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Publié le 19 Novembre 2011

Oberto (Verdi)
Version de concert du 17 novembre 2011
Théâtre des Champs Elysées

Riccardo Valter Borin
Cuniza Ekaterina Gubanova
Leonora Maria Guleghina
Oberto Michele Pertusi
Imelda Sophie Pondjiclis

Direction Carlo Rizzi
Orchestre National de France
Chœur de Radio France

 

                                                                                                    Ekaterina Gubanova (Cuniza)

Il y a une émotion particulière à entendre le tout premier ouvrage de Verdi, une émotion que l'on ne peut ressentir de la même manière à l'écoute des premiers opéras de Mozart ou Wagner.

Car Oberto résonne comme le cœur vital fougueux, traversé d'allégresses mélancoliques, religieusement croyant, et appesanti par l'honneur et l'autorité du père, que l'on va retrouver dans toutes les œuvres suivantes, au fur et à mesure que l'écriture musicale va se complexifier pour approcher la vérité des expressions humaines.
La toile de fond historique, même si elle n'a aucune importance pour ce drame sentimental, se réfère à l'occupation de l'Italie du Nord par le Saint Empire Germanique au XIIIème siècle, et porte ainsi, dans son subconscient, les germes patriotiques que Verdi cherchera à amplifier plus tard.

L’Orchestre National de France, conduit pas un Carlo Rizzi conventionnel mais qui maintient une unité d’ensemble vivante et sans déséquilibre avec le chœur, réussit à créer le climat à la fois intime et énergique de cette musique qui berce et allège le cœur, sans être totalement exempt de petites fragilités.

Maria Guleghina (Leonora)

Maria Guleghina (Leonora)

La présence de Maria Guleghina sur une scène parisienne est un petit évènement en soi, elle que l’on n’a plus admirée depuis Attila à l’Opéra Bastille en 2002. La soprano ukrainienne résiste aux rôles meurtriers d’Abigaille, Lady Macbeth, Turandot et Adrienne Lecouvreur, et le galbe de son timbre évoque toujours une sensualité noire et un peu animale. 
Elle se permet même de chanter des suraigus qui ne sont pas exigés par la partition, ce qui laisse supposer qu’elle exploite une capacité physique qui lui est propre. Elle connait son aisance et son impact dans ces suraigus, ne réussit peut être pas aussi bien les notes situées juste en dessous, ce qui pourrait expliquer ce besoin de dépasser le niveau d'écriture pour exprimer avant tout sa propre personnalité
C’est très impressionnant et tellement inattendu, que l’on en sourit par effet de surprise.

Elle est accompagnée par Ekaterina Gubanova, plus située dans le contrôle d’un rôle qui s’impose par sa hauteur morale et sa profonde sensibilité, et la mystérieuse Sophie Pondjiclis, immergée dans un recueillement introspectif.

Aux femmes, donc, l’éclat et la maîtrise de la situation, aux hommes la fureur et l’inconstance. On retrouve en Michele Pertusi la stature patriarcale si présente chez Verdi, mais plutôt désabusée, et même si les lignes vocales sont parfois bien étranges, on peut remercier Valter Borin d’avoir remplacé au pied levé Fabio Sartori, d’autant plus qu’il a offert une belle image humble et un don de soi exemplaire.

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Publié le 24 Mai 2010

Les Contes d’Hoffmann (Jacques Offenbach)

Représentation du 23 mai 2010 (44ième dans cette mise en scène)

Opéra Bastille

Olympia Laura Aikin
Antonia Inva Mula
Giulietta Béatrice Uria-Monzon
La Muse/Nicklausse Ekaterina Gubanova
Hoffmann Giuseppe Filianotti
Luther/Crespel Alain Verhnes
Lindorf/Coppelius/Dr. Miracle Frank Ferrari
Nathanaël Jason Bridges
Frantz Léonard Pezzino
La voix de la Mère Cornelia Oncioiu

Direction Musicale Jesus Lopez-Cobos

Mise en scène Robert Carsen (Création 20 mars 2000)

                                                                                                              Cornelia Oncioiu (La Mère)

L’éclat des distributions originales fût tel - Natalie Dessay, Samuel Ramey, Cristina Gallardo-Domas, Bryn Terfel … -  que la marque prégnante de Rolando Villazon ne vint le parfaire que lors de la dernière reprise.

Les qualités musicales et interprétatives des chanteurs réunis aujourd'hui forment cependant un ensemble harmonieux qui mérite d’y revenir.

Inva Mula (Antonia) et Giuseppe Filianotti (Hoffmann)

Inva Mula (Antonia) et Giuseppe Filianotti (Hoffmann)

La mise en scène de Robert Carsen repose sur le parallèle entre illusion théâtrale et illusion amoureuse.
Cette illusion, brisée dans le prologue lorsque la représentation de Don Giovanni parcourt le plateau de Bastille, noir comme le vide que remplit l’être aimé, se matérialise par le Théâtre lui même.

Selon tous les points de vue possibles, depuis l’arrière scène, l’orchestre, la scène, et la salle où se trouve l’auditeur, il est le lieu où se déroulent les trois drames féminins que vécut le poète.

Sans égaler les étincelantes vocalises de Natalie Dessay, Laura Aikin se joue avec aise des déchaînements érotiques d’Olympia, et enrichit ce personnage de couleurs plus mûres et dominatrices autant que de petits détails fantaisistes que lui permet son habilité scénique.

Inva Mula (Antonia)

Inva Mula (Antonia)

Étrangement, ce n’est pas dans l’Elixir d’Amour - pourtant écrit dans sa langue maternelle - que Giuseppe Filianotti aura le plus convaincu cette année, mais bien dans le rôle d’Hoffmann dont il soutient la diction exigeante, un médium généreux et plein d’ampleur, et si l’on ajoute les accents touchants, c’est le meilleur interprète du rôle, à mon avis, depuis ces dix dernières années à l’Opéra Bastille.

Laura Aikin (Olympia)

Laura Aikin (Olympia)

Il ne faut pas juger des qualités d’Inva Mula à son interprétation de Mireille en début de saison, appesantie par les difficultés du rôle et la pression de l’enjeu, mais plutôt à la manière dont elle fait d’Antonia une rebelle passionnée, plus qu‘une lunaire et poétique rêveuse, emportée par sa jeunesse impulsive et rayonnante. Un jeté de cheveux radicalement charmant.

Pour Béatrice Uria-Monzon, tout est dans le déhanché exagéré et la projection fulgurante d’obscurs aigus , le phrasé n’étant pas son point fort. La barcarolle manque beaucoup de sensualité malgré Ekaterina Gubanova, réconfortante Nicklausse et Muse toute en rondeur et chaleur vocales.

Ce troisième acte est d’ailleurs celui qui pousse le plus les chanteurs à leurs limites, l’écriture étant plus tendue aussi bien pour Hoffmann que pour Dapertutto.

Béatrice Uria-Monzon (Giulietta)

Béatrice Uria-Monzon (Giulietta)

Franck Ferrari, la classe solide du truand, mais pas vraiment méchant, timbre aux noirceurs complexes, ne néglige aucunement le texte, mais manque d’un peu plus de souffle et de projection pour couvrir intégralement la dimension de son personnage.

Des seconds rôles, tous très bien tenus, on distingue Jason Bridges (Nathanaël clair, léger et authentique), Leonard Pezzino (Frantz vertueux) et l’irréprochable et uniforme Alain Verhnes. 

Jesus Lopez-Cobos dirige toute la première partie avec le rythme pimpant d’un opéra de jeunesse de Verdi, assure un équilibre de tous les pupitres, et ne semble relâcher la tension que dans le troisième acte, trahi par un décalage sensible avec les chœurs, quitte à compenser par l’augmentation du volume.

Ekaterina Gubanova (La Muse)

Ekaterina Gubanova (La Muse)

L’émotion ressurgit à l'ultime vue de ce vaste néant scénique duquel la Muse s’éclipse avec Hoffmann.

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Publié le 7 Novembre 2008

Tristan et Isolde (Richard Wagner)
Représentations à l'Opéra Bastille

les 06, 30 novembre et 03 décembre 2008

Mise en scène Peter Sellars
Direction musicale Semyon Bychkov

Isolde Waltraud Meier
Tristan Clifton Forbis
Le roi Marke Franz-Joseph Selig
Brangäne Ekaterina Gubanova
Kurnewal Alexander Marco Buhrmester
Le jeune marin Bernard Richter

Fin 2008, l’Opéra National de Paris aura perdu définitivement les droits sur la vidéo de Bill Viola.

Ekaterina Gubanova (Brangäne) et Waltraud Meier (Isolde)

Spectacle impossible à filmer intégrant vidéo, mise en scène illustrative, l’intégralité de l’espace de la salle et bien entendu la musique de Wagner, l’expérience sensorielle est unique et vaut bien quelques écarts par rapport à nos propres obligations pour la vivre pendant encore un mois.

Visuellement le spectateur est pris par deux dimensions principales bien nettes : un fond noir qui le rapproche de son intériorité et une dilatation du temps où seule la lenteur peut lui permettre de prendre prise sur ce qu’il voit et sur ses propres émotions.

Le film nous conduit d’une scène de purification, construite sur l’humanité du corps et du visage d’un homme et d’une femme ordinaires, à l’immersion dans un monde fluide sans repère.

Tristan et Isolde par Peter Sellars et Bill Viola à Bastille

Le monde réel, figuré par les arbres enracinés dans la Terre, représente tout ce dont Tristan et Isolde se sont détachés.

Amour, Mer et Mort se rejoignent alors dans un troisième acte le plus symbolique, jusqu’à ce que l’insoutenable désir de revoir Isolde trouve enfin la paix dans la mort (saisissante image du feu se diluant dans l’eau).

La force de ces images est de montrer comment la perception de l’être, sentant la mort proche, se modifie et devient plus sensible (nous avons tous lu des autobiographies d’hommes ou de femmes auxquels ne restent que quelques mois à vivre).

Il reste une dernière étape après la mort, le détachement de l’âme du corps, transcendance figurée par la Liebstod d’Isolde.

Tristan et Isolde par Peter Sellars et Bill Viola à Bastille

Si toute la vidéo est basée sur une synchronisation parfaite avec la musique, les images ne suggèrent cependant pas tout le temps ce que la musique porte en elle (la scène de purification est bien sûr la plus contestée).

Mais lors du duo d’amour, le prolongement de la lumière sélène dans la salle jusqu’au balcon où se tient Brangäne est une des meilleures illustrations de la continuité entre vidéo et espace scénique imaginée par Peter Sellars dans un climat nocturne.

Il n’est pas dit que la programmation des deux reprises de cette production en novembre (2005 et 2008) ne soit un hasard, tant cela pourrait accentuer la sensibilité à ce voyage vers la mort qu’est réellement Tristan et Isolde.

Sous un tel dispositif, il devient alors difficile aux chanteurs d’attirer l’attention, surtout que le metteur en scène choisit simplement de représenter une série d’images illustrant le texte chanté, pour laisser le champ libre à la vidéo.

Le soir du 06, atteinte par une bronchite, Waltraud Meier n’a pu assurer que les deux premiers actes, sacrifiant le plus souvent la projection à un phrasé miraculeux, avec le soutien perceptible de ses partenaires.
Comme toujours l'on aime l'âme que sa gestuelle, inspirée par son observation de la vie réelle, inspire.                                                   
Waltraud Meier (Isolde)

L’accolade d’Ekaterina Gubanova (tessiture riche et émouvante) à sa partenaire au premier acte en prend même une double signification, et ce sont ces moments d’humanité là qui rendent la représentation plus belle.

Le timbre de Clifton Forbis n’est pas son élément de séduction majeur, sa voix grave semblant émise du fond de la gorge, c’est donc surtout un chanteur très dramatique à la souffrance crédible. Lui aussi a semblé s’ajuster sur l’émission très contrôlée de Waltraud Meier aux deux premiers actes.

En revanche, le 30 après midi, Waltraud Meier a retrouvé l'intégralité de ses moyens. Elle joue moins sur les effets de volumes que sur le détail du texte, et la complexité du rôle, pour nous réserver un "Ich bin', ich bin's" où elle cherche à forcer le spectateur à ressentir sa douleur, concluant sur une mort d'Isolde encore bouleversante. Ce ne sera pas sa dernière Isolde, je vous le dis!

Waltraud Meier (Isolde)

Waltraud Meier (Isolde)

La direction de Semyon Bychkov séduit d’aisance et de fluidité, s’adapte aux chanteurs, mais il y règne comme une sensation de légèreté qui ne semble pas toujours à la hauteur du drame qui se joue au IIIième acte notamment dans le monologue de Tristan.

La scène finale est, visuellement et musicalement, d'une beauté et d'une poésie à couper le souffle.

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Publié le 4 Octobre 2007

Roméo et Juliette (Hector Berlioz)

Répétition générale du 03 octobre 2007
Opéra Bastille
Chorégraphie Sasha Waltz
Direction Valery Gergiev
 
Juliette Aurélie Dupont
Ekaterina Gubanova
Roméo Hervé Moreau
            Yann Beuron
Frère Laurent Wielfried Romoli
            Mikhail Petrenko
 
Il y a quelques mois, Arte diffusait un reportage ("Le Jardin des Délices") sur la chorégraphe allemande dont les spectacles sont devenus un "Must" à Berlin.
 
Derrière beaucoup de modestie et d'énergie se dévoile alors un sens de la vérité humaine poignant.
C'est dire que ce "Roméo et Juliette" est attendu et le remplissage complet de l'opéra Bastille jusque dans les hautes places des galeries lors de la dernière répétition en témoigne.
 
Dans un univers symbolique, horizon noir infini cernant deux simples dalles, Sasha Waltz exprime dans chaque tableau du drame les effusions amicales, les intimidations mais comme si il y avait quelque chose de vain, de désordonné voir loufoque (ironie qui n'est pas sans rappeler celle de Christoph Marthaler).
 
Valery Gergiev est par ailleurs plus sec et brutal dans la première partie que pendant toute la suite.
 
Le cœur de la représentation reste pour moi la scène du balcon où Juliette et Roméo se retrouvent dans un duo bouleversant d'humanité, de spontanéité et se révèle une irrésistible figuration du bonheur adolescent. Mais ce n'est qu'un songe.
Aurélie Dupont et Hervé Moreau

Aurélie Dupont et Hervé Moreau

Petit à petit l'impossibilité de ce rêve et la tristesse qu'elle déclenche amorcent les premiers mouvements du plateau. Le moment où le filtre est bu par Juliette se cale sur un accord terrible, laissant Roméo en proie à la violence et au désespoir.
 
Le final, peut être moins fort malgré la double veille Roméo sur le corps de Juliette puis Juliette sur le corps de Roméo, est emporté par les chœurs et un Mikhail Petrenko splendides.
 

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Publié le 8 Juillet 2007

Madame Butterfly (Giacomo Puccini)

Représentation du 20 février 2006 (Bastille)
 
Mise en scène Bob Wilson
Direction musicale Dennis Russell Davies
 
Cio-Cio San Liping Zhang
Pinkerton Marco Berti
Sharpless Dwayne Croft
Suzuki Ekaterina Gubanova
 
Il fallait que je revoie une dernière fois l’interprétation de celle qui fût choisie au dernier moment pour faire la première de la reprise de Madame Butterfly.
 
Liping Zhang est d’une aisance indéniable dans ce rôle. Sa gestuelle souple et gracieuse a du vraiment subjuguer Bob Wilson. Son chant fluide atteint un niveau de projection appréciable pourtant sans puissance exceptionnelle. Et le tout s’allie admirablement dans cette mise en scène épurée.
L’intelligence de cette chanteuse s’admire de bout en bout avec cette préférence pour la musicalité à la tentation d’atteindre toutes les notes. 
Dés son entrée elle ne risque aucun aigu qui trop forcé pourrait créer une rupture des lignes.

Ainsi rarement l’intention vocale ne se tourne vers une expressivité affirmée et encore moins vériste.
L’émotion surgit donc plus d’une certaine beauté et d’une certaine dignité qui rendent les larmes indésirables.
 
Je suis sans illusion devant les réactions instantanées. Mais il est possible que nous ayons assisté à un sommet de l’interprétation pour cette mise en scène dont cette artiste a transcendé l’esthétique.
 
Marco Berti s’est encore révélé ce soir d’une puissance et d’une solidité sereines.

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