxelles, Zürich et Milan vont aussi proposer quelques ouvrages mis en scène par des directeurs novateurs, et Vienne poursuit sa programmation routinière en laissant de côté toute la dimension théâtrale de son répertoire.

Sans prétendre énumérer toutes les productions pour lesquelles il faudra se déplacer, la liste ci-dessous est une sélection tout à fait subjective d’œuvres à voir et entendre en Europe, pour elles mêmes, très souvent mis en scène par les meilleurs directeurs de théâtre, avec de bonnes distributions artistiques.


La Monnaie de Bruxelles
La Clémence de Titus (Mozart) du 10 au 26 octobre 2013
Msc van Hove, Dm Morlot, Streit/C.Workman, Gens/Penda, Losier/Grevelius
Hamlet (Thomas) du 03 au 22 décembre 2013
Msc Py, Dm Minkowski, Degout/Pomponi, Le Tezier, Larmore/Brunet-Grupposo, Yoncheva/Gimore
Orphée et Eurydice (Gluck/Berlioz) du 17 juin 2014 au 02 juillet 2014
Msc Castellucci, Dm Niquet, d’Oustrac, Devieilhe, Treble

Stéphane Degout (Hamlet msc Olivier Py au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles)

Stéphane Degout (Hamlet msc Olivier Py au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles)

Vlaamse Opera Anvers /  Gand
Tristan et Isolde (Wagner) du 21 septembre au 05 octobre 2013 / du 17 au 20 octobre 2013
Msc Lernous, Dm Jurowski, Farina/Schager, Braun/Amman, Jerkunica, Dike

Vlaamse Opera Anvers
Lady Macbeth de Mzensk (Shostakovich) du 21 mars au 06 avril 2014
Msc Bieito, Dm Jurowski, Tomlinson, Stundyte, Elgr, Ludha

Royal Opera House Covent Garden
Les Vêpres Siciliennes (Verdi) du 11 octobre 2013 au 11 novembre 2014
Msc Herheim, Dm Pappano, Poplavskaya, Hymel, Schrott, Volle
Die Frau ohne Schatten (Strauss) du 14 mars au 02 avril 2014
Msc Guth, Dm Bychkov, Botha, magee, Schuster, Reuter, Pankratova
Manon Lescaut (Puccini) du 17 juin au 07 juillet 2014
Msc Kent, Dm Pappano, Opolais, Maltaman, Kaufmann, Muraro

English National Opera
Satyagraha (Glass) du 20 novembre au 08 décembre 2013
Msc McDermott, Dm Stratford, Oke, Kelly
Benvenuto Cellini (Berlioz) juin 2014
Msc Gilliam, Dm Gardner, Spyres, Winters, Hunka, Spence, Mirriny

DeNederlandse Opera
Armida (Gluck) du 06 au 27 octobre 2013
Msc Kosky, Dm Bolton, Gauvin, Foster-Williams, Antoun, Droy
Faust (Gounod) du 10 au 27 mai 2014
Msc La Fura dels Baus, Dm Minkowski, Fabiano, Petrenko, Sempey, Helmer, Yoncheva, Crebassa

Oper Frankfurt
Ezio (Gluck) du 14 novembre au 07 décembre 2013
Msc Boussard, Dm Curnyn, Cencic, Murrihy, Prina, Fomina
Die Gespenstersonate (Reimann) du 29 janvier au 08  février 2014
Msc Sutcliffe, Dm Januschke, Volle, Mayr, Galliford, Silja
Daphne (Strauss) du 06 au 22 mars 2014
Msc Guth, Dm Blunier, Baldvinsson, Baumgartner, Bengtsson, Behle, Marsh

Hamburgishe Staatsoper
La Battaglia di Legnano (Verdi) du 20 octobre au 20 novembre 2013
Msc Alden, Dm Young, Martirossian, Almaguer, Voulgaridou, Jo Loeb, Lee, Rud
I Due Foscari (Verdi) du 27 octobre au 21 novembre 2013
Msc Alden, Dm Young, Dobber, Filianoti, Nizza, Atfeh
I Lombardi alla prima crociata (Verdi) du 13 au 28 novembre 2013
Msc Alden, Dm Young, Pisapia, Relyea, Damian, van den Heever

Staatsoper im Shiller Theater (Berlin)
La Fiancée du Tsar (Rimski-Korsakov) du 03 octobre au 01 novembre 2013
Msc Tcherniakov, Dm Barenboim, Kotcherga, Peretyatko, Kränzle, Schabel, Cernoch, Rachvelishvili
Tannhäuser (Wagner) du 12 au 27 avril 2014
Msc Waltz, Dm Barenboim, Pape, Seiffert, Mattei, Sonn, Hoffmann, Prudenskaja, Poplavskaya
Simon Boccanegra (Verdi) du 13 au 17 avril 2014
Msc Tiezzi, Dm Barenboim, Domingo, Hartejos, Belosselskiy, Sartori, Odena
Dido & Aeneas (Purcell) du 06 au 17 mai 2014
Msc Waltz, Dm Moulds, Ugolin, Willcox, York
 

Sasha Waltz (mises en scène de Tannhäuser et Dido & Aeneas au Staatsoper Berlin)

Sasha Waltz (mises en scène de Tannhäuser et Dido & Aeneas au Staatsoper Berlin)

Deutsche Oper Berlin
La Damnation de Faust (Berlioz) du 23 février au 08 mars / & 23 mai au 01 juin 2014
Msc Spuck, Dm Runnicles, Margaine / Garanca, Vogt / Polenzani, Youn / d’Arcangelo
Tristan und Isolde (Wagner) du 14 au 25 mai 2014
Msc Vick, Dm Runnicles, Stemme, Youn, Gould, Liang Li, Baumgartner
Billy Budd (Britten) du 22 mai au 06 juin 2014
Msc Alden, Dm Runnicles, Ulrich, Chest, Saks, Brück, Pesendorfer

Komische Oper Berlin
Die Soldaten (Zimmermann) du 15 juin au 09 juillet 2014
Msc Bieito, Dm Feltz, Larsen, Elmark, Gumos, Vyaznikova, Lie

Semperoper Dresde
Elektra (Strauss) du 19 au 31 janvier 2014
Msc Frey, Dm Thielemann, Meier, Herlitzius, Schwanewilms, van Aken, Pape

Bayerische Staastoper Munchen
Die Frau ohne Schatten (Strauss) du 21 novembre au 07 décembre 2013
Msc Warlikowski, Dm Petrenko, Botha, Pieczonka, Polaski, Holecek, Koch, Pankratova
La Force du destin (Verdi) du 22 décembre 2013 au 11 janvier 2014
Msc Kusej, Dm Fisch, Kowaljow, Hartejos, Tézier, Kaufmann, Krasteva
La Clémence de Titus (Mozart) du 10 au 26 février 2014
Msc Bosse, Dm Petrenko, Spence, Opolais, Müller, Erraught, Brower

Theater an der Wien
I due Foscari (Verdi) du 15 au 27 janvier 2014
Msc Strassberger, Dm Conlon, Domingo, Chacon-Cruz, Agresta, Tagliavini, Owens

Theater Basel
Blanche Neige (Holliger)
Msc Freyer, Dm Holliger, Wesseling, Prégardien, Bolduc, Kudinov

Operhaus Zurich
Jenufa (Janacek) du 22 novembre au 07 décembre 2013
Msc Tcherniakov, Dm Lange, Opolais, Martens, Schwarz, Cernoch, Ventris
La Dame de Pique (Tchaïkovski) du 06 avril au 18 mai 2014
Msc Carsen, Dm Belohlavek, Didyk, Markov, Monogarova, Soffel, Mulligan, Zysset
Peter Grimes (Britten) du 24 au 31 mai 2014
Msc Pountney, Dm Heras-Casado, Ventris, Magee, Rootering, Friedli

Scala de Milan
La Traviata (Verdi) du 7 décembre 2013 au 03 janvier 2014
Msc Tcherniakov, Dm Gatti, Damrau, Piunti, Zampieri, Beczala, Lucic
La Fiancée du Tsar (Rimski-Korsakov) du 02 au 14 mars 2014
Msc Tcherniakov, Dm Barenboim, Kotcherga, Peretyatko, Kränzle, Schabel, Cernoch, Prudenskaya
Elektra (Strauss) du 18 mai au 10 juin 2014
Msc Chereau, Dm Salonen, Meier, Herlitzius, Pieczonka, Randle, Pape

Teatro La Fenice (Venezia)
L’Africaine (Meyerbeer) du 23 novembre au 01 décembre 2013
Msc Muscato, Dm Villaume, Pratt, Kunde, Simeoni

Parme / Busseto
Simon Boccanegra (Verdi) du 01 au 11 octobre 2013
Msc De Ana, Dm Bignamini, Frontali, Prestia, Caria, Choi, Remigio, Torre
Falstaff (Verdi) du 12 au 26 octobre 2013
Msc Bruson & Bianchi, Dm Rolli, Bruson (12, 17)
I Masnadieri (Verdi) du 18 au 27 octobre 2013
Msc Muscato, Dm Ciampa, Rares , Aronica, Rucinski, Florian, Coriano
 

La Légende de la Ville invisible de Kitège (Teatre del Liceu)

La Légende de la Ville invisible de Kitège (Teatre del Liceu)

 Grand Teatre del Liceu (Barcelona)
La Légende de la ville invisible de Kitege (Rimski-Korsakov) du 13 au 30 avril 2014
Msc Tcherniakov, Dm Pons, Ignatovitx, Aksenov, Halfvarson, Tiliakos, Ognovenko

Teatro Real de Madrid
The Indian Queen (Purcell) du 05 au 19 novembre 2013
Msc Sellars, Dm Currentzis, Bullock, Koutcher, Dumaux, Yi, Brutscher, Stewart, Qave,
Brokeback Mountain (Wuorinen) du 28 janvier au 11 février 2014
Msc van Hove, Dm Engel, Randle, Okulitch, Buck, Minutillo, Heschenfeld, Summers, Henschel
Alceste (Gluck) du 27 février au 15 mars 2014
Msc Warlikowski, Dm Bolton, Groves/Randle, Caterina Antonacci/Soloviy, White
Lohengrin (Wagner) du 03 au 27 avril 2014
Msc Hemleb, Dm Haenchen, Hawlata/Juric, Ventris/Konig, Naglestad /Schwanewilms, Mayer/Tomasson, Polaski / Zajick

Opera National de Paris
Alceste (Gluck) du 12 septembre au 07 octobre 2013
Msc Py, Dm Minkowski, Alagna/Beuron, Koch, Lapointe, Sempey, Ferrari, Henry
Aïda (Verdi) du 10 octobre au 16 novembre 2013
Msc Py, Dm Jordan, Cigni, D’Intino, Bocharova, Dyka/Garcia, Alvarez/Dean Smith
Elektra (Strauss) du 31 octobre au 01 décembre 2013
Msc Carsen, Dm Jordan, Meier, Theorin, Merbeth, Begley, Nikitin

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Publié le 16 Février 2013

Présentation de la saison Lyrique 2013 / 2014 du Teatro Real de Madrid

Le vendredi 08 février 2013, le Teatro Real de Madrid a révélé le détail de la saison 2013/2014, sur son site www.teatro-real.com/es/avance-temporada.
Elle comporte un nombre conséquent de nouvelles productions, dont une création mondiale, réalisées pour certaines en coopération avec d‘autres théâtres, ce qui est une surprise lorsque l’on connaît la sévère coupe budgétaire que le gouvernement a opéré sur la subvention publique de cette maison lyrique cette année.

Façade Ouest du Teatro Real

Façade Ouest du Teatro Real

Création Mondiale

Brokeback Mountain (Charles Wuorinen)

du 28 janvier au 11 février (8 représentations)
Tom Randle, Daniel Okulitch, Heather Buck, Hannak Esther Minutillo, Ethan Heschenfeld, Hilary Summers, Jane Henschel
Mise en scène Ivo van Hove / Direction Titus Engel

Création mondiale

Adaptation d’une nouvelle de Annie Proulx (également auteur du livret) sur une composition de Charles Wuorinen, musicien que Gerard Mortier situe dans la lignée d’Alban Berg ou Elliott Carter.
L’ouvrage se départit d’un certain romantisme présent dans le film d’Ang Lee.


L’Amérique et le nouveau monde

Die Eroberung von Mexico (Wolfgang Rihm)  

du 09 au 19 octobre (8 représentations)
Nadja Michael/Ausrine Stundyte, Georg Nigl/Holger Falk, Carole Stein, Katarina Bradic
Mise en scène Pierre Audi / Direction Alejo Pérez
Nouvelle production


Prévue, un moment, pour être confiée à la direction de la Fura Dels Baus, c’est finalement Pierre Audi et le scénographe Alexander Polzin qui se chargeront de donner forme à une œuvre qui, allégée de la vision de destruction inhérente au stéréotype de la conquête, termine sur un duo entre Montezuma (interprété par Nadja Michael) et Hernan Cortés (Georg Nigl).

The Indian Queen (Henry Purcell)

du 05 au 19 novembre (8 représentations)
Julia Bullock, Nadine Koutcher, Christophe Dumaux, Vince Yi, Markus Brutscher, Noah Stewart, Luthando Qave, Mattia Olivieri
Mise en scène Peter Sellars / Direction Teodor Currentzis (Chœurs et orchestre de l’Opéra de Perm)
Coproduction Opera de Perm
 

Une version inédite de la pièce inachevée d’Henry Purcell en 1695, en coproduction avec l’Opéra de Perm, dirigée dans la fosse par Teodor Currentzis, et sur scène par Peter Sellars.


Autres nouvelles productions

L’Elixir d’amour (Gaetano Donizetti)

du 02 au 20 décembre (14 représentations)
Nino Machaidze/Camila Tilling/Eleonora Buratto, Celso Albelo/Ismael Jordi/Antonio Poli, Fabio Capitanucci/Gabriele Viviani, Erwin Schrott/Paolo Bordogna
Mise en scène Damiano Michieletto / Direction Marc Piollet
Nouvelle production, en coproduction avec le Palau de les Arts de Valencia

Alceste (Christoph Willibald Gluck)

du 27 février au 15 mars (11 représentations)
Paul Groves/Tom Randle, Anna Caterina Antonacci/Sofia Soloviy, Willard White
Mise en scène Krzysztof Warlikowski / Direction Ivor Bolton

Nouvelle Production


La scénographie est dirigée par un des metteurs en scène préférés de Gerard Mortier, le sulfureux Krzysztof Warlikowski. Alceste est une œuvre qui rappelle que personne ne peut mourir pour quelqu‘un d‘autre, thème que le metteur en scène polonais avait abordé dans (A)pollonia.


 Anna Caterina Antonacci


Lohengrin (Richard Wagner)

du 03 au 27 avril (13 représentations)
Franz Hawlata/Goran Juric, Christopher Ventris/Michael Konig, Catherine Naglestad / Anne Schwanewilms, Thomas Johannes Mayer / Tomas Tomasson, Deborah Polaski / Dolora Zajick
Mise en scène Lukas Hemleb / Direction Harmut Haenchen/Walter Althammer
Nouvelle Production

Les Contes d’Hoffmann (Jacques Offenbach)

du 11 mai au 21 juin (12 représentations)
Eric Cutler/Jean-Noël Briend, Anne Sofie von Otter/Hannah Esther Minutillo, Vito Priante, Christoph Homberger, Ana Durlovski, Measha Brueggergosman, Ainhoa Arteta
Mise en scène Christoph Marthaler / Direction Sylvain Cambreling
Nouvelle Production



Nouvelles productions provenant de l’Opéra National de Paris

Tristan und Isolde (Richard Wagner)

du 12 janvier au 08 février (8 représentations)
Robert Dean Smith, Franz-Josef Selig, Violeta Urmana, Jukka Rasilainen, Nabil Sulinan, Ekaterina Gubanova
Mise en scène Peter Sellars, Video Bill Viola / Direction Teodor Currentzis
Nouvelle production provenant de l’Opéra National de Paris

Tristan und Isolde (images Bill Viola fin Acte I)

Tristan und Isolde (images Bill Viola fin Acte I)

Orphée et Eurydice (Christoph Willibald Gluck)

du 12 au 14 juillet (03 représentations)
Maria Riccarda Wesseling / Yun Jung Choi / Zoe Nicolaidou
Direction de scène Pina Bausch / Direction Thomas Hengelbrock
Ballet de l’Opéra National de Paris


Reprise du Teatro Real de Madrid

Il Barbiere di Siviglia (Gioachino Rossini)

du 14 au 26 septembre (10 représentations)
Dmitry Korchak/Edgardo Rocha, Bruno De Simone/José Fardilha, Serena Malfi/Ana Durlovski, Mario Casi/Franco Vassalo, Dmitry Ulyanov/Carlo Lepore
Mise en scène Emilio Sagi / Direction Tomas Hanus
Reprise 2005 en coproduction avec le Teatro Sao Carlos de Lisbonne


Versions de concert

Dido and Aeneas (Henry Purcell)

le 18 novembre (1 représentation)
Simone Kermes, Nuria Rial, Dimitri Tiliakos
Direction musicale Teodor Currentzis, Music Aeterna (Chœur et orchestre de l’Opéra de Perm)

I vespri siciliani (Giuseppe Verdi)

du 11 au 14 juin (3 représentations)
Francisco Tojar, Yonghoon Lee, Ferruccio Furlanetto, Julianna Di Giacomo, Antonio Lozano, Fernando Rado
Direction musicale James Conlon


 
Première impression sur cette saison 2013/2014

Avec 10 productions lyriques, dont une seule est une reprise du Teatro Real, et malgré une baisse de 30% de sa subvention publique, Gerard Mortier défie les petits discours de certains directeurs de grandes maisons d’opéra qui prennent excuse de contraintes financières, bien réelles pourtant, pour justifier une programmation peu audacieuse, alors qu‘elle est due, principalement, à leur manque d‘intuition et d’ambition artistiques, ainsi qu’à leur recherche exclusive du profit. Il y aura ainsi 100 représentations d'opéras la saison prochaine, soit 20 de plus que la saison en cours.

 

Krzysztof Warlikowski

Une de ses grandes lignes de force est le thème de l’amour et de la mort, sous sa forme la plus profonde, à travers la reprise de deux magnifiques spectacles parisiens, Orphée et Eurydice et Tristan et Isolde, sur deux musiques d‘époques bien différentes, l’une classique, l’autre romantique.
Didon et Enée, en version de concert, prolongera cette vision sur un style de composition encore plus ancien, anglais et baroque.

La création mondiale de Brokeback Mountain sera la grande nouveauté lyrique déclinant autrement la force inexplicable d’un amour homosexuel sur une musique cette fois contemporaine.

Pour le divertissement, une nouvelle production de l’Elixir d’Amour, œuvre que Mortier a monté trois fois en cinq ans à Paris, maintiendra sous une forme très légère ce lien avec l’amour noir de Tristan et Isolde.

Deux ouvrages, Die Eroberung von Mexico et the Indian Queens seront, même pour les plus fervents amateurs lyriques, deux découvertes majeures, et la nouvelle production de Lohengrin enrichira une saison où Wagner sera bien représenté.
 

Il est rare de voir une saison accorder autant de place à la période baroque et classique, avec deux œuvres de Purcell, et deux œuvres de Gluck, mais aucune de Mozart, en ne laissant seulement qu’un quart des œuvres chantées en langue italienne, et, même si l’on ne pourra entendre la langue slave, si ardemment défendue à Paris par le directeur flamand, le lien avec la Russie sera maintenu par trois invitations du chef d’orchestre Teodor Currentzis, nouvellement directeur de la création de l’Opéra ballet de Perm. Par deux fois, il dirigera son ensemble MusicAeterna, orchestre de chambre évoluant vers le répertoire symphonique.

Teodor Currentzis

 

Cette saison brille également par la confiance renouvelée à des metteurs en scène connus pour leur subtilité (Sellars, Hemleb) et leur approche théâtrale (Marthaler, van Ove) parfois radicale (Warlikowski).
Si, bien évidemment, les chefs fidèles, Haenchen, Cambreling, Hengelbrock sont présents, toutes les distributions intègrent les grands chanteurs également fidèles, Ventris, Michael, Urmana, Cutler, Selig, White.

Les Madrilènes, du moins les plus curieux d’esprit, auront une chance extraordinaire de vivre l’art lyrique dans toute sa richesse culturelle, car le Teatro Real promet une diversité d’approches musicales et théâtrales, et un choix d’œuvres fortement humaines, qui sont le fondement de ce qui peut nous renforcer face à un environnement culturel et intellectuel en pleine débâcle.

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