Publié le 19 Mars 2024

Depuis le lundi 18 mars 2024, la quinzième et dernière saison de Michel Franck à la direction du Théâtre des Champs Élysées est officiellement dévoilée à travers la mise en ligne de la programmation sur le site du théâtre.

Cette saison s’inscrit dans la continuité des saisons passées et comprend 5 productions d’opéras en version scénique données sur un total de 23 soirées, 15 représentations d’opéras et oratorio en version concert et 8 œuvres religieuses (dont un dimanche matin pour ‘Un Requiem allemand’ de Brahms en version piano), 19 concerts symphoniques (dont 5 avec l'ensemble Les Siècles), 10 récitals vocaux, 21 récitals de piano, 8 concerts de l’orchestre de chambre de Paris, 8 autres concerts de musique de chambre, 21 concerts du dimanche matin (dont 2 représentations de ‘La Flûte enchantée’ en mimodrame), 7 ballets dansés sur 35 soirées et 3 soirées d’humour.

Par ailleurs, une version de ‘L’Élixir d’Amour’ ramenée à une durée d’une heure et trente minutes, interprétée par l’orchestre Les Frivolités Parisiennes, sera créée pour le jeune public, et donnée en 9 représentations sur le temps scolaire, ainsi que sur 3 matinées et 3 soirées tout public.

Ce spectacle sera une coproduction avec le Teatro Sociale di Como / projet Opera Domani, l’opéra de Reims, l’opéra de Rouen Normandie et l’opéra de Bordeaux.

Cette ligne programmatique est globalement stable par rapport à la saison précédente qui avait vu la part des récitals vocaux ramenée à une dizaine de soirées, mais la danse, qui avait pendant les trois dernières saisons cédé de la place à l’opérette et au théâtre, retrouve toute son importance, notamment avec les 17 soirées dédiées à la nouvelle production de ‘La Reine des Neiges’ interprétée par le Ballet de l’Opéra national d’Ukraine.

La part des opéras en version de concert diminue de 22 à 15, ce qui reste conséquent, mais celle des œuvres religieuses augmente de 5 à 8 soirées.

Au total, ce sont 186 représentations qui seront données avenue Montaigne, tous genres et tous publics confondus.

Der Rosenkavalier - Krzysztof Warlikowski, Marlis Petersen et Henrik Nánási  (première le 21 mai 2025)

Der Rosenkavalier - Krzysztof Warlikowski, Marlis Petersen et Henrik Nánási (première le 21 mai 2025)

Opéras en version scénique

La Passion selon Saint Jean (Jean-Sébastien Bach)
4, 5 novembre (2 représentations)

Direction musicale Leonardo García Alarcón, Mise en scène Sasha Waltz
Sophie Junker, Georg Nigl, Christian Immler, Benno Schachtner, Valerio Contaldo, Mark Milhofer
Ensemble Cappella Mediterranea, Chœur de chambre de Namur, Chœur de l’Opéra de Dijon
Production Opéra de Dijon
Coproduction Compagnie Sasha Waltz & Guests

Dialogues des Carmélites (Francis Poulenc)
4, 6, 8, 10, 12 décembre (5 représentations)

Direction musicale Karina Canellakis, Mise en scène Olivier Py
Patricia Petibon, Vannina Santoni, Véronique Gens, Jodie Devos, Madame de Croissy, Le Chevalier de La Force, Le Marquis de La Force, Marie Gautrot, Ramya Roy, Loïc Félix, Blaise Rantoanina, Yuri Kissin , Matthieu Lécroart
Les Siècles, Chœur Unikanti-Maîtrise des Hauts-de-Seine
Coproduction Théâtre Royal de la Monnaie, Bruxelles

Semele (Georg Friedrich Haendel)
6, 9, 11, 13, 15 février (5 représentations)

Direction musicale Emmanuelle Haïm, Mise en scène Oliver Mears
Pretty Yende, Ben Bliss, Alice Coote, Brindley Sherratt, Niamh O’Sullivan, Carlo Vistoli, Marianna Hovhannisyan
Orchestre Le Concert d’Astrée, Chœur Le Concert d’Astrée
Coproduction Covent Garden Royal Opera House

Werther (Jules Massenet)
22, 25, 28, 31 mars et 3, 6 avril (6 représentations)

Direction musicale François-Xavier Roth, Mise en scène Christof Loy
Johannes Leiacker, Robby Duiveman, Roland Edrich, Benjamin Bernheim, Marina Viotti, Jean-Sébastien Bou, Sandra Hamaoui, Marc Scoffoni, Yuri Kissin, Rodolphe Briand
Les Siècles, Maîtrise des Hauts-de-Seine
Coproduction Teatro alla Scala

Der Rosenkavalier (Richard Strauss)
21, 24, 27 mai et 2, 6 juin (5 représentations)

Direction musicale Henrik Nánási, Mise en scène Krzysztof Warlikowski
Marlis Petersen , Marina Viotti, Regula Mühlemann, Peter Ros, Jean-Sébastien Bou, Eléonore Pancrazi, Krešimir Špicer, Francesco Demuro, Laurène Paternò, Florent Karre, François Piolino, Yoann Le Lan 
Orchestre National de France, Chœur Unikanti, Maîtrise des Hauts-de-Seine

Anna Pirozzi - Andrea Chénier

Anna Pirozzi - Andrea Chénier

Opéras et oratorio en version de concert

Così fan tutte (Wolfgang Amadé Mozart) le 24 septembre
Ana Maria Labin, Angela Brower, James Ley, Leon Košavić, Miriam Albano, Alexandre Duhamel

Marc Minkowski direction, Les Musiciens du Louvre

Un Requiem allemand (Georg Friedrich Haendel) le 29 septembre à 11h
Claire Désert et Tanguy de Williencourt piano

Henri Chalet direction, Chœur et solistes de la Maîtrise Notre-Dame de Paris

La Résurrection (Georg Friedrich Haendel) le 4 octobre
Emőke Baráth, Elsa Benoit, Lucile Richardo, Emiliano Gonzalez Toro, Robert Gleadow

Julien Chauvin direction, Le Concert de La Loge

Requiem  (Wolfgang Amadé Mozart) le 17 octobre
En première partie de programme Sept Répons des ténèbres (Francis Poulenc)
Lisette Oropesa, Eve-Maud Hubeaux, Cyrille Dubois, Nahuel Di Pierro

Bertrand de Billy direction, Orchestre National de France, Chœur de Radio France , Maîtrise de Radio France

Andrea Chénier (Umberto Giordano) le 18 octobre
Riccardo Massi, Anna Pirozzi, Amartuvshin Enkhbat, Sophie Pondjicli, Thandiswa Mpongwana

Daniele Rustioni direction, Orchestre et Chœurs de l’Opéra National de Lyon
Coproduction Opéra National de Lyon

Cyrille Dubois - Le Comte Ory

Cyrille Dubois - Le Comte Ory

Le Comte Ory (Gioachino Rossini) le 07 novembre
Cyrille Dubois, Sara Blanch, Ambroisine Bré, Monica Bacelli, Nicola Ulivieri, Sergio Villegas-Galvain, Marielou Jacquard

Patrick Lange direction Orchestre de chambre de Paris, Chœur de Chambre de Rouen

Passion selon Saint Matthieu (Jean-Sébastien Bach) le 16 novembre
Guy Cutting , Matthias Winckhler, Tobias Berndt, Miriam Feuersinger, Alex Potter, Christoph Pfaller, Martin Schicketanz

Hans-Christoph Rademann direction, Chœur et Orchestre du Gaechinger Cantorey

Alcina (Georg Friedrich Haendel) le 5 décembre
Elsa Dreisig, Sandrine Piau, Emily D’Angelo, Jasmin White, Stefan Sbonnik, Bruno de Sá, Alex Rosen

Francesco Corti direction, Il Pomo d’Oro

Le Messie (Georg Friedrich Haendel) le 11 décembre
Emőke Baráth, Lauranne Oliva, Tim Mead, Robin Tritschler, Benjamin Appl 

Hervé Niquet direction, Orchestre et Chœur Le Concert Spirituel

Le Couronnement de Poppée (Claudio Monteverdi) le 16 décembre
Catherine Trottmann, Ray Chenez, Victoire Bunel, Paul-Antoine Bénos-Djian, Adrien Mathonat, Paul Figuier, Maïlys de Villoutreys, Camille Poul, Sebastian Monti, Thibault Givaja, Yannis François

Le Banquet Céleste

Glory to God (Vivaldi, Bach, Corelli) le 18 décembre
Nina Maestracci, Malena Ernman, Luigi De Donato

Jean-Christophe Spinosi direction, Ensemble Matheus, Académie Handel & Hendrix

Elsa Dreisig - Alcina

Elsa Dreisig - Alcina

Stabat Mater  (Giovanni Battista Pergolesi) le 18 janvier
Œuvre précédée de Stabat Mater (Intonation), Tarentelle « Mo’è benuto il Giovedì Santu » (anonyme), Stabat Mater (Manuscrit de Monopoli)

Lauranne Oliva, Eva Zaïcik
Vincent Dumestre direction, Le Poème Harmonique

Don Giovanni (Wolfgang Amadé Mozart) le 20 janvier
Florian Sempey, Ana Maria Labin, Léo Vermot-Desroches, Marion Lebègue, Edwin Fardini, Catherine Trottman, Louis Morvan

Alexis Kossenko direction, Orchestre et Chœur Les Ambassadeurs~La Grande Ecurie

Persée (Jean-Baptiste Lully) le 14 février
Mathias Vidal, Déborah Cache, Hélène Carpentier, Thomas Dolié, Véronique Gens, Matthieu Lécroart, Reinoud Van Mechelen, David Tricou, David Witczak, Alexandre Baldo, Olivia Doray, Marine Lafdal-Franc

Hervé Niquet direction, Orchestre et Chœur Le Concert Spirituel, Chantres du Centre de musique baroque de Versailles
Coproduction Centre de musique baroque de Versailles

Les Noces de Figaro (Wolfgang Amadé Mozart) le 26 mars
Florian Boesch, Anett Fritsch, Robert Gleadow, Nikola Hillebrand, Anna Lucia Richter, Anna-Doris Capitelli, Shinyoung Kim

Giovanni Antonini direction, Kammerorchester Basel, Basler Madrigalistent

Mathias Vidal - Persée

Mathias Vidal - Persée

Un Requiem allemand (Johannes Brahms) le 05 avril
Sara Blanch , Michael Volle

Daniele Gatti direction, Orchestre National de France, Chœur de Radio France 

Passion selon Saint Matthieu (Jean-Sébastien Bach) le 09 avril
Werner Güra, Louis Morvan, Julie Roset, Giuseppina Bridelli, Fabien Hyon, Thomas Dolié

Enrico Onofri direction, Orchestre National d’Auvergne, Chœur NFM-Varsovie

Jephté (Georg Friedrich Haendel) le 29 avril
Michael Spyres, Joyce DiDonato, Mélissa Petit, Jasmin White

Francesco Corti direction, Il Pomo d’Oro 

Le Freischütz (Carl Maria von Weber) le 30 avril
Charles Castronovo, Golda Schultz, Kyle Ketelsen, Nikola Hillebrand, Jongmin Par, Milan Siljanov, Sebastian Wartig

Antonello Manacorda direction, Kammerakademie Potsdam, RIAS Kammerchor

Deborah (Georg Friedrich Haendel) le 23 mai
Sophie Junke, Jakub Józef Orlińsk, Sophia Patsi, Wolf Matthias Friedrich

Ton Koopman direction, Amsterdam Baroque Orchestra & Choir

Mitridate re di Ponte (Wolfgang Amadé Mozart) le 25 mai
Sergey Romanovsky, Jessica Pratt, Olga Bezsmertna, Rose Naggar-Tremblay, Maria Kokareva, Alasdair Kent, Nina van Essen

Christophe Rousset direction, Les Talens Lyriques

Semiramide (Gioachino Rossini) le 17 juin
Karine Deshayes, Franco Fagioli, Giorgi Manoshvili, Alasdair Ken, Mara Gaudenzi, Antonio Di Matteo

Valentina Peleggi direction, Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie, Chœur Accentus

L’Italienne à Alger (Gioachino Rossini) le 18 juin
Marie-Nicole Lemieux, Levy Sekgapane, Nahuel Di Pierro, Mikhail Timoshenko, Sulkhan Jaiani, Eléonore Pancrazi, Julie Roset

Julien Chauvin direction, Le Concert de La Loge

Adriana González et Freddie De Tommaso

Adriana González et Freddie De Tommaso

Les Récitals vocaux

Adriana González, Freddie De Tommaso (Puccini, Cilea, Ponchielli, Verdi, Charpentier, Massenet, Bizet...), le 07 octobre

Philippe Jaroussky (Haydn, Mozart, Schubert), le 9 novembre

Concert des Diapason d’or, Julia Lezhneva, Pene Pati, le 13 novembre

Gala des 10 ans – Le Concert de La Loge, le 15 janvier

Jakub Józef Orliński (Lieder et mélodies), le 10 février

Patricia Petibon et Olivier Py

Patricia Petibon et Olivier Py

Concert Voix Nouvelles (Airs et ensembles d’opéras), le 17 février

Anna Netrebko, Yusif Eyvazov (Scènes d’opéras italiens ), le 27 mars

Pretty Yende, ONF, Giacomo Sagripanti direction (extraits de comédies musicales), le 08 juin

Philippe Jaroussky fête ses 25 ans de scène, le 23 juin

Patricia Petibon, Olivier Py (airs extraits de La Grande Duchesse de Gerolstein, Ciboulette), le 28 juin

Shani Diluka et Natalie Dessay

Shani Diluka et Natalie Dessay

Concerts (sélection subjective)

Wiener Philharmoniker, Daniele Gatti direction (Stravinsky, Chostakovitch), le 05 octobre

Natalie Dessay, Shani Diluka piano (Grieg, Fauré, Ravel, Debussy, Rimski-Korsakov, Berg ...), le 06 octobre 11h

Centenaire Gabriel Fauré, Camille Chopin, Pierre-Yves Cras, le 03 novembre

Les Siècles, F-X Roth (Saint-Saëns, Ravel), le 08 novembre

Orchestre de Chambre de Paris, Gábor Takács-Nagy, Steven Isserlis (Haydn, Beethoven), le 14 novembre

La Flûte enchantée en mimodrame, le 17 novembre 11h et 15h

Les Ambassadeurs~La Grande Écurie, Alexis Kossenko (Concertos de Vivaldi), le 19 novembre

Bruce Liu piano (Tchaïkovski, Mendelssohn, Scriabine, Prokofiev), le 03 décembre

Orchestre de Chambre de Paris, Thomas Hengelbrock (Strauss, Bruckner), le 16 janvier

Wiener Philharmoniker, Zubin Metha direction, Pinchas Zukerman violon (Mozart, Bruckner), le 17 janvier

Orchestre de Chambre de Paris, Andrew Staples (Bach, Mahler), le 20 février

Orchestre National de France, Cristian Măcelaru, Marie-Nicole Lemieux, Sarah Nemtanu (Ravel), le 05 mars

Quatuor Modigliani (Ravel, Beethoven), le 16 mars 11h

Rotterdams Philharmonisch Orkest, Yannick Nézet-Séguin, Angel Blue (Strauss, Bruckner), le 23 mars

Nikolaï Lugansky piano (Mozart, Beethoven, Wagner), le 24 mars

Elisabeth Leonskaja (Mozart, Schoenberg, Chopin, Berg, Schumann), le 29 mars

Les Siècles, F-X Roth, Bertrand Chamayou, Grégoire Pont (Massenet, Chabrier, Ravel), le 30 mars

Pierre-Laurent Aimard, Mathieu Amalric (Portrait de Ravel), le 06 avril

Stephen Kovacevich piano (Beethoven , Schubert, Berg, Brahms), le 12 avril

Jan Lisiecki piano (Chopin, Bach, Rachmaninov, Szymanowski, Messiaen, Górecki), le 07 juin

David Fray piano (Autour de transcription), le 25 juin

Orchestre National de France, Maxim Emelyanychev, Sabine Devieilhe (Schubert, Haydn, Mozart, Tchaïkovski), le 26 juin.

Yannick Nézet-Séguin et Angel Blue

Yannick Nézet-Séguin et Angel Blue

Première impression sur la saison 2024 / 2025

Avec seulement 2 opéras en version de concert, ’Persée’ de Lully et ‘Le Comte Ory’ de Rossini, la langue française est peu représentée dans ce genre concertant, mais c’est la première fois en 15 saisons qu’un opéra du compositeur originaire de Pesaro est interprété dans notre langue. Par ailleurs, ces deux ouvrages ont été créés à l’Opéra de Paris, le premier au Théâtre du Palais Royal, en 1682, le second à la Salle Le Peletier, en 1828.

En revanche, avec deux opéras en version scénique, ‘Werther’ et la reprise de ‘Dialogues des Carmélites’, Michel Franck peut se féliciter d’avoir consacré tout au long de son mandat un tiers des opéras en version scénique à la langue française. 

Les opéras en italien reprennent de l’importance en version de concert, mais hormis Umberto Giordano avec ‘Andrea Chénier’, seuls les quatre compositeurs d’œuvres en langue italienne les plus joués de tout le mandat du directeur, Monteverdi, Haendel, Mozart et Rossini, sont présentés, la seule nouveauté étant ‘Mitridate, re di Ponto’, opéra plus rarement donné. Mais aucun opéra en version scénique ne sera chanté en italien cette saison ci.

Avec 6 ouvrages, les amoureux des œuvres de Haendel seront gâtés d’autant plus que 4 de ces opéras et oratorio seront chantés en langue anglaise, dont la version scénique de ‘Semele’, et le très rare ‘Deborah’ interprété par Sophie Junker et Jakub Józef Orliński.

Mais c’est surtout la langue allemande qui prédomine en beauté pour cette dernière saison avec deux œuvres en version scénique, ‘La Passion selon Saint-Jean’ de Bach chorégraphiée par Sasha Waltz, et ‘Le Chevalier à la Rose’ de Richard Strauss mis en scène par Krzysztof Warlikowski, un grand connaisseur du compositeur allemand dont il a mis en scène ‘Salomé’ et ‘Die Frau ohne Schatten’ à Munich, et ‘Elektra’ à Salzburg.

Par ailleurs, le choix de cet ouvrage par Michel Franck pour clore ses 15 ans à la direction du Théâtre des Champs-Elysées rappelle beaucoup celui qu’effectua Hugues Gall au moment de quitter la direction de l’Opéra de Paris en programmant ‘Capriccio’. Dans les deux cas, il y a l’émotion d’une fin d’histoire et du début d’une nouvelle page à écrire.

Oliver Mears - Semele

Oliver Mears - Semele

En version de concert, la langue allemande sera cependant surtout dédiée au chant spirituel avec deux versions du ‘Requiem allemand’ de Brahms, dont l’une sera jouée au piano par Claire Désert et Tanguy de Williencourt un dimanche matin, et deux versions de ‘La Passion selon Saint Matthieu’, l’une interprétée par le Chœur et l’ Orchestre du Gaechinger Cantorey, l’autre par l’Orchestre National d’Auvergne et le Chœur NFM-Varsovie.

Quant au ‘Freischutz’, il revient pour la troisième fois sur l'avenue Montaigne avec une excellente distribution comprenant Charles Castronovo, Golda Schultz, Kyle Ketelsen et Milan Siljanov.

Et la langue latine, qui a fortement reflué depuis ces trois dernières saisons, sera uniquement défendue par Mozart, Vivaldi et Pergolese, chacun pour un soir.

Globalement, cette saison respecte les fondamentaux du théâtre centrés principalement sur le répertoire du XVIIIe et XIXe siècle (75% de la programmation), en s’appuyant sur les 3 piliers italien, français et allemand.

La surprise provient du choix des metteurs en scène, un peu plus au goût du jour qu’à l’accoutumée, qui augure de visions fortes, et le travail d’Oliver Mears, le directeur artistique du Royal Opera House de Londres, pour 'Semele’ sera suivi de près.

Parmi les soirées très attendues, en regard de ‘Semele’ et ‘Der Rosenkavalier’, ‘Le Comte Ory’, avec Cyrille Dubois et Sara Blanch, ‘Alcina’, avec Elsa Dreisig, Sandrine Piau et Emily d’Angelo, ‘Persée’ avec Mathias Vidal et Véronique Gens, ‘Semiramide’ avec Karine Deshayes et Franco Fagioli, ainsi que le récital d’Adriana González et Freddie De Tommaso, le concert des Diapason d’or, le Gala des 10 ans du concert de la Loge, le récital de Pretty Yende dans des airs de comédies musicales, et le concert du Wiener Philharmoniker dirigé par Zubin Metha avec Pinchas Zukerman au violon, sont des exemples de spectacles originaux à vivre.


L'intégralité de la saison c'est ici.

L'interview de Michel Franck donnée à Forum Opéra c'est ici.

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Publié le 18 Mars 2024

Saison 2024/2025 du Bayerische Staatsoper de Munich (BSO)

Depuis le samedi 16 mars 2024 10h, la saison 2024/2025 du Bayerische Staatsoper est enfin dévoilée au public venu à la grande salle de l’opéra de Munich pour la découvrir, ainsi qu’aux spectateurs qui ont pu suivre la présentation en direct sur internet via la chaîne TV de l’institution bavaroise.

Cette annonce de la 4e saison de Serge Dorny à la direction de ce prestigieux opéra se fait dans un contexte particulier car ni lui, ni le directeur de ballet Laurent Hilaire, ni le directeur musical Vladimir Jurowski ne savent à ce moment là s’ils seront reconduits au-delà de 2026, alors qu’ils programment déjà la saison 2027/2028, y compris la fin du cycle du ‘Ring’. Dans l’expectative, Serge Dorny a fait savoir qu’il a postulé à la direction du Festival de Salzburg.

Mais en attendant que l’incertitude soit levée d’ici fin août, la structure de la programmation qu’il propose n’opère aucun relâchement par rapport à la ligne initiale, et comporte un quart d’opéras du XXe/XXIe siècles (hors Puccini), ce qui est conséquent sans, néanmoins, revenir au niveau de la saison 2022/2023 qui atteignait 30% d’ouvrages postromantiques.

Ainsi, la saison lyrique 2024/2025 affiche 167 soirées dédiées à 41 ouvrages - dont 7 nouvelles productions - ce qui constitue une légère érosion par rapport à la saison en cours qui comprend 172 soirées et 8 nouvelles productions.

Toutefois, à ces 167 soirées de répertoire s’ajoutent 10 représentations supplémentaires pour le festival biannuel ‘Ja, Mai’ qui sera centré sur deux ouvrages du XXIe siècle.

 Krzysztof Warlikowski, Corinne Winters et Mirga Gražinytė-Tyla - Katia Kabanova (Première le 13 mars 2025)

Krzysztof Warlikowski, Corinne Winters et Mirga Gražinytė-Tyla - Katia Kabanova (Première le 13 mars 2025)

Comme la saison passée, Serge Dorny propose en nouvelles productions un grand ouvrage dramatique italien du XIXe siècle – il s’agit en fait de deux récits bien connus, le diptyque ‘Cavalleria Rusticana / Pagliacci’ – , et une œuvre plus légère ‘La Fille du régiment’, qui sont des opéras emblématiques et très prisés des maisons de répertoire.

Son cœur de projet s’axe donc sur les œuvres créées au XXe siècle, car elles apportent souvent une vision du monde plus crépusculaire, vraie et désillusionnée qui invite au regard intérieur.

Tobias Kratzer : Das Rheingold (première le 27 octobre 2024), Die Passagierin (reprise le 15 novembre 2024)

Tobias Kratzer : Das Rheingold (première le 27 octobre 2024), Die Passagierin (reprise le 15 novembre 2024)

Ainsi, 11 ouvrages de cette période - contre 7 pour la saison 2023-2024 en cours - seront présentés sur 43 soirées, parmi lesquels 3 auront droit à de nouvelles productions : ‘Katia Kabanova’ de Leoš Janáček mis en scène par Krzysztof Warlikowski, un familier des œuvres du compositeur tchèque, sous la direction de la chef d'orchestre lituanienne Mirga Gražinytė-Tyla avec Corinne Winters dans le rôle titre, puis ‘Die Liebe der Danae’ de Richard Strauss, une réflexion sur le pouvoir de l’argent qui sera confiée à Claus Guth sous la direction de Sebastian Weigle, et enfin, lors du festival d’été, la rare ‘Pénélope’ de Gabriel Fauré qui fut créée en mars 1913 à l’opéra de Monte-Carlo, puis en mai 1913 au Théâtre des Champs-Élysées, dont la lecture sera confiée à Andrea Breth qui fera donc ses débuts au Bayerische Staatsoper, sous la direction de Susanna Mälkki.

Vladimir Jurowski - Don Giovanni, Das Rheingold, Die Fledermaus, Der Rosenkavalier

Vladimir Jurowski - Don Giovanni, Das Rheingold, Die Fledermaus, Der Rosenkavalier

Si Vladimir Jurowski ne dirigera qu’un seul opéra de cette période, ‘Der Rosenkavalier’, son assistant Azim Karimov reprendra ‘Die Passagierin’.

Le chef Valentin Uryupin, qui a du quitter son poste du Nouvel Opéra de Moscou en 2022 suite à ses critiques de la guerre en Ukraine, dirigera ‘Erwartung’ (sous forme de diptyque avec ‘Didon et Enée’), Lothar Koenigs assurera les reprises de ‘Die Tote Stadt’ et ‘La Petite Renarde rusée’, Edward Gardner, le successeur de Vladimir Jurowski au London Philharmonic Orchestra, dirigera ‘Rusalka’, Kent Nagano reprendra ‘Le Grand Macabre’ dans la production de Krzysztof Warlikowski, et Ustina Dunitsky interprètera à nouveau pour deux soirées ‘Der Mond’ de Carl Orff, jouées dans le cadre du ‘UniCredit Septemberfest’ pour ouvrir la nouvelle saison lyrique avec seulement deux catégories de prix, 8 et 25 euros.

Francesco Micheli - Cavalleria Rusticana / Pagliacci (Première le 22 mai 2025)

Francesco Micheli - Cavalleria Rusticana / Pagliacci (Première le 22 mai 2025)

Comme pour la saison 2023/2024, le répertoire des compositeurs italiens du XIXe siècle est une composante solide et fondamentale qui va occuper 40% des représentations grâce à 17 ouvrages répartis sur 65 soirées, dont 6 de Giuseppe Verdi (‘Macbeth’, ‘I Masnadieri’, ‘La Traviata’, ‘Don Carlo’, ‘Un Ballo in maschera’, Aida’), 5 de Giacomo Puccini (‘Manon Lescaut’, ‘La Bohème’, ‘Tosca’, ‘Madame Butterfly’, ‘Turandot’), et 3 de Gaetano Donizetti (‘Lucrezia Borgia’, ‘Lucia di Lammermoor’, ‘L’Elixir d’Amour’).

Ces grands classiques italiens seront complétés par la reprise de la ‘La Cenerentola’ de Gioachino Rossini, ainsi qu'une nouvelle production du diptyque ‘Cavalleria Rusticana’ et ‘Pagliacci’ de Pietro Mascagni et Ruggero Leoncavallo mise en scène par Francesco Micheli, directeur artistique du Festival Opera Donizetti de Bergame, sous la direction de Daniele Rustioni.

David Hermann - Don Giovanni (Première le 27 juin 2025)

David Hermann - Don Giovanni (Première le 27 juin 2025)

Mozart a habituellement une place de choix à Munich, et c’est encore le cas cette saison avec 4 ouvrages dont la trilogie Da Ponte, ‘Cosi fan tutte’, ‘Les Noces de Figaro’ et une nouvelle production de ‘Don Giovanni’ confiée à David Hermann (le metteur en scène du récent ‘Tannhäuser’ à l’opéra de Lyon et du ‘Die Frau ohne schatten’ à l’opéra de Stuttgart’), ainsi que la reprise de ‘La Flûte enchantée’, mais Wagner devra se contenter de seulement 12 soirées avec les reprises de ‘Lohengrin’ et du ‘Vaisseau Fantôme’, et surtout la nouvelle production de ‘Das Rheingold’ mise en scène par Tobias Kratzer, premier volet d’un Ring qui se déroulera sur 4 ans.

Deux autres compositeurs germanophones du XIXe siècle sont également à l’affiche avec les reprises de ‘Die Fledermaus’ (Johan Strauss) et de ‘Hänsel und Gretel’ (Engelbert Humperdinck).

Susanna Mälkki - Les Noces de Figaro, Pénélope (première le 18 juillet 2025)

Susanna Mälkki - Les Noces de Figaro, Pénélope (première le 18 juillet 2025)

Et il n’y a pas que Wagner a être un peu en retrait cette saison devant l’importance du répertoire du XXe siècle, car le répertoire russe romantique ne pourra compter que sur une seule reprise, celle de ‘La Dame de Pique’ pour 4 soirs, dans la mise en scène de Benedict Andrews.

Mais la langue française se défend plutôt bien puisque qu’à la nouvelle production de ‘Pénélope’ viendront s’ajouter deux ouvrages créés à l’Opéra Comique, la nouvelle production de ‘La Fille du régiment’ de Donizetti dans la mise en scène de Damiano Michieletto, sous la direction de Stefano Montanari, et la reprise de ‘Carmen’ sous la direction d’Alexandre Bloch, le directeur musical de l’opéra de Lille.

Et les baroqueux seront à nouveaux déçus puisque seules deux soirées seront dédiées à ‘Didon et Enée’ de Purcell, mais avec Sonya Yoncheva dans le rôle titre et la mise en scène de Krzysztof Warlikowski.

Sonya Yoncheva - Didon et Enée / Erwartung (reprise le 13 juillet 2025)

Sonya Yoncheva - Didon et Enée / Erwartung (reprise le 13 juillet 2025)

Enfin, le festival ‘Ja, Mai’ permettra de découvrir deux ouvrages rares contemporains sur 5 soirs chacun, ‘Matsukaze’ de Toshio Hosokawa (La Monnaie – 2011 - mise en scène Sasha Waltz), donné à la salle Utopia (ehemals Reithalle) dans une nouvelle mise en scène de Lotte van den Berg et Tobias Staab, et ‘Das Jagdgewehr’ de Thomas Larcher (Bregenz – 2018) qui sera joué au Théâtre Cuvilliés dans une mise en scène d’Ulrike Schwab.

Il s'agit de pièces inspirées de deux nouvelles japonaises, respectivement une pièce de théâtre Nô, 'Matsukaze' (松風, 'Le Vent dans les pins'), et un roman de Yasushi Inoue, 'Ryōjū' (猟銃, 'Le fusil de chasse').

Antonino Fogliani - I Masnadieri, Lucrezia Borgia, Turandot

Antonino Fogliani - I Masnadieri, Lucrezia Borgia, Turandot

Cette programmation met ainsi en exergue d’excellents chefs d’orchestre, mais quatre se distinguent particulièrement, Vladimir Jurowski, le directeur musical, qui dirigera ‘Der Rosenkavalier’ , ‘Die Fledermaus’ et les nouvelles productions de ‘Don Giovanni’ et ‘Das Rheingold’, Sebastian Weigle qui dirigera ‘La Dame de Pique’, ‘Lohengrin’ et la nouvelle production de ‘Die Liebe der Danae’, Susanna Mälkki qui dirigera la reprise des ‘Noces de Figaro’ – il est assez rare d'entendre la chef d'orchestre finlandaise interpréter une œuvre lyrique du XVIIIe siècle – et la nouvelle production de ‘Pénélope’, et Antonino Fogliani qui se réservera trois opéras italiens, ‘I Masnadieri’, ‘Lucrezia Borgia’ et 'Turandot'.

Klaus Florian Vogt - Die Tote Stadt (Reprise, le 01 octobre 2024)

Klaus Florian Vogt - Die Tote Stadt (Reprise, le 01 octobre 2024)

Et pour ceux qui scrutent les distributions de grands chanteurs, on pourra entendre cette saison Sonya Yoncheva (Didon et Enée / Erwartung), Lise Davidsen (Tosca), Asmik Grigorian et Franz-Josef Selig (Der Fliegende Holländer), Violeta Urmana (La Dame de Pique, Katia Kabanova), Ermonela Jaho (Manon Lescaut), Pretty Yende, Susan Graham, Lawrence Brownlee (La Fille du Régiment), Marlis Petersen (Der Rosenkavalier), Yulia Matochkina (Un Ballo in Maschera, Cavalleria Rusticana), Anja Kampe et René Pape (Lohengrin), Rachel Willis-Sørensen (Don Carlo, Lohengrin), Elena Guseva (Rusalka, Madame Butterfly), Nicole Car (Un Ballo in Maschera), Vida Miknevičiūtė et Klaus Florian Vogt (Die Tote Stadt), Charles Castronovo (I Masnadieri, Un Ballo in Maschera), Jonas Kaufmann (Pagliacci), Wolfgang Koch (Cavalleria Rusticana/Pagliacci, Lohengrin, La Petite Renarde rusée), Brandon Jovanovich (Pénélope), Pavol Breslik (Rusalka, Lucrezia Borgia), Xabier Anduaga (Lucia di Lammermoor, La Fille du Régiment), Peter Mattei, Golda Schultz, Willard White et Emily D’Angelo (Les Noces de Figaro), Elena Tsallagova (Die Passagierin, La Petite Renarde rusée), Charles Workmann (Die Passagierin), Piotr Beczala (Lohengrin, Carmen), Lisette Oropesa (I Masnadieri, La Fille du régiment), Erwin Schrott (Don Carlo, Lucrezia Borgia, I Masnadieri), Vera-Lotte Boecker (Don Giovanni), Simon Keenlyside (La Traviata), Ekaterina Semenchuk et Vittorio Grigolo (Cavalleria Rusticana), Ailyn Pérez (Pagliacci), Elena Stikhina (La Dame de Pique, Aida), Pavel Cernoch, Corinne Winters et John Daszak (Katia Kabanova), Angel Blue et Pene Pati (La Bohème), Christopher Maltman et Andreas Schager (Die Liebe der Danae), Angela Meade (Lucrezia Borgia), Jessica Pratt (La Flûte enchantée), Gerald Finley (Macbeth, Der Fliegende Holländer), Sondra Radvanovsky (Turandot, Macbeth), Elina Garanca (Aida), Ekaterina Gubanova (Das Rheingold)…

Sondra Radvanovsky - Turandot, Macbeth

Sondra Radvanovsky - Turandot, Macbeth

Cette saison est aussi marquée par la mise en avant de Konstantin Krimmel, baryton allemand et roumain membre de l'opéra de Munich depuis 2021, qui apparaitra dans les trois volets de la trilogie Da Ponte, où il fera l'ouverture du festival d'été en Don Giovanni.

Ce jeune chanteur a débuté en tant qu'enfant de chœur de l’église Saint-Georges à Ulm, et il se démarque aujourd'hui dans le répertoire du Lied. Une soirée de lieder lui sera d'ailleurs dédiée au Prinzregententheater le 24 juillet 2025, en fin de festival.

Konstantin Krimmel - Don Giovanni (Première le 27 juin 2025), Les Noces de Figaro, Cosi fan Tutte

Konstantin Krimmel - Don Giovanni (Première le 27 juin 2025), Les Noces de Figaro, Cosi fan Tutte

Un focus sur les grands chanteurs français permet enfin de mettre en valeur Clémentine Margaine et Jérôme Boutillier (Carmen), Loïc Félix (Pénélope), Julie Fuchs (Les Noces de Figaro) et Sandrine Piau (Cosi fan tutte).

Sandrine Piau - Cosi fan tutte (reprise le 12 mai 2025)

Sandrine Piau - Cosi fan tutte (reprise le 12 mai 2025)

Mais seuls deux spectacles, hors festival ‘Ja, Mai’, seront affichés avec des prix ne dépassant pas 100 euros en première catégorie, ‘Hänsel et Gretel’ et ‘La Cenerentola’. C’est moins que la saison 2023/2024 où 6 productions étaient à ce tarif, ce qui est aussi un indice que les contraintes financières sont un peu plus fortes chaque année, mais la représentation de 'Don Giovanni' du 06 juillet 2025 sera projetée en direct sur la Max-Joseph Platz, avec saluts des artistes sur le parvis de l'opéra à la fin du spectacle.

Le Bayerische Staatsoper n’en est pas moins une maison lyrique qui se porte encore très bien, et s’intéresse toujours autant aux œuvres rares.


Le détail de la saison 2024/2025 du Bayerische Staatsoper peut être consulté sous le lien suivant : Season 2024 /2025 : From Life - Throught Love.

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Publié le 2 Mars 2024

The Exterminating Angel (Thomas Adès – Festival de Salzburg, 28 juillet 2016)
Livret de Tom Cairns, d’après le film éponyme de Luis Buñuel (1962)
Répétition du 24 février et représentations du 29 février et 09 mars 2024
Opéra Bastille

Lucia de Nobile Jacquelyn Stucker
Leticia Maynar Gloria Tronel
Leonora Palma Hilary Summers
Silvia de Avila Claudia Boyle
Blanca Delgado Christine Rice
Beatriz Amina Edris
Edmundo de Nobile Nicky Spence
Comte Raul Yebenes Frédéric Antoun
Colonel Álvaro Gómez Jarrett Ott
Francisco de Ávila Anthony Roth Costanzo
Eduardo Filipe Manu
Señor Russell Philippe Sly
Alberto Roc Paul Gay
Doctor Carlos Conde Clive Bayley
Julio Thomas Faulkner
Enrique Nicholas Jones
Pablo Andres Cascante
Meni Ilanah Lobel-Torres
Camila Bethany Horak-Hallett
Lucas Julien Henric
Padre Sanson Régis Mengus
Yoli Arthur Harmonic / Artiste de la Maîtrise des Hauts-de-Seine

Direction musicale Thomas Adès (du 26/02 au 09/03) / Robert Houssart (du 13/03 au 23/03)
Mise en scène Calixto Bieito (2024)
Nouvelle production (Entrée au répertoire)

Diffusion en direct sur Paris Opera Play, la Plateforme de l’Opéra national de Paris, le samedi 09 mars à 20h00, puis à compter du vendredi 22 mars sur Medici.TV
Diffusion sur France Musique le samedi 20 avril 2024 à 20h00 dans l’émission ‘Samedi à l’opéra’ présentée par Judith Chaine.

Créé au Festival de Salzbourg en 2016 dans une coproduction de Tom Cairns qui l’a amené à Toronto (2016), New-York (2017) et Copenhague (2018), ‘The Exterminating Angel’ est le troisième opéra de Thomas Adès

L'arrivée des hôtes et invités

L'arrivée des hôtes et invités

L’œuvre est basée sur le film de Luis Buñuel, ‘L’Ange Exterminateur’ (1962), qui se déroule dans les années 1960, au Mexique, après une représentation de l’opéra ‘Lucia di Lammermoor’, lorsque plusieurs couples de riches bourgeois, réunis dans une villa pour finir la soirée autour d’un dîner, se trouvent dans l’incapacité de sortir de la demeure.

Il s’agit d’une réflexion sur les barrières mentales, le conformisme, les artifices sociaux, et sur les travers d’une bourgeoisie, en apparence à l’aise, qui vont être révélés sous la pression d’un espace contraint.

Dans un contexte de ressentiment pour les riches drainé par certains mouvements extrémistes, ‘The Exterminating Angel’ apparaît donc comme un exutoire sans concession.

Claudia Boyle (Silvia), Filipe Manu (Eduardo), Anthony Roth Costanzo (Francisco), Clive Bayley (Le docteur) et Gloria Tronel (Leticia)

Claudia Boyle (Silvia), Filipe Manu (Eduardo), Anthony Roth Costanzo (Francisco), Clive Bayley (Le docteur) et Gloria Tronel (Leticia)

La production intégralement maison de cet opéra surréaliste, confiée au metteur en scène catalan Calixto Bieito qui est un grand admirateur du cinéaste aragonais, est donc la seconde au monde après celle montée par le librettiste, Tom Cairns, et est dirigée par Thomas Adès pour les premières représentations, puis par Robert Houssart qui avait assuré la première danoise en 2018.

Et pour mettre le spectateur dans l’ambiance, les sonneries des cloches se font entendre dans la salle Bastille pendant les 15 minutes qui précèdent le spectacle, manifestation malicieuse du metteur en scène au moment où le public rejoint ses places, et reflet mimétique des moutons se pressant à l’église dans la scène finale du film original.

Jacquelyn Stucker (Lucia de Nobile) et Christine Rice (Blanca Delgado)

Jacquelyn Stucker (Lucia de Nobile) et Christine Rice (Blanca Delgado)

Le rideau se lève sur une immense nef blanche, espace unique où va se dérouler toute l’action, donnant ainsi une dimension monumentale à l’espace de la salle à manger qui ne comprend aucun recoin pour se soustraire au regard d’autrui. L’ambiance est chic mais froide, et, dès lors, l’intimisme et les obscurités du film de Buñuel ne sont pas recréés.

Les différents couples peuvent donc être librement scrutés, et les comportements de chacun peuvent être suivis sans discontinuité. La grande table longitudinale, perpendiculaire à la salle, permet un défilé frontal des participants, et seul un piano est ajouté en fond de scène.

Gloria Tronel (Leticia Maynar) et Philippe Sly (Señor Russell)

Gloria Tronel (Leticia Maynar) et Philippe Sly (Señor Russell)

Calixto Bieito a soigneusement habillé les personnages avec goût et soin pour, par la suite, donner plus de force visuelle à leur déchéance spectaculaire.

La scène inaugurale fait intervenir des domestiques spasmodiques, Julio et Lucas, qui, sous les traits respectifs de Thomas Faulkner et Julien Henric d’une présence vocale bien accentuée, se préparent à fuir. Puis, leur succèdent Camilla et Meni, incarnées par Bethany Horak-Hallett et Ilanah Lobel-Torres, cette dernière affichant un dramatisme qui rappelle celui de Karine Deshayes à ses débuts.

Anthony Roth Costanzo (Francisco de Ávila) et Hilary Summers (Leonora Palma)

Anthony Roth Costanzo (Francisco de Ávila) et Hilary Summers (Leonora Palma)

La présentation des invités est marquée par la puissance percutante de Nicky Spence en Edmundo de Nobile, l’hôte principal qui finira par se proposer en sacrifice au final, et de Jacquelyn Stucker, qui va décrire tout au long de la soirée l’extraversion nymphomane de Lucia de Nobile avec un très beau galbe vocal, affûté et brillant. Son jeu décomplexé sera par ailleurs d’un primitivisme délirant jusqu’au-boutiste.

Claudia Boyle (Silvia), Anthony Roth Costanzo (Francisco), Hilary Summers (Leonora), Nicky Spence (Edmundo), Thomas Faulkner (Julio), Gloria Tronel (Leticia Maynar), Jarrett Ott (Le Colonel) et Paul Gay (Alberto)

Claudia Boyle (Silvia), Anthony Roth Costanzo (Francisco), Hilary Summers (Leonora), Nicky Spence (Edmundo), Thomas Faulkner (Julio), Gloria Tronel (Leticia Maynar), Jarrett Ott (Le Colonel) et Paul Gay (Alberto)

Et impossible d’être insensible à la voix extrêmement aiguë et surnaturelle de Gloria Tronel, absolument charmante. La soprano bordelaise, dont la mère est une artiste du chœur de l’opéra de Bordeaux, fait vivre Leticia Maynar avec une agilité facétieuse. L’étrangeté des sons qu’elle obtient résonne d’ailleurs avec les ondes Mathenot qui évoquent les voix fantomatiques de l’Ange exterminateur.

Amina Edris (Beatriz) et Filipe Manu (Eduardo)

Amina Edris (Beatriz) et Filipe Manu (Eduardo)

C’est en fait une véritable décomposition humaine qui se déroule sur scène à travers un jeu déjanté qui, parfaitement allié à la musique, a quelque chose d’enivrant à la vue de ces artistes qui se donnent à fond pour faire se déchaîner exultations vocales et comportements fortement débridés et difficiles à crédibiliser.

A travers cette déliquescence, Calixto Bieito montre comment la perte de repères et de dignité ramène chacun à une sexualité primaire, tous les protagonistes étant pris dans une spirale de l’angoisse qui les anéantit.

The Exterminating Angel (Stucker Tronel Spence Adès Bieito) Opéra de Paris

Le baryton américain Jarrett Ott, qui s’était fortement fait remarquer la saison dernière à l’Opéra Comique dans ‘Breaking the waves’, un opéra de Missy Mazzoli créé 2 mois seulement après ‘The Exterminating Angel’, est très impressionnant autant par sa caractérisation vocale très soutenue que par son engagement physique, lui qui doit jouer avec force le Colonel amant de Lucia.

Christine Rice et Frédéric Antoun, deux interprètes des créations salzbourgeoise (2016) et new-yorkaise (2017) de l’œuvre, se retrouvent pour cette nouvelle production, la mezzo anglaise imposant, elle aussi, une forte personnalité, le ténor québecois ayant plus naturellement tendance à garder de l’allure même quand il doit se montrer violent.

Clive Bayley (Le Docteur) et Jarrett Ott (Le Colonel)

Clive Bayley (Le Docteur) et Jarrett Ott (Le Colonel)

Les différents couples invités génèrent également des émotions très différentes, celui formé par le vieux docteur et Leonora - chanté par un Clive Bayley acéré et une Hilary Summers au timbre baillé et mélancolique - est sans doute le plus attendrissant, les jeunes fiancés un peu à part, incarnés par Amina Edris et Filipe Manu, obtiennent un magnifique duo ‘Fold your body’ avant de s’éteindre sous un beau jeu d’ombre à l’avant scène, mais le frère et la sœur de Ávila sont bien plus hystérisés, Anthony Roth Costanzo, contre-ténor nerveux et très percutant dans l’enceinte Bastille, poussant, en réalité, très loin la destructuration de sa personnalité, et Claudia Boyle lui donnant le change avant d'offrir une très touchante étreinte finale pour son enfant, Yoli, qu’elle ne peut atteindre.

Le metteur en scène rend plus claire la symbolique des moutons avec cet enfant qui se promène avec ses ballons en forme d’ovins, et la scène d'abattage des ovidés est adaptée pour faire surgir des murs des peaux de moutons dont se recouvriront les invités.

Arthur Harmonic, Claudia Boyle, Thomas Adès et Jacquelyn Stucker

Arthur Harmonic, Claudia Boyle, Thomas Adès et Jacquelyn Stucker

La musique de Thomas Adès est d’un foisonnement sonore étourdissant mais, surtout, comprend un discours dramaturgique puissant, le compositeur se révélant un chef d’orchestre d’un punch implacable. 

La violence peut atteindre des moments paroxysmiques d’une même brutalité qu’’Elektra’ de Richard Strauss - voir la scène d'escamotage du plancher pour trouver de l'eau -, des tensions menaçantes sont par ailleurs entretenues pour ne pas lâcher l’auditeur, mais s’adjoint aussi une virtuose et pétaradante évocation de l’exotisme mexicain, jouée avec la rythmique et l’éclat d’un Chostakovitch, et, malgré le désastre humain, une lueur de poésie peut surgir sous forme de mélopées sensibles.

L’énergie saisissante qui s’en dégage, faisant toujours corps avec les expressions chevillées-au-corps des chanteurs, induit au fur et à mesure de la soirée un sentiment de débordement excessif qui ne peut se vivre que dans les conditions de la représentation.

Ching-Lien Wu (Cheffe de choeur)

Ching-Lien Wu (Cheffe de choeur)

Sans oublier le chœur très élégiaque provenant des hauteurs et arrières de la salle au final, pour renforcer cette impression d’enfermement dans un crane humain suggérée par le décor - qui pivotera d’ailleurs au moment où les invités comprendront, peut-être, que ce sont leurs névroses qui les empêchaient de sortir -, c’est finalement un triomphe qui est réservé à toute l’équipe artistique à laquelle se joint même Tom Cairns

Amina Edris, Jarrett Ott, Jacquelyn Stucker, Gloria Tronel, Claudia Boyle, Anthony Roth Costanzo, Nicky Spence, Frédéric Antoun et Hilary Summers

Amina Edris, Jarrett Ott, Jacquelyn Stucker, Gloria Tronel, Claudia Boyle, Anthony Roth Costanzo, Nicky Spence, Frédéric Antoun et Hilary Summers

Ce n’est en effet pas tous les jours que l’on assiste à un ouvrage du XXIe siècle dirigé par son compositeur en personne et qui, de plus, montre qu’il est capable d’accepter deux visions scéniques très différentes, celle de Cairns, assez littérale et proche de l’ambiance du film, et celle de Bieito, plus sévèrement psychologique et excessive, Alexander Neef étant le seul directeur d'opéra à avoir produit ou coproduit ces deux mises en scène.

Arthur Harmonic, Claudia Boyle, Calixto Bieito, Tom Cairns, Anna-Sofia Kirsch, Ingo Krügler, Thomas Adès, Bettina Auer et Jacquelyn Stucker

Arthur Harmonic, Claudia Boyle, Calixto Bieito, Tom Cairns, Anna-Sofia Kirsch, Ingo Krügler, Thomas Adès, Bettina Auer et Jacquelyn Stucker

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Publié le 1 Mars 2024

TV-Web Mars 2024 Lyrique et Musique

Chaînes publiques

Vendredi 01 mars 2024 sur France 5 à 21h05
Hommage à Patrick Dupond

Vendredi 01 mars 2024 sur France 5 à 22h40
Opéra de Paris, une saison (très particulière)

Dimanche 03 mars 2024 sur France 3 à 00h40
Les Enfants terribles (Glass) - Opéra de Rennes - dm Olivier - ms Ménard

Dimanche 03 mars 2024 sur Arte à 03h05
Daniel Barenboim et la Staatskapelle de Berlin (Beethoven, Wagner et Boulez)

Dimanche 03 mars 2024 sur Arte à 18h40
Xavier de Maistre et la harpe

Lundi 04 mars 2024 sur Arte à 01h00
La Moldau - Le plus grand succès de Smetana

Lundi 04 mars 2024 sur Arte à 01h50
La fiancée vendue (Smetana) - Théâtre national de Prague - dm Kyzlink - ms Nellis

Lundi 04 mars 2024 sur Arte à 04h05
Anne-Sophie Mutter & Herbert von Karajan - Les grands moments de la musique

Mardi 05 mars 2004 sur France 4 à 21h10
Nadine Sierra & Pretty Yende à la Philharmonie de Paris

Mardi 05 mars 2004 sur France 4 à 22h55
Katia et Marielle Labèque à l’auditorium de Radio France

Mercredi 06 mars 2024 sur Arte à 03h50
Rachmaninov, le son d'une âme russe

Dimanche 10 mars 2024 sur France 3 à 00h20
Katia et Marielle Labèque à l'auditorium de Radio France

Dimanche 10 mars 2024 sur Arte à 18h40
Klaus Mäkelä et Isabelle Faust jouent Brahms - Philharmonie - 10/02/2022

Dimanche 10 mars 2024 sur Arte à 23h50
Ballerina Boys - Les Ballets Trockadero de Monte Carlo

Lundi 11 mars 2024 sur Arte à 00h40
Salomé (Strauss) - Opéra d'Helsinki - dm Lintu - ms Loy

Lundi 11 mars 2024 sur Arte à 02h30
Dance or Die - Ahmad Joudeh

Dimanche 17 mars 2024 sur France 3 à 00h25
Hommage à Patrick Dupond

Dimanche 17 mars 2024 sur Arte à 18h25
Joana Mallwitz dirige Mozart et Tchaïkovski - Konzerthaus de Berlin

Lundi 18 mars 2024 sur Arte à 00h15
La cheffe Simone Young - "Ne m'appelez pas maestra"

Lundi 18 mars 2024 sur Arte à 01h0
Barbara Hannigan à Ludwigsburg

Mardi 19 mars 2024 sur France 4 à 21h00
Serse (Haendel) - Opéra de Rouen-Normandie - dm Bates - ms Clarac & Deloeuil

Dimanche 24 mars 2024 sur Arte à 18h40
Lang Lang interprète Camille Saint-Saëns - "Concerto pour piano n° 2"

Lundi 25 mars 2024 sur Arte à 00h00
Igor Levit : "No fear!" - Le cri de ralliement du pianiste

Jeudi 28 mars 2024 sur Arte à 01h35
Piano forte : Le concours Frédéric Chopin à Varsovie

Dimanche 31 mars 2024 sur France 5 à 14h30
Soirée Béjart - Opéra de Paris

Dimanche 31 mars 2024 sur Arte à 16h20
Pavarotti

Dimanche 31 mars 2024 sur Arte à 18h10
Pavarotti à Hyde Park

Lundi 01 avril 2024 sur Arte à 00h25
"Le carnaval des animaux", un conte musical

Lundi 01 avril 2024 sur Arte à 01h20
Vladimir Jurowski dirige Haydn - Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin

TV-Web Mars 2024 Lyrique et Musique

Mezzo et Mezzo HD

Vendredi 01 mars 2024 sur Mezzo HD à 21h00
'Così fan tutte' de Mozart au Staatsoper de Berlin

Vendredi 01 mars 2024 sur Mezzo à 23h10
Ambroise Thomas - Mignon - Opéra Royal de Wallonie-Liège

Samedi 02 mars 2024 sur Mezzo à 20h30
Mozart: Idomeneo - Teatro Real de Madrid

Dimanche 03 mars 2024 sur Mezzo HD à 22h30
Die Tote Stadt de Korngold au Staatsoper de Munich

Mardi 05 mars 2024 sur Mezzo à 23h45
Idoménée de Campra à l'Opéra de Lille

Mercredi 06 mars 2024 sur Mezzo à 20h30
Il Giardino Armonico, Giovanni Antonini : Cavalieri

Vendredi 08 mars 2024 sur Mezzo HD à 22h30
Lully : Phaéton - Opéra Royal de Versailles

Vendredi 08 mars 2024 sur Mezzo à 20h30
Penthesilea de Dusapin à la Philharmonie de Paris

Samedi 09 mars 2024 sur Mezzo à 20h30
'Così fan tutte' de Mozart au Staatsoper de Berlin

Dimanche 10 mars 2024 sur Mezzo HD à 21h00
Lully : Atys - Opéra de Versailles

Mardi 12 mars 2024 sur Mezzo à 22h45
'Adelaide di Borgogna' de Rossini à Pesaro

Mercredi 13 mars 2024 sur Mezzo à 20h30
'Jenufa' de Janacek au Staatsoper Berlin

Vendredi 15 mars 2024 sur Mezzo HD à 21h00
'David et Jonathas' de Charpentier à Versailles

Vendredi 15 mars 2024 sur Mezzo à 22h45
Verdi : Le Trouvère - Maggio Musicale Fiorentino

Samedi 16 mars 2024 sur Mezzo à 20h30
Verdi : Falstaff - Opéra de Lille

Dimanche 17 mars 2024 sur Mezzo HD à 21h00
Lully : Phaéton - Opéra Royal de Versailles

Mercredi 20 mars 2024 sur Mezzo à 20h30
'La Sonnambula' de Bellini à l'Opéra Royal de Wallonie Liège

Vendredi 22 mars 2024 sur Mezzo HD à 21h00
Die Tote Stadt de Korngold au Staatsoper de Munich

Vendredi 22 mars 2024 sur Mezzo à 22h55
Mozart: Idomeneo - Teatro Real de Madrid

Samedi 23 mars 2024 sur Mezzo à 20h30
Bizet : Les Pêcheurs de perles - Capitole de Toulouse

Dimanche 24 mars 2024 sur Mezzo HD à 22h30
'David et Jonathas' de Charpentier à Versailles

Mercredi 27 mars 2024 sur Mezzo à 20h30
Verdi: La Forza del destino - Opéra Royal de Wallonie-Liège

Vendredi 29 mars 2024 sur Mezzo HD à 21h00
Lully : Atys - Opéra de Versailles

Samedi 30 mars 2024 sur Mezzo à 20h30
Lully : Phaéton - Opéra Royal de Versailles

Dimanche 31 mars 2024 sur Mezzo HD à 21h00
Ambroise Thomas - Mignon - Opéra Royal de Wallonie-Liège

TV-Web Mars 2024 Lyrique et Musique

Web : Opéras en accès libre (cliquez sur les titres pour les liens directs avec les vidéos)

Sur Operavision, Culturebox, Arte Concert etc...

                            Illimité

Placido Domingo, l'homme aux mille vies

La Traviata (Chorégies d'Orange 2016) avec Domingo, Jaho, Meli

Le Barbier de Séville (Chorégies d'Orange 2018) avec Peretyatko, Sempey, Hotea

Roberto Alagna - Ma vie est un opéra

Le Royaume des Deux-Siciles (Roberto Alagna)

Patrick Dupond, un danseur chez les étoiles

Michaël Denard, le « prince » de l'Opéra de Paris

Le Lac des Cygnes, l'Ambitieux projet de Tchaïkovski

Maria Callas - Il était une voix

Body and Soul (Opéra national de Paris)

Dans les coulisses de Casse-Noisette

Dans les coulisses de Roméo et Juliette

Dans les coulisses de La Fille mal gardée

Accès Live avec Rim'K à l'Opéra Bastille pour « Le Lac des Cygnes »

Accès live à l'Opéra Garnier dans les coulisses de « La Cenerentola »

Le Requiem de Verdi (Chorégies d'Orange)

                          Mars 2024

Callas chante des airs d'opéras - Opéra de Paris 1958 jusqu'au 01 mars 2024

Maria Callas chante 'Tosca' - Le documentaire jusqu'au 01 mars 2024

Jean-Sébastien Bach : Oratorio de Noël (Elbphilharmonie) jusqu'au 06 mars 2024

La Périchole (Théâtre des Champs-Elysées) jusqu'au 07 mars 2024

Hommage à Patrick Dupond (Opéra national de Paris) jusqu'au 08 mars 2024

Les Noces de Figaro (Opera Ballet Vlaanderen) jusqu'au 08 mars 2024

Carl Philipp Emanuel Bach : Magnificat (Cathédrale St Pierre de Brême) jusqu'au 08 mars 2024

Cassandra (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 14 mars 2024

Mirga Grazinyte-Tyla (Radio France) jusqu'au 15 mars 2024

Fauteuils d'Orchestre - Pati (Théâtre des Champs-Elysées) jusqu'au 16 mars 2024

Un Lac des Cygnes (Semperoper Dresde) jusqu'au 16 mars 2024

Giulio Cesare (Opéra d'Amsterdam) jusqu'au 18 mars 2024

Notre Dame de Paris (Opéra national de Paris) jusqu'au 21 mars 2024

Un chant de Noël (ballet de Opéra national de Finlande) jusqu'au 21 mars 2024

La "folie" de Louis II - Neuschwanstein, le château enchanté jusqu'au 21 mars 2024

Falstaff (Opéra de Lille) jusqu'au 22 mars 2024

Musique en fête (Chorégies d'Orange) jusqu'au 26 mars 2024

Opéra de Paris, une saison (très) particulière jusqu'au 29 mars 2024

La Pucelle d'Orléans (Deutsche Opera am Rhein) jusqu'au 29 mars 2024

Fauteuils d'Orchestre - Radulovic (Théâtre des Champs-Elysées) jusqu'au 29 mars 2024

Hamlet (Opéra national de Paris) jusqu'au 30 mars 2024

La Chauve-Souris (Bayerische Staatsoper) jusqu'au 30 mars 2024

Asmik Grigorian (Philharmonie de Paris) jusqu'au 31 mars 2024

L'année dernière à Marienbad (Film d'Alain Resnais) jusqu'au 31 mars 2024

Hammer (Alexander Ekman) jusqu'au 31 mars 2024

                       Avril 2024

Carmen (Opéra Comique) jusqu'au 02 avril 2024

Kristine Opolais à Kaunas (Gala Lyrique en Lituanie) jusqu'au 04 avril 2024

Messe en si mineur (Chapelle Royale de Versailles) jusqu'au 08 avril 2024

Finale concours Voix des Outre-mers 2024 (Amphithéâtre Bastille) jusqu'au 08 avril 2024

Le Jacobin (National Theatre Brno) jusqu'au 08 avril 2024

Salomé (Opéra d'Helsinki) jusqu'au 08 avril 2024

Gala Verdi (Teatro Regio Parma) jusqu'au 10 avril 2024

Le Concert de Paris 2023 jusqu'au 13 avril 2024

Requiem de Verdi - Claudio Abbado (Berlin) jusqu'au 18 avril 2024

Le Chant de la Terre - Claudio Abbado (Berlin) jusqu'au 18 avril 2024

Récital Pene Pati (Dvorak Rudolfinum de Prague) jusqu'au 19 avril 2024

Dona Nobis Pacem - Neumeier (Ballet de Hambourg) jusqu'au 19 avril 2024

Ghost Light - Neumeier (Ballet de Hambourg) jusqu'au 20 avril 2024

Magic Mozart ... Concert spectaculaire! jusqu'au 21 avril 2024

Il Barbiere di Siviglia (Garsington Opera) jusqu'au 24 avril 2024

Salomé (Opéra de Hambourg) jusqu'au 26 avril 2024

La Bohème (Théâtre des Champs-Elysées) jusqu'au 28 avril 2024

Les 31e Victoires de la Musique classique 2024 jusqu'au 29 avril 2024

                          Mai 2024

Carmen (Chorégies d'Orange 2023) jusqu'au 03 mai 2024

Zoraidandi Granata (Wexford Opera Festival) jusqu'au 03 mai 2024

Carmen (Chorégies d'Orange) jusqu'au 08 mai 2024

Dance! (Avec Sylvia Camarda, Oumi Janta, Ahmad Joudeh) jusqu'au 10 mai 2024

Le cinéma d'Howard Shore - Le Seigneur des anneaux jusqu'au 13 mai 2024

L'Agneau de Dieu (Lithuanian National Opera & Ballet) jusqu'au 18 mai 2024

Ligeti, compositeur de l’extraterrestre jusqu'au 19 mai 2024

L'Ours (Klaipeda State Music Theater) jusqu'au 19 mai 2024

Otello (Poznan Opera) jusqu'au 25 mai 2024

Bastarda - Le Couronnement (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

Bastarda - La tournée royale (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

Bastarda - Mary, Reine d'Ecosse (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

Bastarda - Tuer une Reine (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

Bastarda - Miroirs brisés (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

Bastarda - La Reine de la Farce (La Monnaie de Bruxelles) jusqu'au 28 mai 2024

Maria Callas chante 'Tosca' jusqu'au 29 mai 2024

La Source (Opéra national de Paris) jusqu'au 29 mai 2024

Oper! Awards 2024 jusqu'au 29 mai 2024

200 ans de Smetana - Gala d'Opéra (Opéra de Prague) jusqu'au 31 mai 2024

                          Juin 2024

Dans les coulisses de Roméo et Juliette (Opéra national de Paris) jusqu'au 02 juin 2024

Maria de Buenos Aires (Grand Théâtre de Genève) jusqu'au 03 juin 2024

Masque of Might (Opera North) jusqu'au 03 juin 2024

Don Carlo (Scala de Milan 2023) jusqu'au 05 juin 2024

Vissi d'Arte : Gala Maria Callas jusqu'au 06 juin 2024

Haendel : Flavio, re de' Longobardi (Bayreuth Baroque 2023) jusqu'au 07 juin 2024

Lili Elbe (Theater St Gallen) jusqu'au 08 juin 2024

Il Turco in Italia (Teatro Real de Madrid) jusqu'au 09 juin 2024

Suor Angelica - L'Enfant et les sortilèges (New National Theatre Tokyo) jusqu'au 15 juin 2024

Casse-Noisette (Opéra national de Paris) jusqu'au 19 juin 2024

Giselle (Opéra national de Bordeaux) jusqu'au 19 juin 2024

Fauteuils d'Orchestre - Maria Callas (Palais Garnier) jusqu'au 19 juin 2024

Requiem de Verdi (Teatro Regio Parma) jusqu'au 23 juin 2024

La Vie parisienne (Théâtre des Champs-Elysées) jusqu'au 25 juin 2024

Il Giustino (Drottningholm Court Theater) jusqu'au 26 juin 2024

Don Carlo (Scala de Milan 2023) jusqu'au 27 juin 2024

Concert du nouvel an de l'Orchestre national de France (Radio France) jusqu'au 28 juin 2024

Concert du nouvel an du Philharmonique de Vienne (1ère partie) jusqu'au 29 juin 2024

Concert du nouvel an du Philharmonique de Vienne (2d partie) jusqu'au 29 juin 2024

Concert du nouvel an à Venise jusqu'au 29 juin 2024

Les Indes Galantes - version resserrée (Opéra national de Paris) jusqu'au 29 juin 2024

Innocence (Festival d'Aix-en-Provence 2021) jusqu'au 30 juin 2024

                           Juillet 2024

La Fiancée vendue (Théâtre national de Prague) jusqu'au 01 juillet 2024

Innocence (Festival d'Aix-en-Provence 2021) jusqu'au 01 juillet 2024

La Chauve-Souris (Croatian national Theatre in Zagreb) jusqu'au 09 juillet 2024

L'incoronazione di Poppea  (Gran Theatre del Liceu de Barcelone) jusqu'au 11 juillet 2024

Andrea Chénier (Teatro Comunale di Bologna) jusqu'au 12 juillet 2024

Wozzeck (Festival d'Aix-en-Provence 2023) jusqu'au 12 juillet 2024

L'opéra de quat'sous (Festival d'Aix-en-Provence 2023) jusqu'au 12 juillet 2024

Picture a day like this (Festival d'Aix-en-Provence 2023) jusqu'au 13 juillet 2024

Gala d'opéra - Classic Open Air Hannover jusqu'au 14 juillet 2024

Valuska (Hungarian State Opera) jusqu'au 19 juillet 2024

                          Août 2024

Nereydas (Festival de Grenade 2023) jusqu'au 02 août 2024

Artifacts Assembly (Palau des Les Arts Reina Sofia) jusqu'au 02 août 2024

Orchestre des Champs-Elysées (Festival de Grenade 2023) jusqu'au 02 août 2024

Le cinéma de Maurice Jarre jusqu'au 06 août 2024

Le Diable chantant (Theater Bonn) jusqu'au 17 août 2024

Hyuk Lee (Palais Royal) jusqu'au 27 août 2024

                           Septembre 2024

Nadine Sierra et Pretty Yende (Philharmonie) jusqu'au 04 septembre 2024

Christiane Eda-Pierre, en scène jusqu'au 05 septembre 2024

Lise Davidsen (Den Norske Opera & Ballett) jusqu'au 08 septembre 2024

Dalibor (Théâtre national de Prague) jusqu'au 10 septembre 2024

Valer Sabadus (Bayreuth Baroque 2023) jusqu'au 14 septembre 2024

Cambio madre (Muziehtheater Transparant, Flanders Festival Ghent) jusqu'au 15 septembre 2024

La Fille mal gardée (Opéra de paris) jusqu'au 20 septembre 2024

Eugène Onéguine (Deutsche Oper Am Rhein) jusqu'au 23 septembre 2024

Bruno de Sa (Festival d'Ambronay 2023) jusqu'au 24 septembre 2024

Il était une fois Casse-Noisette (Karl Paquette - Châtelet) jusqu'au 25 septembre 2024

Serse (Opéra de Rouen) jusqu'au 26 septembre 2024

Télémaque et Calypso (Festival d'Ambronay 2023) jusqu'au 29 septembre 2024

                          Octobre 2024

Pietari Inkinen dirige Caplet, Ravel et Rimski-Korsakov - Avec Fatma Saïd jusqu'au 4 octobre 2024

Requiem de Mozart (Festival d'Ambronay) jusqu'au 06 octobre 2024

Viva Napoli! (Festival d'Ambronay) jusqu'au 07 octobre 2024

Les Chemins de Bach / Un Voyage à Lübeck (Chapelle royale de Versailles) jusqu'au 10 octobre 2024

Britten - War Requiem (Château de Prague) jusqu'au 16 octobre 2024

                          Novembre 2024

On Danse Chez Vous : Mehdi Kerkouche (Chaillot) jusqu'au 08 novembre 2024

Marco Tutino : La ciociara (Wexford Festival Opera 2023) jusqu'au 18 novembre 2024

                          Décembre 2024

Grand concert symphonique Saint-Saëns (Auditorium de Radio France) jusqu'au 14 décembre 2024

Ballet National de España (Festival de Grenade 2023) jusqu'au 18 décembre 2024

Concert de Noël (Philharmonique de Radio France) jusqu'au 21 décembre 2024

 

                           Février 2025

Colorature, Mrs Jenkins et son pianiste - Opéra Grand Avignon jusqu'au 09 février 2025

Voix des Outre-mer (Amphithéâtre de l'Opéra Bastille) jusqu'au 20 février 2025

                           Mars 2025

Fidelio courte animation jusqu'au 01 mars 2025

Maria Callas au cinéma jusqu'au 03 mars 2025

Vivaldi et Mozart au musée du Louvre jusqu'au 24 mars 2025

 

                           Juin 2025

Jour de fête chez Offenbach (Radio France) jusqu'au 22 juin 2025

 

                         Septembre 2025

Angelin Preljocaj : La visite (Picasso Danse) jusqu'au 19 septembre 2025

 

                         Novembre 2025

Le Ring sans paroles (Philharmonique de Strasbourg) jusqu'au 05 septembre 2025

 

                           Février 2026

Voix des Outre-Mer 2023 (Amphithéâtre Bastille) jusqu'au 22 février 2026

                           Mars 2026

Concert en soutien au peuple ukrainien (Maison de Radio France) jusqu'au 04 mars 2026

 

                           Juillet 2026

Kiev, un opéra en guerre (1/4) - Danser pour résister jusqu'au 11 juillet 2026

 

                           Septembre2026

Kiev, un opéra en guerre (2/4) - Exister ou disparaître jusqu'au 12 septembre 2026

 

                         Novembre 2026

Les trois ballets de Stravinsky (Théâtre des Champs-Elysées) jusqu'au 25 novembre 2026

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Rédigé par David

Publié dans #TV Lyrique

Publié le 24 Février 2024

Pelléas et Mélisande (Claude Debussy – Opéra Comique, le 30 avril 1902)
Représentations du 15 et 21 février 2024
Athénée Théâtre – Louis Jouvet

Pelléas Jean-Christophe Lanièce
Mélisande Marthe Davost
Golaud Halidou Nombre
Arkel Cyril Costanzo
Geneviève Marie-Laure Garnier
Yniold Cécile Madelin
Pianiste Martin Surot (le 15), Jean-Paul Pruna (le 21)
Mise en scène Moshe Leiser et Patrice Caurier

Production : Fondation Royaumont.
Coproduction Châteauvallon-Liberté, La Scène nationale d’Orléans, Nouvelle scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise, Art et Création du Perreux-sur-Marne, Le Parvis Scène Nationale Tarbes-Pyrénées, Opéra de Vichy, Clermont-Auvergne Opéra, Saint-Quentin en Yvelines.

 

Créée le 15 janvier 2022 à Châteauvallon-Liberté, la scène national de Toulon, la production de ‘Pelléas et Mélisande’ mise en scène par Moshe Leiser et Patrice Caurier avec de jeunes chanteurs a circulé partout en France en 2022 et 2023, et fait enfin escale à Paris, au Théâtre de l’Athénée, quelques jours après Vichy, pour pas moins de 6 représentations.

Marthe Davost (Mélisande) et Jean-Christophe Lanièce (Pelléas)

Marthe Davost (Mélisande) et Jean-Christophe Lanièce (Pelléas)

Il y a toujours une appréhension à aller entendre une œuvre d’une grande puissance orchestrale donnée dans une version intégrale mais jouée au piano, ce qui, inévitablement, devrait la dépouiller d’une part de son mystère.

Et pourtant, c’est bien à une interprétation captivante qu’il est donné d’assister, tous ces excellents artistes étant doués, d’une part, d’une réelle force dramatique, et, d’autre part, de qualités d’élocution permettant de saisir l’essence du texte colorée par des timbres vocaux contrastés.

Halidou Nombre (Golaud) et Marthe Davost (Mélisande)

Halidou Nombre (Golaud) et Marthe Davost (Mélisande)

Moshe Leiser et Patrice Caurier contiennent l’action en une pièce unique située à l’avant-scène, délimitée à l’arrière par un long mur en contreplaqué, fendu d’une unique porte centrale. Un canapé, deux fauteuils et le piano, seuls objets de salon, serviront de reliefs imaginaires, évoquant balcon, fontaine ou surplomb d’un puits, concentrant ainsi l’action en un huis-clos oppressant.

Les lumières latérales qui se réféchissent sur la paroi longitudinale créent des jeux d’ombres et des ambiances plus ou moins crépusculaires, et permettent aussi de resserrer l’intimité des scènes entre Pelléas et Mélisande.

 Jean-Paul Pruna, Marie-Laure Garnier (Geneviève) et Cyril Costanzo (Arkel)

Jean-Paul Pruna, Marie-Laure Garnier (Geneviève) et Cyril Costanzo (Arkel)

Arkel, chanté par Cyril Costanzo, qui participera prochainement au ‘Platée’ de Rameau à l’opéra de Versailles, puis à ‘Médée’ de Charpentier au Teatro Real de Madrid, est incarné avec beaucoup de clarté sincère et de vibration émotive.

Désormais en fauteuil roulant, son empathie pour autrui le pousse à s’en extraire pour permettre à Golaud, puis Mélisande, de se reposer de leurs tensions. Chef de famille attentionné, même son regard sur la jeune femme est teinté de fascination, mais avec retenue et délicatesse.

Marie-Laure Garnier (Geneviève)

Marie-Laure Garnier (Geneviève)

Marie-Laure Garnier, qui impose une Geneviève très stable émotionnellement, attentive à ce qui se joue avec une véritable solidité intérieure, lui offre une jeunesse de timbre ambrée que l’on entend rarement dans ce rôle, doublée par une netteté de prononciation qui renforce tout ce qu’il y a de bienveillant en cette femme soucieuse des états d’âme de sa famille.

Halidou Nombre (Golaud) et Cécile Madelin (Yniold)

Halidou Nombre (Golaud) et Cécile Madelin (Yniold)

Le Golaud d’Halidou Nombre, ultérieurement Enée dans ‘Didon et Enée’ de Purcell à l’opéra de Versailles, est joué en apparence comme un homme de raison, mais dont l’impulsivité intériorisée peut très vite le faire changer de visage. 

Son regard sur Mélisande et Pelléas est une emprise en soi, son chant sombre et naturaliste donne du poids à chacun de ses mots qui transmettent à l’auditeur ses intentions avec presque de l’effroi, et les metteurs en scène le chargent d’une agressivité qui s’exprime et se libère au fur et à mesure.

Le texte pris au mot, il étouffe de sa masse Pelléas, lors de la scène de la grotte, se décharge physiquement de sa violence sur Mélisande, et exécute Pelléas avec une froideur assumée.

Et en même temps, l’humain en lui reste prégnant, car se ressent aussi une souffrance en Golaud.

Marthe Davost (Mélisande) et Jean-Christophe Lanièce (Pelléas)

Marthe Davost (Mélisande) et Jean-Christophe Lanièce (Pelléas)

Avec une couleur vocale très proche de celle de Golaud dans le médium, et un délié plus lyrique qui s’éclaire dans les aigus, Jean-Christophe Lanièce, le futur Saül dans ‘David et Jonathas’ de Charpentier au Théâtre des Champs-Élysées, est extraordinaire par la simplicité qu’il donne à Pelléas, avec une poésie extrêmement touchante. Il a l’art d’exprimer les tressaillements des sentiments avec un mélange de vérité et de souplesse vocale qui rendent tout juste en lui.

Cécile Madelin, Halidou Nombre, Marthe Davost, Jean-Christophe Lanièce, Marie-Laure Garnier, Cyril Costanzo et Jean-Paul Pruna

Cécile Madelin, Halidou Nombre, Marthe Davost, Jean-Christophe Lanièce, Marie-Laure Garnier, Cyril Costanzo et Jean-Paul Pruna

Et Marthe Davost, Mélisande d’une très belle unité de timbre, exprimant l’oppression du cœur et une féminité innocente, joue, elle aussi, un personnage en quête de vie et de lumière, prise entre désir de séduire et convention sociale. Et tout ce qu’elle dit est d’une intelligibilité que l’on n’obtient pas toujours dans les grandes interprétations orchestrales.

Enfin, Cécile Madelin fait grandir Yniold avec ses touches d’espièglerie qui en font moins un ingénu manipulé par Golaud, qu'un être joueur laissant ondoyer et varier les couleurs au fil des émotions.

Marie-Laure Garnier, Halidou Nombre et Cécile Madelin

Marie-Laure Garnier, Halidou Nombre et Cécile Madelin

Que ce soit Martin Surot ou Jean-Paul Pruna au piano, l’atmosphère musicale debussyste est d’une empreinte poignante, d’une plénitude de résonance qui mêle noirceur et pureté cristalline, en rendant saillants les motifs mélodiques récurrents de la partition. Et c’est la cohésion d’ensemble de cet univers austère et désenchanté qui charge le drame, et qui donne envie de le revoir sans réserve, parce ce monde est sans artifice et sans fausse légèreté.

Moshe Leiser, Patrice Caurier et Halidou Nombre

Moshe Leiser, Patrice Caurier et Halidou Nombre

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Publié le 22 Février 2024

Dorénavant, l’annonce de chaque saison du New-York Metropolitan Opera (312 M$ de budget annuel en 2023) est scrutée de près car, même si la culture musicale américaine diffère de la culture européenne, aussi bien par ses modes de financements que par ses manifestations créatives (respectivement privés et plus tournées vers le grand public, outre-Atlantique), elle reste néanmoins un indicateur de la bonne santé de l’art lyrique dans le monde, et un soutien important pour les grands artistes.

Emily d'Angelo dans 'Grounded' de Jeanine Tesori

Emily d'Angelo dans 'Grounded' de Jeanine Tesori

Par ailleurs, Peter Gelb a même reconnu lors d’une interview donnée au blog Appreciate Opera (1) (près de 50 000 consultations par mois), fondé en 2019 par Alkis Karmpaliotis à l’âge de 12 ans, qu’il ne peut prévoir ce que sera l’opéra dans 5 ans.

Récemment, les informations révélées au New-York Times, fin janvier 2024 (2), montrent que le taux de fréquentation de l’année 2023 au MET atteint 73 %, bien mieux que les 61 % d’il y a un an, signe que la tendance s’inverse. Il sera cependant encore nécessaire de retirer 40 M$ du fond de dotation de l’institution, tombé à 255 M$, pour financer les projets à venir, mais Peter Gelb espère obtenir plus de 100 M$ de donations dans les années à venir pour le recompléter.

Une des pistes retenues pour améliorer la marge artistique de 15 M$ est également de programmer plus d’opéras populaires pendant les week-ends.

(1) Appreciate Opera 16/01/2024 :  An Interview with Peter Gelb
(2) New York Times 25/01/2024 : Met Opera Taps Its Endowment Again to Weather Downturn

Antony and Cleopatra’ de John Adams (San Francisco – 2022)

Antony and Cleopatra’ de John Adams (San Francisco – 2022)

18 spectacles, 6 nouvelles productions, 12 compositeurs dont 4 contemporains (4 œuvres du XXIe siècle)

Avec 194 représentations lyriques au cours de la saison 2024/2025 et 18 spectacles lyriques (dont 6 nouvelles productions), le MET se situe très légèrement en dessous de la saison 2023/2024 (191 représentations et 18 spectacles), car deux de ces spectacles concernent la même œuvre (‘La Flûte enchantée’, en version originale et en version abrégée en anglais).
Il s’agit clairement d’une programmation d’équilibre qui se resserre sur un socle ferme.

12 compositeurs différents sont représentés (contre 13 la saison dernière), dont 4 sont contemporains et toujours vivants, soit 17% des soirées dédiées à 4 nouvelles productions de 4 œuvres du XXIe siècle: ‘Ainadamar’ du compositeur argentin Osvaldo Golijov (Tanglewood - 2003), ‘Moby Dick’ de Jake Heggie (Dallas – 2010), ‘Antony and Cleopatra’ de John Adams (San Francisco – 2022), et ‘Grounded’ de Jeanine Tesori (Washington – 2023), un hommage à l’US Air Force.

Elza van den Heever : ‘Die Frau Ohne Schatten’ & ‘Salome’

Elza van den Heever : ‘Die Frau Ohne Schatten’ & ‘Salome’

Deux ouvrages de Richard Strauss représentent le XXe siècle

Absent de la programmation la saison dernière, Richard Strauss revient avec deux ouvrages dirigés par Yannick Nézet-Séguin avec Elza van den Heever en premier rôle, ‘Die Frau Ohne Schatten’, dans la mise en scène d’Herbert Wernicke, et ‘Salome’, dans une nouvelle production de Claus Guth (le metteur en scène allemand a déjà monté deux productions de cet opéra, l'une pour le Deutsche Oper de Berlin en 2016, l'autre pour le Bolshoï en 2021, avec lequel une coproduction était prévue originellement).

Au total, le répertoire des XXe et XXIe siècles représente 24% de la programmation, en incluant les 4 ouvrages contemporains, ce qui est conséquent dans une maison qui consacre habituellement moins de 20% de son affiche aux œuvres post-Puccini.

Susanna Mälkki : 'Fidelio'

Susanna Mälkki : 'Fidelio'

Une saison heureuse pour Mozart et le crépuscule du classicisme 

Avec deux versions de ‘La Flûte enchantée’, puis la reprise des ‘Noces de Figaro’, Mozart se porte très bien au MET, puisqu’il va occuper plus de 20% des soirées. Ces deux ouvrages font partie des 12 titres les plus joués de l’institution depuis l’ouverture du Nouveau Metropolitan Opera sur le Lincoln center en 1966, et, de par leur popularité, ils devraient le rester. 

En effet, le regain d’intérêt pour Mozart date de cette période, au moment où Wagner et le répertoire français refluaient de plus en plus du MET.

Auprès de Mozart, la reprise pour 5 représentations de ‘Fidelio’ de Beethoven, dans la production de Jürgen Flimm, entretient la flamme d’un ouvrage qui a aussi tendance à se faire rare. Il est confié à Susanna Mälkki qui, après ‘L’amour de Loin’ et ‘The Rake’s Progress’, dirige cette fois une œuvre teintée d’un classicisme crépusculaire et d’un romantisme naissant. Lise Davidsen sera Leonore.

Pene Pati : 'Rigoletto'

Pene Pati : 'Rigoletto'

Le répertoire italien du XIXe siècle (Puccini, Rossini, Verdi) premier pilier du MET

Mais le grand répertoire italien préserve ses fondamentaux avec 24% des soirées dédiées à Giuseppe Verdi, avec ‘Aida’ (dans la nouvelle production de Michael Mayer – sa quatrième production après ‘Rigoletto -2013’, ‘Marnie-2018’ et ‘La Traviata-2018’ -, initialement prévue en 2020, mais dorénavant sans la participation du Bolshoi), et deux reprises, ‘Il Trovatore’ par David McVicar, et ‘Rigoletto’ dans la production de Bartlett Sher qui remplace depuis 2021 celle de Michael Mayer.

16% des autres soirées sont réservées à Puccini (‘La Bohème’, ‘Tosca’), deux œuvres déjà jouées au cours de la saison 2023-2024, et 6% à Rossini (‘Le Barbier de Séville’).

Comme la saison passée, ce répertoire populaire est confié à des metteurs en scène plutôt conventionnels, et couvre un peu plus de 45% des représentations.

Clémentine Margaine : 'Les Contes d'Hoffmann'

Clémentine Margaine : 'Les Contes d'Hoffmann'

Les répertoires français et russe du XIXe siècle se maintiennent faiblement

Après ‘Carmen’ et ‘Roméo et Juliette’, la saison passée, la reprise des ‘Contes d’Hoffmann’, dans la mise en scène de Bartlett Sher, sera la seule occasion de défendre le répertoire français.

Et après avoir fait ses débuts au MET en septembre 2022, à la direction de ‘Lady Macbeth de Mzensk’ de Dmitri Chostakovitch, Keri-Lynn Wilson, l’épouse de Peter Gelb, d’origine en partie ukrainienne et créatrice de l’Ukrainian Freedom Orchestra, dirigera un autre opéra russe, ‘La Dame de Pique’ de Tchaikovski, dans la mise en scène d’Elijah Moshinsky

C’est tout un symbole de l’engagement politique du MET dans le conflit russo-ukrainien.

Keri-Lynn Wilson : 'La Dame de Pique'

Keri-Lynn Wilson : 'La Dame de Pique'

Richard Wagner absent du MET: une première depuis l’ouverture de l’institution, le 22 octobre 1883.

Mais l’absence de Richard Wagner est le véritable marqueur historique de cette saison, puisque cela n’était jamais arrivé de toute la vie du MET en 140 ans, hormis en 1918 et 1919 par sentiment antiallemand en sortie de guerre, et non pour une raison programmatique.

C’est avec ‘Lohengrin’, chanté à l’époque en italien, que Wagner était entré dans cette maison, le 07 novembre 1883, deux semaines après l’ouverture des portes. Italo Campanini incarnait le héros médiéval, Christine Nilsson était Elsa, et Auguste Vianesi assurait la direction musicale. 

Il sera naturalisé français 4 ans plus tard et deviendra chef d’orchestre principal de l’Opéra de Paris la même année, en 1887.

L’absence de Richard Wagner est une conséquence des limitations de la programmation à 17 ouvrages différents, quand, dans les années 2000 et 2010, il y en avait plus de 25.

'Moby Dick’ de Jake Heggie

'Moby Dick’ de Jake Heggie

Les répertoires 1900-1980 tchèque et anglais et le répertoire baroque toujours absents de la programmation

Comme la saison passée, aucun ouvrage tchèque ou britannique de la période 1900-1980 ne sera représenté (exit Leos Janacek ou Benjamin Britten).

Quant aux œuvres baroques, rares au MET, elles devaient être représentées cette saison par la nouvelle production de ‘Semele’ mise en scène par Claus Guth, en coproduction avec Munich, où elle fit un tabac au festival d’été 2023, mais elle a du être reportée pour des questions budgétaires.

Yannick Nézet-Séguin - Philharmonie de Paris, le 29 octobre 2023

Yannick Nézet-Séguin - Philharmonie de Paris, le 29 octobre 2023

5 ouvrages en 3 langues différentes dont 3 nouvelles productions dirigées par Yannick Nézet-Seguin

Toujours engagé dans la rénovation de l’esprit du MET, Yannick Nézet Séguin conduira 5 spectacles dont 3 nouvelles productions, ‘Grounded’ de Jeanine Tesori, avec Emily d’Angelo (création au Washington National Opera en 2023), dans une version remaniée au premier acte et une nouvelle musique, 'Salome’ (nouvelle production par Claus Guth), et ‘Aida’ (la seule nouvelle production 100% MET), qui sera aussi dirigée par Alexander Soddy, ainsi que les reprises de ‘La Bohème’ et ‘Die Frau ohne schatten’.

Osvaldo Golijov : ‘Ainadamar’ (2003)

Osvaldo Golijov : ‘Ainadamar’ (2003)

A ces 3 nouvelles productions s’ajoutent celles d’‘Ainadamar’ (coproduction Opera Ventures, Scottish Opera, Detroit Opera, et Welsh National Opera) mis en scène par Deborah Colker et conduite par Miguel Harth-Beyoda, ‘Antony and Cleopatra’ (création au San Fransisco Opera en 2022) mis en scène par Elkhanah Pulitzer et dirigée par son compositeur, John Adams, et 'Moby Dick’ (coproduction Dallas Opera, State Opera of South Australia, Calgary Opera, San Diego Opera, et San Francisco Opera) mis en scène par Leonard Foglia sous la direction de Karen Kamensek.

Et si l’on s’intéresse aux artistes français, Clémentine Margaine et Benjamin Bernheim défendront ‘Les Contes d’Hoffmann’, respectivement en Giulietta et Hoffmann,  Nicolas Teste incarnera Colline dans ‘La Bohème’, et Marianne Crebassa sera Cherubino des ‘Noces de Figaro’.

Saison 2024/2025 du New-York Metropolitan Opera (MET)

8 productions du MET en direct au cinéma en HD

Samedi        05 octobre 2024 - 12h55 (EST) : Les Contes d’Hoffmann
Samedi        19 octobre 2024 - 12h55 (EST) : Grounded (Nouvelle production)
Samedi    23 novembre 2024 - 12h55 (EST) : Tosca
Samedi         25 janvier 2025 - 12h55 (EST) : Aida (Nouvelle production)
Samedi            15 mars 2025 - 12h55 (EST) : Fidelio
Samedi            26 avril 2025 - 12h55 (EST) : Les Noces de Figaro
Samedi             17 mai 2025 - 12h55 (EST) : Salome (Nouvelle production)
Samedi             31 mai 2025 - 12h55 (EST) : Le Barbier de Séville

Le détail de la saison 2024/2025 du MET peut être consulté sous le lien suivant : On Stage 2024–25

La présentation de la saison 2023/2024 peut être consultée sous le lien suivant : Saison 2023/2024 du New-York Metropolitan Opera (MET)

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Publié le 19 Février 2024

La Traviata (Giuseppe Verdi – La Fenice de Venise, le 6 mars 1853)
Représentation du 16 février 2024
Opéra Bastille

Violetta Valery Nadine Sierra
Alfredo Germont René Barbera
Giorgio Germont Ludovic Tézier
Flora Bervoix Marine Chagnon
Annina Cassandre Berthon
Gastone Maciej Kwaśnikowski
Il Barone Douphol Alejandro Baliñas Vieites
Il Marchese d'Obigny Florent Mbia
Giuseppe Hyun-Jong Roh
Domestico Olivier Ayault
Commissionario Pierpaolo Palloni

Direction musicale Giacomo Sagripanti
Mise en scène Simon Stone (2019)

Coproduction avec le Wiener Staatsoper, Vienne

Le transfert sur les planches de l'opéra Bastille de la production de 'La Traviata', créée par Simon Stone au Palais Garnier, le 12 septembre 2019, permet de donner la pleine mesure à une lecture qui inscrit le drame de Violetta totalement dans la société d'aujourd'hui.

En effet, le regard du metteur en scène australien fait partie de ceux qui comptent, et en particulier lorsqu’il se pose sur les comportements de la jeunesse. Il ne recule ni devant la trivialité de notre société, ni devant sa vacuité, et entend bien confronter le spectateur à ce qu'il perçoit de son propre univers.

Nadine Sierra (Violetta)

Nadine Sierra (Violetta)

Il en résulte que le public présent en salle, ce soir, se retrouve face à un monde qu’il reconnaît parfaitement, expérience que ne connurent pas les Vénitiens qui assistèrent à la création de l'ouvrage en mars 1853, car la censure interdit à Verdi de représenter une critique réaliste de la société de son époque, d’autant plus que les costumes prévus originellement étaient représentatifs du XIXe siècle. 

Son personnage féminin, inspiré de Marguerite Gautier, l'héroïne de 'La Dame aux camélias' d'Alexandre Dumas, elle même imaginée à partir d'une courtisane, Marie Duplessis, que connut l'écrivain français, était trop révélateur de l'hypocrisie de la morale bourgeoise, si bien que l'action fut transposée au début du XVIIe siècle, à l'époque du Cardinal Richelieu, de son vrai nom Armand Jean du Plessis de Richelieu, un comble!

Nadine Sierra (Violetta)

Nadine Sierra (Violetta)

Simon Stone redonne de la vigueur à l’ouvrage en inscrivant Violetta dans les quartiers chics entourant la place Vendôme, tout en choisissant, par la vidéo, d’immerger le public dans le monde des réseaux sociaux, leur instantanéité, leur voyeurisme, mais aussi leur artificialité. Le dévoiement de la Traviata se nourrit du regard des autres, et de l’influence dont elle espère tirer profit en vendant son image.

Son dispositif scénique tournoyant traduit une froideur clinique qui accompagne constamment la vie de Violetta, jusque sur son lit d’hôpital. 

Nadine Sierra (Violetta)

Nadine Sierra (Violetta)

Il se sert de quelques objets assez imposants, respectivement une chapelle et un tracteur, pour saisir aussi bien l’austérité de Germont que la connexion à la nature d’Alfredo, mais c’est véritablement dans ses descriptions des trépidations des milieux bling-bling qu’il est le plus percutant. L’art vidéo est un moyen dont il se sert pour projeter, en grandes dimensions, le monde d’images que s’est construit la jeune femme.

Nadine Sierra (Violetta)

Nadine Sierra (Violetta)

A travers cette reprise, il a la chance de pouvoir compter sur Nadine Sierra pour défendre cette vision moderne, car la soprano américaine, qui n’aborde le rôle de la Traviata que depuis 2021, à Florence, puis au MET de New York, est elle aussi une femme actuelle.

Elle apporte une énergie et des réactions émotionnelles qui renvoient à une contemporanéité immédiate, et son timbre de voix lumineux, riche en couleurs jusqu’aux graves les plus morbides, fait sensation, d’autant plus qu’elle peut s’appuyer sur une longueur de souffle inaltérable et une très belle souplesse qui lui permettent de restituer d'étourdissantes lignes virtuoses. Elle exprime ainsi une forme de détresse, mais aussi un évident désir de vivre jusqu’au plus profond du corps, et c’est cet engagement sidérant qui touche directement chaque auditeur.

Nadine Sierra (Violetta)

Nadine Sierra (Violetta)

Nous avons là une conception du personnage très différente de celle qu’avait obtenu Christine Schäfer au Palais Garnier en 2007, dans la production de Christoph Marthaler au pathétisme poétisé, qui en faisait une artiste à la ‘Edith Piaf’ sur la fin de sa carrière. Et alors que la soprano allemande chantait Violetta dans un lit jonché au sol de fleurs apportées par ses fans, dans la production de Simon Stone ces fleurs ne sont que des images, et ne reste rien de concret, hormis Alfredo, lorsqu’elle s’éteint dans une lumière intense et blanchâtre.

René Barbera (Alfredo Germont)

René Barbera (Alfredo Germont)

Le jeune amoureux est incarné par le ténor américain René Barbera, dont la clarté belcantiste, soutenue par une ardeur infaillible, brosse un portrait très touchant qui charme, là aussi, par une très belle longueur de souffle et de la sensibilité dans les nuances. En arborant ainsi un style empreint de romantisme bellinien, il idéalise la nature d’Alfredo, ce qui marque un contraste fort, lors de l’affrontement avec Violetta chez Flora, quand son jeu devient véritablement vériste.

Ludovic Tézier (Giorgio Germont)

Ludovic Tézier (Giorgio Germont)

A l’approche de ses 25 ans de carrière à l’Opéra national de Paris, depuis ses débuts dans ‘La Bohème’, le 12 mai 1999, Ludovic Tézier dépasse dorénavant les 250 représentations sur cette seule scène. Familier du rôle de Germont depuis la reprise de 'La Traviata' dans la mise en scène de Francesca Zambello à l’opéra de Bordeaux, en novembre 2000, il impose une puissante personnalité, déployant une ligne dense et profonde, et une sévérité qui se mue à travers les changements de teintes vocales, en maintenant ainsi l’ambiguïté sur l’humanité de Germont vis à vis de Violetta.

Et, inévitablement, le beau délié, avec lequel il accompagne l’air ‘Di provenza il mar il suol’, est développé avec une plénitude qui rappelle la noblesse bienveillante de Posa dans ‘Don Carlo’.

Alejandro Baliñas Vieites (Le Baron Douphol) et Marine Chagnon (Flora Bervoix)

Alejandro Baliñas Vieites (Le Baron Douphol) et Marine Chagnon (Flora Bervoix)

Ces trois grands personnages verdiens sont entourés de caractères très vivants, et sont tous incarnés avec entrain et des timbres colorés qui résonnent pleinement dans Bastille.

On reconnait ainsi, dans le rôle de la femme de chambre Annina, Cassandre Berthon, l'épouse de Ludovic Tézier, qui célèbre aussi ses 25 ans de présence sur la scène de l'Opéra national de Paris, depuis le retour de 'Platée' au répertoire en avril 1999, mais aussi plusieurs membres de la nouvelle troupe de l'institution qui apportent leur jeunesse de souffle, Marine Chagnon, en Flora Bervoix élégante et mondaine, Alejandro Baliñas Vieites, en très beau Baron Douphol, Maciej Kwaśnikowski, Gaston très vif, et Florent Mbia, en Marquis d'Obigny bien présent

Salle de l'opéra Bastille - Représentation de La Traviata du 16 février 2024

Salle de l'opéra Bastille - Représentation de La Traviata du 16 février 2024

A la direction musicale, Giacomo Sagripanti mène les  musiciens de l'Opéra national de Paris d'un geste véhément et diligent dans l'urgence de l'action, sans écraser les timbres orchestraux, mais s'adapte aussi au besoin des chanteurs d'arrêter le temps pour laisser leur respiration magnifier les airs qui font la magie de cet opéra en salle.

Se ressent toutefois une tension entre le naturel impulsif du chef qui tend à entrainer trop vite tout le monde avant de se recaler en douceur sur le rythme des solistes, mais cela entretient aussi un sentiment de vie irrépressible qui fait l'intérêt de ce spectacle.

Marine Chagnon, René Barbera, Nadine Sierra, Ludovic Tézier, Alejandro Baliñas Vieites et Florent Mbia

Marine Chagnon, René Barbera, Nadine Sierra, Ludovic Tézier, Alejandro Baliñas Vieites et Florent Mbia

Le chœur, excellent, fait preuve d'un bel éclat très saillant qui, conjugué à la fougue orchestrale, atteint un niveau d'exubérance qui en met également plein la vue.

Salle comble tous les soirs, énorme enthousiasme au salut final, cette soirée fait bien partie des immanquables de la saison 2023/2024.

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Publié le 15 Février 2024

Circonstances de l’éclipse totale de Soleil du 08 avril 2024 sur le Mexique, les États-Unis et le Canada

Après l’éclipse annulaire du 14 octobre 2023 qui a traversé les États-Unis de l’Oregon au Texas, puis le Mexique, le Guatemala, le Venezuela jusqu’au Brésil, une nouvelle éclipse de Soleil, totale cette fois, va traverser à nouveau le Mexique et les États-Unis, mais aussi le Canada, le lundi 08 avril 2024.

La trajectoire de l'éclipse totale de Soleil du 08 avril 2024 en Amérique du Nord.  (C) Xavier Jubier : http://xjubier.free.f

La trajectoire de l'éclipse totale de Soleil du 08 avril 2024 en Amérique du Nord. (C) Xavier Jubier : http://xjubier.free.f

Il s’agit de l’éclipse totale évènement de la période 2021-2025, la seule qui sera visible par des millions d’observateurs, tous situés en Amérique du Nord du Mexique à Saint-Pierre-et-Miquelon en passant par le Texas, l’Oklahoma, l’Arkansas, le Missouri, l’Illinois, le Kentucky, l’Indiana, l’Ohio, un petit bout du Michigan, la Pennsylvanie, l’État de New-York, le Vermont, le Maine, l’Ontario, le Québec et le Nouveau-Brunswick.

Cette éclipse est la réplique de celle qui s'est produite le 29 mars 2006 au dessus du désert lybien à Waw an Namus, et fait partie de la série d'éclipses Saros 139.

Carte en projection orthographique du tracé de l'éclipse de Soleil du 08 avril 2024

Carte en projection orthographique du tracé de l'éclipse de Soleil du 08 avril 2024

C’est au Mexique que les conditions météorologiques seront les meilleures, avec une durée de totalité qui approchera les 4mn 30s et 80 % de chance d’avoir un ciel dégagé dans les régions de Durango, Coaluila et Mazatlan.

Et pour celles et ceux qui choisiront la région de Québec, la durée sera encore appréciable, avec 3mn 25s de totalité à Sherbrooke.

Couverture nuageuse moyenne le 08 avril au Nord-Est du Canada hors et pendant les années El Niño

Couverture nuageuse moyenne le 08 avril au Nord-Est du Canada hors et pendant les années El Niño

A cette époque, les prévisions météorologiques sont assez pessimistes dans la région québecoise, avec 20 % de chance d’avoir un ciel dégagé, mais en période d’El Niño, ce qui est le cas actuellement, cette probabilité peut remonter à 30 %.

L’éclipse sera ainsi totale du fait de la relative proximité de la Lune à la Terre à ce moment précis (358 184 km de distance), ce qui rendra son diamètre apparent plus grand que celui du Soleil.

L'ombre de la Lune sur Sherbrooke, le 08 avril 2024 à 15h31 heure locale. (C) Xavier Jubier : http://xjubier.free.f

L'ombre de la Lune sur Sherbrooke, le 08 avril 2024 à 15h31 heure locale. (C) Xavier Jubier : http://xjubier.free.f

Au confluent des rivières Magog et Saint-François, depuis la ville universitaire de Sherbrooke, le déroulement de l’éclipse comprendra quatre jalons importants :

1.    A 14h16mn37s, heure locale, la Lune commencera à recouvrir le bord solaire, à 48° au-dessus de l’horizon Sud-Ouest.

2.    Une heure et dix minutes plus tard, à 15h27mn42s, à 39° au-dessus de l’horizon, la Lune recouvrira entièrement le Soleil sous une spectaculaire couronne magnétique, laissant apparaître Saturne et Mars à l’horizon, Vénus sous le Soleil et Jupiter et Mercure au dessus du Soleil. La vitesse de l’ombre au sol (240 km de longueur et 173 km de largeur) sera de 4400 km/h. 

Protubérances et chromosphère lors de l'éclipse totale du Soleil en Lybie, le 26 mars 2006

Protubérances et chromosphère lors de l'éclipse totale du Soleil en Lybie, le 26 mars 2006

3.    3 minutes et 26 secondes plus tard, à 15h31mn08s, la Lune commencera à se dégager de la surface solaire et le jour reviendra.

4.    Enfin, à 16h38mn15s, la Lune aura totalement cessé d’occulter le Soleil qui se couchera à 19h25mn.

Prévisions météorologiques sur le Québec, 7 jours avant l'éclipse totale de Soleil

Prévisions météorologiques sur le Québec, 7 jours avant l'éclipse totale de Soleil

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Rédigé par David

Publié dans #Astres, #Eclipse

Publié le 13 Février 2024

‘Sein oder Nichtsein’
Récital du 12 février 2024
Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet

Johannes Brahms      Fünf Lieder der Ophelia WoO 22 (1873)
                                  Sech Lieder op.97/1 Nachtigall (1885)
Felix Mendelssohn    Sech Lieder op.71/4 Schilflied (1842)
Hugo Wolf                Mörike Lieder No. 42 Erstes Liebeslied eines Mädchens (1888)
Arthur Honegger      Trois chansons extraites de La Petite Sirène de Hans Christian Andersen (1926)
Franz Schubert         Rosamunde D 797 - Romanze ‘Der Vollmond strahlt auf Bergeshöh'n’ (1823)
Richard Strauss        Drei Lieder der Ophelia op. 67 (1918)
Kurt Weill                Das Berliner Requiem - Die Ballade vom ertrunkenen Mädchen (1928)
Robert Schumann    Sechs Gesänge op.107/1 Herzeleid (1851)
Hector Berlioz         Tristia op.18/2 La mort d'Ophélie (1842)
Franz Schubert        Der Tod und das Mädchen, opus 7 no 3, D.531 (1817)
John Dowland         Sorrow, Stay (1600)
Lecture de textes de William Shakespeare, Georg Heym, Heiner Müller & Georg Trakl

Bis       Kurt Weill    L'Opéra de Quat'sous, Liebeslied (1928)

Soprano Anna Prohaska
Voix Lars Eidinger
Piano Eric Schneider

A l’occasion des 400 ans de la mort de William Shakespeare, la soprano Anna Prohaska, l’acteur berlinois Lars Eidinger et le pianiste Eric Schneider ont donné à la salle Mozart de l’'Alte Oper’ de Frankfurt, le 01 décembre 2016, un concert en hommage au dramaturge anglais, élaboré à partir d’un programme regroupant des mélodies de différents compositeurs dédiées à la figure féminine d’Ophélie.

Eric Schneider, Lars Eidinger et Anna Prohaska

Eric Schneider, Lars Eidinger et Anna Prohaska

Depuis, ce récital a été repris dans plusieurs villes allemandes telles Potsdam et Dresde, et c’est le Théâtre de l’Athénée qui offre l’opportunité de l’entendre à Paris, quasiment à l’identique, moyennant un léger arrangement : ‘Mädchenlied’, le 6e des ‘Sieben Lieder’ op. 95 de Brahms, et ‘Am See’ D746 de Schubert ne sont pas repris, mais une ballade de Kurt Weill ‘Die Ballade vom ertrunkenen Mädchen’, extraite de son 'Requiem Berlinois', un texte sur la guerre, est ajoutée et chantée par Lars Eidinger qui alterne voix basse et voix de tête détimbrée pour en exprimer sa sensibilité.

Eric Schneider et Anna Prohaska

Eric Schneider et Anna Prohaska

Au total, dix compositeurs de John Dowland, contemporain de Shakespeare, à Kurt Weill, en passant par Brahms, Schubert, Mendelssohn, Wolf ou Strauss, sont réunis pour faire vivre la folie de l'âme doucereusement mélancolique de celle qui ne put épouser le Prince Hamlet

Les textes évoquent la quiétude d’eaux sombres dans une atmosphère nocturne, et Anna Prohaska les chante en ne sollicitant que sa tessiture aiguë, souple à la clarté âpre, évoquant ainsi une forme de plénitude à la recherche du visage de la mort, son corps semblant onduler à la faveur des ondes d’un lac imaginaire.

Anna Prohaska et Lars Eidinger

Anna Prohaska et Lars Eidinger

Dans les chansons extraites de ‘La Petite Sirène’ d’Arthur Honegger, sa prosodie est impeccablement nette, et cette forme de joie funèbre se trouve confortée par la charge qu’imprime Eric Schneider au toucher de son piano, tout le long du récital, un son dense, vibrant profondément, le poids de chaque note semblant méticuleusement calculé et appuyé en résonance avec les mots.

Au creux de l’atmosphère de ce lundi soir, pratiquement dénuée de la moindre toux, seuls quelques craquements de sièges signalent la présence des auditeurs, et le regard intériorisé de Lars Eidinger, lui qui peut être des plus exubérants, est ici au service de textes de Shakespeare, un de ses auteurs de prédilection, qu’il incarne dans un esprit totalement recueilli.

Lars Eidinger, Anna Prohaska et Eric Schneider

Lars Eidinger, Anna Prohaska et Eric Schneider

Et en bis, Anna Prohaska et Lars Eidinger entonnent le 'Liebeslied' de l''Opéra de Quat'sous' de Kurt Weill, pour offrir une image finale plus heureuse.

En à pleine plus d’une heure, on se serait cru à une soirée musicale à Berlin ou Munich, se laissant aller avec joie à la sérénité de sentiments noirs, poétisés magnifiquement par trois artistes d’une sincère humilité.

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Publié le 10 Février 2024

Beatrice di Tenda (Vincenzo Bellini – La Fenice de Venise, le 16 mars 1833)
Répétition générale du 03 février et représentations du 09 février et 07 mars 2024
Opéra Bastille

Beatrice di Tenda Tamara Wilson
Filippo Visconti Quinn Kelsey
Agnese del Maino Theresa Kronthaler
Orombello Pene Pati
Anichino Amitai Pati
Rizzardo del Maino Taesung Lee

Direction musicale Mark Wigglesworth
Mise en scène Peter Sellars (2024)

Nouvelle production et Entrée au répertoire
Coproduction avec le Gran Teatre del Liceu, Barcelone

Avec le soutien exceptionnel de Howard & Sarah D.Solomon Foundation - En hommage à Gerard Mortier
 

Retransmission en direct le jeudi 15 février 2024 sur la plateforme de l'Opéra national de Paris, Paris Opera Play
Diffusion sur France Musique le samedi 05 avril 2024 à 20h dans l'émission 'Samedi à l'opéra' présentée par Judith Chaine

Obsédé depuis 25 ans par ‘Beatrice di Tenda’, Peter Sellars a enfin l’occasion de monter l’avant-dernier opéra de Vincenzo Bellini composé pour Venise en 1833, deux ans avant ‘I Puritani’

Le compositeur cherchait à ouvrir le langage musical à travers cet ouvrage qui parle de la brutalité des dictatures, un sujet ô combien d’actualité.

L’œuvre connut sa première parisienne le 08 février 1841, au Théâtre des Italien installé à ce moment-là à la salle Ventadour, théâtre de 1500 places situé aujourd’hui à 500m du Palais Garnier, mais n’avait jamais été jouée jusqu’à présent à l’Opéra de Paris.

Quinn Kelsey (Filippo Visconti) et Tamara Wilson (Beatrice di Tenda)

Quinn Kelsey (Filippo Visconti) et Tamara Wilson (Beatrice di Tenda)

Le livret relate fidèlement les évènements tragiques qui amenèrent Béatrice Lascaris de Tende, épouse du duc de Milan, Filippo Maria Visconti, à être accusée d’adultère par ce dernier qui était en fait épris d’une autre femme. La jeune aristocrate sera alors emprisonnée, torturée et décapitée le 13 septembre 1418.

Raconter cette histoire dans un théâtre à vocation dramaturgique ne relève pas du simple amour pour le belcanto, mais de l'envie d'en montrer la valeur politique malgré une musique et un livret faiblement dramatiques. La volonté de Peter Sellars est d’en faire un manifeste contre la torture, celle-ci restant toujours pratiquée dans le monde, y compris dans certains pays développés, dans les situations où leur sécurité est engagée.

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda)

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda)

Il contextualise cette histoire à travers un décor unique stylisé qui représente un jardin à l’italienne composé de palissades labyrinthiques, d’arbres en forme de cônes et d’arbustes sphériques aux feuillages très finement dentelés qui permettent, par des éclairages intérieurs, de donner une coloration d’ensemble vert malachite, dont on peut soupçonner qu’elle est étudiée pour avoir une influence psychique sur le spectateur.

Les parois de la scène sont également recouvertes de panneaux réfléchissants qui élargissent l’espace naturel lorsque les lumières nocturnes sont en place.

Et en ouverture de seconde partie, les éclairages prennent une teinte rouge grenat afin de suggérer la violence de la scène de jugement qui va suivre, l’arrière scène représentant un environnement architectural froid et brutaliste par des effets de transparence complexes.

Une petite passerelle située latéralement en hauteur sur la droite permet d’isoler certaines scènes, dont le premier échange entre Agnese et Orombello, et de donner au chant un rayonnement plus stellaire.

Quinn Kelsey (Filippo Visconti)

Quinn Kelsey (Filippo Visconti)

Théâtralement, l’action reste minimaliste, mais les poses des artistes sont signifiantes et contrastées – l’ordonnancement des choristes se fait vers la scène, et non vers la salle, et malgré leur haine réciproque, Filippo et Beatrice se retrouvent pour un temps dans les bras l’un de l’autre  -, et il y a surtout une volonté de mettre en relief le sort de Beatrice et Orombello, dont rien n’est montré des actes de tortures qu’ils subissent, sinon, en avant scène, le résultat physique et réaliste des dégradations sur leurs corps.

L’horreur vient donc se confronter à la douce harmonie des lignes musicales afin de créer une dissonance de perceptions visuelle et auditive chez le spectateur.

Anecdotiquement, des figurants effectuent des gestes en apparence anodins, réglage d’une caméra de surveillance, coupe au sécateur des haies, nettoyage des parois, et enfin creusement dans le sol, gestes que n’importe quel quidam pourrait effectuer pour accompagner un acte de torture, jusqu’au nettoiement et enterrement des preuves.

Theresa Kronthaler (Agnese del Maino) et Pene Pati (Orombello)

Theresa Kronthaler (Agnese del Maino) et Pene Pati (Orombello)

Pour incarner la confrontation entre les deux aristocrates de Milan, ce sont deux artistes habitués à des rôles de compositeurs postérieurs à Bellini, de plus grandes capacités expressives, qui sont réunis.

Huit ans après ses débuts à Bastille en Rigoletto, Quinn Kelsey est de retour à Paris depuis la naissance de sa fille. Il fait vivre les torpeurs de Filippo avec un mélange séduisant d’inflexibilité et de velours malgré la monstruosité de son personnage.

C’est très troublant à entendre car, à l’écoute du baryton hawaïen, on ne peut s’empêcher de croire que ce Duc odieux pourrait se raviser. Mais non, la grande résonance humaine de son timbre de voix ne change rien à l’issue réservée à Beatrice.

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda)

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda)

Celle-ci est interprétée par Tamara Wilson qui était, il y a encore quelques mois, une impressionnante Turandot sur cette scène. Cette fois, les lignes belliniennes lui permettent d’exprimer une véritable sensibilité, d’éprouver des nuances piano, de maîtriser la finesse de ses aigus, mais aussi de laisser libre cours à des exaltations d’une grande intensité. 

Elle utilise son timbre vitraillé comme une lame qu’elle assouplit à volonté, tout en ayant une capacité à forger subitement une vrille d’une véritable pureté de glace à l’effet saisissant.

Le public en sera très impressionné et lui réservera, au final, un accueil dithyrambique.

Début de l'acte II : chœur des Demoiselles et Courtisans

Début de l'acte II : chœur des Demoiselles et Courtisans

Son amoureux, Orombello, est porté par un Pene Pati en pleine forme, magnifique de coulant vocal avec des teintes de couleur crème très variées, sombrement ambrées et parcellées d’éclats solaires, qui se mêlent à une sensualité de toute beauté. Son dernier soupir ‘Angiol di pace’, chanté depuis les coulisses, est d’ailleurs une merveille d’élégie. 

On retrouve ces mêmes qualités de flexibilité et de toucher chez son frère, Amitai Pati, qui fait vivre avec détermination le rôle plus court d’Anichino, l’ami d’Orombello.

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda) et Pene Pati (Orombello)

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda) et Pene Pati (Orombello)

Personnage trouble et triste qui tente de se raviser à la fin, Agnese del Maino trouve aussi à travers la voix de Theresa Kronthaler une fraîcheur aux lignes très maîtrisées avec de charmantes fluctuations de timbre, sa première mélodie étant un pur ravissement avant que ne se révèle la nature complotiste d’une femme trop jalouse.

Et Taesung Lee, ténor faisant partie du chœur, brille aussi en Rizzardo del Maino, style clair, franc et posé.

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda) et Quinn Kelsey (Filippo Visconti)

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda) et Quinn Kelsey (Filippo Visconti)

Un autre des grands plaisirs de la soirée est la cohésion du chœur scindé en deux parties équilibrées, féminine et masculine, qui se répondent à plusieurs reprises dans la scène sentencielle, avec un legato et une unité de style qui ne cherche pas l’effet trop forcé, et dieu sait si Ching-Lien Wu, la cheffe de chœur, peut avoir tendance à les massifier.

Dans ce répertoire, la touche est plus nuancée, et le positionnement des chœurs en frontal du haut du second balcon, lors de la seconde phase du jugement, permet d’entendre un bel effet de spatialisation d’ensemble bien réglé sur la direction du chef d’orchestre Mark Wigglesworth.

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda)

Tamara Wilson (Beatrice di Tenda)

Ce dernier accorde constamment du soin à la fluidité des lignes et la clarté du tissu orchestral, les déliés des motifs solo étant toujours très mélodieux, mais il amortit moins les coups d’éclats de l’orchestration un peu trop dominés par les percussions.

Quinn Kelsey, Tamara Wilson, Pene Pati et Theresa Kronthaler

Quinn Kelsey, Tamara Wilson, Pene Pati et Theresa Kronthaler

Le très grand succès de cette première, donnée en l’absence de Peter Sellars retenu pour raison familiale - il ne reviendra qu'à la dernière représentation en spectateur -, mais qui était bien présent parmi le public à la dernière répétition avec son naturel enjoué qu’on lui connaît bien, s’est accompagné d’une vibrante ovation et de multiples rappels en hommage aux artistes et à une production qui cherche à sensibiliser sur l’essentiel sans surcharger inutilement.

Amitai Pati, Pene Pati, Tamara Wilson, Mark Wigglesworth, Ching-Lien Wu, Quinn Kelsey, Theresa Kronthaler et Taesung Lee

Amitai Pati, Pene Pati, Tamara Wilson, Mark Wigglesworth, Ching-Lien Wu, Quinn Kelsey, Theresa Kronthaler et Taesung Lee

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