Publié le 16 Novembre 2023

Halka (Stanisław Moniuszko – Version 2 actes à Vilnius, 28 février 1854 – Version 4 actes à Varsovie, le 01 janvier 1858)
Version de concert du 11 novembre 2023
Teatro Real de Madrid

Stolnik Maxim Kuzmin-Karavaev
Dziemba Tomasz Kumiega
Janusz Tomasz Konieczny
Zofia Olga Syniakova
Halka Corinne Winters
Jontek Piotr Beczała

Bagpiper Javier Povedano

Direction musicale Łukasz Borowicz
Chœur et Orchestre du Teatro Real de Madrid

 

Le Teatro Real de Madrid ne cesse d’impressionner par l’expansion de ses connections avec les institutions culturelles du monde entier, et cette soirée du 11 novembre 2023 donnée à l’occasion des 105 ans de l’indépendance de la Pologne en est un excitant exemple.

Corinne Winters (Halka)

Corinne Winters (Halka)

‘Halka’ est en effet l’opéra polonais le plus emblématique de la culture de ce pays, et c’est à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Stanisław Moniuszko, le 05 mai 1819 près de Minsk, que le Theater an der Wien redonna vie à cette ouvrage en 2019 dans une production de Mariusz Treliński éditée en DVD et reprise l’année d’après au Teatr Wielki de Varsovie.

L’ouvrage s’inscrit ainsi dans la même mouvance nationaliste qui s’étendit en Europe après les campagnes napoléoniennes, et qui sera également à l'origine de l’épanouissement de l’opéra russe.

Corinne Winters (Halka) et Tomasz Konieczny (Janusz)

Corinne Winters (Halka) et Tomasz Konieczny (Janusz)

Et c’est un véritable mélange d’influences que recèle cette musique qui donne d’emblée une ferveur populaire exaltante aux chœurs, ferveur que l’on retrouvera à plusieurs reprises au cours de l’opéra, notamment avec le chant des montagnards qui ouvre le 3e acte.

L’intense lyrisme orchestral qui porte chaque personnage s’accompagne d’une écriture vocale assez élevée et d’un allant semblable à celui qui parcoure les ouvrages italiens écrits au milieu du XIXe siècle, mais avec, bien évidemment, des couleurs slaves.

Chœurs du Teatro Real de Madrid

Chœurs du Teatro Real de Madrid

S'insèrent ensuite, lors des scènes festives, des danses inspirées de mazurkas et de polonaises qui participent à la peinture identitaire, dans le bon sens du terme, de la dramaturgie musicale.

Il s’agit cependant bien d’un drame qui raconte l’histoire d’une jeune paysanne, Halka, qui tombe amoureuse d’un homme de la haute société, Janusz, qui malgré ses sentiments et sa liaison avec elle a décidé d’épouser Zofia.

Halka est cependant aimée de Jontek, un jeune montagnard, qui tente de la convaincre que l’amour de Janusz pour elle est insincère. Elle le comprend lorsque ce dernier la rejette en apprenant qu’elle attend un enfant de lui, mais ses pleurs lui attirent la sympathie et le soutien des gens qui l’entourent.

Décidant malgré tout d’assister au mariage de Zofia et Janusz, le choc de la perte de son enfant finit par la pousser à mettre fin à ses jours. Jontek en reste dévasté.

Corinne Winters (Halka) et Piotr Beczała (Jontek)

Corinne Winters (Halka) et Piotr Beczała (Jontek)

A la direction de l’ Orchestre du Teatro Real de Madrid, brillant de ses plus belles couleurs, Łukasz Borowicz lui communique un enthousiasme volontaire à la limite de l’engagement martial, enchaînant avec souplesse et fluidité les différentes ambiances, qu’elles soient populaires, intimistes ou symphoniques, avec une vivacité contrôlée par des effets de nuances qui rendent le discours toujours prenant.

C’est toute la richesse et la verve de Stanisław Moniuszko qui sont mises en valeur avec un sens du partage passionnant. 

Łukasz Borowicz, Corinne Winters (Halka), Piotr Beczała (Jontek) et Tomasz Konieczny (Janusz)

Łukasz Borowicz, Corinne Winters (Halka), Piotr Beczała (Jontek) et Tomasz Konieczny (Janusz)

Et si l’on souhaite faire une petite comparaison avec les ouvrages de l’époque de sa création, Giuseppe Verdi venait d’achever en 1853 sa trilogie populaire, ‘Rigoletto’, ‘Il trovatore’ et ‘La Traviata’, alors que Smetana ne composera ‘La Fiancée vendue’ que 10 ans plus tard, et Tchaïkovski, ‘Eugène Onéquine’  25 ans plus tard.

C’est dire le sens de l’innovation que porte cette musique qui reste raffinée même dans les moments très festifs et légers.

En plus du chef, on retrouve ce soir les quatre rôles principaux présents au Theater an der Wien en 2019.

Tomasz Konieczny a la carrure et le timbre qui permettent de brosser un Janusz dominant et très inquiétant, d’autant plus que l’on entend des résonances très caverneuses de sa part, ses incarnations étant par ailleurs toujours empreintes d’une forte expressivité quasi animale.

Olga Syniakova (Zofia)

Olga Syniakova (Zofia)

La mezzo-soprano ukrainienne Olga Syniakova offre au personnage de Zofia une luminosité teintée d’une douce noirceur slave qui respire l’envie de vivre, alors que, au contraire, Corinne Winters dépeint une Halka fragile, à la projection très focalisée dont la sensibilité raconte beaucoup des sentiments blessés de la jeune femme, usant de subtiles gradations en couleurs, et affirmant aussi une certaine droiture dramatique qui affecte l’auditeur, ce dernier ne pouvant qu’être touché par quelqu’un qui s’accroche à une ligne pourtant désespérée.

Corinne Winters (Halka)

Corinne Winters (Halka)

Et quelle superbe et intense prestance de la part de Piotr Beczała dont le chant passionné exalte la salle entière, à croire que Stanisław Moniuszko a écrit le rôle de Jontek pour lui. Il incarne le sens de l’honneur vaillant et l’élégance émotive, ses élans dans les aigus sont d’une longueur et d’une robustesse sans faille, et on ne voit pas quel autre ténor pourrait aujourd’hui aussi bien se fondre avec un tel panache dans ce personnage romantique et très prévenant. 

Tomasz Kumiega (Dziemba)

Tomasz Kumiega (Dziemba)

Les rôles secondaires, Maxim Kuzmin-Karavaev en Stolnik et Javier Povedano en Bagpiper sont très bien tenus, le premier figurant la sagesse conventionnelle alors que le second joue plus une fière expansivité, mais l’on retient aussi Tomasz Kumiega, baryton polonais passé par l’Académie du Théâtre Wielki puis l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, dont la noblesse et l’assurance du timbre de voix donnent beaucoup d’allure à Dziemba. Là aussi, une très belle correspondance avec l’esprit et la langue de ce protagoniste au rôle fortement protocolaire.

Corinne Winters et Piotr Beczała

Corinne Winters et Piotr Beczała

Et si l’on ajoute un ensemble de chœurs magnifiquement allié en couleurs et en esprit à la musique, avec un très beau fondu des voix féminines et masculines, les qualités de ce grand ouvrage sont ainsi défendues à leur meilleur.

Une soirée qui compte pour le Teatro Real de Madrid, assurément!

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Publié le 14 Novembre 2023

Las Golondrinas (José María Usandizagal - Madrid, 1914 puis Barcelone, 1929)
Livret de Gregorio Martínez Sierra et María Martínez Sierra
Édition critique de Ramon Lazkano (1999)
Représentation du 10 novembre 2023
Teatro de la Zarzuela (Madrid)

Puck César San Martín
Lina Sofía Esparza Jáuregui
Cecilia María Antúnez
Juanito Jorge Rodríguez Norton
Roberto Javier Castañeda
Un caballero Mario Villoria

Artistes de cirque : Alex G.Robles (chef de la troupe), Emilio Rodriguez (jongleur), Nacho Serrato (acrobate, monocycle), Néstor Marqués (acrobate, contorsionniste), Angel Lee (acrobate, cracheur de feu, Diable), Pedro Torres (acrobate, Cupidon), Sergio Dorado (Clown)

Direction musicale Juanjo Mena
Mise en scène Giancarlo del Monaco (2016)
Orquesta de la Comunidad de Madrid, Titular del Teatro de La Zarzuela
Coro del Teatro de La Zarzuela

La reprise de la production de ‘Las Golondrinas’ permet à Daniel Bianco de quitter la direction du Teatro de la Zarzuela avec le spectacle qui avait ouvert son mandat au début de la saison 2016/2017.
C’est en effet Isamay Benavente qui lui succède dès à présent en devenant la première femme à diriger cette institution créée en 1856.

Les saltimbanques

Les saltimbanques

'Las Golondrinas' est joué ce soir dans sa version opéra de 1929 – à l’origine, la création en 1914 sous forme de Zarzuela comprenait des textes parlés -, et l'on retrouve à la mise en scène Giancarlo del Monaco qui avait connu son âge d'or au début des années 2010 lorsque Nicolas Joel l'invitait à l'Opéra de Paris pour mettre en scène des œuvres issues du vérisme italien (‘I Pagliacci’, ‘Andrea Chénier’).

Il y a effectivement une correspondance entre le monde des saltimbanques de José María Usandizagal et 'I Pagliacci' de Ruggero Leoncavallo, mais l'univers musical est moins violemment passionnel et plus délicat dans le drame lyrique espagnol où les motifs psychologiques diffèrent également.

Le Teatro de la Zarzuela

Le Teatro de la Zarzuela

Il s'agit ici d'observer la montée de l'obsession maladive et destructrice de Puck pour une femme, Cecilia, qui recherche son indépendance, alors qu'une autre jeune femme, Lina, amoureuse de lui, plus sociable et naturelle, lui révélera son attachement affectif au moment où, n'en pouvant plus, Puck assassinera son ancienne amante - cet acte n'est pas montré, comme le vérisme italien le ferait, et seule la conséquence est divulguée -. Lina lui pardonnera pourtant tout.

La scénographie et les costumes sont purement colorés de gris, blanc et noir, et la première scène prend pour décor le plateau vide du théâtre avec ses murs mis à nus.

Les saltimbanques arrivent par l'allée centrale du parterre et montent sur scène non sans faire peser un léger risque lorsque déambulation d'échassier, jongleries et numéros de monocycle se déroulent en bordure de la fosse d'orchestre.

César San Martín (Puck) entouré des saltimbanques

César San Martín (Puck) entouré des saltimbanques

Le sentiment de mélancolie de Puck se projette ainsi dans le regard du spectateur, et tous les personnages sont instantanément présentés.

Cecilia paraît être le prolongement d'une Carmen frustrée qui attend de pouvoir vivre, mais qui, dans sa posture refermée, peut tout aussi bien suggérer l'attente de la mort.
Lina se montre beaucoup plus insouciante et prévenante, et pour qui ne connaît pas l'ouvrage, rien ne laisse transparaître le caractère ardent et fort volontaire qui couve sous ce personnage en apparence léger.

Quant à Puck, il croule déjà sous ses ressassements.

María Antúnez (Cecilia)

María Antúnez (Cecilia)

C'est à partir du second acte qui se déroule dans le grand cirque d'une importante cité, que les décors et les costumes prennent momentanément une coloration plus festive, jusqu'à la pantomime qui conserve toujours une certaine empreinte dépressive avec la présence du personnage de Charlot.

Sofía Esparza approfondit à ce moment là la charge affective de Lina en exprimant une flamme lumineuse et très intense qui rappelle beaucoup celui du personnage de Tatiana dans 'Eugène Onéguine' de Tchaïkovski.

Ce mélange de passion et de juste-boutisme attachant devient alors le point central de toute la seconde partie, tant l'investissement de la chanteuse à défendre les sentiments de la jeune femme est formidable à vivre.

Sofía Esparza Jáuregui (Lina)

Sofía Esparza Jáuregui (Lina)

A l'inverse, María Antúnez, qui use d'un registre mélangeant chant et déclamation réaliste, maintient une coloration dramatique qui annonce un sombre présage.

Quant à César San Martín, baryton très sonore qui s'inscrit aussi dans une ligne expressive vériste qui s'affine dans les duos avec Sofía Esparza, il joue une personnalité hallucinée avec un jeu théâtral bien marqué, en laissant filer l’image d’un homme dont l’identité se délite.

Toutefois, on ressent à plusieurs moments que l’écriture vocale ne s’harmonise pas toujours avec la ligne mélodique de l’orchestre que Juanjo Mena peaufine en privilégiant la douceur du toucher et le délié bucolique de la peinture orchestrale.

Sofía Esparza Jáuregui (Lina) et César San Martín (Puck)

Sofía Esparza Jáuregui (Lina) et César San Martín (Puck)

Mais il semble moins attentif au soutien des solistes, et n’insuffle pas suffisamment à son interprétation une ampleur dramatique qui pourrait donner plus de corps et d'unité à une partition qui alterne beaux moments poétiques, voir fortement romantiques et tourmentés, et des atmosphères plus discrètes.

L’association à la vision assez sobre de Giancarlo del Monaco fonctionne cependant très bien, ce qui permet d'apprécier les valeurs de l'ouvrage et de ressentir aussi qu’elles pourraient s'épanouir avec encore plus de flamboyance et de violence.

Las Golondrinas (Mena del Monaco Esparza Antúnez San Martín) Teatro La Zarzuela

Finalement, c’est assurément Sofía Esparza qui fait l’unanimité ce soir dans ce rôle exaltant où une certaine surpuissance se met en place chez elle pour absoudre la folie de l’être aimé.

Sofía Esparza Jáuregui

Sofía Esparza Jáuregui

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Publié le 13 Novembre 2023

L’Or du Rhin (Richard Wagner – Munich, 22 septembre 1869)
Représentation du 05 novembre 2023
Théâtre Royal de La Monnaie de Bruxelles

Wotan Gábor Bretz
Donner Andrew Foster-Williams
Froh Julian Hubbard
Loge Nicky Spence
Fricka Marie-Nicole Lemieux
Freia Anett Fritsch
Erda Nora Gubisch
Alberich Scott Hendricks
Mime Peter Hoare
Fasolt Ante Jerkunica
Fafner Wilhelm Schwinghammer
Woglinde Eleonore Marguerre
Wellgunde Jelena Kordić
Flosshilde Christel Loetzsch

Direction musicale Alain Altinoglu
Mise en scène Romeo Castellucci (2023)
Dramaturgie Christian Longchamp
Orchestre symphonique de la Monnaie

Coproduction Gran Teatro Del Liceu (Barcelone)

La nouvelle Tétralogie mise en scène par Romeo Castellucci, 32 ans après celle d’Herbert Wernicke qui avait marqué la fin du mandat de Gerard Mortier avec Sylvain Cambreling à la direction orchestrale, est un évènement après tant d’absence, d’autant plus qu’il s’agit d’un cycle qui va afficher 8 représentations par épisode, le nombre le plus élevé de l’histoire du Théâtre de La Monnaie, et donc atteindre un rayonnement conséquent sur le public régional et international.

Et évidemment, avec un plasticien qui aime introduire une imagerie mystique dans ses visions, on sait d’avance qu’il faudra se laisser aller à la beauté des choix esthétiques issus de l’histoire de l’art humaine sans forcément percuter immédiatement sur le sens qui leur est donné.

Et à la vue de ce premier volet, la sensibilité générale qui s’en dégage est une profonde empathie pour la souffrance humaine et son désir de trouver dans l’adoration des Dieux une consolation qui n’est qu’illusoire.

Scott Hendricks (Alberich) et Gábor Bretz (Wotan)

Scott Hendricks (Alberich) et Gábor Bretz (Wotan)

Après le claquement glaçant d’un immense anneau tournoyant sur scène et qui s’immobilise, le monde naît dans le noir de la fosse d’orchestre où seul le subtile point vert lumineux de la baguette du chef guide les musiciens dans leur longue montée des flots du Rhin, une noirceur sereine sous tension.

Alberich, vieilli, décharné et attaché à une poutre de métal, interpelle dans l’ombre les filles du Rhin, trois danseuses et trois interprètes prises elles aussi dans des noirceurs abyssales, et lorsque le nain réussit à prendre l’or, l’univers des Dieux apparaît dans toute sa blancheur immaculée, recouvert de fresques et de statues antiques, alors qu’une marée humaine se tord sous leurs pieds, puis sous les pierres monumentales qui l’écrase, comme dans certaines imageries bibliques.

Gábor Bretz (Wotan) et Marie-Nicole Lemieux (Fricka)

Gábor Bretz (Wotan) et Marie-Nicole Lemieux (Fricka)

Cette vision de la déchéance humaine sur laquelle règne Wotan est à mettre en regard avec l’émancipation d’Alberich qui, sorti des bas-fonds, se rebiffe dans l’espoir d’entraîner la chute de l’ordre établi et de prendre sa place.

L’apparition des géants venus, en tenues de travailleurs, réclamer leur salaire pour la construction de la résidence des Dieux, est exploitée de façon à infantiliser les commanditaires, en les doublant par des adolescents. Mais hormis le fait que cette scène ajoute à l'étrangeté de la situation, elle a surtout pour conséquence de placer les géants, les chefs des travailleurs, au dessus de leurs donneurs d'ordres.

Personnage le plus burlesque de ce prologue, Loge doit autant à la personnalité bonhomme et charnelle de Nicky Spence qu’à la liberté expressive que lui accorde Romeo Castellucci, qui a tendance à peu valoriser la gestuelle des dieux et des nymphes, une incarnation vivante qui le place en position de commentateur distancié de l'action.

Wilhelm Schwinghammer (Fafner) et Ante Jerkunica (Fasolt)

Wilhelm Schwinghammer (Fafner) et Ante Jerkunica (Fasolt)

Toutefois, le point culminant de la soirée est atteint au retour du Nibelheim, lorsque Wotan et Loge ramènent Alberich dans l'univers blanc et lumineux des Dieux. Ils font vivre au nain une véritable scène de torture, recouvrant de liquide noir la nudité de Scott Hendricks, un des artistes à qui La Monnaie doit parmi ses plus fortes incarnations, tout en restant attaché à l'anneau fabriqué au préalable dans les entrailles de la terre. Les poses et les traces au sol qui en résultent ont un effet esthétisant qui contribuent à la fascination de cette scène saisissante.

Mais de sa main noire, Alberich a le temps de faire porter sa malédiction sur l'anneau et le visage de Wotan, alors que deux crocodiles géants descendent des cintres - on ne peut s'empêcher de penser à Frank Castorf qui les utilisaient aussi dans 'Siegfried' au Festival de Bayreuth - pour révéler la véritable nature des géants dont l'un, Fasolt, finira écrasé par l'un des deux reptiles.

Scott Hendricks (Alberich)

Scott Hendricks (Alberich)

La très belle scène finale est également marquante par la manière dont l'Or du Rhin, un immense rond pleinement doré, se découvre sur un mur blanc, puis s'abat au sol sans que l'on ne voit ensuite se creuser un puits noir, surmonté d’étoiles à neuf branches semblant plonger à l'intérieur, dans lequel les dieux, un par un, iront se jeter de dos et bras écartés lors de la montée au Walhalla qui annonce en fait une descente aux enfers pour eux.

Ce final évoque d'ailleurs beaucoup celui du 'Dialogues des Carmélites' de Francis Poulenc, mais avec une valeur inversée.

L’Or du Rhin (Altinoglu Castellucci Hendricks Spence Bretz Lemieux) La Monnaie

La lecture et les couleurs qu’adjoignent Alain Altinoglu et l'Orchestre symphonique de La Monnaie privilégient une énergie sombre fortement dominée par la coloration expressionniste et puissante des bois et des vents qui s’allie chaleureusement à la structure des cordes lumineuses, mais avec de l'épaisseur. Tous les motifs solo sont par ailleurs harmonieusement dessinés avec soin.

Cette unité d’ensemble appuie ainsi un discours fortement théâtral et très prenant, avec un petit effet de huis-clos probablement du à la configuration de la salle du Théâtre.

Anett Fritsch (Freia)

Anett Fritsch (Freia)

Hormis Jelena Kordić (Wellgunde) qui fait ses débuts sur la scène de La Monnaie, tous les chanteurs ont déjà été invités sur ces planches au moins une fois par le passé, certains depuis plus de 10 ans tels Andrew Foster-Williams, Julian Hubbard, Marie-Nicole Lemieux - la vétérane depuis son premier récital interprété il y a exactement 22 ans -, Anett Fritsch, Nora Gubish, Scott Hendricks (inoubliable Macbeth dans la mise en scène de Krzysztof Warlikowski) et Ante Jerkunica. Ils seront tous reconduits sur les autres volets qui les font intervenir.

Gábor Bretz n’a pas encore la cinquantaine mais a toujours une apparence très jeune. A l’image du Coppelius qu’il incarnait sur cette scène il y a quatre ans, il offre une personnalité assez claire, vocalement, et visiblement fort traversée par le doute – Romeo Castellucci le fait s’agenouiller devant la statue d’un Bouddha décapité au moment de sa malédiction -.

C’est avec grande impatience que l’on attend de voir comment il va ajouter de la profondeur à Wotan dans les deux premières journées du Ring.

Nora Gubish (Erda)

Nora Gubish (Erda)

Marie-Nicole Lemieux n’a aucun mal à imposer une Fricka sévère avec son timbre aux couleurs nocturnes, et Anett Fritsch offre une fougue à Freia qui précipite un fort sentiment d’urgence.

Deux autres fortes personnalités prédominent cependant au cours de ce prologue, le Loge de Nicky Spence et l’Alberich de Scott Hendricks. Le premier est d’une aisance dansante assez originale avec beaucoup de clarté d’accents, mais aussi dans le regard, qui lui permettent de faire vivre un esprit lucide et impertinent très accrocheur, alors que le second est d’une noirceur expressive qui engage tout le corps de l’interprète, ce qui en fait un des sommets interprétatifs parmi les rôles les plus forts du baryton texan.

Nicky Spence (Loge)

Nicky Spence (Loge)

Quant aux deux géants, Fasolt et Fafner, ils trouvent en Ante Jerkunica et Wilhelm Schwinghammer deux impressionnants interprètes très difficiles à différencier du fait que le metteur en scène les fait mimer le chant de leur frère respectif pour mieux les confondre.

Et en Erda, Nora Gubisch apporte une dignité d’une très grande sagesse, peu inquiétante, afin de donner le maximum de portée spirituelle à la déesse de la terre.

Andrew Foster-Williams et Julian Hubbard rendent beaucoup de simplicité humaine à Donner et Froh, et ‘Siegfried’ permettra de voir comment Peter Hoare va dessiner les traits les plus torturés de Mime

Enfin, loin d’incarner des filles éthérées et inaccessibles, Eleonore Marguerre, Jelena Kordić et Christel Loetzsch assoient au contraire des personnages féminins très présents.

Nicky Spence, Gábor Bretz, Alain Altinoglu, Scott Hendricks, Marie-Nicole Lemieux

Nicky Spence, Gábor Bretz, Alain Altinoglu, Scott Hendricks, Marie-Nicole Lemieux

Il faudra désormais attendre la première journée, ‘La Walkyrie’, programmée en janvier prochain, pour voir quels degrés d’unité et de continuité Romeo Castellucci va insuffler à la ligne de ce Ring, et quels seront les éléments de correspondance entre chaque épisode.

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Publié le 5 Novembre 2023

John Zorn / 70e anniversaire - Stephen Gosling - JACK Quartet - Sae Hashimoto - Ches Smith - Jorge Roeder
Concert du 01 novembre 2023
Philharmonie de Paris - Grande salle Pierre Boulez

Jumalattaret (2012)
Piano  Stephen Gosling

Ab Eo, Quod (2021)
Sae Hashimoto (Vibraphone), Jay Campbell (Violoncelle), Ches Smith (Batterie)

Pandora’s Box (2013)
JACK Quartet - Christopher Otto (violon), Austin Wulliman (violon), John Pickford Richards (alto), Jay Campbell (violoncelle)

Star Catcher (2022)
Stephen Gosling (Piano), Jorge Roeder (Basse), Ches Smith (Batterie)

Voix Barbara Hannigan

Le passage à Paris de John Zorn, qui a célébré ses 70 ans le 02 septembre dernier, est l’occasion de retrouver un saxophoniste de jazz des années 80, compositeur d’un nombre considérable d’œuvres dans des genres très variés qui peuvent aller de la ballade chantée pour soliste jusqu'au métal violent, en passant par des ambiances chaleureuses ou sensiblement mélancoliques, surtout lorsqu'elles reposent sur l’emploi de violoncelles et de basses.

Barbara Hannigan - 'Jumalattaret'

Barbara Hannigan - 'Jumalattaret'

Son talent d’improvisation et d’adaptation est ce soir mis au service de la voix de Barbara Hannigan, et c’est un immense plaisir de retrouver la chanteuse canadienne douée de ce splendide sens de la mise en scène de soi tourné vers une intériorité librement imaginaire qui ne s’interdit aucune excentricité musicale.

Stephen Gosling et Barbara Hannigan - 'Jumalattaret'

Stephen Gosling et Barbara Hannigan - 'Jumalattaret'

La première des quatre pièces, ‘Jumalattaret’, est inspirée d'une épopée finnoise, ‘Le Kalevala’.

Pour Barbara Hannigan, accompagnée uniquement au piano par Stephen Gosling, il s’agit de faire vibrer dans l’acoustique sidérale de la Philharmonie la cristallinité de son timbre, et donc d’exprimer une pureté parfaite. L’écriture, tout aussi mélodique qu’elle soit, recèle également des dissonances ludiques qui se répondent entre clavier et voix.

On pense alors beaucoup à une autre pièce que le compositeur danois Hans Abrahamsem écrivit pour elle à la même époque dans le même esprit de scintillement, ‘Let me tell you’.

Jay Campbell, Barbara Hannigan, Sae Hashimoto et Ches Smith - ‘Ab Eo, Quod’

Jay Campbell, Barbara Hannigan, Sae Hashimoto et Ches Smith - ‘Ab Eo, Quod’

Puis, avec ‘Ab Eo, Quod’, cet esprit de virtuosité très libre se prolonge selon une couleur vocale un peu plus pleine, avant que la batterie de Ches Smith, mêlée à la rondeur sonore du vibraphone rigoureusement rythmée par Sae Hashimoto et aux traits de violoncelle impertinents de Jay Campbell, n'entame une ballade flegmatique sous forme d'un road movie sans autre objectif que le mouvement.

Cette pièce est un hommage au monde étrange de la peintre Leonora Carrington.

Christopher Otto, Austin Wulliman, Barbara Hannigan, Jay Campbell et John Pickford Richards - 'Pandora’s Box'

Christopher Otto, Austin Wulliman, Barbara Hannigan, Jay Campbell et John Pickford Richards - 'Pandora’s Box'

'Pandora’s Box' met ensuite à l'honneur la forme du quatuor à cordes avec des sonorités très aiguës et une évolution vers un climat où des fils très tenus entretiennent un fort sentiment pathétique. Beaucoup de joie anime le JACK Quartet autour de la chanteuse qui prend ainsi l'allure d'une égérie.

Barbara Hannigan - 'Star Catcher'

Barbara Hannigan - 'Star Catcher'

Enfin, la pièce la plus récente du programme, 'Star Catcher', s'inspire de l'âme d'une autre peintre surréaliste, Remedios Varo, dont Barbara Hannigan chante les noms des œuvres telles 'Enchanted Knight’, ‘The Scorpions’, ‘Phenomenon’, ‘Aquarius’, selon une ligne harmonique à moitié écrite alors que l'autre reste improvisée.

Et si la partition du pianiste Stephen Gosling est intégralement composée à l'avance, celle de la batterie se trouve, elle, totalement libre.

Christopher Otto, Austin Wulliman, Barbara Hannigan, Jay Campbell et John Pickford Richards - 'Pandora’s Box'

Christopher Otto, Austin Wulliman, Barbara Hannigan, Jay Campbell et John Pickford Richards - 'Pandora’s Box'

Ce concert apparaît ainsi comme une peinture musicale qui vise à célébrer la liberté artistique intérieure, et à exprimer, par une évanescence sonore un peu fantasque, la nature de l'artiste principale dont le charme glamour et le désir d'unité à l'ensemble de l'équipe artistique rayonnent avec une chaleur évidente.

Stephen Gosling, Barbara Hannigan, Jorge Roeder, John Zorn et Ches Smith

Stephen Gosling, Barbara Hannigan, Jorge Roeder, John Zorn et Ches Smith

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Publié le 1 Novembre 2023

TV-Web Novembre 2023 Lyrique et Musique

Chaînes publiques

Jeudi 02 novembre 2023 sur France 4 à 22h55
La symphonie des jeux vidéo aux Chorégies d'Orange - Orchestre Philharmonique de Marseille

Dimanche 05 novembre 2023 sur France 5 à 14h30
Guermantes - ms Honoré - La Comédie française

Dimanche 05 novembre 2023 sur Arte à 18h10
"Un Requiem allemand" de Johannes Brahms - Festival de Salzburg 2023

Dimanche 05 novembre 2023 sur Arte à 23h45
L'opéra de quat'sous (Weill) - Festival d'Aix-en-Provence 2023

Mardi 07 novembre 2023 sur France 4 à 21h10
Luisa Miller (Verdi) - Opéra de Marseille - dm Arrivabeni - ms Désiré

Mardi 07 novembre 2023 sur France 4 à 23h40
Requiem (Verdi) - Théâtre des Champs-Elysées - Orchestre national de France - dm Gatti

Mercredi 08 novembre 2023 sur Arte à 22h40
Leni Riefenstahl - La fin d'un mythe

Vendredi 10 novembre 2023 sur France 5 à 21h05
Fauteuils d'orchestre (Anne Sinclair) - Nemanja Radulovic - Orchestre national de France - dm Macelaru

Dimanche 12 novembre 2023 sur France 3 à 00h15
Le Corsaire (Adam) - Mariinsky

Dimanche 12 novembre 2023 sur France 5 à 14h25
Jean-François Zygel : Mon Mozart à moi

Dimanche 12 novembre 2023 sur Arte à 17h45
Mark Rothko - La peinture vous regarde

Dimanche 12 novembre 2023 sur Arte à 18h40
"Nisi dominus" de Vivaldi à Venise

Lundi 13 novembre 2023 sur Arte à 00h10
Hilary Hahn - Evolution of an Artist

Lundi 13 novembre 2023 sur Arte à 01h00
L'ange de feu (Prokofiev) - Teatro Real, Madrid

Mercredi 15 novembre 2023 sur Arte à 22h20
"Orange mécanique", les rouages de la violence

Dimanche 19 novembre 2023 sur France 3 à 00h15
Cosi fan tutte (Mozart) - Théâtre des Champs-Elysées - dm Haim - ms Pelly

Dimanche 19 novembre 2023 sur France 5 à 14h25
Les ouvertures de 
Tchaïkovski (Alexei Ratmansky)

Dimanche 19 novembre 2023 sur Arte à 18h25
Gustav Mahler : "Symphonie n° 1" par Joana Mallwitz

Lundi 20 novembre 2023 sur Arte à 00h25
Charlie Parker - Bird Songs

Lundi 20 novembre 2023 sur Arte à 01h20
Jamie Cullum - Piano solo - A l'espace Richaud, Versailles

Mardi 21 novembre 2023 sur Arte à 01h10
La Veuve Joyeuse (Film d'Erich von Stroheim, 1925)

Mardi 21 novembre 2023 sur France 4 à 21h10
Vienna Philharmonic Summer Night Concert 2023

Mardi 21 novembre 2023 sur France 4 à 22h40
Katia et Marielle Labèque à l'auditorium de Radio France

Jeudi 23 novembre 2023 sur Arte à 15h30
Leni Riefenstahl - La fin d'un mythe

Samedi 25 novembre 2023 sur France 4 à 21h10
Galaxymphony - musique de films par le Danish National Symphony Orchestra

Dimanche 26 novembre 2023 sur France 3 à 00h30
La Périchole (Offenbach) - Théâtre des Champs-Elysées - dm Minkowski - ms Ruf

Dimanche 26 novembre 2023 sur Arte à 18h45
Cristian Macelaru et Brahms à Timisoara

Dimanche 26 novembre 2023 sur Arte à 23h55
Un maestro en huit variations - Le chef d’orchestre François-Xavier Roth

Lundi 27 novembre 2023 sur Arte à 00h50
Chefs-d'oeuvre de la musique française par François-Xavier Roth

Mercredi 29 novembre 2023 sur Arte à 22h55
Werner Herzog - Cinéaste de l'impossible

TV-Web Novembre 2023 Lyrique et Musique

Mezzo et Mezzo HD

Mercredi 01 novembre 2023 sur Mezzo à 20h30
Verdi : I Lombardi alla prima crociata - Opéra Royal de Wallonie-Liège

Vendredi 03 novembre 2023 sur Mezzo HD à 21h00
'Ernani' de Verdi au Palau de les Arts de Valence

Vendredi 03 novembre 2023 sur Mezzo à 23h30
'Le Barbier de Séville' de Rossini au Royal Opera House

Samedi 04 novembre 2023 sur Mezzo à 20h30
Rameau : Les Indes galantes - Opéra de Paris

Dimanche 05 novembre 2023 sur Mezzo HD à 20h30
L'Opéra National Grec

Dimanche 05 novembre 2023 sur Mezzo HD à 21h00
Puccini : Madama Butterfly - Opéra National Grec

Mardi 07 novembre 2023 sur Mezzo à 23h10
'Saul' de Haendel au Theater an der Wien

Mercredi 08 novembre 2023 sur Mezzo à 20h30
Enesco : Oedipe - Opéra national de Paris

Vendredi 10 novembre 2023 sur Mezzo HD à 20h30
L'Opéra National Grec

Vendredi 10 novembre 2023 sur Mezzo HD à 21h00
Berg : Wozzeck - Opéra National Grec

Vendredi 10 novembre 2023 sur Mezzo HD à 22h35
Mozart : Don Giovanni - Staatsoper Berlin

Samedi 11 novembre 2023 sur Mezzo à 20h30
Sartorio: L'Orfeo - Philippe Jaroussky - Opéra de Montpellier

Dimanche 12 novembre 2023 sur Mezzo HD à 21h00
Stravinsky : Le Rossignol - Poulenc: Les Mamelles de Tirésias - Théâtre des Champs-Elysées

Dimanche 12 novembre 2023 sur Mezzo HD à 23h00
Monterverdi : Le Couronnement de Poppée - Théâtre des Champs-Elysées, Paris

Mercredi 15 novembre 2023 sur Mezzo à 20h30
Escaich : Shirine - Opéra de Lyon

Mercredi 15 novembre 2023 sur Mezzo à 22h20
'Serse' de Haendel à l'Opéra de Rouen

Jeudi 16 novembre 2023 sur Mezzo à 23h30
Penthesilea de Dusapin à la Philharmonie de Paris

Vendredi 17 novembre 2023 sur Mezzo HD à 21h00
Haendel : Giulio Cesare - Théâtre des Champs-Elysées, Paris

Vendredi 17 novembre 2023 sur Mezzo à 23h30
'Manon Lescaut' de Puccini au Gran Teatre del Liceu

Samedi 18 novembre 2023 sur Mezzo à 20h30
La Bohème de Puccini à l'Opéra Royal de Wallonie-Liège

Samedi 18 novembre 2023 sur Mezzo à 22h25
'Le Barbier de Séville' de Rossini au Royal Opera House

Dimanche 19 novembre 2023 sur Mezzo HD à 21h00
Dvorák : Rusalka - Dutch National Opera

Mardi 21 novembre 2023 sur Mezzo à 23h20
Verdi : I Lombardi alla prima crociata - Opéra Royal de Wallonie-Liège

Mercredi 22 novembre 2023 sur Mezzo à 20h30
Faust de Gounod à la Fenice de Venise

Vendredi 24 novembre 2023 sur Mezzo HD à 22h30
Puccini : Madama Butterfly - Opéra National Grec

Samedi 25 novembre 2023 sur Mezzo HD à 19h00
Stravinsky : Le Rossignol - Poulenc: Les Mamelles de Tirésias - Théâtre des Champs-Elysées

Samedi 25 novembre 2023 sur Mezzo à 20h30
Verdi : Falstaff - Teatro Real de Madrid

Samedi 25 novembre 2023 sur Mezzo à 22h45
'Saul' de Haendel au Theater an der Wien

Dimanche 26 novembre 2023 sur Mezzo HD à 21h00
Haendel : Giulio Cesare - Théâtre des Champs-Elysées, Paris

Lundi 27 novembre 2023 sur Mezzo HD à 23h05
Mozart : Don Giovanni - Staatsoper Berlin

Mardi 28 novembre 2023 sur Mezzo à 23h15
Enesco : Oedipe - Opéra national de Paris

Mercredi 29 novembre 2023 sur Mezzo à 20h30
Philippe Jaroussky - Scarlatti : Il Primo omicidio

TV-Web Novembre 2023 Lyrique et Musique

Web : Opéras en accès libre (cliquez sur les titres pour les liens directs avec les vidéos)

Sur Operavision, Culturebox, Arte Concert etc...

                            Illimité

Placido Domingo, l'homme aux mille vies

La Traviata (Chorégies d'Orange 2016) avec Domingo, Jaho, Meli

Le Barbier de Séville (Chorégies d'Orange 2018) avec Peretyatko, Sempey, Hotea

Roberto Alagna - Ma vie est un opéra

Le Royaume des Deux-Siciles (Roberto Alagna)

Patrick Dupond, un danseur chez les étoiles

Michaël Denard, le « prince » de l'Opéra de Paris

Anna Karenine (Mariinsky)

Accès Live avec Rim'K à l'Opéra Bastille pour « Le Lac des Cygnes »

Accès live à l'Opéra Garnier dans les coulisses de « La Cenerentola »

Le Requiem de Verdi (Chorégies d'Orange)

                           Novembre 2023

Elektra (Festival d'Aix-en-Provence 2013) jusqu'au 06 novembre 2023

Guerre et Paix (Bayerische Staatsoper) jusqu'au 06 novembre 2023

Bayerisches Staatsorchester - 500 ans jusqu'au 06 novembre 2023

Le Rouge et le Noir (Opéra de Paris) jusqu'au 07 novembre 2023

Rusalka (Dutch national Opera & Ballet) jusqu'au 07 novembre 2023

Versailles - Le palais retrouvé du Roi-Soleil jusqu'au 07 novembre 2023

Atys (Opéra de Versailles) jusqu'au 09 novembre 2023

Les Talens Lyriques (Théâtre du Châtelet) jusqu'au 11 novembre 2023

Tosca (Arènes de Vérone 2023) jusqu'au 12 novembre 2023

Cosi fan tutte (Festival de Salzbourg 2020) jusqu'au 12 novembre 2023

Le Songe d'une nuit d'été (Royal Swedish Opera) jusqu'au 12 novembre 2023

I Capuleti e i Montecchi (Opéra national de Paris) jusqu'au 12 novembre 2023

Henri VIII (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 16 novembre 2023

De Keersmaeker : Dialogue avec Bach - Les suites pour violoncelle jusqu'au 20 novembre 2023

The Turn of the Screw (Teatro di Reggio Emilia) jusqu'au 21 novembre 2023

Un voyage en Égypte - Fatma Said en concert jusqu'au 24 novembre 2023

Soirée Maurice Béjart (Opéra National de Paris) jusqu'au 25 novembre 2023

Golda Schultz chante Mozart (Festival de Salzbourg 2023) jusqu'au 25 novembre 2023

Lennon (Croatian National Theatre in Zagreb) jusqu'au 26 novembre 2023

Cosi fan tutte (Théâtre des Champs-Elysées) jusqu'au 26 novembre 2023

Les grandes ouvertures d'opéra de Mozart (Jean-François Zygel) jusqu'au 27 novembre 2023

Peau d'âne (Film de Jacques Demy) jusqu'au 30 novembre 2023

                           Décembre 2023

Les chemins de Bach / Dynasties à la Philharmonie de Paris jusqu'au 01 décembre 2023

Masterclass Ailyn Pérez & Brian Jagde jusqu'au 02 décembre 2023

Fromental Halévy : La Tempesta (Wexford Festival Opera 2022) jusqu'au 03 décembre 2023

Daniil Trifonov et Yannick Nézet-Séguin (Philharmonie) jusqu'au 04 décembre 2023

La Finta Pazza (Opéra Royal de Versailles) jusqu'au 04 décembre 2023

L'opéra de quat'sous (Festival d'Aix-en-Provence 2023) jusqu'au 04 décembre 2023

Zemira e Azor (National Theater Mannheim) jusqu'au 10 décembre 2023

L'Ange de feu (Teatro Real de Madrid) jusqu'au 11 décembre 2023

Joyce DiDonato : Master Class au Carnegie Hall (I/III) jusqu'au 12 décembre 2023

Joyce DiDonato : Master Class au Carnegie Hall (II/III) jusqu'au 12 décembre 2023

Joyce DiDonato : Master Class au Carnegie Hall (III/III) jusqu'au 13 décembre 2023

Old Ghosts (Irish national Opera) jusqu'au 16 décembre 2023

Concert de Noël 2020 du Philharmonique de Radio France jusqu'au 17 décembre 2023

Saint-Saëns, l'insaisissable jusqu'au 20 décembre 2023

BBC Cardiff Singer of the World 2023 Final jusqu'au 20 décembre 2023

International Opera Awards 2023 (Polish National Opera) jusqu'au 21 décembre 2023

La vie parisienne (Théâtre des Champs-Elysées) jusqu'au 23 décembre 2023

Le Turc en Italie (Festival d'Aix-en-Provence 2014) jusqu'au 25 décembre 2023

Roméo et Juliette (Opéra national de Paris) jusqu'au 27 décembre 2023

Nabucco (Grand Théâtre de Genève) jusqu'au 30 décembre 2023

Patrice Chéreau, irrésistiblement vivant,  jusqu'au 30 décembre 2023

Léa Desandre, récital baroque jusqu'au 31 décembre 2023

Das Rheingold (La Monnaie) jusqu'au 31 décembre 2023

 

                           Janvier 2024

'Amazon' par Lea Desandre, Thomas Dunford et l'Ensemble Jupiter  jusqu'au 01 janvier 2024

Les Noces de Figaro (Festival d'Aix-en-Provence 2021)  jusqu'au 07 janvier 2024

"Zarathoustra" & "Les Planètes" - Musée des Techniques de Spire jusqu'au 10 janvier 2024

Tosca (Arènes de Vérone 2023) jusqu'au 12 janvier 2024

Didon et Enée (Grand Theatre del Liceu) jusqu'au 14 janvier 2024

Idomeneo (Festival d'Aix-en-Provence 2022) jusqu'au 15 janvier 2024

Christian Spuck : Bovary (Staatsoper Berlin) jusqu'au 18 janvier 2024

Edda Moser - Reine de la nuit jusqu'au 19 janvier 2024

De Keersmaeker - Dialogue avec Bach (Documentaire) jusqu'au 19 janvier 2024

Hunyadi Laszlo (Hungarian State Opera) jusqu'au 21 janvier 2024

Les artistes de l'académie de l'Opéra national de Paris (dm Dudamel) jusqu'au 23 janvier 2024

Rufus Wainwright - "Unfollow the Rules" à Los Angeles jusqu'au 25 janvier 2024

Emmanuelle Haïm dirige Haendel avec les Berliner Philharmoniker jusqu'au 26 janvier 2024

Peter Grimes (Polish National Opera & Ballet) jusqu'au 28 janvier 2024

                           Février 2024

Giulio Cesare (Opéra national des Pays-Bas) jusqu'au 01 février 2024

Il Signor Bruschino (Rossini In Wildbad) jusqu'au 11 février 2024

Rossini Watch Party (World Opera Day) jusqu'au 11 février 2024

Les Noces de Figaro (Opéra national de Paris) jusqu'au 13 février 2024

Orchestre symphonique des jeunes d’Ukraine (Young Euro Classic 2023) jusqu'au 17 février 2024

Il Viaggio a Reims (Rossini Opera Festival) jusqu'au 18 février 2024

Le Carnaval des animaux jusqu'au 18 février 2024

                          Mars 2024

La Périchole (Théâtre des Champs-Elysées) jusqu'au 07 mars 2024

Les Noces de Figaro (Opera Ballet Vlaanderen) jusqu'au 08 mars 2024

Cassandra (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 14 mars 2024

Fauteuils d'Orchestre (Théâtre des Champs-Elysées) jusqu'au 16 mars 2024

Falstaff (Opéra de Lille) jusqu'au 22 mars 2024

Musique en fête (Chorégies d'Orange) jusqu'au 26 mars 2024

La Pucelle d'Orléans (Deutsche Opera am Rhein) jusqu'au 29 mars 2024

Hamlet (Opéra national de Paris) jusqu'au 30 mars 2024

Asmik Grigorian (Philharmonie de Paris) jusqu'au 31 mars 2024

L'année dernière à Marienbad (Film d'Alain Resnais) jusqu'au 31 mars 2024

Hammer (Alexander Ekman) jusqu'au 31 mars 2024

Piaf : le concert idéal jusqu'au 31 mars 2024

                       Avril 2024

Carmen (Opéra Comique) jusqu'au 02 avril 2024

Messe en si mineur (Chapelle Royale de Versailles) jusqu'au 08 avril 2024

Le Jacobin (National Theatre Brno) jusqu'au 08 avril 2024

Gala Verdi (Teatro Regio Parma) jusqu'au 10 avril 2024

Le Concert de Paris 2023 jusqu'au 13 avril 2024

Récital Pene Pati (Dvorak Rudolfinum de Prague) jusqu'au 19 avril 2024

Magic Mozart ... Concert spectaculaire! jusqu'au 21 avril 2024

Il barbiere di Siviglia (Garsington Opera) jusqu'au 24 avril 2024

Salomé (Opéra de Hambourg) jusqu'au 26 avril 2024

La Bohème (Théâtre des Champs-Elysées) jusqu'au 28 avril 2024

                          Mai 2024

Carmen (Chorégies d'Orange 2023) jusqu'au 03 mai 2024

Zoraidandi Granata (Wexford Opera Festival) jusqu'au 03 mai 2024

L'Agneau de Dieu (Lithuanian National Opera & Ballet) jusqu'au 18 mai 2024

Ligeti, compositeur de l’extraterrestre jusqu'au 19 mai 2024

L'Ours (Klaipeda State Music Theater) jusqu'au 19 mai 2024

Otello (Poznan Opera) jusqu'au 25 mai 2024

Bastarda - Le Couronnement (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

Bastarda - La tournée royale (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

Bastarda - Mary, Reine d'Ecosse (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

Bastarda - Tuer une Reine (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

Bastarda - Miroirs brisés (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

Bastarda - La Reine de la Farce (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

                          Juin 2024

Dans les coulisses de Roméo et Juliette (Opéra national de Paris) jusqu'au 02 juin 2024

Il Turco in Italia (Teatro Real de Madrid) jusqu'au 09 juin 2024

Innocence (Festival d'Aix-en-Provence 2021) jusqu'au 30 juin 2024

                           Juillet 2024

Innocence (Festival d'Aix-en-Provence 2021) jusqu'au 01 juillet 2024

L'incoronazione di Poppea  (Gran Theatre del Liceu de Barcelone) jusqu'au 11 juillet 2024

Wozzeck (Festival d'Aix-en-Provence 2023) jusqu'au 12 juillet 2024

L'opéra de quat'sous (Festival d'Aix-en-Provence 2023) jusqu'au 12 juillet 2024

Picture a day like this (Festival d'Aix-en-Provence 2023) jusqu'au 13 juillet 2024

Gala d'opéra - Classic Open Air Hannover jusqu'au 14 juillet 2024

 

                          Août 2024

Hyuk Lee (Palais Royal) jusqu'au 27 août 2024

                           Septembre 2024

Christiane Eda-Pierre, en scène jusqu'au 05 septembre 2024

Dalibor (Théâtre national de Prague) jusqu'au 10 septembre 2024

Valer Sabadus (Bayreuth Baroque 2023) jusqu'au 14 septembre 2024

Bruno de Sa (Festival d'Ambronay 2023) jusqu'au 24 septembre 2024

Télémaque et Calypso (Festival d'Ambronay 2023) jusqu'au 29 septembre 2024

                          Octobre 2024

Pietari Inkinen dirige Caplet, Ravel et Rimski-Korsakov - Avec Fatma Saïd jusqu'au 4 octobre 2024

Les Chemins de Bach / Un Voyage à Lübeck (Chapelle royale de Versailles) jusqu'au 10 octobre 2024

Britten - War Requiem (Château de Prague) jusqu'au 16 octobre 2024

                          Novembre 2024

On Danse Chez Vous : Mehdi Kerkouche (Chaillot) jusqu'au 08 novembre 2024

Marco Tutino : La ciociara (Wexford Festival Opera 2023) jusqu'au 18 novembre 2024

                          Décembre 2024

Grand concert symphonique Saint-Saëns (Auditorium de Radio France) jusqu'au 14 décembre 2024

Concert de Noël (Philharmonique de Radio France) jusqu'au 21 décembre 2024

 

                           Février 2025

Voix des Outre-mer (Amphithéâtre de l'Opéra Bastille) jusqu'au 20 février 2025

                           Mars 2025

Fidelio courte animation jusqu'au 01 mars 2025

Vivaldi et Mozart au musée du Louvre jusqu'au 24 mars 2025

 

                         Septembre 2025

Angelin Preljocaj : La visite (Picasso Danse) jusqu'au 19 septembre 2025

 

                           Mars 2026

Concert en soutien au peuple ukrainien (Maison de Radio France) jusqu'au 04 mars 2026

 

                           Juillet 2026

Kiev, un opéra en guerre (1/4) - Danser pour résister jusqu'au 11 juillet 2026

 

                           Septembre2026

Kiev, un opéra en guerre (2/4) - Exister ou disparaître jusqu'au 12 septembre 2026

 

                         Novembre 2026

Les trois ballets de Stravinsky (Théâtre des Champs-Elysées) jusqu'au 25 novembre 2026

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Rédigé par David

Publié dans #TV Lyrique

Publié le 28 Octobre 2023

Du lundi 22 juin au vendredi 26 juin 2009, France Culture diffusait 5 entretiens de Krzysztof Warlikowski au moment où il mettait en scène à l’opéra Bastille ‘Le Roi Roger’ de Karol Szymanowski pour clôturer les 5 ans du mandat de Gerard Mortier.

Ces 5 entretiens, menés par Joelle Gayot en février 2009 pour l'émission 'A voix nue', s’intitulaient respectivement ‘Pologne, je te « haime »’, ‘ Shakespeare, père et mère de théâtre’, ‘Je est mon autre’, ‘La leçon d’anatomie’, et ‘Le visible et l’invisible’.

Ils sont indispensables pour qui souhaite comprendre la construction de la pensée de ce très grand metteur en scène de théâtre et d’opéras.

Après ‘Pologne, je te « haime »’, ‘ Shakespeare, père et mère de théâtre’ 'Je est mon autre', et 'La leçon d'anatomie', le cinquième et dernier de ces 5 entretiens est intégralement retranscrit ci-dessous.

Krzysztof Warlikowski - L'Affaire Makropoulos (Opéra Bastille, le 05 octobre 2023)

Krzysztof Warlikowski - L'Affaire Makropoulos (Opéra Bastille, le 05 octobre 2023)

A voix nue : Joelle Gayot s’entretient avec Krzysztof Warlikowski (diffusion sur France Culture, le vendredi 26 juin 2009)
‘Le visible et l’invisible’

J.G : De la mise en scène du ‘Dibbouk’ , à partir du texte de Shalom Anski et de la nouvelle d’Hanna Krall, à celle de ‘Kroum l’Ectoplasme’ de l’auteur israélien Hanokh Levin, quelque chose semble avoir vacillé dans votre théâtre, un léger flottement, un suspend, un entre-deux qui a pu prendre la forme, pour vous, d’un doute, d’une hésitation ou d’une conscience nouvelle de ce que peut représenter dans votre chair et dans votre âme le théâtre.

J’aimerais aujourd’hui que nous parlions de cet invisible qui est venu avec le ‘Dibbouk’ frapper à votre porte, y frapper au risque du théâtre lui-même, un invisible qui affleure sous le visible et fait de vos scènes une porte ouverte sur d’autres scènes, venues d’ailleurs, du plus profond de vous-même, mais aussi du plus archaïque, du plus enfoui, et du plus universellement partagé.

Pour ce faire, on pourrait reparler, chez Sarah Kane, du désir de la femme de devenir homme, de cette tentative désespérée d’être l’autre, on pourrait aussi reparler dans le ‘Dibbouk’ de ces âmes qui hantent les vivants, de ces présences fantômes, on pourrait aussi évoquer avec ‘Angels in America’ et ‘Kroum’ ces injonctions du passé et de la mémoire, on pourrait aussi évoquer le Graal de ‘Parsifal' , bref, essayons de parler de ce qui n’est pas dit et de ce qui hante littéralement vos représentations.

J’aimerais savoir – la question est un peu brutale – quelle est la part de spiritualité ou de mystique qui existe dans votre théâtre, Krzysztof Warlikowski?

K.W : Le premier doute est venu au moment où je mettais en scène ‘Hamlet’, où il y a la fameuse scène avec le fantôme du père qui revient, le spectre, car c’était la première fois qu’il me fallait représenter l’au-delà au théâtre.
Je me suis révolté car j’ai compris qu’il y a un paradoxe dans le théâtre quand on aborde cela comme un divertissement. Je me rappelais toutes les mises en scène de ‘Hamlet’ où le spectre apparaissait avec une armure, de la fumée, de la lumière de différentes couleurs, etc.., et je me suis demandé si c’était bien cela le risque du théâtre.

Bien évidemment, la question est de savoir si le théâtre peut toucher l’au-delà, car c’est finalement de cela que l’on parle dans ‘Hamlet’. On veut voir le fils qui est en face de l’au-delà qui lui parle et qui lui passe un message, et donc l’on admet que cela puisse arriver dans la vie.

Cela arrive à certaines personnes, mais le théâtre devrait-il se contenter d’une image plate qui suggérerait ce qu’est l’au-delà par rapport à la réalité, ou bien le théâtre devrait-il représenter un trou qui mène vers l’au-delà, de façon à ce que nous, étant dans le théâtre, puissions passer par une expérience métaphysique et côtoyer quelque chose qui n’est pas compréhensible?

A ce moment là, quand je travaillais sur cette scène avec le spectre, j’avais dans la tête la nouvelle d' Hanna Krall, ‘Le Dibbouk’, avec ce témoignage de cet homme qui disait « il y a chez moi l’âme de mon petit frère qui est mort dans le ghetto pendant la guerre, et moi, cinquante ans plus tard, j’ai toujours mon petit frère en moi, et je veux le garder ». 

Après quelques tentatives d’exorcisme, il laissera tomber, ayant compris finalement qu’il avait en lui son frère et qu’il voulait le garder. Le théâtre est-il capable de montrer cela? Je ne sais pas avec ce que l’on voit s’il en est capable, parce que c’est assez complexe.

J’ai eu la même difficulté avec l’ange dans ‘Angels in America’, car, pour Tony Kushner, ou bien dans la série télé, cette scène est traitée sur le mode de la plaisanterie, si bien que cet ange n’a rien à voir avec l’au-delà.

Or, d’après moi, il était évident que pour mon public cet ange devait faire partie de l’au-delà, et qu’à ce moment là, il fallait que j’apprenne quelque chose qui me perturbe quelque part.

 

J.G : C’est une femme qui a joué ce rôle. Vous dites que c’est la plus belle femme de Pologne.

K.W : Cette femme s’est cassé une jambe. Ce fut une longue histoire pour arriver à ce personnage. J’ai d’abord trouvé qu’elle devait jouer l’infirmière dans l’hôpital, mais qu’elle ne pouvait pas être celle de ‘Kroum’ avec sa belle poitrine, et donc qu’il fallait qu’elle soit infirme, car c’est comme cela que tu peux consacrer ta vie à t’occuper des malades du sida.

Je lui ai dit :’Comme tu es la plus belle femme de Pologne, il faut que tu sois infirme des jambes, que tu ne puisses pas marcher’. Elle avait donc deux béquilles, et à un moment on a répété la scène de l’ange.

Puis, cette comédienne qui avait incarné Gertrude dans ‘Hamlet’, Stanisława Celińska, nous dit qu’elle n’était pas d’accord pour que l’ange entre avec des béquilles, et elle est partie faire du ski.

Elle est alors revenue avec une jambe cassée. Elle ne pouvait pas mettre de talons aiguilles pour faire l’ange, si bien qu’on lui a mis des bandages, alors qu’elle pouvait à peine marcher. Cela donnait la même chose, mais pas tout à fait exactement.

Mais à partir de ce moment là, les costumes, la musique, les cheveux, le maquillage, le micro qui transforme la voix, toute cette machinerie de théâtre mise en pleine lumière nous a permis de faire de son apparition un moment très irrationnel, avec un discours qui disait qu’au départ nous étions hermaphrodites, que notre état naturel était de copuler avec Dieu, que Dieu nous a quitté et que c’était donc pour cela que l’on était malheureux. C’était, dit brièvement, le message.

Dit ainsi, cela aplatit l’au delà, mais au moment où cela agit sur nous, nous provoquons nous-mêmes l’au delà en nous, et c’est ainsi que nous pouvons rencontrer cet irrationnel ou cette métaphysique. La seule rencontre est possible non pas sur le plateau, mais dans l’intériorité du spectateur. Le seul irrationnel qui existe dans mes spectacles est donc celui du spectateur.

Kroum © Frédéric Nauczyciel / see-you-tomorrow

Kroum © Frédéric Nauczyciel / see-you-tomorrow

J.G : Que s’est-il passé, lorsque vous avez monté ‘Le Dibbouk’, qui a pu vous déstabiliser, en tout cas vous faire douter dans le désir que vous aviez de poursuivre ou non le théâtre, parce que ‘Le Dibbouk’ est quand même un texte où il est question de l’âme des vivants, de l’âme des morts, plutôt, qui vient hanter l’âme des vivants pour que ces derniers exorcisent une faute que les morts n’ont pas accompli, pour qu’on les lave de tout soupçon. 
Il y a eu une conjugaison étrange dans la mise en scène de ces deux textes, celui d’Hanna Krall et celui de Shalom Anski, mais pour vous il s’agit presque d’un impossible du théâtre, vous parlez même d’une réduction effrayante de votre théâtre à ce moment là.

K.W : Il y avait ce reportage d’Hanna Krall - qui n’est pas une fiction, sinon cela n’aurait pas la même force –, car elle est vraiment allé aux États-Unis rencontrer cet homme qui lui avait envoyé une lettre en lui disant « Si vous êtes intéressée, je peux vous raconter ma vie ».

Après avoir entendu cette histoire de ce petit frère existant en lui, elle a entendu parler de cet exorciste, bouddhiste d’origine juive, qui vivait à Boston, et qui, lui, exorcisait ce petit frère.

Donc elle a fait un second voyage pour le voir, et elle a eu deux points de vue du personnage qui disait qu’il avait son petit frère en lui.

Que pouvais-je faire avec le théâtre après avoir donné aux spectateurs, en première partie, le texte juif le plus connu dans l’histoire du théâtre juif, un reportage, un vrai personnage, comment y croire ?

Il y a d’abord un comédien qui vient en disant qu’il ne parle pas polonais, que sa mère est française, et qu’il est un américain normal. Le public rigole, car comment peut-il ne pas parler polonais s’il est un comédien polonais ? Ensuite il dit qu’il est juif et qu’il a un Dibbouk en lui.

Donc, comment oublier ce méta-niveau pour croire que nous ne racontons pas de la fiction pour nous amuser, mais qu’il s’agit bien d’un fait que l’on veut partager avec le public, et pour faire en sorte que ce public soit conscient que c’est l’un d’entre nous qui parle là devant lui, et que cela s’est vraiment passé ?

Il fallait ainsi éliminer tout le théâtre, et l’on ne savait pas comment faire. Tous les dialogues qui étaient possibles n’étaient plus indispensables, les petits situations avec le lit, le rituel de thérapie, n’ont pas marché, car cela représentait seulement une thérapie. 

Finalement j’ai dit « Toi, tu racontes ta vie, et c’est tout! ». Il y eut un court moment, puis, en une seconde, ce comédien s’est transformé en bébé et a commencé à pleurer.

On a alors compris qu’il ne voulait pas que son petit frère soit exorcisé. Mais il y a dans cette seconde partie ce moment, un seul moment, de métamorphose, où l’on veut oublier et où l’on joue avec l’illusion quand on entend un bébé dans ce corps d’un adulte. Il est arrivé à le faire d’une telle manière que cela en est devenu traumatisant, et ce sont ces quelques secondes de théâtre qu’il fallait utiliser et rien d’autre.

Et donc, après avoir fait ce spectacle, je me suis demandé si je souhaitais toujours raconter des fictions puisque je me sentais impuissant par rapport à la première partie où, quand même, l’action se passait dans un cadre ancien. Je voulais rendre cette histoire plus contemporaine, mais il y avait quand même des limites à cela.

Hanokh Levin est venu à mon secours avec ‘Kroum’, car après avoir fait tous ces textes qui étaient adressés au public polonais, des textes engagés, révoltés, contre la société polonaise, contre notre passé, contre la peur de se confronter à nous-mêmes, il y avait ce texte qui était complètement personnel, où il y avait ce ‘moi’ envers ‘moi’, ma culpabilité envers ‘moi’, et il fallait que ‘moi’ je parle à mon propre démon, et pas aux démons de la nation avec lesquels c’était plus facile.

Mais à un moment donné, cela a réduit le théâtre à un reportage, à un document, parce que je ne pouvais pas aller vers la fiction, tandis que cette fiction d’Hanokh Levin est devenue tellement intériorisée, tellement personnelle, tellement vécue par moi, que c’est devenu, non pas une fiction, sinon moi-même.

Cela m’a donc sauvé de ce carrefour menant nulle part où j’aurais pu finir comme Jerzy Grotowski qui, à un certain moment, a dépassé le théâtre, où comme Peter Brook qui a vu des limites avec les récits d’Oliviers Sacks, au point que cela te mord en toi, en tant que metteur en scène de théâtre, si bien que cela te pousse vers quelque chose qui n’existe peut-être pas, là où il n’y a plus de chemin.

Krzysztof Warlikowski - Présentation de 'Phèdre' (Théâtre de l'Odéon, le 09 avril 2016)

Krzysztof Warlikowski - Présentation de 'Phèdre' (Théâtre de l'Odéon, le 09 avril 2016)

J.G : Mais, si finalement vous poursuivez sur cette voie là, Krzysztof Warlikowski, ne faudrait-il pas que vous passiez vous-même à l’écriture de la fiction pour écrire sur votre âme ?

K.W : Le problème est que je me suis toujours beaucoup mieux senti en dialogue qu’en monologue.
Tout mon art du théâtre vient du dialogue, et ce dialogue commence avec la scénographe, le compositeur, l’acteur, mais je ne pense pas qu’il y ait la vision du metteur en scène, car tout cela est un dialogue. Et le dialogue le plus important, au début, est celui entre moi et l’auteur, entre deux visions où apparaissent des points communs, sachant que je ne me suis jamais senti bien que dans mon propre univers en tant que base.
J’ai besoin d’un ennemi ou bien d’un ami, de l’autre côté, pour commencer ce dialogue.

 

J.G : Vous avez besoin d’un interlocuteur. Mais, je pense en vous écoutant à cette formule qu’employait Jérôme David Salinger en signant ses lettres :’Avec amour et abjection’.
Et j’entends tout le temps cela lorsque vous parlez de ce qui vous anime, Krzysztof Warlikowski.

K.W : Il me faut peut-être la confirmation qu’il y a la même ‘merde’ chez l’autre pour pouvoir la ressortir de moi.

 

J.G : Le personnage de cette sœur, dans ‘Purifiés’, qui tente de devenir son frère, n’est-il pas lui même, d’une certaine manière, la scène du théâtre? N’est-ce pas dans cet impossible qu’elle essaye de réaliser que se loge le théâtre?
Et, en passant par des textes comme ‘Le Dibbouk’, n’a t-il pas fallu que vous mettiez à l’épreuve ce théâtre qui est à l’intérieur du corps fabriqué, presque ‘faustien’, de cette femme, pour, finalement, après avoir écarté toutes les chairs, après avoir écorché jusqu’à l’os ce que c’était, arriver à cette conclusion que ce n’était que vous-même? 
Cela commence avec vous, cela naît avec vous, puisque que vous dites ‘Il faut que je trouve dehors celui à qui je vais parler, celui à qui je vais m’adresser’. 

Mais, en revenant à ‘Kroum’, votre spectacle sans doute le plus autobiographique, n’est ce pas parce que vous avez su trouver en vous-même celui à qui vous deviez parler, que vous avez pu continuer dans le théâtre?

K.W : ‘Kroum’ était peut-être une façon d’être d’accord avec moi-même, car ce genre de monologue intérieur qui était partout présent m’a permis d’accepter d’être jeté dans une réalité que je pouvais représenter au théâtre, car j’ai toujours voulu échapper à l’extérieur.

On pourrait dire que ‘Kroum’ est une sorte de compromis qui me permet de me reconnaître comme ‘normal’, comme les autres, d’avoir le droit de vivre.

Après ce cri assourdissant qui ne voulait rien entendre d’autre que sa douleur et sa révolte, tout d’un coup advient une sorte d’acceptation de la réalité, et je la prends telle quelle en souffrant.

Purifiés © Stefan Okołowicz, TR Warszawa, 2002

Purifiés © Stefan Okołowicz, TR Warszawa, 2002

J.G : Ce théâtre écorché dont parle Georges Banu, serait-il en voie de se cicatriser ?

K.W : Je me demande si cela ne reprend pas la peau à partir de ‘Kroum’, quand même. 
Peut-être suis-je arrivé au bout de quelque chose qui est communicable, ou pas, et peut-être faudrait-il tout recommencer?

En Pologne, ‘Purifiés’ ne pouvait pas être largement reçu parce que cet univers était de base trop différent de ce que les Polonais pensaient d’eux-mêmes. Cela parlait des choses que cette société n’acceptait pas et qu’elle a toujours refoulé, et elle a reçu la même chose avec ‘Kroum’, emballé d’un paysage familier, ce qui a permis à cette société de faire, petit à petit, un pas vers son intérieur refoulé.

C’est peut-être cela cette peau qui vient avec ‘Kroum’, et c’est aussi cela qui vient avec Tony Kushner et son langage très sociable, en contradiction avec le langage de Sarah Kane qui est un cri égoïste très individuel, sans se soucier de la société et sa capacité à réparer ce qui lui est arrivé, ne voulant plus rien entendre pour rentrer dans sa propre douleur.

Tony Kushner s’exprime d’une manière raisonnable dans une société précise où il y a des devoirs sociaux à prendre. Dans ‘Angels in America’, autrement qu’avec ‘Purifiés’, le public qui regarde sait exactement quels sont ses devoirs, ce qu’il ne peut pas reconnaître en regardant les ‘Purifiés’.

 

J.G : Vous avez lâché quelque chose de vous-même après ‘Le Dibbouk’, quelque chose d’une colère, une violence aussi?

K.W : Je n’ai rien lâché. J’ai 45 ans aujourd’hui, j’ai donc fait un long voyage avec le théâtre à partir de 30 ans, car il y avait cette énergie qui s’accumulait dès l’enfance, ce cri, cette solitude.
Puis, vint cette compréhension comme arrive la compréhension dans la vie. Il y a une liaison que tu pensais toujours exister pour la vie ou pour la mort. 
Mais à un certain moment tu lâches, parce que tu peux comprendre que c’est impossible, ou bien parce que tu découvres les premières impossibilités.

Et comme tu découvres les premières impossibilités, tu parles autrement, peut-être d’une manière amère, ou peut-être, au contraire, avec de plus en plus d’espoir. Car moins tu espères, et de plus en plus d’espoir tu exprimes. Il y a les impossibilités qui parlent, qui commencent à posséder ton cerveau, ton corps, et il y a les maladies ou la faiblesse qui commencent à prendre ton corps, cela change donc ta démarche, du point de vue de la révolte que tu vis actuellement - et non pas de la ‘Révolte, Révolte’-, et puis tu luttes différemment en vieillissant, probablement.

 

J.G : Tout à l’heure, vous nous avez raconté une très belle anecdote, Krzysztof Warlikowski, à propos de ce fils qui rit de la blague de sa mère, et je me demande si, au fond, il n’y a pas quelque chose qui a aussi fait son apparition dans ce que vous attendez du théâtre et dans ce que vous souhaitez en faire partager, si ce n’est quelque chose qui est probablement très lié à ce temps du théâtre qui est, peut-être, proche d’une forme de bonheur.

K.W : C’est le cas de tous ces gens qui ont ce surplus dans leur cerveau, qui ont besoin de l’imagination, sinon ils en resteraient à ce qui est réel. 

D’où vient ce don d’imaginer? Et bien je pense que lorsque l’on est un enfant rêveur qui n’accepte pas la réalité, et qui plonge dans quelque chose d’autre, vient la vie que l’on imaginait, celle du possible, cette vie pour laquelle on vit, cette vie que l’on va vivre pour les autres ou pour soi-même.

 

J.G : Vous rendez les spectateurs heureux en les faisant pleurer!

K.W : En les faisant rire aussi!

 

J.G : Merci Krzysztof Warlikowski!

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Rédigé par David

Publié dans #Warlikowski

Publié le 6 Octobre 2023

L’Affaire Makropoulos (Leoš Janáček - 18 décembre 1926, Théâtre national de Brno)
D’après la pièce de Karel Čapek (21 novembre 1922, Théâtre de Vinohrady de Prague)
Répétition générale du 02 octobre et représentations du 05 et 17 octobre 2023
Opéra Bastille

Emilia Marty Karita Mattila
Albert Gregor Pavel Černoch
Jaroslav Prus Johan Reuter
Vítek Nicholas Jones
Krista Ilanah Lobel-Torres
Janek Cyrille Dubois
Maître Kolenaty Károly Szemerédy
Hauk-Sendorf Peter Bronder

Direction musicale Susanna Mälkki
Mise en scène Krzysztof Warlikowski (2007)
Décors et costumes Małgorzata Szczęśniak
Lumières Felice Ross
Vidéo Denis Guéguin
Dramaturgie Miron Hakenbeck

Coproduction avec le Teatro Real de Madrid
Diffusion en direct sur Paris Opera Play le vendredi 13 octobre 2023

La mise en scène de ‘Věc Makropulos’ imaginée par Krzysztof Warlikowski est, jusqu’à présent, la production d’un opéra de Leoš Janáček qui a connu la plus importante longévité au répertoire de l’Opéra de Paris, puisqu’elle a été créée il y a plus de 16 ans, le 27 avril 2007, tout en bénéficiant d’une reconnaissance critique unanime - précédemment, la production de ‘Katia Kabanova’ par Götz Friedrich avait tenu 12 ans sur scène de 1988 à 2000 -.

Karita Mattila (Emilia Marty)

Karita Mattila (Emilia Marty)

Cette histoire de procès qui oppose Albert Gregor à Jaroslav Prus, descendants de deux familles qui se disputent l’héritage du Baron Prus décédé un siècle plus tôt, fait intervenir une célèbre et mystérieuse chanteuse, Emilia Marty, qui recherche aussi les preuves d’une liaison qu’elle eut avec ce personnage désormais disparu. Elle est en effet devenue immortelle après avoir bu un élixir de vie et, malgré sa froideur, elle fascine tous les êtres qui l’approchent.

Pavel Černoch (Albert Gregor) et Karita Mattila (Emilia Marty)

Pavel Černoch (Albert Gregor) et Karita Mattila (Emilia Marty)

Ce drame fantastique, qui pourrait être traité de manière naturaliste en présentant des êtres banalement humains perturbés par la présence d’une femme qui leur échappe, est splendidement mis en perspective sur la scène Bastille en tissant des liens avec l’univers du cinéma américain des années 50 qui brillait par la seule présence d’actrices légendaires – Krzysztof Warlikowski s’est personnellement nourri de cet art lorsqu’il vécut à Paris dans les années 80, avant d’entreprendre des études de théâtre lors de son retour en Pologne après la chute du rideau de fer -.

Károly Szemerédy (Maître Kolenaty) et Karita Mattila (Emilia Marty)

Károly Szemerédy (Maître Kolenaty) et Karita Mattila (Emilia Marty)

Cette approche cinématographique qui transforme Emilia – alias Elina Makropoulos – en actrice est scéniquement très exigeante pour l’interprète du rôle qui apparaît d’abord sous l’apparence de Marilyn Monroe dont la jupe se soulève avec le vent comme dans le film « The seven Year Itch » (Billy Wilder 1955), dont il restera la photographie mythique prise par Sam Shaw, puis sous les traits de Rita Hayworth , icône sensuelle de « Gilda » (Charles Vidor 1946) qui y chante ‘Put the blame on Mame’.

Ilanah Lobel-Torres (Krista), Károly Szemerédy (Maître Kolenaty), Johan Reuter (Jaroslav Prus), Cyrille Dubois (Janek), Karita Mattila (Emilia Marty), Pavel Černoch (Albert Gregor) et Nicholas Jones (Vítek)

Ilanah Lobel-Torres (Krista), Károly Szemerédy (Maître Kolenaty), Johan Reuter (Jaroslav Prus), Cyrille Dubois (Janek), Karita Mattila (Emilia Marty), Pavel Černoch (Albert Gregor) et Nicholas Jones (Vítek)

Il s’agit ici d’incarner une femme fatale qui suscite attirance, jalousie, désir de possession, voir désir de meurtre (Albert Gregor ira jusqu’à menacer Emilia Marty qui, en retour, lui montrera une partie des cicatrices laissées par ses soupirants passés), pulsions animales qui sont symbolisées au second acte par un immense buste de King Kong dont la main enserre l’artiste, comme pour signifier qu’elle ne pourra jamais s’échapper du destin fantasmatique qui pèse sur elle.

Cet élément de décor fabuleux de onze mètres de hauteur est d’ailleurs mis en valeur de manière très impressionnante par des lumières (Felice Ross) qui en dessinent les volumes et donnent l’illusion du réalisme de sa fourrure.

Karita Mattila (Emilia Marty) et Pavel Černoch (Albert Gregor)

Karita Mattila (Emilia Marty) et Pavel Černoch (Albert Gregor)

La vidéo et la filmographie jouent aussi un rôle prépondérant dans cette production de façon à créer un tout cohérent du début à la fin, non pas qu’il s’agisse d’une simple cohérence logique et linéaire, mais plutôt d’une unité d’ensemble qui se répond par des résonances dans le temps entre texte, images, décor et dramaturgie, et qui emportent le spectateur dans ce milieu fait de projections et d’expressions fortement théâtrales pour lui faire sentir une présence éternelle tragique.

Johan Reuter (Jaroslav Prus) et Karita Mattila (Emilia Marty)

Johan Reuter (Jaroslav Prus) et Karita Mattila (Emilia Marty)

La scène d’ouverture entièrement construite sur des archives filmées est absolument grandiose, car, d’une part, elle donne un sens lyrique et cinématographique à la musique de Leoš Janáček que d’aucun n’aurait soupçonné, et, d’autre part, agrège de manière virtuose des scènes et des extraits de films de Marilyn Monroe avec ceux du ‘King Kong’ de 1933 au rythme des secousses presque sauvages de la musique.

Les sentiments de fascination et d’oppression sont aussi appuyés par la présence, dans toute cette séquence, de photographes acharnés à traquer leur proie.

Gloria Swanson dans « Sunset Boulevard »

Gloria Swanson dans « Sunset Boulevard »

Enfin, des extraits de « Sunset Boulevard » (Billy Wilder 1950) interviennent à tous les actes pour signifier l’imminence de la chute de la diva, sous les traits magnétiques de Gloria Swanson.
Une furtive image du corps de la diva flottant dans une piscine, extraite de ce même film, est glissée de façon subliminale au tout début, en écho au décor final tiré de la scène de la piscine du dernier film inachevé de Marilyn, « Something’s got to give » (George Cukor 1962).

Karita Mattila (Emilia Marty)

Karita Mattila (Emilia Marty)

C’est en effet au creux du somptueux décor laqué en bakélite de Małgorzata Szczęśniak, qui évoque une ancienne salle de cinéma, que sont insérées ces vidéos, auxquelles les néons latéraux situés en hauteur, les effets luminescents tapis sous la scène et les faisceaux provenant de la salle donnent un effet de profondeur et une unité visuelle saisissante.

Un autre décor glissant représentant des sanitaires et une salle d’eau permet d’isoler la relation trouble entre Emilia et Albert, qui ignore qu’il est son arrière petit-fils, et, à nouveau, des petits écrans permettent d’apprécier le talent de Denis Guéguin, le vidéaste, à reconstituer une filmographie vivante du visage de Karita Mattila façon ‘Pop Art’ issue d’un portrait de Marilyn peint par Andy Warhol quelques semaines après la mort de l’actrice en 1964.

Pavel Černoch (Albert Gregor)

Pavel Černoch (Albert Gregor)

Mais beaucoup d’humour s’immisce aussi dans la dramaturgie à travers les rôles secondaires, et notamment le personnage de Hauk-Sendorf, ténor d’opérette, qui joue avec Marilyn une scène d’affection très touchante qui semble être le seul moment d’amour véritablement humain du spectacle.

Et avec une artiste telle Karita Mattila, qui a remporté il y a exactement 40 ans son premier concours de chant lors de la première compétition Cardiff Singer of the World, la scène finale où on la voit s’enfoncer lentement dans la piscine alors que la jeune soprano Ilanah Lobel-Torres, membre de la troupe de l’Opéra de Paris, achève de lui ressembler pour prendre le relai, donne une image de la transmission d’un destin qui dépasse celui de Marilyn pour s’inscrire dans une réalité artistique et humaine d’aujourd’hui.

Le spectateur est d’ailleurs lui-même interpelé dans cette mise en scène lorsqu’Emilia se tourne vers la salle pour demander qui d’autre veut la solliciter. La lassitude d’être une icône est en effet l’un sujet qui est traité avec une lucidité cruelle par le texte et par le geste.

Ilanah Lobel-Torres (Krista)

Ilanah Lobel-Torres (Krista)

Pour cette 4e série après celles de 2007, 2009 et 2013, auxquelles on pourrait rajouter celle de 2008 au Teatro Real de Madrid, deux membres de la nouvelle Troupe de l’Opéra de Paris sont mis à l’honneur dès les premières minutes.

Le premier, Nicholas Jones, incarne Vítek sous forme de présentateur avec une clarté éloquente qui laisse béat de par son aisance riante. La seconde, Ilanah Lobel-Torres, se glisse dans la peau de Krista, puis de Marilyn, avec la même confiance et une excellente résonance en salle qui s’appuie sur un timbre ambré vibrant et légèrement corsé. Son jeu est agrémenté d’une subtile touche séductrice qui lui permet d’apparaître comme une successeuse envieuse de profiter de la vie.

Et comme dans cette production elle reprend à son compte les rôles de la femme de ménage et de la femme de chambre écrits à l’origine pour une contralto, son caractère s’en trouve naturellement renforcé.

Cyrille Dubois (Janek), Ilanah Lobel-Torres (Krista) et Károly Szemerédy (Maître Kolenaty)

Cyrille Dubois (Janek), Ilanah Lobel-Torres (Krista) et Károly Szemerédy (Maître Kolenaty)

Totalement méconnaissable, Cyrille Dubois, qui célèbre tout juste ses 11 ans sur la scène Bastille, joue sans réserve le sans-gêne vivace de Janek, le fils de Prus, avec une manière délurée qu’on ne lui connaissait pas, et une excellente élocution en tchèque que peuvent constater les natifs du pays de la Bohême. Le personnage apparaît moins abrupt que dans d’autres interprétations.

Et, autre protagoniste signifiant, Hauk-Sendorf est ce soir doué de la présence si touchante de Peter Bronder, d’une fulgurante expressivité vocale, qui nous vaut le plus authentique duo avec Emilia Marty, au point de faire réapparaître des traits très enfantins.

Habitué des rôles véristes et naturalistes, Johan Reuter n’a aucun mal à traduire la muflerie de Jaroslav Prus, et Károly Szemerédy donne une image impertinente et très spontanée de Maître Kolenaty.

Peter Bronder (Hauk-Sendorf) et Karita Mattila (Emilia Marty)

Peter Bronder (Hauk-Sendorf) et Karita Mattila (Emilia Marty)

Quant aux deux grands rôles de cet opéra extravagant, ils sont confiés à Pavel Černoch et Karita Mattila.

Le premier, habitué à l’univers de Krzysztof Warlikowski auquel il s’est confronté sur cette même scène dans ‘Don Carlos’ et Lady Macbeth de Mzensk’, fait ressortir le tempérament écorché d’Albert Gregor en perpétuelle lutte avec la passion charnelle qu’il éprouve pour Emilia et qui le rend très dangereux.

Le brillant de ses intonations slaves et les teintes mates de sa voix induisent ainsi un charme impulsif et dépressif qui sont les meilleurs alliés de son interprétation excellemment figurée.

Pavel Černoch (Albert Gregor)

Pavel Černoch (Albert Gregor)

Karita Mattila, elle, découvre pour la première fois l’approche très sensible du metteur en scène qui attache beaucoup d’importance aux expressions du corps et à leurs interactions.

Son galbe vocal s’est considérablement épaissi et assombri, mais avec une souplesse tonique qui lui permet de donner de l’effet percutant à ses exclamations dont on entend un déploiement phénoménal au dernier acte.  C’est effectivement très émouvant de reconnaître ce qui a toujours fait l’unicité de son timbre depuis sa toute jeunesse, ainsi que de la voir tenir ce rôle avec une rage de vivre qu’elle n’accepte finalement de lâcher que lorsqu’elle se laisse entraîner au fond de la piscine.

Karita Mattila

Karita Mattila

Et si l’on ajoute la direction de Susanna Mälkki qui semble intérioriser beaucoup plus le discours musical qu’en 2013 avec une grande profondeur de son et une grande précision dans l’association des interjections musicales au chant des solistes, on obtient un rendu musical de nature plus crépusculaire qui accentue le sentiment d’une fin d’époque.

Ilanah Lobel-Torres, Susanna Mälkki et Johan Reuter

Ilanah Lobel-Torres, Susanna Mälkki et Johan Reuter

Ce spectacle, servi par une esthétique magnifique, porte en lui une telle leçon sur la vie et sur la relation de l’artiste à la société qu’il est une référence dont il serait à l’honneur de l’Opéra de Paris de ne jamais se départir.

Susanna Mälkki, Krzysztof Warlikowski, Karita Mattila, Małgorzata Szczęśniak, Pavel Černoch, Felice Ross, Károly Szemerédy et Denis Guéguin

Susanna Mälkki, Krzysztof Warlikowski, Karita Mattila, Małgorzata Szczęśniak, Pavel Černoch, Felice Ross, Károly Szemerédy et Denis Guéguin

Karita Mattila, lors de la dernière représentation de l'Affaire Makropoulos, le 17 octobre 2023

Karita Mattila, lors de la dernière représentation de l'Affaire Makropoulos, le 17 octobre 2023

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Publié le 3 Octobre 2023

Interviews réalisées par Axel Driffort

L'Affaire Makropoulos à Bastille : du cinéma sur scène, du sublime par moment et de l'action tout le temps

Fascinant cas pour un directeur de salle que cette production de l''Affaire Makropoulos' de Leoš Janáček, car elle fait mentir la corrélation supposée entre la qualité d'un spectacle et son taux de remplissage. Interrogez n'importe qui ayant assisté à une représentation, il vous en dira le plus grand bien.

C'est d'ailleurs ce que nous avons voulu faire en donnant la parole à trois protagonistes différents pour avoir leurs visions sur ce spectacle si particulier, dont tous attendent beaucoup.

Ilanah Lobel-Torres, soprano

Que fais-tu dans la vie ?

Je viens de finir ma formation à l’Académie de l’Opéra national de Paris où je suis rentrée en 2019 et je suis désormais membre de la Troupe de l’Opéra national de Paris. Sur cette scène, j’ai déjà eu l’opportunité de chanter dans des productions de l’'Enfant et les Sortilèges', 'Manon', 'Les Noces de Figaro' et 'Peter Grimes'.

 

Dans cette production, j’interprète le rôle de Krista. Cette version est particulière car j’y chante également le rôle des deux caméristes.

 

Cela rend le personnage encore plus important et cela fait plus de sens, car on la voit être obsédée par Marty et s’approcher d'elle de plus en plus jusqu'à prendre sa place.

 

Est-ce la première fois que tu chantes du Janáček  ? Que penses-tu de sa musique ?

Il s’agit de mon premier Janáček. J’ai commencé à chanter en tchèque cet été à l’opéra de Santa Fe dans 'Rusalka', mais la composition est très différente, Dvořák est axé sur le beau, Janáček est davantage axé sur le théâtre, l’action et le drame, ainsi que la réaction émotionnelle qui en découle.

Comment as-tu géré cette prise de rôle ?

On fait une reprise qui date d’il y a plus de dix ans. On se sent beaucoup plus impliqué dans le processus créatif car on a l’impression de recréer ce spectacle. Ce n’est pas toujours le cas dans les reprises.

J’ai fait la découverte de la pièce à la demande de l’Opéra. J’ai d’abord eu peur car il n’y a pas d’aria, ce n’est presque que du théâtre ; on ne sait jamais comment s’achève la mélodie. En plus, tout est en tchèque !

Pour la langue, j’ai d’abord pensé l’aborder comme j’avais abordé le russe. Mais ça n’a pas bien fonctionné, les consonnes sont beaucoup plus rapides et il n’y a pas de longue ligne sur les voyelles. Il faut travailler le texte en langage parlé pendant très longtemps. Ensuite, il est possible de mémoriser les mélodies. Cela m’a pris près d’un mois à plein temps ; heureusement, Irène Kudela, la coach de tchèque à l’Opéra, était là.

J’ai travaillé en m’interrogeant sur la finalité de la musique. Sur chaque phrase, je me demandais quelle était l’émotion voulue, car la mélodie nous donne toutes les indications. Une fois que l’on a compris où Janáček veut nous emmener, tout fait sens.

Maintenant, je me rends compte que tout ce travail m’ouvre à un nouveau répertoire. Cela me donne très envie de faire 'La Petite Renarde rusée'.  Avant, j’aurais eu trop peur, et cela ne me parlait pas, j’étais plus axée sur la musique romantique. 

Que penses-tu de la chef d’orchestre ?  

Elle est très claire, c’est une présence très rassurante. Si on a un problème, elle est toujours là pour nous rattraper. Elle a été très patiente durant les répétitions.

Qu’as-tu le plus aimé ?

La sensation de succès quand on commence à maîtriser le rôle. Ce n’est pas naturel comme pour Mozart, et beaucoup plus gratifiant. J’adore aussi l’idée que l’Opéra soit comme un film. Finalement, j’aime particulièrement dans cet opéra les moments de beauté éparse dans l'œuvre qui surgissent subrepticement.

D’un point de vue musical, j’aime particulièrement le début du deuxième acte quand Emilia Marty apparaît dans la main de King Kong avant de sortir de l’écran. J’aime énormément le troisième acte, pour son propos et son efficacité dramatique, notamment quand Emilia Marty s’explique.

Que penses-tu de la mise en scène ?

Il n’y a pas d’aria ou de duo qui explique quelque chose durant cinq minutes, la vision cinématographique permet vraiment de souligner efficacement l’intrigue.  D’un point de vue visuel, on est vraiment dans quelque chose d’abouti et de somptueux.

Et quid de la distribution ?

Le casting est très diversifié ; fait notable, nous avons tous une nationalité différente (américaine, française, danoise, finlandaise, tchèque, australienne et hongroise). Cela montre que cette musique peut parler à tout le monde, quelle que soit l'origine ou l'expérience.

J’aime beaucoup Karita Mattila, bien sûr, mais aussi Pavel Černoch qui interprète le rôle d'Albert Gregor. Il a une voix sombre, romantique et chaude. De plus, son timbre et sa projection sont très très bons, et donnent l’impression qu’il traverse le rôle naturellement et sans effort.

Fabien Wallerand, tuba solo

Quand es-tu rentré à l'orchestre de l'Opéra ?

En 2004, après le conservatoire, j’ai été intermittent pendant trois ans dont deux ans à l’Opéra de Lyon avec plusieurs concerts aux orchestres Philharmonique de Radio France et de Paris, puis je suis rentré dans cet orchestre.

 

 

Avais-tu participé à la création en 2007 ? Si oui, que penses-tu de son évolution ?

Oui. Pour ce qui est de l’évolution, je la vois surtout au niveau orchestral. Quand je suis rentré, il n’y avait pas de directeur musical et je trouve que cela manquait. Puis Philippe Jordan est arrivé et a apporté beaucoup de choses musicalement et humainement durant ses onze années de mandat.

Depuis 2007, j’ai vu beaucoup d’évolution au sein de l’orchestre et de progression, notamment d’un point de vue musical et disciplinaire. Le son de l’orchestre s’est enrichi et considérablement développé au fil de ces années.

La chance de travailler avec des grands chefs, tels que Semyon Bychkov, Valery Gergiev et Seiji Ozawa nous a permis d’apprendre beaucoup en s’ouvrant et en leur faisant confiance. Récemment, l’entrée dans l'orchestre de beaucoup de jeunes à des postes prestigieux a relancé cette dynamique, notamment grâce à leurs capacités d’adaptation.

Concrètement, sur du Janáček, on le sent au niveau des lectures d’orchestres. Ces lectures nous permettent de bien adapter nos phrasés et de trouver un son. Sur cette partition, la densité et la délicatesse sont d'ailleurs redoutables et nous n'avons que quelques lectures pour effectuer ce travail.

Quel est la force de la musique de Janáček, et spécialement de cette partition ?

L’orchestre y a une grande présence, mais ce qui est particulièrement intéressant musicalement ce sont les couleurs orchestrales. Janáček, ce sont des couleurs particulières auxquelles le public de l’Opéra n’est pas forcément habitué, cela fait presque penser à du Korngold

Sur cette partition, la musique est très rythmique, très dense, et notre travail de musicien se concentre certes sur le rythme, mais aussi sur les phrases, car il y a des superpositions de plusieurs motifs pas toujours simples à mettre en place, et finalement, l’attention est portée aux couleurs. C’est indubitablement une musique à découvrir. Le fait que cela soit très rythmé rend la musique captivante et facile d’accès.

Y a t-il des moments particulièrement marquants selon toi ?

L’ouverture, avec ses percussions accentuées, quasi tribales. S’ajoutent ces accords marqués comme si l’orchestre était un orgue, le résultat est captivant avec un rendu très riche et très dense d’entrée.

Beaucoup de moments sont au demeurant magnifiques, mais j’aime particulièrement la fin.  On frise la dissonance puis le spectre s’ouvre et de nouvelles harmonies surgissent.

Que penses-tu de la direction de Susanna Mälkki et de la distribution ? L’un des chanteurs ressort-il ?

C’est un répertoire où elle est à l’aise, elle connaît parfaitement la partition et la gestuelle est très précise. Elle a beaucoup d'énergie, le rendu final marche. Elle est juste obligée de contrôler simultanément l’orchestre et les chanteurs qui se situent parfois très loin sur le plateau, ce qui la force à prendre en compte le délai causé par la vitesse du son, le tout sur une partition redoutable.

Sur scène, Karita Mattila campe une Emilia Marty charismatique, et elle a la couleur vocale et le lyrisme qui conviennent pour ce rôle. On n’en est qu’aux répétitions, mais elle s’en sort déjà très bien.

Denis Guéguin, vidéaste

Que fais-tu dans la vie ?

Je suis vidéaste réalisateur vidéo. Je fais des films essentiellement au théâtre et à l’opéra avec Krzysztof Warlikowski, avec qui j’ai fait près 25 spectacles.

Comment as tu commencé à travailler avec Krzysztof Warlikowski ?

Nous nous sommes rencontrés lorsqu’on nous étions encore étudiants, je faisais des études de cinéma et de théâtre ; lui était en Pologne, moi en France.

A cette époque la vidéo n’était quasiment pas utilisée dans les opéras et les moyens techniques n’étaient pas du tout les mêmes.

Toutefois, nous nous rejoignions sur le monde fascinant de l’opéra et aussi sur ses « lacunes », sur le fait qu’un  livret d’opéra n’est pas un roman et qu’il faut parfois pouvoir l’étoffer.

Ensuite, Krzysztof a eu l’opportunité de monter 'Ubu Rex' de Krzysztof Penderecki à Varsovie, puis il a fait ses débuts français (après le Festival Avignon) au Théâtre National de Nice avec 'Le Songe d’une nuit d’été'.  C’est alors que l’on a commencé à travailler sur l’insertion vidéo au sein même de la dramaturgie pour compléter le récit, pour créer un récit complémentaire. Cela nous intéressait beaucoup d’explorer les potentiels de l’image

Que penses-tu de l’évolution de cette production au fil du temps?

Je pense que la création est ce qu’il y a de mieux, car la reprise perd toujours un petit peu.

Mais je suis nostalgique ! Les interprètes ont gagné en puissance musicale, mais ont perdu en jeu sur le plateau, en souplesse…  Mais l’émotion musicale et théâtrale reste au fil des reprises - le spectacle, donné à Paris en 2007, 2009 et 2013, s’est également exporté au Teatro Real de Madrid en 2008 -.

On est dans le cœur du problème de l’opéra. Gerard Mortier avait choisi Krzysztof pour faire des mises en scène très théâtrales et étudier la profondeur des personnages et du récit, là où se porte sa valeur ajoutée. C’est aussi ce qu’il répète et peaufine à chaque reprise.

Quelle est selon toi la place de la vidéo au sein des œuvres lyriques ?

Je considère que la vidéo est un art presque muet, je ne veux être ni dans la provocation ni dans un suivi trop scolaire des didascalies. La force lyrique et dramatique des vidéos réside dans les contrepoints.

Globalement, on cherche à mettre la vidéo à un niveau d’art, de « haute culture », et je pense que l’on a besoin de cela ; surtout à un moment où Mickey et la Joconde sont sur le même piédestal. C’est pour cela qu’il me paraît important de mettre la barre plus haut au niveau des interventions vidéo dans l’Opéra.

L'Affaire Makropoulos à Bastille : du cinéma sur scène, du sublime par moment et de l'action tout le temps

Quelle est la spécificité de la vidéo dans cette mise en scène ?

Dans l’'Affaire Makropoulos', le plus réside dans le fait que Krzysztof Warlikowski utilise le thème du Cinéma. Le personnage d’Emilia Marty, normalement une cantatrice, devient véritablement une icône à la Marilyn Monroe.

Qu’est ce qu’il t’y plait particulièrement ?

Je suis particulièrement sensible à tout l’univers cinématographique évoqué, entre King Kong, Marilyn Monroe et Gloria Swanson dans 'Sunset Boulevard'.  La notion d’icône y est abordée dans toute sa complexité, avec ce qu’il y a derrière, leurs moments de doute et la chute. J’aime également beaucoup les décors : l’opéra devient un cinéma, « un movie Theater ». J’adore le fait que toute la scénographie soit liée au cinéma ; avec, par exemple, la présence de King Kong sur scène, qui apparaît comme un énorme accessoire qui reviendrait à la vie.

Comment vois-tu les liens entre les visuels et la musique ?

Cela dépend. 
Par exemple, durant l’ouverture on projette un montage des images des reportages sur Marilyn Monroe, 'Sunset Boulevard' et King Kong pendant que, dans la fosse, la masse orchestrale part dans tous les sens. Cela faisait vraiment sens de montrer des plans chaotiques, à la frontière du cinéma expérimental, des plans décadrés, surexposés, granuleux ; j’ai suivi les envolées de l’orchestre.

L’ouverture donne un ton au spectacle, ça monte et ça descend, c’est vertigineux et ça mêle les images de gloire et les images de mort. Le film en introduction est très singulier et différent des autres.

L’autre exemple, très différent, qui me vient à l’esprit est un extrait de 'Sunset Boulevard', au début du deuxième acte, où il y a pendant 10 minutes un couple qui valse, avec un zoom progressif dans l’image qui devient floue, la séquence devient alors un récit décalé et parallèle où la vidéo crée une boucle hypnotique avec la musique.

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Publié le 30 Septembre 2023

TV-Web Octobre 2023 Lyrique et Musique

Chaînes publiques

Dimanche 01 octobre 2023 sur France 3 à 00h20
Ne me touchez pas - Le parcours de Laura Bachman, élève puis danseuse de l'Opéra de Paris

Dimanche 01 octobre 2023 sur France 5 à 14h30
Les clefs de l'orchestre de Jean-François Zygel - Schéhérazade (Rimski-Korsakov)

Dimanche 01 octobre 2023 sur Arte à 17h55
Harmonies rhénanes - Festival de musique du Rheingau 2023

Dimanche 01 octobre 2023 sur Arte à 23h45
Swinging Bach - Jacques Loussier - Quand le classique rencontre le jazz

Lundi 02 octobre 2023 sur Arte à 00h40
Turangalîla-Symphonie - Olivier Messiaen

Lundi 02 octobre 2023 sur Arte à 23h25
Patrice Chéreau, irrésistiblement vivant

Mardi 03 octobre 2023 sur Arte à 03h45
Square Artiste - Falk Richter, metteur en scène

Mardi 03 octobre 2023 sur France 4 à 21h10
Hammer (Alexander Ekman) -  Göteborgs Operans Danskompani

Mardi 03 octobre 2023 sur France 4 à 22h35
Le Lac des cygnes (Tchaikovski) - Angelin Preljocaj

Vendredi 06 octobre sur Arte à 15h40
Mort d’une icône - Le mystère Marilyn Monroe

Dimanche 08 octobre 2023 sur France 3 à 00h25
Alice (Hosseinpour & Lunn) - Ballet de l'Opéra national du Rhin - musique Philip Glass

Dimanche 08 octobre 2023 sur France 5 à 14h30
Le Lac des cygnes (Tchaikovski) - Angelin Preljocaj

Dimanche 08 octobre 2023 sur Arte à 18h45
Deux virtuoses du violon - Isabelle Faust interprète Locatelli

Dimanche 08 octobre 2023 sur Arte à 23h50
Bayerisches Staatsorchester - 500 ans

Lundi 09 octobre 2023 sur Arte à 00h40
Guerre et Paix (Prokofiev) - Opéra de Munich - dm Jurowski - ms Tcherniakov

Mardi 10 octobre 2023 sur France 4 à 21h10
Les clefs de l'orchestre de Jean-François Zygel - Schéhérazade (Rimski-Korsakov)

Mardi 10 octobre 2023 sur France 4 à 22h45
Orchestre symphonique des jeunes d'Ukraine

Mardi 10 octobre 2023 sur France 4 à 00h20
Concert Radio France : Simon Trpceski

Dimanche 15 octobre 2023 sur France 3 à 00h45
Deux hommes et une femme (Donizetti) - Opéra de Tours - dm Milletari - ms Boussard

Dimanche 15 octobre 2023 sur Arte à 18h45
Vivaldi et Mozart au musée du Louvre

Dimanche 15 octobre 2023 sur Arte à 23h20
Tosca (Puccini) - Arènes de Vérone - dm Ivan Ciampa - ms de Ana

Lundi 16 octobre 2023 sur Arte à 01h20
Alexander Whitley Dance Company : Anti-Body - Colours International Dance Festival, Stuttgart 2022

Mardi 17 octobre 2023 sur France 4 à 21h10
Le Songe d'une nuit d'été (Britten) - Opéra de Lille - dm Tourniaire - ms Pelly

Dimanche 22 octobre 2023 sur France 3 à 00h20
Hammer (Alexander Ekman) -  Göteborgs Operans Danskompani

Dimanche 22 octobre 2023 sur France 5 à 14h25
La Bohème (Puccini) - Théâtre des Champs-Elysées - dm Passerini - ms Ruf

Dimanche 22 octobre 2023 sur Arte à 18h40
Dialogue avec Bach - Jean-Guihen Queyras et Anna Teresa De Keersmaeker

Dimanche 22 octobre 2023 sur Arte à 23h40
Saint-Saëns, l'insaisissable

Lundi 23 octobre 2023 sur Arte à 00h35
Du fado avec Gisela Joao - Live à Lisbonne

Mardi 24 octobre 2023 sur France 4 à 21h10
Magic Mozart... concert spectaculaire ! - Insula orchestra & Laurence Equilbey 

Mardi 24 octobre 2023 sur France 4 à 22h20
Jean-François Zygel : Mon Mozart à moi

Vendredi 27 octobre 2023 sur France 5 à 21h05
Florence Foster Jenkins (Stephen Frears) -Meryl Streep

Dimanche 29 octobre 2023 sur France 3 à 00h25
La Bohème (Puccini) - Théâtre des Champs-Elysées - dm Passerini - ms Ruf

Dimanche 29 octobre 2023 sur Arte à 02h05
Rufus Wainwright: "Unfollow the Rules" - Concert acoustique à Los Angeles

Dimanche 29 octobre 2023 sur Arte à 18h10
Emmanuelle Haim et les Berliner Philharmoniker interprètent Haendel

Dimanche 29 octobre 2023 sur Arte à 23h20
Piaf - "Sans amour on n’est rien du tout"

Lundi 30 octobre 2023 sur Arte à 00h20
Piaf : le concert idéal

Lundi 30 octobre 2023 sur Arte à 03h50
"Symphonie n°4" (Tchaïkovski) - Andris Nelsons et l'Orchestre du Gewandhaus de Leipzig

Mardi 31 octobre 2023 sur France 4 à 21h10
Le Rouge et le Noir (Lacotte) - Opéra de Paris

Mardi 31 octobre 2023 sur France 4 à 23h35
Le Corsaire (Adam) - Mariinsky

TV-Web Octobre 2023 Lyrique et Musique

Mezzo et Mezzo HD

Dimanche 01 octobre 2023 sur Mezzo HD à 21h00
Strauss : Salome - Opéra national de Paris

Dimanche 01 octobre 2023 sur Mezzo HD à 22h50
La Gioconda de Ponchielli au Gran Teatre del Liceu

Mardi 03 octobre 2023 sur Mezzo HD à 19h05
Strauss : Salome - Opéra national de Paris

Mardi 03 octobre 2023 sur Mezzo à 23h35
'The Perfect American' de Philip Glass au Teatro Real de Madrid

Mercredi 04 octobre 2023 sur Mezzo à 20h30
César Franck : Hulda - Liège

Vendredi 06 octobre 2023 sur Mezzo HD à 21h00
Rameau : Les Indes galantes - Opéra de Paris

Vendredi 06 octobre 2023 sur Mezzo à 23h20
Monteverdi : Le Couronnement de Poppée - Versailles

Samedi 07 octobre 2023 sur Mezzo à 20h30
Farnace de Vivaldi à la Fenice de Venise

Dimanche 08 octobre 2023 sur Mezzo HD à 21h00
John Adams : Nixon in China - Opéra de Paris

Mardi 10 octobre 2023 sur Mezzo à 23h05
Einstein on the beach de Philip Glass et Robert Wilson au Théâtre du Châtelet

Mercredi 11 octobre 2023 sur Mezzo à 20h30
'David et Jonathas' de Charpentier à Versailles

Vendredi 13 octobre 2023 sur Mezzo HD à 21h00
Enesco : Oedipe - Opéra national de Paris

Vendredi 13 octobre 2023 sur Mezzo à 23h35
'Falstaff' de Verdi à l'Opéra de Lille

Vendredi 13 octobre 2023 sur Mezzo HD à 23h50
La Force du destin de Verdi à l'Opéra Royal de Wallonie-Liège

Samedi 14 octobre 2023 sur Mezzo à 20h30
'Le Barbier de Séville' de Rossini au Royal Opera House

Dimanche 15 octobre 2023 sur Mezzo HD à 21h00
Rameau : Les Indes galantes - Opéra de Paris

Mardi 17 octobre 2023 sur Mezzo à 23h25
'Serse' de Haendel à l'Opéra de Rouen

Mercredi 18 octobre 2023 sur Mezzo à 20h30
'Saul' de Haendel au Theater an der Wien

Vendredi 20 octobre 2023 sur Mezzo HD à 21h00
Strauss : Salome - Opéra national de Paris

Vendredi 20 octobre 2023 sur Mezzo HD à 22h45
La Traviata de Verdi au Gran Teatre del Liceu

Vendredi 20 octobre 2023 sur Mezzo à 23h00
Mozart : Don Giovanni - Staatsoper Berlin

Samedi 21 octobre 2023 sur Mezzo à 20h30
Nikolaus Harnoncourt dirige 'Fidelio' de Beethoven

Dimanche 22 octobre 2023 sur Mezzo HD à 21h00
Enesco : Oedipe - Opéra national de Paris

Lundi 23 octobre 2023 sur Mezzo HD à 23h05
Donizetti : La Fille du régiment - La Fenice de Venise

Mardi 24 octobre 2023 sur Mezzo à 22h25
César Franck : Hulda - Liège

Mercredi 25 octobre 2023 sur Mezzo à 20h30
Les Boréades de Rameau à l'Opéra de Dijon

Vendredi 27 octobre 2023 sur Mezzo à 20h30
Penthesilea de Dusapin à la Philharmonie de Paris

Vendredi 27 octobre 2023 sur Mezzo HD à 21h00
John Adams : Nixon in China - Opéra de Paris

Vendredi 27 octobre 2023 sur Mezzo à 23h40
Farnace de Vivaldi à la Fenice de Venise

Samedi 28 octobre 2023 sur Mezzo à 20h30
Manon Lescaut de Puccini au Gran Teatre del Liceu

Dimanche 29 octobre 2023 sur Mezzo HD à 21h00
'Adriana Lecouvreur' de Cilea à l'Opéra Royal de Wallonie Liège

Mardi 31 octobre 2023 sur Mezzo à 23h30
'David et Jonathas' de Charpentier à Versailles

TV-Web Octobre 2023 Lyrique et Musique

Web : Opéras en accès libre (cliquez sur les titres pour les liens directs avec les vidéos)

Sur Operavision, Culturebox, Arte Concert etc...

                            Illimité

Placido Domingo, l'homme aux mille vies

La Traviata (Chorégies d'Orange 2016) avec Domingo, Jaho, Meli

Le Barbier de Séville (Chorégies d'Orange 2018) avec Peretyatko, Sempey, Hotea

Roberto Alagna - Ma vie est un opéra

Le Royaume des Deux-Siciles (Roberto Alagna)

Patrick Dupond, un danseur chez les étoiles

Michaël Denard, le « prince » de l'Opéra de Paris

Anna Karenine (Mariinsky)

Accès Live avec Rim'K à l'Opéra Bastille pour « Le Lac des Cygnes »

Accès live à l'Opéra Garnier dans les coulisses de « La Cenerentola »

Le Requiem de Verdi (Chorégies d'Orange)

                           Octobre 2023

Cendrillon - Pauline Viardot (Palau de les Arts Reina Sofia) jusqu'au 01 octobre 2023

Les Paladins (Opéra Royal de Versailles) jusqu'au 03 octobre 2023

Lakmé (Opéra Comique) jusqu'au 05 octobre 2023

Aida (Teatro dell'Opera di Roma) jusqu'au 07 octobre 2023

Kaija dans le miroir jusqu'au 13 octobre 2023

La Décision (Birmingham Opera Company) jusqu'au 14 octobre 2023

Miss Knife et ses soeurs (Festival d'Avignon) jusqu'au 14 octobre 2023

Maria Callas : Renata Tebaldi, la Féline et la Colombe jusqu'au 14 octobre 2023

Mythologies (Angelin Preljocaj) jusqu'au 15 octobre 2023

On purge bébé (Philippe Boesmans) jusqu'au 17 octobre 2023

Prix Opera XXI (Theatre principal de Palma) jusqu'au 18 octobre 2023

La Sonnambula (Deutsche Oper am Rhein) jusqu'au 21 octobre 2023

L'Oiseau de Feu (Philharmonique de Radio France) jusqu'au 24 octobre 2023

Christian Thielemann dirige Brahms (Festival de Salzbourg 2023) jusqu'au 27 octobre 2023

L'Or du Rhin (Staastoper Berlin) jusqu'au 27 octobre 2023

La Walkyrie (Staastoper Berlin) jusqu'au 27 octobre 2023

Siegfried (Staastoper Berlin) jusqu'au 27 octobre 2023

Macbeth (Festival de Salzburg 2023) jusqu'au 27 octobre 2023

L'Orfeo (Staatsoper Hannover) jusqu'au 28 octobre 2023

Marilyn, femme d'aujourd'hui jusqu'au 28 octobre 2023

                           Novembre 2023

Elektra (Festival d'Aix-en-Provence 2013) jusqu'au 06 novembre 2023

Guerre et Paix (Bayerische Staatsoper) jusqu'au 06 novembre 2023

Bayerisches Staatsorchester - 500 ans jusqu'au 06 novembre 2023

Rusalka (Dutch national Opera & Ballet) jusqu'au 07 novembre 2023

Versailles - Le palais retrouvé du Roi-Soleil jusqu'au 07 novembre 2023

Atys (Opéra de Versailles) jusqu'au 09 novembre 2023

Les Talens Lyriques (Théâtre du Châtelet) jusqu'au 11 novembre 2023

Tosca (Arènes de Vérone 2023) jusqu'au 12 novembre 2023

Cosi fan tutte (Festival de Salzbourg 2020) jusqu'au 12 novembre 2023

Le Songe d'une nuit d'été (Royal Swedish Opera) jusqu'au 12 novembre 2023

I Capuleti e i Montecchi (Opéra national de Paris) jusqu'au 12 novembre 2023

Henri VIII (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 16 novembre 2023

The Turn of the Screw (Teatro di Reggio Emilia) jusqu'au 21 novembre 2023

Haendel au Théâtre du Châtelet jusqu'au 23 novembre 2023

Un voyage en Égypte - Fatma Said en concert jusqu'au 24 novembre 2023

Soirée Maurice Béjart (Opéra National de Paris) jusqu'au 24 novembre 2023

Golda Schultz chante Mozart (Festival de Salzbourg 2023) jusqu'au 25 novembre 2023

Lennon (Croatian National Theatre in Zagreb) jusqu'au 26 novembre 2023

Les grandes ouvertures d'opéra de Mozart (Jean-François Zygel) jusqu'au 27 novembre 2023

Peau d'âne (Film de Jacques Demy) jusqu'au 30 novembre 2023

                           Décembre 2023

Les chemins de Bach / Dynasties à la Philharmonie de Paris jusqu'au 01 décembre 2023

Masterclass Ailyn Pérez & Brian Jagde jusqu'au 02 décembre 2023

Fromental Halévy : La Tempesta (Wexford Festival Opera 2022) jusqu'au 03 décembre 2023

La Finta Pazza (Opéra Royal de Versailles) jusqu'au 04 décembre 2023

Les 300 ans de Bach (Eglise St Thomas de Leipzig) jusqu'au 06 décembre 2023

Zemira e Azor (National Theater Mannheim) jusqu'au 10 décembre 2023

Joyce DiDonato : Master Class au Carnegie Hall (I/III) jusqu'au 12 décembre 2023

Joyce DiDonato : Master Class au Carnegie Hall (II/III) jusqu'au 12 décembre 2023

Joyce DiDonato : Master Class au Carnegie Hall (III/III) jusqu'au 13 décembre 2023

Old Ghosts (Irish national Opera) jusqu'au 16 décembre 2023

Concert de Noël 2020 du Philharmonique de Radio France jusqu'au 17 décembre 2023

Saint-Saëns, l'insaisissable jusqu'au 20 décembre 2023

BBC Cardiff Singer of the World 2023 Final jusqu'au 20 décembre 2023

La vie parisienne (Théâtre des Champs-Elysées) jusqu'au 23 décembre 2023

Le Turc en Italie (Festival d'Aix-en-Provence 2014) jusqu'au 25 décembre 2023

Roméo et Juliette (Opéra national de Paris) jusqu'au 27 décembre 2023

Nabucco (Grand Théâtre de Genève) jusqu'au 30 décembre 2023

Patrice Chéreau, irrésistiblement vivant,  jusqu'au 30 décembre 2023

Léa Desandre, récital baroque jusqu'au 31 décembre 2023

 

                           Janvier 2024

'Amazon' par Lea Desandre, Thomas Dunford et l'Ensemble Jupiter  jusqu'au 01 janvier 2024

Les Noces de Figaro (Festival d'Aix-en-Provence 2021)  jusqu'au 07 janvier 2024

"Zarathoustra" & "Les Planètes" - Musée des Techniques de Spire jusqu'au 10 janvier 2024

Tosca (Arènes de Vérone 2023) jusqu'au 12 janvier 2024

Didon et Enée (Grand Theatre del Liceu) jusqu'au 14 janvier 2024

Idomeneo (Festival d'Aix-en-Provence 2022) jusqu'au 15 janvier 2024

Christian Spuck : Bovary (Staatsoper Berlin) jusqu'au 18 janvier 2024

Edda Moser - Reine de la nuit jusqu'au 19 janvier 2024

De Keersmaeker - Dialogue avec Bach jusqu'au 19 janvier 2024

Hunyadi Laszlo (Hungarian State Opera) jusqu'au 21 janvier 2024

Les artistes de l'académie de l'Opéra national de Paris (dm Dudamel) jusqu'au 23 janvier 2024

Rufus Wainwright - "Unfollow the Rules" à Los Angeles jusqu'au 25 janvier 2024

Peter Grimes (Polish National Opera & Ballet) jusqu'au 28 janvier 2024

                           Février 2024

Giulio Cesare (Opéra national des Pays-Bas) jusqu'au 01 février 2024

Il Signor Bruschino (Rossini In Wildbad) jusqu'au 11 février 2024

Les Noces de Figaro (Opéra national de Paris) jusqu'au 13 février 2024

Orchestre symphonique des jeunes d’Ukraine (Young Euro Classic 2023) jusqu'au 17 février 2024

Il Viaggio a Reims (Rossini Opera Festival) jusqu'au 18 février 2024

Le Carnaval des animaux jusqu'au 18 février 2024

                          Mars 2024

La Périchole (Théâtre des Champs-Elysées) jusqu'au 07 mars 2024

Les Noces de Figaro (Opera Ballet Vlaanderen) jusqu'au 08 mars 2024

Cassandra (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 14 mars 2024

Fauteuils d'Orchestre (Théâtre des Champs-Elysées) jusqu'au 16 mars 2024

Falstaff (Opéra de Lille) jusqu'au 22 mars 2024

Musique en fête (Chorégies d'Orange) jusqu'au 26 mars 2024

La Pucelle d'Orléans (Deutsche Opera am Rhein) jusqu'au 29 mars 2024

Hamlet (Opéra national de Paris) jusqu'au 30 mars 2024

Asmik Grigorian (Philharmonie de Paris) jusqu'au 31 mars 2024

L'année dernière à Marienbad (Film d'Alain Resnais) jusqu'au 31 mars 2024

Hammer (Alexander Ekman) jusqu'au 31 mars 2024

Piaf : le concert idéal jusqu'au 31 mars 2024

                       Avril 2024

Carmen (Opéra Comique) jusqu'au 02 avril 2024

Messe en si mineur (Chapelle Royale de Versailles) jusqu'au 08 avril 2024

Le Jacobin (National Theatre Brno) jusqu'au 08 avril 2024

Gala Verdi (Teatro Regio Parma) jusqu'au 10 avril 2024

Le Concert de Paris 2023 jusqu'au 13 avril 2024

Récital Pene Pati (Dvorak Rudolfinum de Prague) jusqu'au 19 avril 2024

La Bohème (Théâtre des Champs-Elysées) jusqu'au 28 avril 2024

                          Mai 2024

Carmen (Chorégies d'Orange 2023) jusqu'au 03 mai 2024

Ligeti, compositeur de l’extraterrestre jusqu'au 19 mai 2024

Bastarda - Le Couronnement (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

Bastarda - La tournée royale (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

Bastarda - Mary, Reine d'Ecosse (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

Bastarda - Tuer une Reine (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

Bastarda - Miroirs brisés (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

Bastarda - La Reine de la Farce (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

                          Juin 2024

Dans les coulisses de Roméo et Juliette (Opéra national de Paris) jusqu'au 02 juin 2024

Il Turco in Italia (Teatro Real de Madrid) jusqu'au 09 juin 2024

Innocence (Festival d'Aix-en-Provence 2021) jusqu'au 30 juin 2024

                           Juillet 2024

Innocence (Festival d'Aix-en-Provence 2021) jusqu'au 01 juillet 2024

L'incoronazione di Poppea  (Gran Theatre del Liceu de Barcelone) jusqu'au 11 juillet 2024

Wozzeck (Festival d'Aix-en-Provence 2023) jusqu'au 12 juillet 2024

L'opéra de quat'sous (Festival d'Aix-en-Provence 2023) jusqu'au 12 juillet 2024

Picture a day like this (Festival d'Aix-en-Provence 2023) jusqu'au 13 juillet 2024

Gala d'opéra - Classic Open Air Hannover jusqu'au 14 juillet 2024

                           Septembre 2024

Christiane Eda-Pierre, en scène jusqu'au 05 septembre 2024

Dalibor (Théâtre national de Prague) jusqu'au 10 septembre 2024

Valer Sabadus (Bayreuth Baroque 2023) jusqu'au 14 septembre 2024

Bruno de Sa (Festival d'Ambronay 2023) jusqu'au 24 septembre 2024

Télémaque et Calypso (Festival d'Ambronay 2023) jusqu'au 29 septembre 2024

 

                          Octobre 2024

Pietari Inkinen dirige Caplet, Ravel et Rimski-Korsakov - Avec Fatma Saïd jusqu'au 4 octobre 2024

Les Chemins de Bach / Un Voyage à Lübeck (Chapelle royale de Versailles) jusqu'au 10 octobre 2024

Britten - War Requiem (Château de Prague) jusqu'au 16 octobre 2024

                          Décembre 2024

Grand concert symphonique Saint-Saëns (Auditorium de Radio France) jusqu'au 14 décembre 2024

Concert de Noël (Philharmonique de Radio France) jusqu'au 21 décembre 2024

 

                           Février 2025

Voix des Outre-mer (Amphithéâtre de l'Opéra Bastille) jusqu'au 20 février 2025

 

                           Mars 2025

Vivaldi et Mozart au musée du Louvre jusqu'au 24 mars 2025

                         Septembre 2025

Angelin Preljocaj : La visite (Picasso Danse) jusqu'au 19 septembre 2025

 

                           Mars 2026

Concert en soutien au peuple ukrainien (Maison de Radio France) jusqu'au 04 mars 2026

 

                           Juillet 2026

Kiev, un opéra en guerre (1/4) - Danser pour résister jusqu'au 11 juillet 2026

 

 

                           Septembre2026

Kiev, un opéra en guerre (2/4) - Exister ou disparaître jusqu'au 12 septembre 2026

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Rédigé par David

Publié dans #TV Lyrique

Publié le 25 Septembre 2023

Lohengrin (Richard Wagner – Weimar, le 28 août 1850)
Répétition générale du 18 septembre et

représentations du 23, 27, 30 septembre, 11, 18 et 27 octobre 2023
Opéra Bastille

Heinrich der Vogler Kwangchul Youn (18, 27/09 et 11, 18, 27/10)
                                 Tareq Nazmi (23/09)
Lohengrin Piotr Beczala (18, 23, 27/09 et 18, 27/10)
                  Klaus Florian Vogt (11/10)
Elsa von Brabant Johanni van Oostrum (23, 27/09 et 18/10)
                            Sinead Campbell Wallace (18, 30/09 et 11, 27/10)
Friedrich von Telramund Wolfgang Koch
Ortrud  Nina Stemme (18, 23, 27/09 et 11/10)
             Ekaterina Gubanova (18, 27/10)
Der Heerrufer des Königs Shenyang

Mise en scène Kirill Serebrennikov (2023)
Direction musicale Alexander Soddy
Nouvelle production

Diffusion en direct sur Paris Opera Play le 24 octobre 2023, en différé sur Medici.TV dès le 01 novembre 2023, et sur France Musique le 11 novembre 2023.

4e opéra le plus joué au Palais Garnier jusqu’au début du XXe siècle, ‘Lohengrin’ est depuis la Seconde Guerre mondiale bien moins représenté, comme tous les autres opéras de Richard Wagner, hormis ‘Le Vaisseau Fantôme’.

Mais avec cette nouvelle production confiée à Kirill Serebrennikov, il revient parmi les 50 titres les plus interprétés à l’Opéra national de Paris depuis les années Rolf Liebermann

En ce 23 septembre 2023, il en est ainsi à sa 667e représentation depuis son entrée au répertoire de l’institution le 16 septembre 1891.

Lohengrin (Soddy Serebrennikov Beczala van Oostrum Campbell Wallace Stemme Koch) Opéra de Paris

Souvent présenté comme cinéaste, Kirill Serebrennikov est avant tout un artiste qui a été le directeur du Centre Gogol de Moscou entre 2012 et 2021, un lieu qu’il avait transformé en un espace de liberté d’expression très prisé par la jeunesse moscovite, mais très mal vu du pouvoir. Depuis, ce théâtre est en reconversion pour revenir à des pièces plus conventionnelles.

Opposé à la guerre en Ukraine, le metteur en scène a quitté la Russie fin mars 2022 pour s’installer à Berlin, mais croit toujours qu’un jour son pays deviendra un beau pays.

Kirill Serebrennikov

Kirill Serebrennikov

Il est le créateur d’une production de ‘Parsifal’ conçue à distance pour l’opéra de Vienne au printemps 2021, en pleine restriction sanitaire, que l’on a pu voir en streaming sur Arte Concert.

La violence et l’humanité de l’univers carcéral y sont analysées autour d’une histoire de crime passionnel manœuvrant brillamment avec les interprétations possibles du livret.

Pour cette nouvelle production de ‘Lohengrin’ qui va s’inscrire durablement, et pour notre plus grand plaisir, au répertoire de l’Opéra de Paris, Kirill Serebrennikov s’appuie sur la nature politique du livret pour nourrir sa dramaturgie des conflits militaires dont nous avons tous en tête des images.

Kwangchul Youn (Henri l'Oiseleur) - Répétition générale

Kwangchul Youn (Henri l'Oiseleur) - Répétition générale

A l’origine, l’histoire se déroule à l’époque d’Henri l’Oiseleur, au cours de la première partie du Xe siècle, au moment où se forme l’unité du royaume de Germanie alors que des menaces se profilent sur les frontières orientales.

Comme annoncé lors de la première intervention d’Henri à l’acte I, le Brabant se prépare à déclarer la guerre aux Hongrois sous prétexte que ceux-ci s’armeraient – historiquement, l’armée Magyare sera effectivement défaite le 15 mars 933 dans le nord de la Thuringe -.

Lohengrin (Soddy Serebrennikov Beczala van Oostrum Campbell Wallace Stemme Koch) Opéra de Paris

En ouverture, le metteur en scène offre pourtant une scène d’une magnifique sensibilité et sensualité en montrant par une vidéo noir et blanc un beau jeune homme, tatoué d’ailes de cygne sur le dos et les bras, allant se baigner dans un lac sous le regard d’un être qui l’aime et qui l’admire. Les effets de contre-jour sont splendides, et la lenteur du film démultiplie l’effet poétique de cette séquence.

On imagine qu’il s’agit du souvenir idéalisé du frère d’Elsa désormais disparu. Il se rhabille cependant en treillis et sac à dos militaires.

Lohengrin (Soddy Serebrennikov Beczala van Oostrum Campbell Wallace Stemme Koch) Opéra de Paris

Par la suite, et à l’instar de la production viennoise de ‘Parsifal’, les 3 actes sont architecturés de la même façon : un ou plusieurs espaces scéniques sont délimités au sol, et 3 écrans vidéos situés en hauteur permettent d’accroître l’imprégnation sensible à l’esprit des scènes ou des protagonistes.

Par ailleurs, Elsa, Lohengrin, Telramund et Ortrud sont traités comme des principes, ou bien des âmes, c’est à dire qu’ils incarnent des valeurs qui n’agissent pas directement, et sont tous les quatre complétés par d’autres formes humaines qui les prolongent.

 Sinead Campbell Wallace (Elsa) - Répétition générale

Sinead Campbell Wallace (Elsa) - Répétition générale

Elsa est d’emblée une femme malade qui divague. Deux danseuses lui ressemblant expriment sa grâce et son délire intérieur, et une femme gribouille à l’infini sur les vidéos très sombres où apparaît le prénom ‘Gottfried’, le frère d’Elsa, c’est à dire littéralement la ‘Paix de Dieu’.

De façon plus difficile à interpréter, Elsa s’empare d’un amas informe, grisâtre et enchevêtré qui inspire confusion et déformation. Elle distribue au peuple du Brabant une petite partie de ces branchages tressés en forme de couronne, comme si elle leur communiquait ses propres névroses. Elle devient le symbole de l’esprit malade de toute une génération.

Piotr Beczala (Lohengrin)

Piotr Beczala (Lohengrin)

Lohengrin apparaît soudainement dans une lumière resplendissante habillé d’une tenue militaire très claire qui lui donne de l’allure. Deux hommes torse-nus aux ailes de cygnes ajoutent à son aura, et une très belle chorégraphie s’enclenche entre ces deux danseurs et les danseuses qui incarnent Elsa.

De même, le combat entre Lohengrin et Telramund est figuré par une opposition entre ces deux cygnes humains et quatre gardes fantomatiques surmontés d’un heaume noir totalement sphérique.

Lohengrin (Soddy Serebrennikov Beczala van Oostrum Campbell Wallace Stemme Koch) Opéra de Paris

Dès la victoire de Lohengrin, une croix chrétienne apparue peu avant le combat est chahutée au même moment que les branchages s'embrasent sur les vidéos. Quant au monde royal, il est brouillé et zébré de noir.

Cet acte crucial prend donc une valeur spirituellement inversée par rapport à l’esprit originel du texte, car la victoire de la foi est remise en question par le metteur en scène.

Wolfgang Koch (Telramund) et Nina Stemme (Ortrud)

Wolfgang Koch (Telramund) et Nina Stemme (Ortrud)

Au second acte, Ortrud et Telramund se retrouvent dans un charmant salon bibliothèque.

Il s’agit d’intellectuels un peu miteux et aigris – Telramund est lui-même devenu suicidaire -, mais capables d’analyser avec beaucoup de lucidité la situation.

Ortrud retrouve Elsa dans une autre pièce surmontée d’une très élégante décoration qui figure Zeus métamorphosé en Cygne venu séduire Leda, manière très esthétique et mystérieuse de dire l’obsession d’Elsa pour son frère. Des symboles de cette boucle temporelle qui n’en finit pas de tourner dans la tête sont d’ailleurs présents à chaque acte.

Mais un autre terme, sous forme d’injonction, va lui aussi devenir obsessionnel dans les vidéos, le ‘Nie’ de ‘Nie sollst du mich befragen’, ‘Tu ne devras Jamais me questionner’, ordonné par Lohengrin au premier acte.

Lohengrin (Soddy Serebrennikov Beczala van Oostrum Campbell Wallace Stemme Koch) Opéra de Paris

Dans son duo avec Elsa, Ortrud est présentée comme quelqu’un qui introduit le doute pour amener à l’éveil la jeune femme afin de lui faire comprendre que quelque chose cloche avec Lohengrin.
Comprenant la folie d’Elsa, elle la confie à des infirmières.

Mais lorsque Telramund annonce qu’’ainsi pénètre le malheur dans cette maison !’, il ne fait pas allusion aux conséquences de l’échange avec Ortrud mais bien à l’influence de Lohengrin sur le Brabant.

La transition est magnifiquement réalisée par un lent effet de travelling qui balaye un champ de bataille nocturne jonché de barbelés, ce qui, intuitivement, fait le lien entre l’esprit torturé d’Elsa qui a appelé Lohengrin, et la réalité de la guerre qui s’impose dorénavant.

Lohengrin (Soddy Serebrennikov Beczala van Oostrum Campbell Wallace Stemme Koch) Opéra de Paris

S’en suit un triptyque saisissant qui présente les trois étapes clés de la vie des militaires, leurs repas pris en caserne, leurs soins à l’hôpital une fois de retour à moitié estropiés, puis l’emballage de leurs corps inanimés avant leur transfert en chambre froide - les puristes seront peut-être désorientés par l’absence de cathédrale à cet acte -.
Image très médiatique, le Roi vient alors saluer les blessés et leur apporter son soutien, et le décor de chacune de ses pièces prend un aspect de plus en plus dégradé. 

Mais malgré les conséquences humaines fortement visibles, la rébellion d’Ortrud et Telramund contre la folie d’Elsa, qui est aussi la folie de tout un peuple, échoue.

Lohengrin (Soddy Serebrennikov Beczala van Oostrum Campbell Wallace Stemme Koch) Opéra de Paris

Et lorsque la pureté de Lohengrin commence à être mise en doute, une très belle image crépusculaire des corps nus et blafards des soldats morts se relevant pour aller au ciel sur les murmures du chœur et des solistes donne une dimension extraordinaire à ce passage, car l’on saisit de près la désolation du metteur en scène pour qui la guerre signifie la destruction tragique de la beauté de la vie.

Et cette fois c’est bien le temps de la guerre qui s’installe, car le troisième acte s’ouvre sur des vidéos très esthétiques de soldats partant aux combats, alors que le chant nuptial est utilisé pour montrer des scènes de fiançailles de militaires telles qu’on peut les voir chaque jour sur les réseaux sociaux à travers le conflit russo-ukrainien.

Lohengrin (Soddy Serebrennikov Beczala van Oostrum Campbell Wallace Stemme Koch) Opéra de Paris

Tout se passe dans un grand hangar, et Lohengrin n’est plus aussi solaire, car sa tenue est sombre et son apparence plus vulgaire. Elsa est toujours souffrante, et leur tête-à-tête, qui n’a rien de romantique, conduit au paroxysme de la folie de la jeune femme qui voit revenir tous ses fantômes.

Un léger flottement apparaît également dans la mise en scène car on ne voit pas Lohengrin tuer directement Telramund. C’est en fait pour mieux dénoncer un peu plus loin la responsabilité du leader pour tous les morts à la guerre quand il se retrouve face aux sacs des cadavres qui jonchent l’avant-scène.

Désespérée, Ortrud y reconnaîtra son mari. C’est la chute de l’aura de Lohengrin qui, finalement, ne vaut pas mieux que Prigojine.

Lohengrin (Soddy Serebrennikov Beczala van Oostrum Campbell Wallace Stemme Koch) Opéra de Paris

Et pour Elsa, c’est aussi une catastrophe lorsqu’elle réalise que le Comte de Brabant qui apparaît n’est qu’un soldat mortellement blessé, comme le fut son propre frère.

Si certains détails peuvent rester obscurs, l’approche générale de Kirill Serebrennikov est menée avec une intelligence rare qui fait que l’esprit de sa mise en scène reste lisible. Il met en avant l’épopée guerrière suggérée par le livret, alors que celle-ci est très souvent occultée ou considérée comme une trame de second plan.

Il conduit par la même une réflexion sur la condition humaine des soldats, et raccroche des thèmes de l’ouvrage de façon saisissante à la réalité de la guerre que l’on peut suivre en direct aujourd’hui.

Sinead Campbell Wallace (Elsa)

Sinead Campbell Wallace (Elsa)

Ce travail d’une très grande force émotionnelle est allié à une interprétation musicale de très haut niveau portée par la direction élancée d’Alexander Soddy qui accentue avec nuance l’élan dramaturgique de la musique. Les belles couleurs orchestrales tendent à incruster des accents explosifs et métalliques qui sont l’apanage des ensembles allemands - le flux reste d’ailleurs toujours délié et vitalisant -, mais le tranchant n’est pas employé systématiquement comme dans le duo entre Ortrud et Telramund au début du second acte où une certaine mesure est maintenue. 

Une attention soutenue est également apportée à l’équilibre avec les voix des solistes, et les chœurs, quand ils occupent tout l’avant scène, sont capables d’exprimer une clameur et une exaltation d’une puissance impressionnante qui semble être une des volontés très chère à leur cheffe Ching-Lien Wu.

Mais dans les moments plus élégiaques et insaisissables, ils retrouvent aussi cette forme d’évanescence qui élève avec inspiration les pensées de l’auditeur. 

 Johanni van Oostrum (Elsa)

Johanni van Oostrum (Elsa)

Deux titulaires du rôle d’Elsa se partagent les 9 représentations officielles, et toutes deux ont des atouts qui les différencient et rendent nécessaire de les entendre au moins une fois chacune.

Présente à la répétition du 18 septembre, Sinead Campbell Wallace donne l’impression d’être une wagnérienne aguerrie tant la flamme ample et chaleureuse est mise au service d’un sens du tragique poignant. Et pourtant, il s’agit, sauf erreur, de son premier grand rôle scénique wagnérien.

Piotr Beczala (Lohengrin)

Piotr Beczala (Lohengrin)

Et pour la première représentation, le public parisien découvre une artiste habituée d’un rôle qu’elle a chanté auprès de Klaus Florian Vogt dans deux productions différentes à Munich, Johanni van Oostrum.

Son timbre est d’une douce unité veloutée qu’elle rayonne avec une excellente projection nette et bien focalisée ce qui n’était pas assuré d’avance sur la scène Bastille. L’incarnation est entière avec des changements de personnalité qui ramènent à la spontanéité de l’adolescence.

Nina Stemme

Nina Stemme

Habitué de la scène de l’Opéra de Paris depuis plus de vingt ans où il y a chanté Mozart, Puccini, Verdi, Tchaïkovski, Smetana et même Massenet et Gounod, Piotr Beczala revient avec son personnage wagnérien privilégié qu’il met en avant sur les plus grandes scènes du monde de Vienne à New-York en passant par Bayreuth.

Il révèle une maturité virile qui convient particulièrement bien dans cette vision d’un être qui sait charmer tout en cachant une mentalité de gangster qui n’apparaît qu’à la toute fin. Il chante avec une unité infaillible, exprime même une sincérité très crédible dans la tessiture aiguë, et dose subtilement le mélange entre douceur attentionnée et assurance qui ne vire jamais au sentiment de supériorité. 

Piotr Beczala

Piotr Beczala

De retour elle aussi sur la scène Bastille qu’elle n’avait plus foulé depuis près de 10 ans, Nina Stemme ne fait qu’une bouchée du rôle d’Ortrud avec des couleurs vocales d’un airain vibrant qui font sensation.

D’une autorité animale que son allure scénique tend à contenir pour lui donner une dureté calculatrice qui n’en fait pas pour autant un monstre, sa magnificence d’élocution crée un constant saisissement quasi hypnotique, tout en laissant poindre le sentiment qu’elle en garde sous le pied pour les représentations suivantes. Il y aura au moins une soirée d’anthologie, à n’en pas douter.

Wolfgang Koch (Telramund)

Wolfgang Koch (Telramund)

Le Friedrich von Telramund est en terme de personnalité tout le contraire. Extraordinaire par la complexité de caractère qu’il articule avec un réalisme inégalable, Wolfgang Koch démontre à nouveau quel immense acteur de la vie il est, sa clarté vocale faisant apparaître avec netteté les moindres tressaillements qui font ressentir toutes les faiblesses et sombres doutes de son être.

Mais on l’entend toutefois avec un impact vocal qui s’évapore un peu trop en première partie, bien qu’il le consolide beaucoup plus dans la seconde partie du second acte au moment où il s’agit de mettre à jour l’identité de Lohengrin.

Ce grand habitué de l’excellente acoustique de la scène munichoise sait aussi surprendre d’un soir à l’autre, et il a la capacité de faire sienne l’empreinte Bastille.

Ching-Lien Wu et les chœurs de l'Opéra de Paris

Ching-Lien Wu et les chœurs de l'Opéra de Paris

Enfin, si Kwangchul Youn a eu le temps de montrer en répétition qu’il a toujours su préserver sa noblesse d’expression, son remplaçant à la première, Tareq Nazmi – le fameux Banco de la production de ‘Macbeth’ au festival de Salzbourg cet été -, brosse un portrait digne et d’une noirceur bien marquée, hautement conforme au symbole conventionnel que représente Henri l’Oiseleur, appuyé par Shenyang qui offre beaucoup de panache au Héraut du Roi.

Piotr Beczała, Alexander Soddy, Kirill Serebrennikov et Nina Stemme

Piotr Beczała, Alexander Soddy, Kirill Serebrennikov et Nina Stemme

C’est sur un grand entrelacement entre l’enthousiasme de spectateurs saisis par un spectacle puissant et très bien réfléchi, et le décontenancement d’une autre partie de spectateurs qui accepte moins que l’obscurité du monde soit autant mise en avant sur une scène lyrique, que tous les artistes ont été emportés aux saluts finaux par une énergie générale qui démontre l'importance de ces propositions si essentielles par les vérités qu'elles drainent et que l'on n'oublie pas avec le temps.

Klaus Florian Vogt (Lohengrin)

Klaus Florian Vogt (Lohengrin)

Représentation du 11 octobre 2023

Après 10 jours sans représentations, la série des 'Lohengrin' a repris avec un remplacement inattendu et au pied levé pour un soir le 11 octobre 2023, celui de Piotr Beczala, souffrant, par Klaus Florian Vogt.

Ce n'est pas la première fois que ce magnifique ténor wagnérien fidèle du Festival de Bayreuth incarne un chef militaire - c'était déjà le cas dans la production de 'Parsifal' de Uwe Eric Laufenberg -, si bien qu'il apparaît ce soir dans la continuité des rôles qu'il a toujours incarnés, sérieux d'allure, prévenants et attentionnés, mais prompts à s'irriter si les protagonistes ne sont pas à la hauteur de sa stature morale, même si dans cette production son personnage devient vite un symbole critique de l'esprit de guerre.

Klaus Florian Vogt (Lohengrin)

Klaus Florian Vogt (Lohengrin)

Depuis ses débuts dans le rôle de Lohengrin à l'opéra d'Erfurt en 2002, Klaus Florian Vogt ne cesse d'impressionner par la manière dont il a su préserver la candeur de son timbre de voix tout en l'enrichissant en chaleur et puissance.

Grande subtilité des nuances, magnificence des couleurs et splendide rayonnement toujours aussi souverain qui emportent l'auditeur dans un autre temps, il fait vivre aux spectateurs l'expérience de l'évocation d'une âme surnaturelle avec une telle intensité que son grand air 'In fernem land' devient un sidérant récit spirituel avec une capacité à exacerber la sensibilité de l'auditeur pour l'empreindre de sentimentalisme. C'est véritablement trop beau pour être décrit!

Klaus Florian Vogt (Lohengrin)

Klaus Florian Vogt (Lohengrin)

Par ailleurs, après quelques jours de repos, la distribution est à son meilleur, Kwangchul Youn parfait de par sa stature de chef d'Etat, Wolfgang Koch brillant dans ses expressions naturalistes et très théâtrales, Nina Stemme impressionnante par la somptuosité de ses graves et la pénétrance de ses aigus hallucinés, et Sinead Campbell Wallace vaillante en toutes circonstances.

Chœurs à nouveau inspirants et élégiaques, orchestre sous tension permanente par la main galvanisante d'Alexander Soddy, cordes qui développent des tissures évanescentes absolument fantastiques, cette soirée du 11 octobre restera gravée pour beaucoup dans les mémoires.

Nina Stemme, Klaus Florian Vogt, Kwangchul Youn et les choeurs

Nina Stemme, Klaus Florian Vogt, Kwangchul Youn et les choeurs

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